Haute École Leonard de Vinci
Institut Libre Marie Haps
Bruxelles
Sous le patronage de l'Université Catholique de
Louvain
SYNDROME DE LA GUERRE :
LORSQUE LE PSYCHISME NE CESSE DE
RAPPELER....
Mémorante : Shqipe Bujupi
Promoteur : Mr. Eric Pierrard
Mémoire remis dans le cadre de l'obtention
du Diplôme d'Assistante en psychologie
Année Académique 2004-2005
TABLE DES
MATIERES
Partie théorique
Avant-propos
Introduction générale
Préliminaire : L'homme et la
guerre
Chapitre I : Kosovo : une brève
histoire
1. Introduction
2. L'antiquité
3. La transmigration slave vers les Balkans
4. La domination ottomane
5. La Serbie et la Yougoslavie
6. Les manifestations de 81
7. L'abolition de l'autonomie et l'apartheid
kosovar
8. Le conflit armé de 1998-1999
Chapitre II : Le traumatisme psychique : voyage au
bout de l'enfer
1. La conception de Freud
2. Les conceptions contemporaines
3. La répétition dans le traumatisme et ses
corollaires
a. L'hypermnésie et l'amnésie dans le
traumatisme
b. Clivage et déni
c. Comment peut-on avoir mal à la
mémoire ?
d. L'effroi, la peur et l'angoisse
Chapitre III : Les victimes et les facteurs en
cause
1. Qui peut être victime ?
2. Les facteurs
a. Les facteurs externes
1b.3 Les polytraumatismes de guerre
b. Les facteurs internes
b.1 Trois sortes de
vulnérabilités
Chapitre IV : Les répercussions sur le
sujet
1. Le viol et la torture comme instruments de
guerre
a. Le viol
b. La torture
2b.3 Les méthodes du tortionnaire
2. Chez l'enfant
3. Vivre en société
4. Et les réfugiés ?
5. Deuil traumatique
a. Deuil compliqué
b. Deuil impossible
3b.3 Le travail de deuil
Chapitre V : Le syndrome
psychotraumatique
1. Le syndrome de répétition
2. Les symptômes non-spécifiques
3. La personnalité traumato-névrotique
(Modification de la personnalité)
Chapitre VI : La prise en charge de la
victime
1. L'intervention immédiate
2. L'intervention post-immédiate
3. La prise en charge à long terme
a. Le problème de la demande
b. Pour des vécus spécifiques - traitement
spécifiques
b.1 La neutralité ou la reconnaissance de la
souffrance
b.2 Le silence
b.3 La culpabilité
c. Différentes types d'approches
c.1 La thérapie
cognitivo-comportementale
c.2 La psychanalyse
c.3 La méthode cathartique
c.4 L'ethnopsychiatrie
c.5 Désensibilisation et reprogrammation par des
mouvements oculaires
4. Le soutien social
5. La réparation
Conclusion de la partie théorique
Conclusion ?
Partie pratique
INTRODUCTION GENERALE
Combien de fois n'avons-nous pas entendu et même
utilisé « j'en suis » ou « il en est
traumatisé » sans comprendre clairement ce terme et les
bouleversements profonds qui peuvent affecter les sujets. Un stage
effectué à Exil nous a permis de nous intéresser et
d'éclairer cette notion, notamment les traumatismes de guerre et les
séquelles qui en résultent.
L'objet de notre sujet de mémoire est une
réflexion sur les traumatismes de guerre, particulièrement de la
guerre au Kosovo.
La guerre est une des plus grandes épreuves
infligée à tout un peuple. Ces ravages causent des souffrances
énormes dans la population. Dans le cas des victimes de guerre, par
opposition à celles en temps de paix, les événements
traumatogènes sont multiples et fréquentes. Les symptômes
principaux en sont les reviviscences. La question principale que nous avons
choisie de développer est : par quel processus, par quels
mécanismes psychiques les épisodes douloureux de l'histoire de
ces sujets traumatisés reviennent dans leur conscience contre leur
volonté ?
En aucun cas nous ne prétendons que nous avons
déchiffré finement ce trouble car nous trouvons que la
mémoire traumatique est extrêmement complexe à l'instar de
la notion même de traumatisme.
Nous avons commencé notre travail par une brève
description, sous une forme préliminaire : Destruction et
autodestruction de l'homme dans à la guerre.
Ensuite, nous avons essayé de décrire, les
grandes lignes, de l'histoire du Kosovo, afin de pouvoir comprendre le sens de
la guerre dans ce pays.
Dès l'ouverture du deuxième chapitre nous nous
pencherons sur les traumatismes. C'est-à-dire, nous étudierons la
perception de différents auteurs. Qu'en est-il de leur notion de
traumatisme, de son étiologie et des types de traumatisme ? Nous
nous attarderons un peu plus sur les mécanismes psychiques de
reviviscence et les principaux mécanismes de défense qu'un sujet
traumatisé met en place pour s'en protéger.
Ne pouvant pas englober totalement ce sujet qui s'avère
complexe, nous avons focalisé notre attention sur les souffrances
indicibles induites par des actes de destruction délibérée
notamment la torture et le viol. Nous approcherons l'intentionnalité du
tortionnaire. Comment arrive-t-on à détruire psychiquement une
personne, et à travers elle peut-être sa famille, sa
communauté ? De quels types de souffrance s'agit-il ? Quelles
sont les transformations psychiques induites chez la victime ? Comment
sont-elles exprimées par la victime, par quels types de
symptômes ?
Les victimes de guerre sont également celles qui
perdent aussi leurs proches, cela complexifie le tableau clinique du syndrome
psychotraumatique. Nous avons aussi abordé le deuil traumatique repris
par la sémiologie du deuil et d'Etat de Stress Post Traumatique.
Le sujet traumatisé est touché aussi dans son
territoire social. Nous aborderons les difficultés de
l'intégration au sociale. Ce social est-il prêt à
accueillir, à le recueillir ?
Cependant, les traumatismes ne touchent pas seulement les
adultes mais également les enfants. Très brièvement nous
en présentons les répercussions spécifiques.
Au cours de notre recherche, un phénomène
imprévu est apparu : la souffrance spécifique des
réfugiés. Ne souffrent-il pas d'une sorte de victimisation
secondaire ?
Ensuite, nous présenterons les symptômes du
syndrome psychotraumatique repris dans le tableau clinique français.
Nous avons décidé de nous appuyer sur ce tableau parce que nous
pensons que sa représentation est plus complète tant au niveau
des symptômes que du vécu de la victime. Néanmoins, nous
présenterons aussi les critères du DSM IV qui permettent de poser
le diagnostic d'ESPT.
Nous terminerons la partie théorique avec la prise en
charge de la victime, les différents types de thérapies
préconisées par les spécialistes, et le rôle du
soutien social. Par quel soutien social la victime doit-elle être
soutenue ?
Pour la partie pratique, nous avons rencontré
différents professionnels travaillant avec une population de
traumatismes de guerre. Nous avons réalisé des entretiens sur
leurs lieux de travail. Ces différents entretiens répondront-il
à notre hypothèse de départ ?
Préliminaire : L'homme et la
guerre
« Les siècles passent, mais hélas
le malheur des hommes, les guerres, les tortures, la persécution
politique, les génocides et autres violences collectives
perdurent »1(*).
Dans une situation de guerre, ce que nous voyons se pratiquer
par l'homme ce sont des actes de destruction
délibérée. Personne n'y échappe, adulte ou
enfant. Nous sommes incapables de réaliser jusqu'à quel point
l'homme peut courir à sa propre destructivité, à sa
désintégration en tant qu'être humain : des enfants
décapités, des seins coupés, des viols, des yeux
percés, et on peut donner des exemples interminables de ces
cruautés pour confirmer que l'impensable peut devenir
réalité : oui l'humain peut devenir inhumain.
C'était une « sale guerre », dit la
population kosovars, car leur arsenal de combat est fait de massacres,
d'exécutions, de tortures, de viols, etc. sur les civils.
« Ce sont des hommes qui construisent les ponts,
et des hommes aussi qui les détruisent. Les ponts... liens entre deux
rives, qui réunissent des mondes clos qui s'ignorent, ou des mondes
métissés qui s'envient ; ils ouvrent à des rencontres mais
peuvent aussi être attaqués pour s'approprier des territoires ou
séparer des communautés. Métaphore de l'appropriation de
soi par l'autre ou de l'autre par soi, de l'envie et de la haine, de
l'ambiguïté du progrès, de la culture, de la
nécessité de penser ce qui s'échange comme provoquant
aussi de la douleur, et bien d'autres choses encore... » 2(*) (Ismaïl
Kadaré : Le pont aux trois arches).
Tous les auteurs disent que les traumatismes causés par
l'action de l'homme sont bien différents de ceux causés par les
catastrophes naturelles. D'après Günter Seidler
« Les traumatismes d'origine humaine laissent des traces
plus profondes que ceux déclenchés par des catastrophes
naturelles, et ils sont d'ailleurs plus difficiles à traiter. En outre,
nous avons pu observer à la suite du tsunami au Sri Lanka que les
catastrophes naturelles incitent à former des communautés de
destin, que les gens se serrent les coudes, qu'ils « font corps ».
Mais quand l'ennemi ou l'agresseur est un humain, ces liens se déchirent
fréquemment, les personnes touchées sont mises à
l'écart et exclues de la communauté »3(*).
Dans différentes régions du monde, des millions
de meurtres établis, des milliers de disparus, la vie de millions de
personnes affectée par des bouleversements profonds,
irrémédiables, que la guerre provoque. Les traumatismes touchent
ceux qui la subissent et ceux qui la mènent. Il s'agit de vies
blessées dans leur chair et dans leur âme. Le temps semble ne pas
pouvoir effacer les empreintes de ces « blessures
invisibles ». Pour la plupart des victimes, les séquelles sous
forme de PTSD signifient que plus rien ne sera jamais comme avant. À
l'avenir, prisonniers de leur passé, leur vie psychique sera
marquée par une compulsion de répétition dont l'expression
est la reviviscence de l'événement traumatique. Que d'images
d'horreur ont-elles vécues ? Pourquoi ces mêmes images se
réimposent-elles avec force contre leur volonté ?
Chapitre I : Kosovo : une brève
histoire4(*)
« Les Albanais ont été
révélés aux Français par les bombardements de
l'OTAN sur le Kosovo. Pourtant ces inconnus ont une longue histoire. Ils sont
parmi les premiers peuples établis dans les Balkans, ont connu
l'occupation romaine, byzantine, puis la longue présence des Turcs
ottomans jusqu'en 1912 quand les Puissances de l'Europe leur
concédèrent un Etat. Ce dernier ne regroupait d'ailleurs que la
moitié environ des Albanais dont l'autre partie habitant le Kosovo fut
donnée à la Serbie »5(*).
1. Introduction
Le Kosovo est une région de l'Europe du Sud-est au
centre des Balkans avec une position assez attrayante. Le Kosovo est une haute
plaine avec des hauteurs au-dessus de la mer de 500 à 700 m en moyenne,
entourée de montagnes qui vont jusqu'à des hauteurs de plus de
2500 m. Sa géologie et sa géographie expliquent les raisons pour
lesquelles le Kosovo a eu une importance historique. Dans la moitié du
Kosovo se trouve le plus grand trésor minéral de l'Europe du
Sud-Est. Les mines de Trepca (au nord de Pristina) sont les plus grandes mines
de plomb et de zinc de l'Europe. Les mines de Novo Brdo à l'est de
Pristina ont eu une grande importance minière depuis des siècles.
En outre, toutes ces mines ont des réserves d'argent, or, nickel,
charbon...
Sa géographie explique les raisons stratégiques
des conquêtes militaires du Kosovo. A partir du Kosovo beaucoup de
corridors de transport des Balkans peuvent être contrôlés.
Ainsi le Kosovo et la Macédoine au centre des Balkans peuvent bloquer la
plupart des lignes de mouvement entre les différentes parties des
Balkans:la Bosnie, la Grèce, la Serbie, l'Albanie et le
Monténégro sont presque tous obligés de passer par ces
territoires pour aller de l'un à l'autre.
2. L'Antiquité
Le Kosovo a été habité très
tôt. Au moins dès 1800 avant Jésus Christ, les preuves
linguistiques et archéologiques montrent qu'au Kosovo vivaient les
Illyriens dont les Albanais sont les descendants directs. Les Illyriens ont
vécu en Albanie et dans la plus grande partie de la Yougoslavie
Les tribus contrôlant le Kosovo à l'époque
antique étaient nommées les Dardans (une tribu illyrienne).
L'albanais est une langue qui appartient à la famille des langues
indo-européennes dérivée de la langue parlée
autrefois en Illyrie.
Avec la conquête des territoires illyriens, au cours des
siècles suivants, son histoire sera liée à celle de
l'empire byzantin, l'invasion des slaves, le développement de quelques
nouveaux états slaves et l'invasion ottomane.
3. La transmigration slave vers les Balkans
A la fin du sixième siècle de notre ère
les Slaves suivirent les transmigrations de la fin de l'empire romain et
envahissaient l'Europe centrale et les Balkans. Ainsi les tribus slaves
envahissaient la plus grande partie de l'Europe du Sud-est. Très vites
les tribus slaves non organisées, s'organisèrent et
formèrent des petits royaumes similaires à ceux de l'Europe
occidentale. Déjà au 9ième siècle les Bulgares
arrivaient à établir des royaumes d'importance régionale
se trouvant en concurrence avec l'empire byzantin. Ainsi, le Kosovo aussi
tombera suite aux envahissements slaves et serbes. L'expansion serbe atteindra
son maximum avec le Tsar Dusan au 14ième siècle. Pendant cette
période le Kosovo est au centre du royaume serbe qui s'étendait
jusqu'en Grèce.
Des les documents / sources de ces mêmes royaumes
serbes, on peut déduire qu'au Kosovo à cette époque
vivaient déjà la plus grande partie des populations
d'aujourd'hui : les Albanais, les Serbes et les Vlaches. Ces derniers ne
vivent presque plus au Kosovo mais étaient une population liée
aux Roumains qui encore aujourd'hui vivent en Grèce, Albanie,
Macédoine... Ainsi le Kosovo faisait partie des territoires ou se
rencontrent civilisation byzantine, orthodoxe slave et catholique occidentale.
