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Syndrome de la guerre : lorsque le psychisme ne cesse de rappeler

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par Shqipe BUJUPI
Institut libre Marie Haps - Assistante en psychologie 2005
  

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15. Le deuil traumatique

« Comment grandir sans parents, et comment garder vivant le souvenir de parents que, non seulement l'on n'a pas connus, mais qui sont morts atrocement et ont disparu sans laisser de traces ? Comment faire le deuil quand il n'y a pas eu rituel funéraire ? Comment vivre avec l'insupportable de la mort atroce, ... »130(*)

a. Deuil compliqué 

La nature des guerres en Afrique, dans les Balkans est porteuse de scénarios traumatogènes pour les survivants. La population s'est confrontée à des atrocités extrêmes. Ils ont vu la mort et ont vu la mort de leurs proches. Les victimes sont souvent exécutées d'une manière barbare : elles ont pu être mutilées, brûlées vives, décapitées, etc. devant leurs proches. Beaucoup de survivants ont perdu leurs biens personnels. Ils sont devenus des réfugiés forcés ou vivent dans des zones « d'après guerre », dans le strict minimum ou sans rien. Leur nouvelle vie est alourdie par la perte d'êtres chers, les séparations, les pertes matérielles. Ainsi, le concept de deuil ne s'applique plus seulement aux personnes aimées mais également aux avoirs perdus.

Dans ces circonstances le tableau clinique se complexifie encore plus car les personnes se trouvent à la fois endeuillées et traumatisées (avoir manqué de mourir d'une part et perdu des proches de l'autre) et le deuil à faire devient compliqué131(*). La sémiologie du deuil traumatique132(* est double. Elle englobe les signes caractéristiques de l'état de deuil et un syndrome psychotraumatique. Sa définition d'après M. Grappe est : « une réaction des proches du défunt, « le cercle du deuil », touchés par la perte et traumatisés par les circonstances de survenue de la mort : événement tragique, brutal, difficile à accepter, même si la mort est une des facettes communes de la guerre. »133(*)

b. Deuil impossible  

Les disparitions consécutives à un enlèvement par la force dans un état de guerre sont aussi une arme de guerre qui inflige une torture morale. « Un autre effet traumatique fut de ne rien savoir sur le destin du disparu. Cette ignorance créait un vide, un vide de représentation et de douleur insupportable, qui toucha non seulement les parents du disparu mais l'ensemble de la population »134(*).

« Il y a peu de torture morale plus cruelle que celle qui est liée à l'incertitude »135(*).

Simone de Beauvoir décrit la disparition d'un jeune juif ami pendant la guerre comme suit : « Chaque matin, lorsque j'ouvrais les yeux, je volais le monde. Le pire, c'est que je ne volais à personne...Personne ; et nulle part cette absence ne s'incarnait ; pas de tombe, pas de cadavre, pas un os. Comme si rien, absolument, n'avait eu lieu »136(*)

 

A. Houballah137(*) nous dit que pour pouvoir amorcer le processus de deuil le dernier regard qu'on jette sur l'être chère décédé est déterminant. Faute de ce dernier regard, les proches d'un sujet disparu sont parfois dans l'incapacité de faire leur deuil et peuvent s'installer dans un interminable processus de deuil pathologique.

b.1 Le travail de deuil

Selon R. Kavanaug138(*), dans des conditions habituelles, le travail de deuil passe par certaines étapes :

· La première phase est celle de choc. Le sujet entre dans le déni de la réalité qui s'accompagne de crises de larmes, colères, agitation, ou au contraire d'abattement.

· Lors de la deuxième phase, le sujet est submergé par un sentiment de culpabilité. Il s'auto-accuse de n'avoir pas bien aimé, de n'avoir pas assez fait pour retarder ou empêcher la mort. Il exprime de l'auto-agressivité.

· L'étape centrale du deuil est la dépression. La douleur morale est intense. Le désintérêt, l'apathie, la perte de désir sont présents. Au cours de cette période le sentiment de solitude et d'abandon sont le plus accentués. Au cours de nombreux mois le sujet va progressivement se détacher et va pouvoir aborder la quatrième période.

· La quatrième période est marquée par la fin du deuil. On l'appelle la phase d'adaptation (désinvestissement de la libido de l'objet) et le sujet peut se tourner vers l'avenir.

M-P. Le Court139(*), nous dit que quand il s'agit de `disparitions', les proches de la victime se trouvent dans l'impossibilité d'accéder à la phase centrale du travail de deuil en raison de l'absence de statut du disparu qui n'est ni mort ni vivant. Cette impossibilité d'entrer dans cette phase engendre des nombreuses conséquences. Ne pouvant trouver le corps, donc, de l'inscrire dans le statut de vivant ou de mort, les proches du disparu restent fixés dans la première phase c'est-à-dire dans le déni de la réalité. Cette conséquence ne permet pas de faire le deuil et ainsi se retourner vers le désir.

En voyant la complexité de ces situations de guerre, conflits, etc., certains auteurs mettent en doute les outils diagnostiqués de ESPT pour évaluer les implores psychiques.

« Certains demandeurs d'asile ont été exposés à des souffrances dramatiques et extrêmes. Nous ne pensons pas que nos outils usuels, comme le concept d'Etat de stress post-traumatique, soient adaptés à ces cas : en raison de la gravité des trauma subis, souvent sous-tendus par une cruauté extrême »140(*).

* 130 Jacques, P. (mai 2001). La survivance : Trauma e culture. www.pinel.qcca/psychiatrie_violence

* 131Un deuil « compliqué » est quand la perte est reconnue mais les manifestations ne sont pas adaptées (excessives ou absentes).

* 132 Définition de deuil : « Etat de perte d'un être cher s'accompagnant de détresse et de douleur morale, pouvant entraîner une véritable réaction dépressive et nécessitant un travail intrapsychique, dit `travail de deuil' (S. Freud), pour être surmonté » Grand Dictionnaire de la Psychologie (2000). Larousse.

* 133Grappe, M. (2003). Le deuil traumatique. In Lachal C., Ouss-Ryngaert L., Moro M.-R. et al. Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod, Page 177

* 134 Marta Lyda l'hoste. (2004). Le terrorisme d'État: vicissitudes de la souffrance psychique et des institutions psychanalytiques. 2004. filigrane. Revu de psychanalyse. rsmq.cam.org/filigrane/archives/terroris.htm

* 135 Le Court, M-P. (29-30 janvier 1999). Torture morale, mort sans sépulture PsyFrSp99c

* 136 Ibidem.

* 137 Houballah, A. (1998). Le destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page 222

* 138 Brenot, J-L. & Diebold, G. (2005). Traumatisme, stress et transformation. PsyFrSp99c

* 139 Ibidem

* 140 Le Journal International De Victimologie Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France. http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe