III. TYPE D'INTERACTIONS GLISSEMENTS/FLUIDES
Les glissements de terrains sous-marins sont souvent
causés par la circulation des fluides
(hydrates de gaz) suite à une surpression. On distingue au
moins trois types d'interactions :
- Les hydrates de gaz déterminent les
propriétés physiques des sédiments qui les renferment : en
réduisant la perméabilité des sédiments, ils
facilitent le piégeage des hydrocarbures (en particulier des gaz) dans
les niveaux sédimentaires sous-jacents (Les méthanes dans
l'océan, Pour la science, N° 264, pp 86) : surpression de
fluides; et cette fragilisation mécanique des terrains induit des
risques de glissement sous-marins. D'une manière générale,
la combinaison de circulation de fluides et niveaux imperméables est
très favorable au déclenchement de glissement (Cobbold et al.,
2004).
- D'autre part, la dissociation des hydrates peut être
déclenchée par le réchauffement du climat terrestre, ce
qui, de nos jours, joue un rôle très important dans le
problème de la stabilité des pentes continentales. Les
changements de phaseet de volume des
sédiments contenant des hydrates faciliteraient le
déclenchement de glissements généralisés de la
pente continentale ;
- Enfin, les sédiments apportés du continent
déstabilisent parfois les pentes et provoquent des glissements de
terrain sous-marins ou d'importants effondrements. Ces surcharges induisent
alors une modification des conditions de pression et température du
milieu et peuvent générer la dissociation des hydrates de gaz. Le
glissement de storegga est typiquement un glissement dont l'origine est
attribuée à la présence d'hydrates de gaz.
L'un des glissements les plus spectaculaires identifié
en relation avec des sorties de fluides a eu lieu au large de Norvège il
y a 8000 ans. 5580 Km3 de sédiments ont glissé sur une
distance de 800 km environ (Bugge, 1983 ; Bouriak et al., 2000), du bord
supérieur du talus continental jusqu'au bassin norvégien, formant
l'avalanche sous-marine de Storegga, au large de la Norvège (fig. 12a).
Ce glissement, qui a dû provoquer des raz de marée
dévastateurs, a probablement été déclenché
par des hydrates de gaz accumulés à des profondeurs comprises
entre 400 et 1500 m (Mienert et al., 2005 ; H. Nouzé et al., 2004). A ce
jour, huit glissements récents, qui auraient fonctionné de
façon retrogressive et sur une courte durée (quelques heures),
ont été identifiés, alors que le glissement principal de
storegga a été daté à 7250-7300 ans, des datations
récentes sur le flanc nord ont fait état de glissement à
5000 #177;300 ans, ce qui pose la question du risque actuel
d'instabilité de cette zone (Haflidation et al., 2003).
Le glissement de Storegga a fait l'objet d'une étude
lors de la campagne Hydratech sur le N/O Le Suroît permettant d'imager en
détail l'extension et les propriétés du BSR, les
structures d'échappement de fluides et les déformations
sédimentaires. La combinaison des différentes données
acquises lors de cette campagne ainsi que leur qualité permet de mieux
comprendre les interactions encore mal contraintes entre fluides, hydrates de
gaz et glissement (H. Nouzé et al., 2004).
Figure 12: Localisation du glissement de
Storegga (a) et le profil sismique 2D
(b) sur le flanc septentrional (source : Ifremer)
Le profil sismique (fig. 12b) montre des zones
séparées latéralement caractérisées par la
présence des BSR localisés au niveau de la pente du plateau
Vøring qui se trouve au nord du glissement de Storegga. L'analyse des
données sismiques montre que ces réflecteurs représentent
la base du domaine de la stabilité locale des hydrates de gaz (H.
Nouzé et al., 2004). Donc une modification des propriétés
mécaniques de cette base aurait des conséquences sur le
comportement mécanique des sédiments du dessus.
La présence des hydrates de gaz dans le plateau de
Vøring et leur possible rapport avec le déclenchement du
glissement de Storegga a été un sujet discussion. Selon T. Bugge,
ce glissement a été déclenché
éventuellement par un tremblement de terre avec une possible
libération des gaz suite à une
décomposition des hydrates de gaz (Bugge et al., 1987). Pour J. Mienert,
il faut ajouter, en plus du changement climatique, un rechargement en
sédiments qui a exercé une forte pression (Mienert et al.,
1998).
Lors de la campagne Hydratech sur le N/O « Le
Suroît », de nombreuses structures subcirculaires ont
été mises en évidences. La plupart de ces structures sont
des pockmarks. On peut observer des structures en dômes, mais celles-ci
sont rares. Elles sont corrélées à des zones verticales
(cheminées) sur les profils de sondeur de sédiments (fig. 13) et
sur le profil sismique. Sur ce profil on voit que les réflecteurs sont
interrompus le long des cheminées. Donc on peut dire que le changement
climatique favorise une accumulation des gaz, induisant une surpression qui
pourra fragiliser les sédiments.
Figure 13: Un profil sismique montrant les
chéminées de gaz (zones verticales) au niveau du haut de la
pente du plateau de Vøring. (Bouriak et al., 2000)
Chapitre 2 : Présentation régionale et données
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