4. La domination ottomane
Le 14ième siècle sera marqué par
l'arrivée de l'empire ottoman sur la scène régionale. Le
28 juin 1389, au Kossovo Polié, dont le nom signifie en serbe le
«Champ des Merles», sous le commandement de Lazare, prince de Raska
(une province de l'actuelle Serbie), les soldats serbes, bulgares, albanais et
des Valaques s'unissent pour affronter les Ottomans. Mais ils furent
défaits par l'armée Ottomane, ainsi les Turcs devinrent
maîtres du terrain et imposera la religion musulmane chez une grande
partie de la population.
Un demi-siècle après la tragédie du Champ
des Merles, le prince albanais Georges Castriota (Gjergj Kastrioti en
albanais), réussit à chasser pendant quelques décennies
(1405-1468) les Turcs d'
Albanie, mais le Kosovo
restera sous leur contrôle jusqu'au 19ième siècle.
Avec le déclin de l'empire ottoman, de plus en plus de
territoires se déchirent de cet empire pendant le 19ieme siècle,
comme la Serbie (semi-indépendance en 1815) et la Grèce (1832).
Les autres grandes puissances essayent de gagner le
contrôle sur ces territoires abandonnés par les Turcs en
favorisant leurs alliés locaux. Entre autres les Britanniques favorisent
la Grèce et la Russie favorise la Serbie. Ainsi, le nationalisme
romantique de ce siècle, l'affaiblissement et la
désintégration de l'empire ottoman, ainsi que le jeu des grandes
puissances font naître des mouvements libérateurs nationaux dans
les différentes parties des Balkans. En 1878 la Ligue Albanaise de
Prizren (ville au Kosovo) revendique la création d'une entité
albanaise au sein de l'empire ottoman. Les plus importantes raisons de la
naissance de ce mouvement étaient : le nationalisme romantique, une
pression montante sur la population par un empire en déclin, la pression
des peuples voisins qui cherchaient a conquérir les territoires
peuplés par les Albanais. Les conquêtes de territoires albanais
par les autres états balkaniques devenus indépendants
étaient marquées par des massacres et des nettoyages
ethniques6(*) qui seront
aussi tellement caractéristiques des conflits balkaniques à
venir. Ceci mènera les Albanais à plusieurs révoltes. En
1912, les Albanais réussissent à se libérer et le Kosovo
fut inclus dans le nouvel état indépendant d'Albanie en 1912.
Mais, en Mai 1913 les pourparlers internationaux sur les nouvelles
frontières des états balkaniques à l'issue de cette
première guerre balkanique (Autriche-Hongrie, France, Allemagne,
Angleterre, Italie et Russie), en essayant de manoeuvrer entre les demandes des
alliés balkaniques imposèrent un compromis qui prévoyait
la création d'un état albanais, mais sans une grande partie des
territoires habités par les Albanais. Ainsi le Kosovo, une partie de la
Macédoine, une tranche du Monténégro et le Nord-ouest de
la Grèce resteront en dehors des frontières de la nouvelle
Albanie.
5. La Serbie et la Yougoslavie
Le Kosovo ferait dorénavant partie de la Serbie. Avec
la conquête du Kosovo, la Serbie essayera de
« reserbiser » le Kosovo. Des programmes de colonisations
et des programmes soutenant l'émigration albanaise seront
développés. Pendant les années '20 les choses se
compliquaient au début avec les révoltes albanaises
appelées `Kaçakes'. Mais après leur soumission, le
programme de colonisation prendra de la vitesse. Des terres des grandes
familles et aussi de familles plus modestes albanaises furent
confisquées et attribuées à des familles immigrantes
serbes. Ainsi la Serbie essayait d'améliorer les statistiques de la
population. Dans la deuxième moitié des années '30 les
autorités serbes ajouteront des programmes d'émigration pour la
population dénommée comme `musulmane' ou `turque' par ces
autorités vers la Turquie. Ces programmes seront vites interrompus par
la Deuxième Guerre Mondiale. Ils recommenceront après la
Deuxième Guerre Mondiale et atteindront un point culminant dans les
années '50 avec le nouveau régime yougoslave. Ainsi, la Serbie
jouera pour la population albanaise du Kosovo toujours le rôle d'occupant
étranger et violent.
Pendant les années '60 finalement certaines choses
s'amélioraient au Kosovo du point de vue politique. Avec la Yougoslavie
communiste, une plus grande autonomie politique sera octroyée (en 1970
et 1974). Bien que cette autonomie était dirigée directement par
le pouvoir serbe, le Kosovo n'avait jamais connu une autonomie politique plus
élevée depuis son incorporation dans la Serbie. Cette
période sera marquée par une émancipation politique due
à l'accroissement du nombre d'Albanais dans des fonctions d'état.
Des progrès furent aussi accomplis au niveau culturel
suite à la naissance et au développement de l'université
de Pristina, à l'éducation académique de la population
albanaise.
Cette période verra aussi des investissements
relativement importants dans son économie. Malgré un renforcement
de sa structure économique, cela ne correspondait pas à ce
qu'investissait Belgrade dans d'autres républiques yougoslaves.
En outre, la structure économique de la province
(matériaux de base produits et distribués dans les secteurs de
production plus développés dans les autres parties de la
Yougoslavie. Le Kosovo s'en trouvait défavorisé, tenu dans une
position de plus grande dépendance et laissé à un niveau
de développement des secteurs industriels très bas. Entre les
années 71 et 81, 85.000 Albanais quitteront le Kosovo à cause du
chômage.
6. Les manifestations de `81
Apres la mort de Tito en 1980, la stabilité de la
Yougoslavie post-Tito fut tout de suite testée au Kosovo. Au
début du printemps 1981, des manifestations apparurent au Kosovo. Les
étudiants albanais revendiquaient une plus grande autonomie. Beaucoup
d'entre eux aspiraient à une république. Les manifestations
furent réprimées d'une manière extrêmement violente.
Officiellement, il y eut 39 morts. Mais beaucoup de sources (albanaises et
autres comme les représentations se trouvant au Kosovo) parlent de
chiffres plus élevés.
S'ensuivit une répression serbe croissante et une
diminution graduelle de l'émancipation politique qu'avait connue le
Kosovo. Les autorités de Belgrade utilisèrent ces
événements pour démontrer la nécessité d'un
plus grand contrôle direct sur le Kosovo. Sur base du nationalisme qui
naissait de nouveau et était publiquement affirmé par rapport a
la question du Kosovo, certains politiciens développaient leur base de
pouvoir a partir de la moitié des années '80. Milosevic utilisera
le Kosovo pour s'affirmer sur la scène politique yougoslave en 1986. Au
Kosovo ça signifiait encore plus de répression ouverte. Selon les
statistiques, la moitié de la population masculine du Kosovo passera par
les bureaux de la police entre 1981 et 1989. Le nombre de violations des droits
de l'homme (comme la torture) s'aggravait aussi. C'est dans cette
atmosphère que le Kosovo se dirigeait vers le conflit total en 1989.
7. L'abolition de l'autonomie et l'apartheid kosovar
En 1989 Milosevic tentait de gagner le contrôle total
sur la Yougoslavie en gagnant le contrôle sur une majorité
d'entités constitutionnelles. Les 8 entités7(*) constitutionnelles avait chacune
un vote dans le conseil des républiques de la Yougoslavie. En gagnant le
contrôle des votes au Monténégro (avec les partisans de
Milosevic qui écartèrent ses prédécesseurs), de
Vojvodine et du Kosovo, la Serbie sous Milosevic tenait en main la
moitié des votes du conseil. Au Kosovo, ce fut atteint en abolissant
l'autonomie substantielle et en dissolvant le parlement existant. La
réponse des Albanais kosovars fut de proclamer l'indépendance du
Kosovo sous forme de république et de former un gouvernement en exil. De
violentes manifestations survinrent. Violentes à cause de la
manière dont elles furent réprimées par les
autorités serbes. Des chars et des hélicoptères
étaient utilisés pour supprimer toute protestation. En même
temps des astuces politiques et légales étaient
développées pour écarter les Albanais de leur travail et
du système d'éducation. Ainsi une grande partie de la population
albanaise se retrouvait sans travail et les étudiants étaient en
majorité écartés du système officiel
d'éducation.
En voyant l'impossibilité de résister à
la violence serbe, le mouvement albanais `La Ligue Démocratique du
Kosovo' (LDK) avec le président Ibrahim Rugova organisait la vie
politique clandestine du Kosovo après 1990. Elle organisera un parlement
clandestin et un gouvernement en exil, elle organisera un système
parallèle d'éducation et développera un système
parallèle de soins de santé. Les années 1991 - 1997
étaient caractérisées par une répression ouverte et
violente, un système non-officiel d'apartheid ou la grande
majorité des Albanais devaient organiser leur vie en dehors des
institutions officielles et survivre économiquement en gagnant leur vie
en dehors des emplois d'états (à l'époque, 99 % des
emplois).
8. Le conflit armé de 1998 - 1999
Finalement, les groupes agitateurs des manifestations de 1981
abandonnent la résistance passive d'Ibrahim Rugova pour organiser des
structures militaires opérationnelles. En fait, en 1991 - 1995 quelques
autres groupes avaient essayé de développer des structures
militaires qui auraient pu intervenir au cas où la Serbie aurait
organisé un massacre de la population. Or, leurs essais n'eurent pas de
succès. Certains n'y arrivaient pas du point de vue organisationnel,
d'autres étaient découverts et défaits.
Le groupe (dénommé UCK) qui avait le plus de
succès commença son activité sur le terrain en 1995 -
1996. Il attaquait des unités spéciales de la police ainsi que
des Albanais considérés comme collaborateurs. Son activité
atteint un point culminant fin 1997 début 1998. En mars 1998, les
troupes de sécurité serbes attaquèrent les maisons
familiales de quelques guérilleros albanais de l'UCK et y tuèrent
tout le monde : femmes, personnes âgées et enfants inclus.
Ceci provoqua des manifestations dans tout le Kosovo et une répression
violente. Très vite les événements s'emballèrent et
les rangs de l'UCK s'agrandirent très vite. Le conflit armé
restait limité uniquement à cause des faibles moyens de l'UCK. La
répression serbe dans les villages des zones de combats était
extrême. Les massacres et le nettoyage ethnique faisaient partie de la
tactique de guerre. Après un cessez-le-feu imposé par la
Communauté internationale en octobre 1998, les hostilités
reprennent en janvier 1999. La Communauté Internationale `utilisera'
certaines atrocités serbes pour amener les deux parties à la
table des pourparlers et essayer d'arriver à une solution
négociée. Suite au refus des autorités serbes de l'accord
proposé par la Communauté Internationale, le Conseil de
Sécurité de l'ONU donna son feu vert pour une intervention
militaire de l'OTAN. Ainsi commençaient les bombardements de l'OTAN pour
mettre fin au conflit et aux atrocités commises. Mais, sur le terrain
les choses se dégradaient encore plus. N'étant plus retenu par la
menace d'une intervention militaire, Belgrade allait vers la fin de sa logique
d'intervention au Kosovo. Massacres, déportations de populations,
nettoyages ethniques, viols, terreur faisaient partie de la logique
d'intervention que les autorités serbes avaient déjà
initié depuis plus longtemps.10.000 ou plus de civils étaient
tués. Près d' 1 million d'Albanais furent déportés
du Kosovo vers l'Albanie, la Macédoine et puis le
Monténégro. Une autre partie s'était
réfugiée derrière les positions de l'UCK à
l'intérieur du Kosovo.
Le conflit s'arrêta avec la capitulation de la Serbie
devant les forces de l'OTAN en juin 1999. Les troupes internationales de la
KFOR entrent au Kosovo alors que les troupes serbes quittent la région.
Alors, les agences humanitaires ont commencé leur retour au Kosovo afin
d'apporter aide et soutien aux populations déplacées à
l'intérieur de la province, et aux réfugiés là
où ils avaient trouvé asile.
Très vite, une résolution sur base de laquelle
la Communauté Internationale allait sauvegarder la paix au Kosovo,
administrer la province et essayer d'arriver à une solution finale
était approuvée par le Conseil de Sécurité de ONU.
Depuis lors un nouveau parlement kosovar a été crée et
développé. Les Kosovars ont reçu des compétences
limitées pour se gouverner eux-mêmes. L'année 2006 devrait
devenir l'année dans où le statut final de Kosovo sera
déterminé.
Chapitre II : traumatisme psychique :
voyage au bout de l'enfer
Tant que l'homme sera mortel, je ne serai jamais
complètement détendu.
Woody
Allen
Parler de l'ampleur d'un événement et des
troubles psychologiques qu'il engendre n'est pas un fait nouveau. L'histoire
humaine n'est pas seulement tracée par la joie, l'évolution, etc.
mais aussi par des déceptions, des guerres, des conflits, de
maltraitances, ... Ces derniers peuvent laisser des traces chez l'homme et
parfois des blessures psychiques profondes et durables.
« Je ne peux pas oublier la guerre. Je le
voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement,
je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur.
(...). Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie,
les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre.
L'horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les
survivants portent la marque »8(*).
Malgré les 20 ans passés, cet homme garde la
blessure qui en lui demeure toujours présente. Il la subit. C'est
« un passé qui ne passe pas » disent les
victimes. Ses propos nous renvoient à la notion de traumatisme
psychique.
Emprunté à la pathologie chirurgicale9(*) le terme trauma, issu du mot
grec, signifie « blessure avec effraction ».
Le dictionnaire international de psychanalyse définit
le traumatisme psychique comme un :
« événement qui par sa violence et sa
soudaineté, entraîne un afflux d'excitation suffisant à
mettre en échec les mécanismes de défense habituellement
efficaces, le traumatisme produit le plus souvent un état de
sidération et entraîne à plus ou moins long terme une
désorganisation dans la vie psychique »10(*).
Dans le monde scientifique, l'approfondissement du concept
apparaît à la fin de XIX siècle. Oppenheim11(*), psychiatre allemand,
opte pour le terme « névrose traumatique » pour
désigner un ensemble de troubles névrotiques consécutifs
à la frayeur éprouvée lors d'accidents de chemin de fer.
« L'effroi qui provoque un ébranlement psychique ou
affectif d'où résulte une altération psychique
durable » 12(*). Alors que beaucoup de ses contemporains (Duchesne,
Erichsen) attribuaient à ces troubles une lésion du cerveau ou de
la moelle épinière subie lors de l'accident. Différents
types de symptômes sont identifiés comme : des souvenirs
répétitifs de l'accident, crises d'anxiété en
réponse à tout ce qui rappelle l'accident, cauchemars de
reviviscence, une modification profonde au niveau affectif
(hypersensibilité à toute stimulation extérieure et des
stimulations affectives comme pleurs en réaction à des stimuli
qui les laissaient auparavant indifférents). Les
guerres qui ont jalonné le monde ont été au centre des
études de traumatismes psychiques et particulièrement de guerre.
