B-1.3 Canaux tributaires aux finances publiques
Divisés entre pays exportateurs de pétrole et
pays importateurs du pétrole, les pays africains ont été
affectés différemment par la chute du prix du pétrole.
Alors que les pays exportateurs de pétrole ont vu leurs recettes
d'exportation chuter drastiquement, les pays importateurs de pétrole ont
vu leurs factures pétrolières baisser significativement.
Cependant, principalement à cause de la chute des cours et de la demande
des autres produits de base, les recettes des gouvernements ne couvriront pas
leurs dépenses en 2009 dans aucun des deux groupes de pays comme le
montre la figure B.6.
Figure B.6 : Déficit
budgétaire

Source : FMI (Octobre 2008 b)
Des déficits budgétaires importants vont
être observés dans le groupe des pays exportateurs de
pétrole en 2009 après des excédents enregistrés
depuis 2007. Ces déficits importants risquent d'annuler progressivement
les réserves de devises accumulées pendant la période du
boom du prix de pétrole, d'autant qu'elles ont déjà en
partie été érodées suite à la crise
alimentaire de 2007/2008. Dans le groupe de pays importateurs de
pétrole, on assiste à une légère augmentation du
déficit budgétaire qui pourrait s'expliquer par le fait que ces
pays exportent principalement des produits de base (café, cacao, coton,
métaux, etc.) dont l'effet de la chute des prix l'aurait emporté
sur celui de la chute du prix de pétrole (importé).
En résumé, la diminution des recettes va
créer des déficits plus importants, ce qui affectera les finances
publiques. Ainsi, la crise pourrait se traduire par une augmentation
substantielle des déficits publics.
B-2. L'Afrique face à la crise et les perspectives
d'avenir
Il ressort des analyses effectuées que la crise
financière internationale n'épargnera pas la plupart des
économies d'Afrique sub-saharienne. Nous avons mis en évidence
plusieurs canaux de transmission de la crise aux économies africaines,
la plupart d'entre eux pouvant coexister pour amplifier la crise dans ces
économies. Certains de ces canaux sont la conséquence de la
faiblesse des économies africaines, notamment à assurer un
système bancaire relativement indépendant des grandes banques
européennes et américaines, à diversifier leurs
exportations ou à mobiliser une épargne locale suffisante pour
financer leur déficit courant.
Pour le moment, les canaux de transmission qui se manifestent
le plus sont ceux liés à l'économie réelle. Il
s'agit de la baisse des cours et de la demande des produits d'exportation.
Philippe-Henri DACOURY-TABLEY, le gouverneur de la Banque Centrale des Etats
d'Afrique de l'Ouest (ou BCEAO) estime que 24 pays africains prévoient
déjà une baisse de
leurs exportations14. C'est par exemple le cas du
Cameroun où la crise financière affecte déjà
certains secteurs de l'économie dont les produits d'exportation: le
bois, l'aluminium, le coton, le caoutchouc, la banane, etc. Concernant
spécifiquement le bois, le Syndicat des exploitants forestiers du
Cameroun constatait qu'en octobre 2008, 30% des commandes faites par les
Européens et les Américains étaient annulées (B.
ENDONG, 2009)15. Nous y reviendrons dans la prochaine partie qui
porte sur l'étude du cas du Cameroun. Cette forme de transmission de la
crise aux pays africains risque d'amplifier les déséquilibres
macroéconomiques, et le risque du retour de l'endettement, au moment
où la plupart de ces pays croyaient en sortir grâce à
l'annulation ou à la remise de leur dette.
Au vu des risques mentionnés ci-dessus qui
pèsent sur l'Afrique, il y a donc l'urgence de se poser la question
fondamentale suivante: quelle est la situation réelle dans les
économies africaines et comment s'organisent-elles? Autrement dit :
· Quelles sont les manifestations de la crise dans ces
économies?
· Ont-elles des moyens suffisants pour faire face
à la crise? Par exemple, les gouvernements seront-ils en mesure
d'injecter les liquidités dans le système bancaire ou dans le
secteur de l'économie réelle pour limiter les effets de la
crise?
· Si non, quelles sont les coordinations possibles à
effectuer pour faire face à cette crise? Et à quel niveau?
Des réponses générales à ces
questions ne pouvant être apportées, nous nous proposons
d'étudier le cas du Cameroun, pays d'Afrique centrale, ayant atteint
récemment le « Point d'Achèvement » de l'Initiative
Pays Pauvre Très Endetté (ou Initiative PPTE).
14 Voir :
http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20081205T183752Z/Index_Dossiers
15 Voir :
http://www.lanouvelleexpression.info/index.php?option=com_content&view=article&id=4062:crisefinanciere--six-secteurs-deja-affectes-au-cameroun&catid=36:economie&Itemid=53
Partie II : Une analyse du cas d'un pays
émergent d'Afrique subsaharienne : Le Cameroun
Cette partie sera essentiellement consacrée à
l'analyse de l'impact de la crise financière internationale sur
l'économie camerounaise et à la formulation de quelques
recommandations. L'étude des principaux canaux susceptibles de
transmettre la crise aux pays africains abordés dans la première
partie constituera notre cadre d'analyse de base. Avant d'aborder cette
analyse, nous allons d'abord présenter succinctement le Cameroun
à l'aide de quelques indicateurs socio-économiques.
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