Au niveau psychanalytique Freud a joué un rôle
important concernant le concept de traumatisme.
A. La conception de Freud
Dans sa première théorie
Freud13(*), emploi le terme
« névrose traumatique » pour décrire la
psychogenèse de l'hystérie et la névrose phobique
où il existe un traumatisme oublié de l'enfance : le
traumatisme de séduction sexuelle (la séduction de l'enfant par
l'adulte). Plus tard, il abandonne cette théorie pour une
théorie fantasmatique (sans séduction réelle).
Quelques années plus tard, la guerre de 14-18
amène Freud14(*) à remettre en question sa
théorie classique sur le traumatisme. Il remarque qu'un agent
extérieur peut induire un traumatisme ce qui se différencient de
ceux des désirs sexuels inconscients coupables. Il conclut que les
traumatismes surviennent d'un choc violent surprenant le sujet
impréparé et qui s'accompagnent d'effroi. Le traumatisme
fait effraction au travers du psychisme, pénètre les
défenses psychiques de l'organisme, où le souvenir de la
situation va demeurer comme un corps étranger, provoquant de vains
efforts d'assimilation ou d'expulsion. Freud associe à ce traumatisme un
modèle économique et relatif.
L'aspect économique repose sur la
quantité d'énergie véhiculée par l'agent
extérieur, c'est-à-dire l'événement et
l'énergie que le psychisme dispose pour repousser cette
agression15(*) : « Le terme traumatique
n'a pas d'autre sens qu'un sens économique. Nous appelons ainsi un
événement vécu qui, en l'espace de peu de temps, apporte
dans la vie psychique un tel surcroît d'excitation que sa suppression ou
son assimilation par les voies normales devient une tâche impossible, ce
qui a pour effet des troubles durables dans l'utilisation de l'énergie
(Freud, 1916, p. 298) 16(*).
L'aspect relatif repose sur la force du Moi.
Freud souligne que l'intensité de l'excitation venant
frapper cette barrière de défense n'est pas le seul facteur pour
le déclenchement des névroses traumatiques mais la
tolérance relative du Moi joue également un rôle
déterminant à cet égard. Un Moi faible a des
difficultés à faire face à un afflux soudain
d'énergie.
Le terme névrose est utilisé pour
désigner une entrée en conflit du moi engendré par cette
irruption inattendue. Ceci provoque la mise en oeuvre de mécanismes de
défense inadéquats car l'élément pathogène
n'est pas symbolisable, ni représentable et ne peut ainsi pas
s'intégrer d'emblée dans l'histoire de l'individu.
Donc, « dans l'approche psychanalytique, ce qui
fait trauma, c'est moins la violence de la situation, que
l'impréparation du psychisme à cette
situation »17(*).
Pour Freud, seuls les sujets qui avaient pu
décharger immédiatement l'affect par une
réponse libératoire telle que l'action, la colère ou les
larmes, ou ceux qui avaient pu le décharger ensuite dans une
« abréaction » chargée de tout l'affect
initial, ou ceux enfin qui avaient pu intégrer plus tard leur
souvenir traumatique « dans le grand complexe des
associations18(*) », étaient préservés
de la névrose traumatique.
9. Conceptions contemporaines
Depuis, des études réalisées par les
cliniciens ont approfondi de plus en plus le concept du traumatisme psychique.
Pour certains comme Briole et Lebigot19(*), inspirés par
la théorie de J. Lacan, le traumatisme est
perçu comme une conséquence de l'expérience de
confrontation avec le réel de la mort (mort physique de l'autre, ou
menace de mort physique ou psychique pour nous-même), sans
possibilité d'y attribuer une signification. D'après ces
auteurs20(*), des situations diverses peuvent
déclencher un traumatisme mais le plus traumatogène est la menace
de mort. Le sujet s'est vu mort, ou, autrement dit, il s'est
détaché de lui et a vu sa propre personne entrain de mourir.
« Le choc est d'autant plus violent que
l'appareil psychique ne dispose dans son système signifiant d'aucun
élément préparé à travestir la mort
réelle ; car si chacun dispose de significations se
référant au cadavre et aux rituels de deuil, à partir de
son expérience et de sa culture, il ne dispose d'aucun
élément se référant à l'expérience
réelle de la mort. Dans notre conscience, nous n'avons jamais
été mort et nous ne disposons d'aucun témoignage de
quelqu'un qui l'ait été et qui en soit revenu. Nous n'avons pas
de " représentation mentale " de la mort, pour la bonne raison que nous
n'en avons jamais eu de " présentation "
préalable » 21(*).
Quant à la mort psychique, Jacques
Roisin22(*) nous
dit qu'il faut la distinguer de la mort physique. C'est lorsqu'on a
été détruit psychiquement. Par exemple, le viol est
toujours vécu comme une mort mais c'est une mort psychique. La femme n'a
pas cru qu'elle serait tuée physiquement. Ces femmes disent qu'elles
sont mortes en tant que femmes. Donc, c'est quelque chose de vital
psychiquement pour elle qui a été démoli.
Pour d'autres auteurs, quand il s'agit de
traumatismes engendrés par la violence extrême, intentionnelle,
organisée, sa notion devient plus complexe car « c'est ce
qui fonde l'humanité même du sujet qui est touché :
les liens sont rompus, la Loi attaquée, l'ordre symbolique
bouleversé, les tabous fondamentaux brisés ».
La révélation de la nature possiblement monstrueuse de tout
être humain - et de soi - en surgit. Ce type de situation affecte non
seulement les individus, mais aussi la famille, le groupe qui se trouvent
désorganisés, privés parfois de leur capacité
à se protéger les uns les autres »23(*)
10. La répétition dans le
traumatisme et ses corollaires
« La mort, croisée du regard, se
répète indéfiniment,
en boucle dans son
imaginaire... »24(*)
(Lassagne, 2000)
Au cours de nos différentes lectures, nous avons
remarqué que la mémoire d'un sujet traumatisé est
altérée. Des auteurs parlent des hypermnésies et
d'amnésies. Ces troubles mnésiques, surtout quand il s'agit des
hypermnésies, entravent la vie du sujet traumatisé et sont des
conséquences directes de l'événement vécu. Nous
allons essayer d'expliquer la perception de certains auteurs à ce
propos.
A. L'hypermnésie et l'amnésie dans le
traumatisme
Dans la question du traumatisme Houballah
distingue le traumatisme amnésique et le traumatisme
hypermnésique. L'auteur reste fidèle à la
conception de Freud concernant les traumatismes de l'enfance. La
névrose traumatique amnésique survient dans la première ou
deuxième partie de l'enfance tandis que la névrose traumatique
hypermnèsique est production des agents extérieurs
c'est-à-dire peut survenir après un accident, guerre, etc.
Si le sujet, victime du traumatisme « devient
amnésique, cela signifie qu'après-coup s'est produit un
refoulement, et le symptôme ici présent ne fait que
témoigner d'un retour du refoulé. Si, en revanche, le facteur
traumatogène demeure présent dans le conscient, ne cessant de se
répéter au point d'entraver l'activité du sujet, on parle
alors d'hypermnésie, car celui-ci n'arrive pas à
l'oublier »25(*).
Pour l'auteur la stratégie à adopter face
à ces deux types de « névrose » sera tout
à fait différente : pour la première le travail
consiste à lever l'amnésie, à restituer la scène
traumatique oubliée et pour la névrose traumatique
hypermnésique consiste à faire oublier l'événement.
Après le traumatisme sa caractéristique en est la fixation de la
mémoire soit sur l'événement proprement dit, soit sur un
élément précis. La victime ne cesse de ruminer, de se
remémorer. C'est dans ce deuxième volet que se comptent les
traumatisés de guerre.
a. Clivage et déni
Cependant ces deux facteurs (l'hypermnésie et
l'amnésie) nous questionnent. Beaucoup d'auteurs sont bien d'accord
qu'un événement potentiellement traumatique, qui n'arrive pas
être métabolisé ou symbolisé demeure comme un `corps
étranger' dans le psychisme, donc empêche tout refoulement car le
refoulement trouve son nid dans le champ de l'inconscient. L'inconscient est
structuré comme un langage donc il y a des représentations. Que
se passe t-il alors avec l'oubli de certains moments fortement chargés
émotionnellement lors d'un vécu traumatique, un rencontre
avec la mort? Où trouvent-ils leurs nids? Des auteurs parlent de
clivage et de déni. D'après
Freud26(*), le clivage dans la névrose est un
mécanisme de défense qui vise à protéger le
Moi d'une représentation, d'événement, d'une sensation
insupportable qui éveille des affects pénibles. La personne
n'arrive pas à résoudre par le travail de pensée la
contradiction entre cette représentation inconciliable et son Moi et
décide d'oublier. Dans ce cas, il s'agit d'un refoulement à la
base d'un conflit névrotique. Or, dans le cas d'une névrose
traumatique, quand il s'agit de non-sens (Crocq), d'un trou dans le signifiant
(Briole27(*)), etc., le
refoulement nous apparaît impossible faute de non-représentation
et symbolisation. Pour comprendre l'enjeu de ce `corps étranger' nous
nous appuyons sur les références de S. Tisseron.
Dans son article
« Mémoire et
création »28(*) l'auteur fait une
distinction entre refoulement et clivage. Pour lui, les refoulements
décrits par Freud étaient essentiellement de l'ordre de
désirs coupables. Mais dans des situations de honte ou de douleur
extrême comme viol, tremblement de terre, naufrage, etc. le psychisme
emprunte un autre chemin pour oublier. Ces deux types de mécanismes,
l'auteur les explique comme suit : L'oubli des
événements vécus dans la honte ou la douleur
n'obéit pas au même mécanisme que l'oubli de ceux qui sont
vécus dans la culpabilité. Les seconds sont effacés par le
refoulement et recouverts par l'amnésie : c'est en particulier le cas
des réalisations et des désirs de la sexualité infantile,
frappés progressivement d'interdit par la constitution du Surmoi. Au
contraire, l'oubli d'un événement vécu avec une souffrance
extrême se fait par l'enfermement de cet événement (avec
l'ensemble des sentiments qui l'ont accompagné et des images des
protagonistes qui y étaient impliqués) dans un lieu totalement
isolé du reste de la personnalité et inaccessible au sujet
lui-même. (...)29(*).
Donc, le refoulement efface de la mémoire des
représentations mentales chargées de désirs coupables,
tandis que l'oubli par l'inclusion30(*) concerne des événements qui ont
effectivement eu lieu. Le but de ce clivage est de se protéger contre la
douleur qui a accompagné l'événement, ou même contre
le risque de destruction psychique qu'il a fait courir au sujet.
Les conséquences qui résultent de ces deux types
d'oublis sont :
- concernant le refoulement, il s'agit de l'oubli des conflits
entre le désir ou ça et l'interdit qui se trouvent
conservés dans l'inconscient. Ils réapparaissent dans la
conscience ou dans le comportement du sujet par l'intermédiaire de
formations dérivées plus ou moins méconnaissables sous
forme de lapsus, d'actes manqués, de symptômes, de certains traits
de caractère, fantasmes.
- Tandis que en ce qui concerne le clivage ou l'enterrement
dans le moi d'une situation indicible c'est en principe réalisé
une fois pour toutes.
Il est possible aussi que le clivage et le
déni31(*) soient
réussis. Ces sujets continuent à vivre comme si de rien
n'était. En effet, ceci dépend de la façon dont
l'événement traumatique est ressenti par le sujet. Plus est
insupportable pour lui, plus a difficile de l'extraire de son champ de la
conscience. Pour l'auteur, quand l'enfermement « a
été global, le retour à la conscience des
éléments clivés l'est aussi. Le souvenir traumatique,
quand il revient, s'impose avec la même violence sensorielle que lors de
la situation inaugurale elle-même. Ce n'est que progressivement, au fur
et à mesure de son élaboration par la psyché, que le
travail du refoulement proprement dit peut s'installer. L'un des signes en est
que la situation traumatique ne fait plus retour au psychisme du sujet avec ses
caractères originaires, mais sous une forme symbolique. Tel sujet
traumatisé par une explosion n'est plus réveillé dans son
sommeil par le souvenir de cette explosion, mais par exemple par la menace d'un
lion qui rugit de façon menaçante »32(*).
Le terme souvenir est discuté par les
spécialistes. Certains comme Libegot disent qu'il ne
s'agit pas de souvenir mais d'une reviviscence de l'état brut, une mise
en acte avec sa charge émotionnelle qui a accompagné le
vécu. L'image du réel de la mort qui ne trouve aucune
représentation « ne se comportera pas comme un souvenir
mais elle restera intacte, au détail près, et lorsqu'elle surgira
à la conscience (dans le cauchemar ou la vie éveillé) ce
sera toujours au temps présent, comme un événement en
train de se produire » 33(*).
Mais, selon l'auteur, le clivage n'est jamais totalement
réussi ni totalement échoué. D'après
Fischer, dans le traumatisme on trouve un effet paradoxal
concernant la mémoire : « d'un coté, il
l'empêche de faire son travail d'oubli et, de l'autre, il crée des
formes d'amnésie par rapport à
l'événement »34(*).
Pour les exilés demandeurs d'asile, ces troubles
mnésiques posent des problèmes pour valider la reconnaissance de
réfugié par le commissariat. « ...les troubles
mnésiques, incohérences, non réponses, seront
généralement interprétées par l'OFPRA comme
témoignant de mensonges ou d'affabulations de la part du
requérant »35(*)
b. Comment peut-on avoir mal à la
mémoire ?
« ...le mal qui a été fait
à quelqu'un, continue à faire mal »36(*). C'est ainsi que s'exprime le
blessé : « ma vie est devenue un cauchemar sans
fin »37(*).
Voilà ce qui se passe lorsque la mémoire remonte à la
surface. C'est une mémoire qui souffre. Le sujet est envahi par le
passé, il continu à se débattre avec ces démons
car, comme le dit B. Cyrulnik38(*), son monde intime est déchiré
et ne parvient pas à inscrire cette déchirure qu'il a subie dans
son histoire. Elle vit en lui en permanence et lui revient sans cesse sous
forme de flashs ou de cauchemars.
Cette reviviscence semble être l'un des aspects les plus
caractéristiques et fréquents du syndrome
psychotraumatique : « être muré dans un univers de
cauchemars sans fin ». Depuis Freud, les analystes n'ont pas
cessé de s'occuper de ce phénomène et comprendre pourquoi
il se répète sans cesse chez le sujet. Pourquoi il est envahi par
ces reviviscences malgré ses efforts pour les chasser. Quel en est le
but ? Quels mécanismes psychiques sont en jeu ?
Nous allons voir ce que Freud pense à ce sujet.
Après la Première Guerre mondiale Freud remarque
que les névroses de guerre ou des névroses traumatiques restent
fixées sur leur vécu traumatisant qui se traduit par des actes,
retour incessant des images du trauma chez les accidentés, dans les
cauchemars, etc. alors que l'appareil psychique vise toujours à obtenir
satisfaction. Freud se fixe sur le rêve. Il s'interroge comment le
rêve est soumis à la compulsion de
répétition (représentant sans cesse des
situations désagréables). Ainsi, il contrevient au principe du
plaisir du rêve alors que le rêve sert la
réalisation d'un désir (suivi par des thèmes
agréables). Comment comprendre que la fonction du rêve ait
été détournée de son but et se mette sur la
voie d'un « au-delà du principe du plaisir39(*) » ?
Freud le met en relation avec un autre phénomène
qui, lui non plus, n'obéit pas à la domination du principe de
plaisir : le jeu de l'enfant (de son petit fils) à la bobine. L'enfant
jette hors de sa vue (sous un meuble) un jouet attaché à un fil
et crie un `oooh' (for- loin) pour la disparition de la bobine, puis il la
ramène à lui en tirant sur la ficelle et pousse un `da'
(voilà) pour son retour.
Freud fit l'hypothèse que cette
répétition de l'enfant est signifiante, basée sur le jeu
d'opposition d'un couple de signifiant : fort/da. L'enfant
s'habitue à l'absence de sa mère en reproduisant ludiquement et
de façon répétitive l'événement douloureux
de son départ. Ainsi l'enfant atténue sa douleur de l'absence de
sa mère par cette « sorte d'abréaction », et
substitue un rôle actif à la situation de devoir subir passivement
une expérience désagréable.
Lorsque le sujet ne peut pas intégrer un
événement dans le cours de ses représentations ni
l'abstraire du champ de sa conscience en le refoulant, alors cet
événement a valeur de traumatisme. Ce trauma exige d'être
réduit, d'être symbolisé.
Les rêves ont cette fonction. À travers la
« compulsion de répétition » le rêve
n'a pas la fonction de réaliser un désir mais de faire
émerger un état d'angoisse qui prépare le sujet au danger.
En quelque sorte, il tente de rétablir une réaction adaptative
qui a été manquée, par effet de surprise. C'est une
tentative de guérison spontanée. Par ce mécanisme de
défense, le traumatisé tente de maîtriser
l'événement en l'intégrant dans l'organisation symbolique.
Freud met en rapport la surprise de la survenue d'une
névrose traumatique et le rôle protecteur de l'angoisse :
« Il y a dans l'angoisse quelque chose qui protège contre la
frayeur et contre la névrose qu'elle provoque ». (Freud, 1920,
p. 50).
Houballah fait une remarque à cette
explication en disant que si le sujet tente de rétablir cette
angoisse : « cela signifie qu'il serait en quelque sorte
condamné à vivre désormais avec son angoisse comme
substitut de l'événement traumatique »40(*)
Mais généralement, dit Freud41(*), cette fonction de
répétition est vaine car elle n'arrive pas à remplir sa
mission ainsi ce caractère d'automatisme finit par se perpétuer
à l'infini. Ceci ramène Freud dans un autre registre, celui du
trauma originaire et à la reconnaissance de l'existence d'un dualisme de
pulsions : la pulsion de vie et la pulsion de mort. Pour
Freud, la pulsion de vie est une force qui tend le sujet vers
la vie et l'évolution tandis que la pulsion de mort conduit le sujet
vers la destruction, vers l'inanimé d'où il vient.
Tous les symptômes de répétition
traduisent la suspension de l'évolution de la vie, son arrêt sur
un point final. On les repère à travers de l'agressivité,
de la violence, de l'inhibition, des troubles du sommeil et psychosomatiques,
de tendances autodestructrices, de désinvestissement des loisirs et des
occupations, de l'incapacité à aimer les autres, de repli sur
soi, etc.42(*)
Sur le plan pathogénique, la pulsion de mort semble
sous-tendre et inspirer tous les mécanismes qui installent et
entretiennent la névrose traumatique. Dans le cas de
traumatisme, Houbballah43(*) a remarqué un effet paradoxal
à la mort. Le sujet traumatisé, d'un côté est
touché par une crainte qui le traduit par des attitudes
d'évitement et des phobies et de l'autre côté, il est
attiré par des comportements autodestructeurs.
Pour ceux qui penchent vers la théorie
lacanienne44(*), les
répétitions ont lieu quand le sujet est confronté à
un événement involontaire, dépourvu de sens.
Houballah dit que la rencontre du sujet avec
le Réel créant un trou dans le signifiant, effraction dans
l'imaginaire, engendre une déchirure dans le moi. « La
répétition fonctionne dans ce cas comme tentative
irréalisable, soit pour reprendre cette rencontre autrement,
c'est-à-dire lui trouver la chaîne intermédiaire, soit tout
simplement pour nier cette rencontre en créant des situations d'alibi,
ou de constructions imaginaires afin de la rendre
caduque »45(*). Faute d'une certaine élaboration, le sujet
échoue par cette voie et rentre dans le cycle répétitif
d'un deuil impossible.
Pour conclure, nous trouvons plusieurs facteurs qui ont
été élaborés autour de la compulsion de
répétition : une tentative d'abréaction, une
tentative de maîtrise de l'événement, une tentative de
retour à l'inanimé donc de destruction, une tentative de
réparation, une tentative de déni, en fin une tentative de
symbolisation. Si cette compulsion de répétition est régie
par la pulsion de mort, ça ne peut pas être une tentative
d'intégrer l'événement car la pulsion de mort n'a pas une
fonction de liaison c'est-à-dire réparatrice. Pour beaucoup
d'auteurs, la répétition dans le traumatisme reste toujours un
point discutable et non clairement défini.
c. L'effroi, la peur et l'angoisse
Nous avons trouvé raisonnable de parler de ces trois
concepts dans leurs rapports avec le traumatisme car, pour beaucoup d'auteurs,
l'événement est d'autant plus traumatisant lorsqu'il arrive par
surprise. Le sujet répond par effroi faute d'impréparation devant
ce danger. L'effroi, quant à lui, est susceptible de transpercer les
défenses psychiques de l'individu, ce qui aura pour conséquence
le risque d'évolution vers un syndrome psychotraumatique. Et, comme nous
l'avons expliqué précédemment, ce qui a fait
défaut pour se protéger contre cet effroi est : l'angoisse.
Dans ce cas, nous comprenons que l'angoisse aura un rôle défensif.
L'effroi ne doit pas être confondu avec la peur car ce dernier, selon
Freud, se trouve dans un autre registre par l'implication d'un
objet bien déterminé.
Voici, comment Freud les explique :
- L'angoisse est un état qu'on peut
caractériser comme un état d'attente de danger, de
préparation au danger, connu ou inconnu.
- La peur suppose un objet déterminé
en présence duquel on éprouve ce sentiment.
- Quant à la frayeur, elle représente
un état que provoque un danger actuel, auquel on n'était pas
préparé : ce qui la caractérise principalement, c'est
la surprise.
Je ne crois pas que l'angoisse soit susceptible de
provoquer une névrose traumatique ; il y a dans l'angoisse quelque
chose qui protège contre la frayeur et contre la névrose qu'elle
provoque »46(*).
Cependant, d'après certains auteurs, malgré que
l'effet de surprise devant un danger soit le premier chef pour
déclencher un traumatisme, d'autres événements qui
n'impliquent pas nécessairement cette surprise47(*) peuvent aussi être
traumatogènes et évoluer vers un syndrome psychotraumatique.
Chapitre IV : Les victimes et les facteurs en
cause
1) Qui peut être victime ?
Dans un contexte de guerre, peuvent développer un
syndrome psychotraumatique des personnes qui seront confrontées
directement ou indirectement à un événement qui a une
valeur traumatique.
Pour Taylor48(*) (1981), les catastrophes peuvent atteindre
la population à six niveaux : les victimes, leurs familles,
les amis de la victime, les personnes qui, par hasard, ont
échappé au désastre, les intervenants, les services
d'aide. Par exemple, le thérapeute peut être affecté par le
vécu des patients. (McCann, Lindy). Néanmoins, certains
spécialistes49(*) font remarque sur ce point. Ils pensent plutôt
qu'il y a toute une complexité de variables qui sont en jeu et on ne
doit pas confondre le traumatisme psychique avec le stress, deuil, burn-out,
épuisement émotionnel, etc.
La victime peut être non seulement la personne qui a
subi l'événement mais aussi celui qui le produit. Les soldats en
sont des exemples.
Serniclaes50(*) distingue trois types de victimes en
fonction des publics cibles et les conséquences qui peuvent
produire :
- La victime primaire sera la personne qui a
vécu directement la situation traumatique. Cette personne va subir une
traumatisation directe et va présenter les symptômes
spécifiques d'Etat de Stress Aigu et d'Etat de Stress
Post-Traumatique.
- Les victimes secondaires sont l'entourage
direct de la victime, tous les professionnels (les sauveteurs, les aidants, les
intervenants psychosociaux) qui seront en contact avec la victime en situation
de crise (phase aiguë, interventions de 1ère ligne). Ces
personnes peuvent être traumatisées indirectement et
présenter des troubles spécifiques de Stress Traumatique
Secondaire. Le fait qu'une victime décède dans ces
circonstances traumatiques, peut provoquer dans l'entourage un deuil
traumatique dont nous allons parler plus loin dans ce chapitre.
- Les victimes tertiaires sont les
professionnels de 2ème ligne qui prennent en charge la
victime (les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes). A
moyen et long terme, sur base de l'écoute empathique du récit
traumatique de la victime primaire, ces professionnels peuvent subir une
traumatisation vicariante. Les troubles qui peuvent manifester
à ce sujet seront repris sous le vocable de Compassion Fatigue.
Voici comment l'auteur repartit dans un tableau de ce
que nous venons de dire:
Types de Victimes
|
Processus de traumatisation
|
Publics Cibles
|
Conséquences spécifiques
|
Victime Primaire
|
Traumatisation Directe
|
Survivant
Témoin
Sauveteur
|
Etat de Stress Aigu
Etat de Stress Post Traumatique
|
Victime Secondaire
|
Traumatisation Indirecte
|
Sauveteur
Intervenant
Psy. De crise
Entourage, collègues
|
Etat de Stress Traumatique Secondaire51(*)
Deuil traumatique
|
Victime Tertiaire
|
Traumatisation Vicariante
|
Thérapeute
|
Compassion Fatigue
|
11. Les facteurs
Quel événement peut être potentiellement
traumatique dans le sens large du terme ? Nous remarquons que c'est une
vaste question et très discutable entre les spécialistes. Nous
avons parlé précédemment que pour certains, le premier
chef qui peut mettre en jeu l'équilibre psychique de l'individu est la
confrontation à la mort tel que un accident de la route où la
personne a failli mourir, une bombe qui explose dans l'endroit où la vie
de la personne a été mise en danger, le spectacle d'un cadavre,
etc. Mais, le concept du traumatisme ne se limite pas seulement à cette
confrontation à la mort physique. Pour Crocq52(*), d'autres facteurs
tels que les violences délibérément exercées, les
mauvais traitements infligés sans motif à des sujets sans
défense, prisonniers ou déportés, et la torture
appliquée avec sadisme, sont des situations traumatisantes qui suscitent
le maximum d'horreur et d'incompréhension. Par rapport aux autres
traumatismes et agressions, il y a alors violation explicite de la loi qui
régit au sein de chaque conscience les droits les plus
élémentaires de l'humanité.
Les spécialistes sont d'accord que toutes ces personnes
impliquées d'une manière directe ou indirecte dans des
événements potentiellement traumatiques ne développent pas
nécessairement un syndrome psychotraumatique. Pour pouvoir comprendre au
mieux les enjeux, c'est-à-dire quel événement peut
provoquer un syndrome psychotraumatique et quel type de personnes sont
susceptibles de développer ce trouble, nous devons prendre en compte
deux facteurs essentiels : les facteurs externes et les facteurs
internes : « L'état - constitutionnel et conjoncturel
- du sujet qui subit la situation a un rôle primordial dans la
genèse du phénomène »53(*).
a. Les facteurs externes
Dans les régions en guerre, les populations subissent
des épreuves douloureuses. Les violences extrêmes, la terreur
mettent en jeu leur l'intégrité physique et psychique que ce soit
pour les combattants ou pour la population civile et qu'il s'agisse
d'acteur, de victime ou de témoin.
Pour les combattants, le risque d'être
blessé ou tué ou de devoir tuer, d'être confronté
à des spectacles émotionnellement pénibles tels que
cadavres, etc., sont des facteurs qui menacent leur équilibre
psychique. Nous allons donner un exemple concret : pendant que nous avons
effectué le stage à l'Exil, le monsieur X, ex soldat albanais,
consultait régulièrement un psychiatre du centre. Il
était fort affecté par un syndrome psychotraumatique. Chaque fois
que l'occasion s'est présentée de parler avec lui, par une
expression de visage qui marquait l'aversion, il nous répétait
toujours les mêmes mots : « j'ai enterré des
cadavres abandonnés recouverts de vers »...
D'après Crocq54(*), dans des situations de combats, les
facteurs traumatogènes sont les agressions physiques provoquées
par les bombardements intensifs, les pilonnages d'artillerie, les combats
rapprochés ou en corps-à-corps, une captivité inhumaine,
les mauvais traitements et la torture issue du combat.
Concernant la population civile ; ce seront les
bombardements des villes, les arrestations arbitraires, la torture, les
violences physiques et morales imposées par les adversaires, les
mitraillages de colonnes de réfugiés en exode, etc.
Par exemple, au Kosovo, ces situations ont eu pour
résultat des déplacements et des expulsions massives et
forcées de centaines de milliers de civils, des destructions
systématiques de biens et de moyens d'existence. Il faut souligner que
souvent, ces situations privent les gens de nourriture, de boisson, de sommeil
et de repos. Ainsi, à la souffrance morale s'ajoute la fatigue physique
ce qui rend les sujets plus vulnérables face aux agressions.
Crocq55(*) nous présente une liste des facteurs
traumatisants, subis par les victimes de guerre au Kosovo, pouvant
intervenir, isolément ou de manière cumulative, dans
l'étiologie des syndromes psychotraumatiques :
1. Avoir vu sa maison détruite ou
incendiée.
2. Avoir dû quitter sa maison sans emporter
presque rien.
3. Avoir assisté à l'enlèvement de
son père, de son frère, d'un autre parent ou d'un ami.
4. Avoir assisté à des brutalités,
des viols ou des tortures.
5. Avoir assisté à l'assassinat d'un parent
ou d'un ami.
6. Avoir vu des cadavres de villageois
assassinés.
7. Avoir été menacé de mort, ou
traqué et poursuivi.
8. Avoir été emprisonné.
9. Avoir été maltraité ou
brutalisé.
10. Avoir été torturé.
11. Avoir été violée.
12. Avoir été blessé.
13. Avoir été séparé du reste
de sa famille.
14. S'être trouvé isolé, sans
protection, ni amis.
15. Avoir souffert de la faim et de la soif. Avoir eu
froid sur la route et lors des haltes.
16. Avoir souffert de privation de sommeil
17. Avoir souffert de fatigue, d'épuisement et de
privation de repos
18. Avoir été accueilli avec
hostilité dans un pays limitrophe.
19. Autres facteurs..........
Pour Crocq, tous ces facteurs
mentionnés comme la menace de mort, la blessure, la souffrance, la
torture, la violence, le spectacle de la mort ou de souffrance d'autrui, etc.
sont des situations traumatisantes mais le facteur le plus traumatogène
est la menace de mort. « Tous ceux qui « se sont vus
morts » sont des traumatisés
psychiques »56(*).
Cet exemple (donc la menace de mort) indique un facteur
externe qui pousse à la limite extrême, qui exerce brutalement par
choc et dans un temps bref va au-delà des capacités de
défense du moi, ce qui la différencie des autres
étiologies extérieures dont l'action serait insidieuse et
prolongée. Néanmoins L. Crocq57(*) nous dit que cette
assertion doit être nuancée car il y a des cas où un
événement de guerre déclenchant n'est que l'ultime coup
qui vient s'ajouter à une longue série d'agressions et autres
circonstances pathogènes et fait passer le sujet au-delà de son
seuil de tolérance.
a.1. Les polytraumatismes de guerre
Comme nous venons de le voir, la liste présentée
par Crocq, les guerres dans les Balkans ont provoqué des traumatismes de
natures différentes. Des auteurs58(*) disent que la quasi-totalité de la
population est traumatisée et presque toutes les personnes ont souffert
de plusieurs traumatismes. Ils ont perdu des proches et tous leurs biens. Ils
ont assisté à des scènes épouvantables, à
jamais gravées dans leur mémoire.
La complexité du trauma, M. Samy
la décrit comme suit : « Le trauma est multiple
et hétérogène selon la nature de l'évènement
traumatique. Celui en rapport à la violence politique, à la
guerre et aux conflits armés, se distingue par des
caractéristiques bien particulières. Le trauma suite à la
violence politique comme celui qui touche les réfugiés du Kosovo,
n'est pas uniquement un trauma ponctuel (exemple: un accident d'auto), qu'on
appelle aussi de type 1 ou « stress trauma ». Mais
c'est également un trauma continu, un trauma du vécu quotidien et
qui se prolonge dans le temps, aussi dénommé trauma de type 2 ou
« strain trauma »59(*).
Le trauma ponctuel du père abattu ou humilié
sous les yeux de l'enfant, se superpose au trauma chronique de son vécu,
déjà présent depuis longtemps. Le trauma de la violence
politique combine également le trauma de type individuel (exemple : le
viol, la torture, l'incarcération, l'exil), et le trauma collectif
(exemple : l'oppression et la discrimination souvent institutionnalisée
ou étatisée). La guerre réunit en elle tous les
traumatismes60(*).
Les auteurs nous disent que les polytraumatisés de
guerre sont des groupes à haut risque. Pour ces personnes, un soutien
psychologique s'avère prioritaire. page 70.
b. Les facteurs internes
« C'est en passant par l'épreuve de sa
vulnérabilité que l'être humain accède à la
conscience de sa fragilité, et c'est paradoxalement ce passage qui lui
apprend à vivre ».
Gustave-Nicolas Fisher61(*)
Les auteurs qui s'occupent de névrose traumatique se
sont beaucoup intéressés de savoir
« pourquoi » toutes les victimes ne subissent pas le
même destin, pourquoi certains développent une névrose
traumatique tandis que d'autres s'en sortent psychiquement indemnes ?
Selon des auteurs, il y a des sujets qui sont plus
vulnérables au trauma que d'autres. La capacité
à surmonter les traumatismes et à se construire malgré les
blessures, ils l'appellent la résilience62(*) ou
résistance psychique. Cette capacité se construit dans
l'interaction entre l'individu et son environnement. On pourra dire alors que
« la résilience désigne l'art de s'adapter aux
situations adverses (conditions biologiques et socio-psychologiques) en
développant des capacités en lien avec des ressources internes
(intrapsychiques) et externes (environnement social et affectif), permettant
d'allier une construction psychique adéquate et insertion
sociale »63(*).
La résilience est donc un processus multidimensionnel,
« car il se situe à la croisée de plusieurs
paramètres où convergent différentes
variables »64(*). La résilience dépendra alors des
facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs
sociaux : « Chez l'enfant comme chez l'adulte, la
résilience résulterait d'un équilibre mettant en jeu
l'interaction dynamique entre les divers facteurs de protection présents
chez le sujet lui-même, mais également dans son environnement
familial et social (système éducatif et relation sociales et
affectives extra-familiales) ».65(*)
La résilience ne concerne pas uniquement l'individu
mais aussi la famille, le groupe. On dit des familles résilientes ou des
groupes résilients.
B. Cyrulnik66(*) présente les caractéristiques
d'un sujet résilient indépendamment de son âge comme
suit :
- un Q.I. élevé,
- capable d'être autonome et efficace dans ses
rapports à l'environnement,
- ayant le sentiment de sa propre valeur,
- de bonnes capacités d'adaptation relationnelle et
d'empathie,
- capable d'anticiper et de planifier,
- et ayant le sens de l'humour.
b.1. La vulnérabilité
En ce qui concerne la vulnérabilité,
sa définition est : « ...l'état de
moindre résistance aux nuisances et agressions et rend compte de la
variabilité interindividuelle. La vulnérabilité
évoque les sensibilités et les faiblesses patentes ou latentes
immédiates ou différées et peut être comprise comme
une capacité (ou incapacité) de résistance aux contraintes
de l'environnement » 67(*)
L. Crocq68(*) distingue trois sortes de
vulnérabilités hypothétiques :
1. vulnérabilité d'amoindrissement
énergétique quantitatif innée, héréditaire
ou acquise (aussi bien chez des sujets prédisposés qui ne
posséderont jamais d'énergie pour maîtriser
l'événement car toute leur énergie disponible ils
« utilisent pour maintenir leur équilibre
névrotique », que chez sujets sains mais conjoncturellement
épuisés dû à une fragilité psychique acquise
dans l'enfance pour des causes divers telles que maladie encéphalique).
On peut dire alors que sont des sujets `prédisposés' au
vécu traumatique et des névrosés traumatiques.
2. Vulnérabilité d'altération qualitative
du mode de réaction : il s'agit seulement des sujets
prédisposés qui réagissent en toutes circonstances, de
paix ou de guerre, par leur frayeur morbide, névrotique.
3. vulnérabilité de résonance : pour
une même situation violente ou horrible, chez un sujet
le système de défense va se trouver
désorganisé à cause des résonances pénibles,
tandis qu'un autre sujet restera indifférent (par
exemple, pour un père de famille peut être plus pénible
d'assister dans le spectacle d'un cadavre d'enfant que pour un
célibataire).
Chapitre V : répercussions sur le sujet
« ...il y a `avant' et `après'
l'accident (...), et qu'entre cet `avant' et `après', les choses ne
pourront jamais plus être tout à fait les mêmes, que l'on ne
rêvera plus et l'on ne pourra plus jamais parler de la même
façon »69(*).
« Au printemps 1999, Yasmina a assisté
à l'exécution de son mari et de ses deux fils au Kosovo. Deux
soldats l'ont poursuivie ensuite ; alors qu'elle s'enfuyait, elle a vu de
loin les flammes dans sa maison : les tueurs cherchaient
déjà à faire disparaître les corps en les
brûlant. Aujourd'hui, elle n'attend plus rien du monde, murée dans
un univers de cauchemars et de fantômes ; elle tente seulement de
`survivre encore un peu' à cause de sa fille de onze ans qui a encore
besoin d'elle »70(*).
Il parait évident que ce sujet présente un
syndrome psychotraumatique. Pour lui le temps s'est arrêté, il n'y
a plus ni désir ni changement possible. Tout a commencé par ce
choc, et d'un seul coup « les fils qui ont tissé son
réseau signifiant se trouvent (...) déliés, l'espace
homogène dans lequel il vivait, brisé, mutilé, le temps,
qui faisait la conjonction entre passé, présent et futur,
arrêté. On assiste à une fracture dans l'histoire du sujet.
Une époque vient de se terminer, une autre
commence »71(*)
Des auteurs disent que les traumatisés ont le plus
grande difficulté à reprendre le cours de leur vie, à se
projeter dans l'avenir. Ils se sentent transformés dans leur
intégrité et dans leur identité porteuse d'une image
négative d'eux-mêmes qui va jusqu'à la négation de
soi car « leurs mécanismes psychiques sont enrayés
et parfois même inversés ; autrement dit, ils ne sont plus
conducteurs de vie, ils n'orientent plus vers la vie, mais deviennent
destructeurs, autodestructeurs »72(*).
La grande souffrance qu'éprouve la victime peut
être cliniquement associée à un sentiment de
culpabilité73(*) ,
souvent, irrationnel qui complique son état psychique.
« La culpabilité est l'expression de la
tristesse ressentie du fait d'avoir survécu à un
événement qui a coûté la vie à d'autres ou
d'avoir une vie meilleure que celles d'êtres chers. La culpabilité
peut aussi provenir du fait que l'on se sent en partie ou entièrement
responsable de la situation »74(*).
Pourquoi cette transformation psychique de la victime ?
Qu'est ce qui fait qu'elle perde la confiance, se dévalorise, se sente
coupable, etc. ? Pour répondre à ces questions,
focalisons-nous sur la torture et viol.
1. Le viol et la torture comme instruments de
guerre :
Nous avons remarqué que la torture et le viol sont deux
« méthodes », parmi d'autres, fort utilisées
pendant les conflits armés, lesquels laissent des traces profondes et
complexes sur la victime. Pour Sironi, ces actes ont une
visée bien définie :
« Le terrorisme, les guerres ethniques et
civilisationnelles, les génocides, les violences politiques et
religieuses, les tortures, fabriquent des traumatismes où
l'intentionnalité destructrice est centrale (...) l'arme la plus
redoutable dans les conflits modernes, c'est l'organisation
délibérée et massive de la
déculturation»75(*).
Les méthodes intentionnellement utilisées de
déculturation, Sironi les décrits
ainsi : « ...à travers une personne
singulière que l'on torture, c'est en fait son groupe d'appartenance que
l'on veut atteindre: appartenance professionnelle, religieuse, ethnique,
politique, sexuelle, ...On attaque la part collective de l'individu, celle qui
le rattache à un groupe désigné comme cible par
l'agresseur, en désintriquant l'articulation entre le singulier et le
collectif. Quand le processus a atteint son objectif, l'individu que l'on a
torturé devient toujours un sujet isolé un sujet qui se met
à part au sein des groupes d'appartenance. A travers les techniques de
déculturation employées sur quelques personnes, qui sont ensuite
intentionnellement relâchées, on fabrique des peurs collectives
ainsi que la terreur sur une population toute
entière »76(*).
Dans le viol et la torture, le corps et le psychisme sont en
souffrance : « Toute blessure est source de
souffrance ; celle-ci est (...) le signe d'une violation du corps,
c'est-à-dire d'une atteinte spécifiquement destructrice de
l'intégrité psychique et corporelle avec des répercussions
graves et durables »77(*).
a) Le viol
« Le viol est un meurtre qui laisse la victime
vivante »78(*)
Les propos de Sironi nous font comprendre que
ce viol n'est pas une simple décharge des pulsions sexuelles comme nous
avons l'habitude d'en rencontrer à travers les médias quotidiens.
À travers des viols, le but recherché des tortionnaires est de
détruire la communauté en question. Quant à la
communauté kosovar, « c'est le déshonneur
total (...) après les exactions serbes commises sur des femmes,
certains époux ont divorcé. Cela signifie que la tradition est
vraiment très forte au Kosovo. Une fille violée aura
énormément de difficultés pour trouver un mari. Alors,
beaucoup se taisent. Le viol est vécu comme une honte terrible car c'est
à la fois la pire humiliation pour elles et le pire affront pour leur
famille »79(*).
Divers types de viol sur les femmes kosovares
opéré par le pouvoir serbe ont été mis en
évidence par la psychologue Miria Silvana, responsable
d'ONG spécialisée dans l'aide aux femmes en Albanie80(*) : ceux des filles devant les
yeux de leurs parents ; suivis du massacre des femmes ; viols dans
des endroits cachés. « Les serbes séparent les
filles, généralement les plus belles, du reste de la famille. Les
témoins disent qu'ensuite ils n'ont plus de nouvelles
d'elles »81(*).
L'impact du viol aura donc trois dimensions :
individuelle, familiale et collective. Pour Crocq les
conséquences des viols ont une forme clinique
particulière. La victime « voit le visage
de l'agresseur (...) et expérimente l'agression au plus près. Le
viol fait intervenir dans le trauma
qu'il occasionne les sentiments d'impuissance, de
révolte réfrénée, de honte, de
dévalorisation, d'inhibition, de rejet social, de frigidité, de
culpabilité pouvant conduire au suicide » 82(*).
Selon la conception de M. Klein83(*) le viol est
lié à la pénétration (au sens du pénis et
pas du phallus). Dans l'imaginaire de la victime, toutes les
pénétrations peuvent être liées aux images
traumatisantes. « La victime s'imagine par exemple que si
l'agresseur n'arrive pas à la violer, il va `essayer' autrement, ou la
tuer avec un couteau, etc.»84(*).
Les conséquences psychiques de cette
pénétration réelle et fantasmée sont très
déstructurantes. La victime se sent déchirée dans son
corps. Et son désir est « qu'on lui retire tout ce qu'elle
a de `pourri' en elle, qu'on lui arrache sa peau pour faire `peau neuve',
etc. »85(*).
Ainsi, la victime peut s'enfermer de plus en plus chez elle et
en elle-même. Au début, la victime s'imagine que les gens qu'elle
rencontre savent de ce qu'elle a intimement subi. Pour les auteurs, il s'agit
d'une nouvelle pénétration fantasmatique ce qui peut pousser la
victime à éviter toute relation.
« Elle voudrait disparaître, se cacher
sous le tapis, se fondre dans un mur. Pourtant, on ne voit qu'elle,
plantée au centre de la pièce où vit sa famille depuis
trois mois, dans le bâtiment de l'école vétérinaire
de Shkodër, dans le nord-ouest de l'Albanie, transformé en camp de
réfugiés. Elle s'appelle Ismete. Autour d'elle, l'air est pesant,
figé. Tragique. Au milieu de ses soeurs (...) Ismete semble avoir
appuyé sur le bouton pause. Son visage de pierre n'exprime rien. Comme
si elle était morte. «Avant», Ismete était une jolie
fille brune de 20 ans. Aujourd'hui, cette jeune Kosovare n'a plus d'âge.
Le 29 mars, des policiers et les paramilitaires d'Arkan (...), le chef d'une
des milices serbes les plus sanguinaires, l'ont violée dans une cave,
à tour de rôle, pendant cinq heures »86(*).
Selon Streit-Forest87(*), pour une femme violée il est
insupportable que quelqu'un ait pu prendre possession de son corps. Elle
ressent de la honte d'être `salie'. Elle se sent coupable de ne pas avoir
bien réagi, de ne pas s'être défendue, ...
Au niveau sexuel et affectif, pour M. Le
Clerq88(*) des
troubles extrêmement handicapants se traduisent par une diminution de la
satisfaction sexuelle qui peut aller jusqu'à l'anorgasmie, diminution de
la fréquence des rapports sexuels et souvent une abstinence au cours des
premiers mois. Chez certains sujets l'abstinence peut durer encore plus long
temps. La diminution de la fréquence ou l'abstinence peuvent se
manifester par l'anorgasmie, du vaginisme ou une aversion sexuelle.
Le plus souvent ces séquelles ont des
répercussions négatives sur les relations de couple. Le mari peut
se sentir démuni de son rôle protecteur. Il peut éviter les
relations sexuelles avec sa femme en la percevant comme quelqu'un
d'endommagé, tandis que la femme peut ressentir cette attitude comme un
rejet. Certains partenaires peuvent insister pour avoir des relations sexuelles
avec leur femme violée ce qui peut être ressenti par elle comme
une nouvelle agression.
b) La torture
Dans des pays totalitaires que ce soit en temps de `paix' ou
de guerre, la torture apparaît comme une autre arme utilisée.
Là, où la violence, à tous les niveaux, est la norme et
non l'exception, Sironi89(*) la décrit comme (au-delà
d'extirper des renseignements et de susciter l'aveu) un instrument intentionnel
afin de modifier et générer le désordre dans
l'identité de la victime.
Marcello Vigar définit la torture
comme « tout dispositif intentionnel, quelles que soient les
méthodes utilisées, qui a pour finalité de détruire
les croyances et les convictions de la victime afin de la dépouiller de
la constellation identitaire qui la constitue comme
personne »90(*).
Pour Sironi, chaque méthode de torture
vise à déconstruire, à transformer. Elle prive
délibérément le sujet de sa singularité et de ses
affiliations, elle cherche à le réduire à
l'universel91(*). C'est
une technique de déculturation92(*). Elle atteint le sentiment d'appartenance93(*).
b.1 Les méthodes du tortionnaire
Les méthodes utilisées sur la victime sont
très variées : l'utilisation de
l'électricité aux endroits les plus sensibles du corps, les
ongles arrachés, l'ingestion forcée de divers liquides comme des
vomissures, de l'urine, ...
L'effroi est utilisé de diverses manières :
par les simulacres d'exécution (on amène le prisonnier sur le
lieu d'exécution et on tire des balles à blanc) ; obligation
d'assister à l'agonie prolongée d'amis codétenus,
contraint d'assister à la torture des autres prisonniers avant
d'être soi-même torturé, etc. Beaucoup de personnes meurent
sous la torture.
« Soupçonné d'appartenir à
un mouvement d'opposition tamoul au Sri Lanka, Raji a passé plusieurs
mois en camp de détention où il était affecté
à une sinistre besogne. Sa tâche quotidienne consistait à
enterrer les morts, à la pelle, dans une fosse commune. Un gardien
était en permanence posté derrière lui. Un jour il vit
bouger les yeux d'un cadavre. Cet homme, dont le corps était
transpercé de coups de baïonnette, n'était pas encore tout
à fait mort. Raji avait peur d'arrêter les pelletées. Il
imaginait déjà le coup de feu qui viendrait se loger, net, dans
sa nuque. Mais il ne pouvait continuer de l'ensevelir car l'horreur l'avait
saisi : l'homme qu'il enterrait vivant lui réclama faiblement un
verre d'eau. Pour une fraction de seconde, il vacilla ...'C'était moi ou
nous deux...j'ai choisi moi...et je l'ai enterré'. Raji pensait
confusément que de ce fait, il faisait désormais partie du monde
de ses bourreaux »94(*).
La déshumanisation et les transgressions de tabous
culturels sont pratiqués par la contrainte à manger des
excréments, à boire de l'urine, à assister au viol de son
père, de sa fille, de sa mère, à être
sodomisé par un chien, devoir sauter comme un crapaud, aboyer comme un
chien, etc.
« C'est une effraction d'un autre en soi, autre
qui vous influence et modifie. Du fait de l'effraction psychique, ce que
perçoit le sujet, ce qu'il éprouve et pense est en lien avec un
autre, avec la manière dont l'autre l'a pensé. Cette
pensée revêt des formes multiples : auto
dépréciation, peur de parler, de demander quelque chose, de
blesser, de décevoir »95(*). « Je me suis considéré non
humain »96(*)
dit le patient victime de torture. C'est la forme destructrice de
chosification.
Dans des situations plus perverses, par exemple, on contraint
la personne de choisir le type de torture de ses compagnons. En cas de refus,
il est exécuté.
On peut donner des exemples interminables qui sont
infligés par la torture et qui touche la personne sur différents
angles tant dans la sphère physique que cognitive et affective.
b.2 Les processus de transformations
Pour transformer psychiquement une personne soumise
à la torture Sironi prend en compte différentes
méthodes qui sont utilisées par le bourreau.
Basée sur des cas cliniques, l'auteur nous dit qu'une
des méthodes qui induit une autodestruction et une
autodépréciation chez la victime de torture c'est la
méthode par suspension. « Le lien réside en
cela : au bout de quelques heures de suspension, l'insupportable douleur est
générée par le poids de vos propres organes internes. Vous
souffrez de l'intérieur, par l'effet de vos propres organes internes.
Sous la torture, on manipule de la pensée en agissant sur le
corps ».
Les mécanismes de l'inversion, de la prévalence
d'un ordre binaire, de la redondance, la transgression de tabous culturels sont
autant d'autres méthodes de transformation.
Le mécanisme de l'inversion, pour
Sironi, est de rendre toute limite perméable.
« Le tortionnaire va donner aux substances corporelles internes
un statut d'extra-corporéité et aux substances externes un statut
d'intra-corporéité»97(*). On introduit ou réintroduit par la force
dans le corps les substances qui sont normalement dehors : par
exemple, matières qui sont normalement à l'intérieur du
corps (vomissure, urines, matières fécales). Les mêmes
fonctions ont les chocs électriques et les brûlures de
cigarettes.
La prévalence d'un ordre binaire : On le
bat jusqu'au sang, on le torture à l'électricité et par
différentes méthodes puis à la fin les bourreaux
deviennent très gentils, tellement `soucieux' de la santé du
torturé. Ils offrent des cigarettes, à manger, à boire.
« Ils me tapotaient amicalement l'épaule et me parlaient
comme s'ils étaient des grands frères. Ils me donnaient des
conseils: allons, ne recommence plus. Laisse tomber tout cela, c'est de la
connerie. T'as vu comme t'as dégusté? »98(*).
Cette alternance entre deux attitudes radicalement
opposées des tortionnaires (le "bon" le "méchant") est source de
paradoxe et de confusion mentale. Il était méchant et il est
devenu `bon'. Les torturés disent quand le tortionnaire devient "bon"
c'est le moment le plus dangereux, car c'est à ce moment qu'ils peuvent
parler, faire des aveux.
Par la transgression de tabous culturels : par
cette méthode, le tortionnaire a pour but de couper le torturé de
son univers habituel de référence, de l'isoler de sa
communauté. Les transgressions des valeurs qui ont une signification
culturelle particulière pour la personne que l'on torture vont avoir un
effet traumatique. Un exemple que Sironi nous donne est l'actualisation de
mythe d'OEdipe : Jean à été frappé de
cécité après avoir été contraint de regarder
sa mère nue accroupie devant lui.
Par cette méthode, deux attitudes opposées
peuvent se produire : « soit de la déculturation
soit, à l'opposé, une clôture rigide des groupes culturels
autour d'éléments hautement significatifs pour eux. On peut lire
dans ce mécanisme les racines du fanatisme quel qu'il
soit ». 99(*)
La redondance : l'effraction psychique est induite
également par la correspondance exacte, terme à terme, entre
marquage physique et empreinte mentale. « L'acte et la
verbalisation de l'intention qui sous-tend l'acte, sont dans ce cas de figure
concomitants et redondants ». Des phrases énoncé
d'une manière répétitive par le tortionnaire, pendant de
tortures sexuelles100(*), peuvent être : « Tu ne seras
plus jamais un homme ». Ou d'autres phrases encore :
« Tu n'es qu'une merde, un rien du tout ». « Tu
seras brisé de l'intérieur », « Nous avons
les moyens de te détruire »... « Il s'agit de
véritables injonctions, de paroles actives, qui sont encore agissantes
des années après la torture. Sorties de leur contexte, ces
paroles peuvent paraître relativement banales ».
De façon générale, les personnes qui ont
connu la torture ressentent de la honte, s'isolent et s'enferment dans un
profond dégoût d'elles-mêmes. C'est aussi se sentir
être devenu étranger au monde. « Quand la torture a
pénétré votre noyau, quand on a vu des personnes mourir
par supplice, quand on en revient vivant, on se vit comme un `survivant', un
passeur entre deux mondes »101(*).
12. Chez l'enfant
Le ravage de la guerre touche plus que jamais des enfants
innocents. Durant la Première Guerre mondiale, les victimes civiles se
situaient aux environs de cinq pour cent. Elles atteignent aujourd'hui plus de
90 pour cent. « Rien que durant les années
quatre-vingt-dix, prés de 20 millions d'enfants ont été
contraints de quitter leur chez-soi, 2 millions d'enfants ont perdu la vie et 6
millions ont été blessé. D'après les estimations de
l'UNICEF, 1 million d'enfants sont devenus orphelins durant la même
période »103(*).
Notre intérêt se porte plutôt sur ce qu'en
pensent les auteurs : est-ce qu'ils sont plus, autant ou moins
susceptibles que les adultes de faire face à un événement
traumatique et par quels symptômes traduisent-ils leurs troubles ?
« ... Après que leurs maisons ont
été incendiées par les Serbes, plusieurs familles se sont
installées dans cette maison. Les familles se mettent ensemble aussi
pour ne pas se sentir seules. (...). De cette boucherie a pu
échappé Dreni, âgée de 10 ans, blessé au
bras, pour témoigner l'horreur du crime organisé. Les criminels
ont demandé s'ils préfèrent être tués par
balles ou avec des couteaux. (...). Ils ont commencé à tirer avec
des armes automatiques. (...) Les morts et les massacrés ont
tombé sur Dreni. Quand les criminels se sont rapprochés pour
contrôler le succès de leur criminalité, Dreni n'a pas
bougé, il a fait semblant d'être mort. (...). Les criminels, en
sortant ont mis le feu dans la maison pour effacer les traces de leur crime.
(...). Dreni a pu sauter par la fenêtre (...). Il ne se sent pas
bien. Depuis, la vox de sa soeur tuée lui revient en
écho : mon frère, ne me laisse pas dans le
feu...»104(*).
Pendant la guerre au Kosovo, cet enfant albanais a
expliqué son vécu, où sa mère et sa soeur ont
été tuées dans ce massacre. Il est traumatisé. Son
âge d'enfant n'a pas pu le préserver du sentiment de
culpabilité.
Bailly105(*) pense que les enfants, témoins de
ces événements catastrophiques, ont la même
sensibilité que les adultes. Parfois leurs difficultés à
se représenter le concept de mort les protégeront. Parfois,
leurs troubles se manifestent par un ensemble de signes dont certains sont
pathognomoniques d'un syndrome de stress post-traumatique tels les
reviviscences de l'évènement traumatique, cauchemars, sursauts,
angoisse, phobies, repli relationnel, des troubles psychosomatiques (de
bronchites, d'eczémas, douleurs migraineuses et abdominales). Selon leur
âge les symptômes post traumatiques peuvent transparaître
dans le comportement, et leur souffrance se manifester de diverses
façons comme : agitation motrice, trouble de l'attention, etc.
Parfois ils l'expriment sous forme de jeux ou de comportements
répétitifs. Chez les plus petits, on retrouve de la
régression psychoaffective se manifestant par de
l'énurésie, vouloir dormir dans la chambre avec ses parents, etc.
Chez les plus grands on trouve des troubles de comportements.
Grappe met en évidence que
« ces enfants malmenés par la vie dès leur plus
jeune âge risquent de pâtir gravement, dans leur
développement psycho-intellectuel, de la survenue d'une confrontation
avec une ou plusieurs expériences
traumatiques »106(*).
Après des dizaines d'observations faites en Croatie, en
Bosnie et au Kosovo des auteurs107(*) ont remarqué chez certains
enfants une hyper-maturité. Ce phénomène est
observé par différents tests mais aussi par leurs attitudes,
leurs discussions, leurs centres d'intérêts, et surtout
« les arguments développés à l'aune
d'une culture «politique » comparable à des diplomates
expérimentés à la
négociation »108(*). L'explication de ce phénomène est due
à leur investissement d'adulte. C'est une
« hyper-maturité réactionnelle au chaos social de
la guerre qui aidait à la concentration, certes sur un thème et
un temps limité, mais nous pouvons dire que la tension intérieure
faisait monter le niveau de l'attention. Quand la tension et donc l'attention
se relâchait, les capacités du jeune s'effondraient, le vide
était là, les actions les plus simples, les plus
routinières devenaient des corvées, des rubiconds
infranchissables. Par exemple, aller acheter du pain et vérifier la
monnaie rendue devenait hors de portée »109(*).
L'auteur considère que la raison de cette
hypermaturité est que la guerre provoque une excitation psychique, ce
qui a comme conséquence un basculement de la personnalité.
« Tout s'accélère : tout d'un coup, l'enfant
d' hier est devenu adulte »110(*).
Pour ces auteurs, les enfants qui s'en sortent le mieux sont
ceux qui ont eu une petite enfance heureuse : « ils n'ont
pas connu de rupture affective entre zéro et cinq ans. A contrario, les
enfants en souffrance affective (déprimés) à cause de
ruptures affectives, de troubles de l'attachement à la mère, sont
moins forts psychiquement, sont moins capables de faire face à une
tragédie. Ces enfants malmenés par la vie dès leur plus
jeune âge risquent de pâtir gravement, dans leur
développement psycho-intellectuel, de la survenue d'une confrontation
avec une ou plusieurs expériences traumatiques »111(*).
Nous avons constaté que la guerre ne se fait pas
seulement par des adultes. Les enfants aussi peuvent être guerriers.
D'après les observations en Afrique noire et au Liban,
Houballah112(*) a retrouvé des impulsions agressives
sans frein chez ces enfants soldats. Ces enfants se livrent aux
intrépidités les plus extravagantes et aux exactions les plus
cruelles. Toujours selon l'auteur, les causes de ces comportements sont que ces
adolescents ont vécus dans un univers régi par violence et n'ont
pas eu le temps d'acquérir au moment opportun ni la peur, ni la
pitié, ni la morale. L'auteur dit que ces enfants sont
traumatisés par la révélation de la mort et par
l'impossibilité d'y introduire une signification.
Selon les révélations de Nations
Unies113(*),
les victimes de tortures et ceux qui ont assisté ou participé de
force à des exactions (enfants-soldats) sont les cas les plus
extrêmes et subiront des répercussions à long terme sur
leur santé mentale.
13. Vivre en société
Donc, les personnes victimes de traumatismes sont
touchées aussi dans leur version sociale. La détérioration
des relations entre la victime et la société a des causes
différentes et souvent ambiguës. La réinsertion dans la
société devient difficile pour elles. Elles se sentent
incomprises et d'ailleurs leur expérience est socialement
incommunicable. « Ça fait 20 ans que j'ai gardé
mon secret. A qui voulez vous que je le dise ? Je n'ai trouvé
personne pour me confier »114(*). Ce sentiment engendre de la révolte de leur
part. Elles vivent avec cette obligation permanente de justifier leurs
handicaps, leur misère, leur malheur, leur souffrance afin de simplement
les faire reconnaître. Le blessé a le sentiment de vivre dans deux
mondes ; il est déphasé car il existe un fossé entre
lui et le monde extérieur ; il a également l'impression de
ne plus être comme les autres et de ne plus pouvoir vivre comme tout le
monde »115(*).
Pour d'autres encore, le sentiment d'être stigmatisé les enferme
dans le mur du silence. C'est ainsi qui se trouvent beaucoup des femmes
victimes de viol pendant le conflit de 1999 au Kosovo. Une partie d'entre elles
ne demandent pas d'aide car elles ont peur que leur terrible secret
soit révélé et que cette révélation les
éradique de la société. Bon nombre de personnes de la
population ne se rendent pas compte que les victimes de viol sont des victimes.
« Depuis ce temps-là j'ai (...) la tête
penchée et je n'arrive plus à sourire »116(*).
Alors la victime se tait et enferme en elle la blessure. Pour
certains auteurs, « surtout, ce qui est traumatisant, c'est
l'absence de mots autour de cet événement. Le silence, le non-dit
qui entoure le drame, est plus traumatisant que l'événement en
lui-même. C'est le désaveu de l'entourage et la non-
reconnaissance qui constituent une violence traumatique venant s'ajouter
à la violence réelle »117(*).
Même lorsque la société reconnaît la
victime nous nous trouvons devant une ambiguïté dans sa
représentation : d'un coté, elle reconnaît son statut
mais en même temps elle n'est pas prête d'accepter les
symptômes issus de ce traumatisme.
« Les blessés portent en eux une
expérience qui non seulement est difficilement partageable, mais qui
comme telle, n'est pas entendable. Une société veut avant tout
que les choses se passent bien ; elle veut que les gens se comportent
normalement et soient bien intégrés ; or là, elle est
en face d'expériences qui dérangent et ne sont pas vraiment
« gérables » socialement. Le blessé est,
à bien des égards, l'objet de perception sociales
ambivalentes : d'un côté, son expérience
singulière tend à être apprivoisée et socialement
présentable et de l'autre, marginalisée. Ainsi en est-il du
statut social des victimes » 118(*).
P. Jacques119(*) dit qu'à côté
du traumatisme, il faut prendre en compte d'autres facteurs
déstructurants qui sont aussi traumatisants comme la pauvreté,
la marginalisation, l'injustice, l'exclusion.
Nous nous sommes affrontés à autant des
critiques sur l'exclusion sociale. Maisondieu dit
à ce propos : « ce n'est jamais l'exclu qui
est normal, qu'il soit bien portant ou malade avant d'être exclu, c'est
l'exclusion qui est anormale, elle est une aliénation sociale
dépourvue de la moindre
légitimité »120(*)
14. Et les réfugiés ?
Exilé chez soi et à l'étranger
« J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté ;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon
génie ».
(Alfred De Musset)121(*)
Depuis 1945, les guerres et les conflits ont fait 20 millions
de morts, plus de 60 millions de blessés, sans compter les
dégâts sur les plans psychologique, sociologique, relationnel,
etc. Ces conflits occasionnent des déplacements massifs de populations.
Selon les estimations du HCR122(*), on évalue à 20 millions le
nombre de réfugiés qui ont du quitter leur pays suite aux
violences.
Le Kosovo est un de ces pays. Les albanais kosovars ont
été chassés de leur maison et de leur pays par
l'armée et les milices serbes lesquels avaient organisé au Kosovo
une expulsion "ethnique" systématique. Une étude
épidémiologique effectuée par MSF123(*) au sein de la
population kosovare réfugiée à Rozaje
(Monténégro), en se basant sur les témoignages recueillis
en Albanie, en Macédoine et au Monténégro, la cause
essentielle des mouvements de la population est la déportation. Les
familles ont fui le pays sous la contrainte (menaces directes, ou attaques) par
le pouvoir serbe. « Les villages sont vidés de toute leur
population par la terreur et par la force. (...). Les colonnes de
déportés ont parfois été contraintes de faire de
très grands détours par rapport à l'itinéraire le
plus court. La durée de l'exode des 201 familles interrogées au
Monténégro va ainsi de 1 à 23 jours. Certaines personnes
ont été soumises à plusieurs ordres contradictoires.
Après avoir été chassées, elles ont dû
revenir sur leurs pas et retourner chez elles où elles ont
été, de nouveau, attaquées. Au cours de ces trajets, les
colonnes de déportés seraient dirigées vers des lignes de
front, des poches ou des lieux de résistance et utilisées pour
déstabiliser ceux-ci »124(*).
Un tiers des familles (des réfugiés) a
été séparé d'au moins d'un de ses membres proches
(soit « laissé derrière » au Kosovo soit
« perdu de vue »). Les réfugiés manquaient
les besoins vitaux : ils vivaient dans des bâtiments qui avant
hébergeaient des activités économiques, dans les camps
sous tente, etc. et dans des conditions sanitaires très
précaires. Une minorité des réfugiés, ont pu
traverser les frontières pour se diriger vers des pays occidentaux etc.
Après la fin de la guerre, les réfugiés restés dans
les pays frontaliers sont rentrés chez eux, malgré le fait que
pour la grande partie leurs maisons ont été incendiées, ce
qui a eu par conséquence de se retrouver sans habitation. Leur urgence
était de trouver un refuge soit près des leurs, soit sous des
tentes installées par MSF, etc. Pour plus d'explication voir en
annexe : « Kosovo : histoires d'une
déportation ». Pour ceux installés dans des pays
(occidentaux, etc.) pour long terme, la situation précaire perdure...
Il nous parait évident que suite à une violence
organisée, les personnes victimes des traumatismes ont subi
d'importants bouleversements à différents niveaux :
D'un côté, ce sont les traumatismes subis par la
violence de la guerre de différentes manières et de
l'autre coté c'est le déracinement de leur pays d'origine qui est
senti comme une souffrance, comme une perte de sens dans le sens où la
personne est séparée de ses points de repères habituels
(de son environnement, de son histoire, de sa culture, etc.).
Nathan nous dit que « la migration
possède en elle-même des potentialités traumatiques, du
fait de la rupture du contenant culturel qu'elle implique (...). Migrer
c'est, bien sur, laisser derrière soi de la famille, des amis, un
métier, un statut social, la terre des ancêtres vivants et morts.
Cela implique donc des renoncements de la nostalgie, et parfois des deuils
inacceptables »125(*)
Arrivés dans un pays d'accueil, ils cherchent la
reconnaissance des autres. « La croyance en un monde juste donne
un espoir de résilience »126(*). Lorsque ce pays d'accueil
les rejette, ils se sentent exclus. Leur identité devient alors celle du
`sans papiers'. Ils perdent tous les repères : perte
d'identité, de statut social, perte de dignité. Sans droit au
travail, dépendants des centres d'accueil, ils développent un
sentiment d'inutilité, de dépendance, d'assistance.
« Cette rupture des liens sociaux engendre une
blessure narcissique qui se traduit par un sentiment d'exclusion (...). On
ne naît pas exclu mais on le devient. Ce processus constitue une
dégradation, une déliaison par rapport à une situation
antérieure»127(*).
Pour ces exclus, victimes de traumatismes, la situation
devient encore plus complexe du au risque de devoir être
menacé d'expulsion. « On imagine sans peine combien cette
insécurité dans la réalité entre en
résonance avec le sentiment d'insécurité
interne »128(*).
Donc, d'après ces auteurs,
« les réfugiés qui ont vécu un trauma dans
le pays d'origine vivent (...) un triple traumatisme : le traumatisme
pré-migratoire, les effets potentiellement traumatiques de la migration
et le traumatisme découlant du déni de leur vécu par le
pays d'accueil » 129(*).
15. Le deuil traumatique
« Comment grandir sans
parents, et comment garder vivant le souvenir de parents que, non seulement
l'on n'a pas connus, mais qui sont morts atrocement et ont disparu sans laisser
de traces ? Comment faire le deuil quand il n'y a pas eu rituel
funéraire ? Comment vivre avec l'insupportable de la mort atroce,
... »130(*)
a. Deuil compliqué
La nature des guerres en Afrique, dans les Balkans est
porteuse de scénarios traumatogènes pour les survivants. La
population s'est confrontée à des atrocités
extrêmes. Ils ont vu la mort et ont vu la mort de leurs proches. Les
victimes sont souvent exécutées d'une manière
barbare : elles ont pu être mutilées, brûlées
vives, décapitées, etc. devant leurs proches. Beaucoup de
survivants ont perdu leurs biens personnels. Ils sont devenus des
réfugiés forcés ou vivent dans des zones
« d'après guerre », dans le strict minimum ou sans
rien. Leur nouvelle vie est alourdie par la perte d'êtres chers, les
séparations, les pertes matérielles. Ainsi, le concept de deuil
ne s'applique plus seulement aux personnes aimées mais également
aux avoirs perdus.
Dans ces circonstances le tableau clinique se complexifie
encore plus car les personnes se trouvent à la fois endeuillées
et traumatisées (avoir manqué de mourir d'une part et perdu des
proches de l'autre) et le deuil à faire devient
compliqué131(*).
La sémiologie du deuil traumatique132(*) est double. Elle englobe les signes
caractéristiques de l'état de deuil et un syndrome
psychotraumatique. Sa définition d'après M.
Grappe est : « une réaction des proches du
défunt, « le cercle du deuil », touchés par
la perte et traumatisés par les circonstances de survenue de la
mort : événement tragique, brutal, difficile à
accepter, même si la mort est une des facettes communes de la
guerre. »133(*)
b. Deuil
impossible
Les disparitions consécutives à un
enlèvement par la force dans un état de guerre sont aussi une
arme de guerre qui inflige une torture morale. « Un autre effet
traumatique fut de ne rien savoir sur le destin du disparu. Cette ignorance
créait un vide, un vide de représentation et de douleur
insupportable, qui toucha non seulement les parents du disparu mais l'ensemble
de la population »134(*).
« Il y a peu de torture morale plus cruelle que
celle qui est liée à l'incertitude »135(*).
Simone de Beauvoir décrit la disparition d'un jeune
juif ami pendant la guerre comme suit : « Chaque matin,
lorsque j'ouvrais les yeux, je volais le monde. Le pire, c'est que je ne
volais à personne...Personne ; et nulle part cette absence ne
s'incarnait ; pas de tombe, pas de cadavre, pas un os. Comme si rien,
absolument, n'avait eu lieu »136(*)
A. Houballah137(*) nous dit que pour pouvoir amorcer le
processus de deuil le dernier regard qu'on jette sur l'être chère
décédé est déterminant. Faute de ce dernier regard,
les proches d'un sujet disparu sont parfois dans l'incapacité de faire
leur deuil et peuvent s'installer dans un interminable processus de deuil
pathologique.
b.1 Le travail de deuil
Selon R. Kavanaug138(*), dans des conditions habituelles, le
travail de deuil passe par certaines étapes :
· La première phase est celle de choc. Le
sujet entre dans le déni de la réalité qui s'accompagne de
crises de larmes, colères, agitation, ou au contraire d'abattement.
· Lors de la deuxième phase, le sujet est
submergé par un sentiment de culpabilité. Il s'auto-accuse de
n'avoir pas bien aimé, de n'avoir pas assez fait pour retarder ou
empêcher la mort. Il exprime de l'auto-agressivité.
· L'étape centrale du deuil est la
dépression. La douleur morale est intense. Le
désintérêt, l'apathie, la perte de désir sont
présents. Au cours de cette période le sentiment de solitude et
d'abandon sont le plus accentués. Au cours de nombreux mois le
sujet va progressivement se détacher et va pouvoir aborder la
quatrième période.
· La quatrième période est
marquée par la fin du deuil. On l'appelle la phase d'adaptation
(désinvestissement de la libido de l'objet) et le sujet peut se tourner
vers l'avenir.
M-P. Le Court139(*), nous dit que quand
il s'agit de `disparitions', les proches de la victime se trouvent dans
l'impossibilité d'accéder à la phase centrale du travail
de deuil en raison de l'absence de statut du disparu qui n'est ni mort ni
vivant. Cette impossibilité d'entrer dans cette phase engendre des
nombreuses conséquences. Ne pouvant trouver le corps, donc, de
l'inscrire dans le statut de vivant ou de mort, les proches du disparu restent
fixés dans la première phase c'est-à-dire dans le
déni de la réalité. Cette conséquence ne permet pas
de faire le deuil et ainsi se retourner vers le désir.
En voyant la complexité de ces situations de guerre,
conflits, etc., certains auteurs mettent en doute les outils
diagnostiqués de ESPT pour évaluer les implores psychiques.
« Certains demandeurs d'asile ont
été exposés à des souffrances dramatiques et
extrêmes. Nous ne pensons pas que nos outils usuels, comme le concept
d'Etat de stress post-traumatique, soient adaptés à ces
cas : en raison de la gravité des trauma subis, souvent sous-tendus
par une cruauté extrême »140(*).
Chapitre VI : Le syndrome psycho-traumatique
Pour pouvoir déterminer qu'un sujet présente un
ESPT ou un syndrome psychotraumatique, les professionnels doivent se baser sur
l'apparition de certains symptômes, particulièrement de
réviviscences, qui sont repris dans le tableau clinique du DSM IV ou
dans le tableau clinique de la psychiatrie française.
Différentes symptômes inscrits sous le tableau
clinique « syndrome psychotraumatique » nous permettrons de
comprendre un peu mieux ce que subissent les victimes et les désordres
psychiques qui en découlent.
Nous nous appuyons sur le tableau clinique français car
il nous paraît plus complet. Il inclut les états pathologiques
(n'incluant donc pas le stress adapté ou dépassé qui se
sont résolus sans séquelles) de la phase
immédiate, de la post-immédiate et de
la phase différée et chronicisée141(*).
Ce tableau inclut aussi les troubles psychosomatiques, les
troubles non spécifiques et une explication plus large sur les troubles
de la personnalité qui ne sont pas repris par le DSM IV
Le syndrome psycho-traumatique peut être transitoire,
c'est-à-dire quand la victime présente des désordres
psychiques qui se traduisent par des réactions immédiates de
stress dépassé ou peut perdurer ensuite, voire se chroniciser (ce
qui est comparable aux névroses de guerre), accablant tout le restant de
l'existence du sujet traumatisé.
La névrose traumatique y compris la névrose de
guerre s'installe après un temps de latence143(*) de
durée variable (de quelques jours à quelques
années) qui se traduit par
- le syndrome de répétition, pathognomonique,
- les symptômes non spécifiques
- la réorganisation de la personnalité
pathognomonique.
1) le syndrome de répétition
Les reviviscences traumatiques sont
présentes chez la plupart des patients ayant des troubles
post-traumatiques. Le sujet a l'impression de revivre la/les scène/s
traumatisant/es ce qui cause une angoisse et une
détresse144(*) très intense. Cet état de
détresse est causé par le vécu traumatique qui ne peut
être comparé à l'état dépressif.
« Etre dépressif n'est pas le trait
d'une personnalité dépressive, mais bien la conséquence
d'une altération profonde de l'état affectif provoquée par
la blessure ». La détresse psychologique s'accompagne
également d'un sentiment d'angoisse, c'est-à-dire d'une
réaction émotionnelle caractérisée par la peur et
l'insécurité. Après ce qu'elles ont subi, les personnes
blessées ont tendance à percevoir le monde qui les entoure comme
dangereux et menaçant. Ce sentiment peut être source de nouvelles
angoisses145(*).
· Les modalités de manifestation du
syndrome de répétition
Le sujet traumatisé
est souvent submergé par des souvenirs
forcés, car ils s'imposent involontairement.
(Dénommés par le DSM des souvenirs intrusifs). Ces
souvenirs se présentent par des rappels des détails visuels de
l'expérience, des noms, etc. déjà `enterrés' par le
sujet. Ils surviennent dans sa conscience dont il sera incapable de se souvenir
volontairement. Le sujet voit la scène et le revit
l'événement traumatique avec la même détresse qu'au
moment de vécu, que ce soit dans la journée sous forme de
flash-back ou la nuit dans des cauchemars traumatiques.
Certains mettent alors en place des stratégies
d'évitement pour tenter d'échapper à ces
réviviscences comme : ne pas se coucher, ne plus aller travailler
pour ne plus sortir de chez soi, consommer de l'alcool et des psychotropes,
etc.
Des reviviscences
hallucinatoires peuvent s'imposer au sujet. Le plus souvent
visuelle, c'est une forme répétitive avec des images
détaillées de la scène traumatique. Il s'agit d'une
scène dynamique où le sujet se sent impliqué
émotionnellement d'une manière intense ce qui donne des
réponses par des cris, d'agitation, etc. Parfois, on voit
apparaître aussi des hallucinations auditives, olfactives ou sensitives.
Selon F. Sirroni146(*), il arrive que pendant la journée,
par exemple dans la rue, la victime entende des voix qui l'appellent. Elle se
retourne systématiquement malgré qu'elle sache que son bourreau
n'est plus là. Ces vécus comme si
l'événement allait se reproduire sont des
réviviscences qui submergent le sujet spontanément et
soudainement suite à un stimulus déclenchant (par exemple,
la sirène de l'ambulance peut lui rappeler un moment d'alarme pendant la
guerre) mais il se peut que le sujet se sente envahi par un
sentiment d'insécurité, des éprouvés bizarres, de
déréalisation ou de dépersonnalisation sans un stimulus
provoquant. Suite à ces situations le sujet produit souvent
des phénomènes moteurs élémentaires.
Ce sont des réactions motrices comme des tics,
sursaut ou recroquevillement.
Parfois, le sujet a des perceptions erronées à
partir d'un fait réel. Crocq147(*) nous donne un exemple d'un sous-officier
recruté dans l'armé pendant la guerre en Algérie pour
illustrer ces illusions de reviviscences. Ce sujet, un an
après son retour en France, croise un jour sur le trottoir un groupe de
communiantes vêtues en blanc qu'il perçut comme des femmes
musulmanes revêtues de leurs voiles blancs. D'emblée le sujet se
`retrouve' en Algérie frappé par la tension et
l'insécurité présente lorsqu'il était dans ce pays.
Le sujet revient à lui quand le groupe disparaît devant ses yeux.
Tendu, perplexe, le coeur battant fort, il se demanda s'il n'était pas
en train de devenir fou.
Le sujet ne souffre pas seulement de ces
réviviscences mais il rumine mentalement
aussi. Ce sont de longues interrogations portant sur le trauma, de sa
signification ou de ses conséquences. Les `pourquoi' sont des
éléments constitutifs des ces ruminations mentales :
pourquoi moi ? Pourquoi la mort de tel camarade, de mon enfant,
etc. ? Pourquoi n'ai-je pas fait autrement, ... C'est-à-dire, on
est dans des composants de déception, de culpabilité, de
dévalorisation qui menacent intérieurement le sujet victime d'un
traumatisme.
Les réviviscences peuvent se produire aussi à
travers des conduites de répétition et jeux
répétitifs. Ce sont des conduites motrices plus
organisées, des actions complexes inconscientes qui sont en lien avec
l'expérience traumatique comme des fugues, récits
répétitifs, jeux répétitifs chez l'enfant, des
comportements agressifs, actes délicieux, etc.
Ces symptômes peuvent se manifester ou se combiner de
manière très différentes et ne sont pas
nécessairement tous présents chez le sujet.
· L'expression du syndrome de
répétition
Les reviviscences s'accompagnent par
l'expression d'une
détresse psychique, par des symptômes
neurovégétatifs comme : transpiration abondante,
sensation de faiblesse, impression de flou visuel et vertiges, des palpitations
cardiaques, sensation de striction laryngée et oppression thoracique,
etc. Pendant cet état, le corps du sujet se raidit.
Certains se figent sur place, d'autres raidissent simplement leurs muscles. Les
tics, les sursauts et les recroquevillements surviennent sur un corps
simultanément raidi. Quand les reviviscences disparaissent, ces
symptômes s'estompent aussi.
16. Les symptômes
non-spécifiques
Le syndrome psychotraumatique se caractérise aussi par
des symptômes non-spécifiques148(*) lesquels
s'expriment par l'asthénie, l'anxiété, les
superstructures psychonévrotiques (hystériques, phobiques
et obsessionnelles), les troubles psychosomatiques et les troubles
des conduites.
Souvent les patients se plaignent d'une grande fatigue.
L. Crocq149(*) dit qu'il s'agit de
l'asthénie et pas de fatigue. La fatigue est un
phénomène physiologique normal et spontanément
réversible. Il suffit de se reposer pour qu'elle s'efface. Tandis que
l'asthénie est une fatigue morbide qui persiste malgré le repos.
On distingue trois types d'asthénies : physique, psychique et
sexuelle. Ceux-ci se traduisent par différentes manières. Le
sujet est dans un état de lassitude générale. Au moindre
effort physique, il se sent abattu. Il sent dans son corps des crampes et des
fourmillements. Ses facultés mentales d'attention, d'acquisition
mnésique et de concentration intellectuelle sont en baisse, ainsi que
le désir et le plaisir sexuel qui va jusqu'à l'impuissance ou la
frigidité.
Le sujet traumatisé vit dans une
anxiété permanente. Selon la nosographie
française, cette anxiété peut se traduire par trois
états différents :
- par des crises d'angoisse sidérés ou
agités ;
- par des états anxieux intercritiques : le sujet
vit avec une tension interne désagréable, il craint des autres et
de l'avenir, il a une impression de danger imminent. Il réfléchit
exagérément, il est colérique.
- par une personnalité anxieuse : le sujet est
pusillanime, il est enclin à voir l'avenir d'une manière
péjorative. Il est dépendant d'autrui dans une relation de
quête de réassurance ou de fausse agressivité.
Le DSM IV distingue deux types d'anxiété :
attaque de panique et anxiété généralisé.
Des superstructures
psychonévrotiques sont observées aussi chez ces
sujets: Ce sont des symptômes hystériques, phobiques et
obsessionnels.
- Les symptômes hystériques tels que
fausses cécités, surdité, mutité, contractures,
hyperesthésies, crises psycho-émotives, pseudoparalysies,
amnésies, etc. sont fréquents chez ces sujets. Telle était
le cas de Jean décrit précédemment : il a
été frappé de cécité suite à la
contrainte par le tortionnaire de regarder sa mère nue accroupie devant
lui.
- concernant les symptômes obsessionnels,
malgré qu'ils soient rares, Crocq dit que dans la
névrose traumatique, il s'agit plutôt d'obsessions phobiques.
C'est l'exemple d'un sous-officier français traumatisé
travaillant en Indochine et en Algérie. Après son retour en
France, il se relève plusieurs fois pendant la nuit pour vérifier
qu'il a bien verrouillé ses portes.
- les phobies sont fréquentes dans la
névrose traumatique. L. Crocq les considère
comme des « phobies légitimes ». Par exemple, une
patiente que nous avons suivie pendant notre stage à Exil, depuis
qu'elle avait été violée, avait développé
une claustrophobie (peur de prendre le métro, de prendre l'ascenseur,
etc.). La peur que l'agresseur suive encore la victime est habituelle dans la
névrose traumatique. Alors, la victime met en place des conduites
d'évitement et de réassurance. La conséquence est qu'elle
perde son autonomie, son indépendance et sa liberté d'action.
L'apparition des troubles psychosomatiques
est signe que « la souffrance
` parle' à travers le corps150(*). Pour
Crocq, « les mécanismes
exagérés du stress se produiraient lorsque l'individu
agressé ne peut mettre en oeuvre - soit par contrainte
matérielle, soit du fait de son tempérament peu enclin à
l'extériorisation de l'émotion - les défenses psychiques
habituelles, adaptatives ou névrotiques, telles que gestes, cris,
verbalisation, ou représentation mentale. La seule réponse qui
lui reste serait alors l'archaïque réponse (...) de
l'organe. » 151(*)
M. De Clercq152(*), nous dit que pendant la phase aiguë,
les symptômes associés à l'anxiété (les
pensées envahissantes, flash-back, troubles du sommeil et cauchemars)
sont prédominants. Si on ne traite pas ce stade, l'affection devient
chronique (après plusieurs mois ou plus): l'anxiété
diminue et cède le pas à l'abattement, à la
dépression, aux troubles sexuels et à la somatisation des
symptômes.
Les symptômes sont divers telles
qu'ulcère duodénal, hypertension, colite, eczéma
psoriasis, etc. Crocq153(*) met en évidence que dans certains
cas, le psoriasis est apparu sur la cicatrisation d'une blessure.
Souvent les victimes présentent aussi divers
troubles de conduites lesquels nuisent à la
santé et ont de répercussions sur la vie familiale et sociale.
Certains s'orientent vers l'abus d'alcool ou prennent de benzodiazépines
pour diminuer leurs angoisses et leurs troubles du sommeil, etc., de conduites
suicidaires, repli sur soi car le sujet se sent seul, avec la
décourageante conviction de porter en soi une expérience
incommunicable.
La victime peut présenter des problèmes
d'impulsivité comme des crises de colère, des propos ou actes
agressifs, etc. Des changements brusques d'emploi, de lieu d'habitation,
absentéisme non justifié à l'école ou au travail.
Dans le fonctionnement quotidien souvent le sujet présente des troubles
de mémoire, de concentration, labilité émotionnelle,
céphalées et vertiges.
En voyant les effets sur le fonctionnement conjugal ou
familial des victimes, de nombreux auteurs154(*) pensent que c'est
nécessaire d'informer les proches autant que la victime sur les
conséquences du traumatisme car le soutien social est très
important dans le pronostic évolutif de l'ESPT.
17. La personnalité
traumato-névrotique
Ces blessures entraînent une atteinte
bio-psycho-sociale. Elles atteignent la vie psychique en profondeur et sont
à l'origine de bouleversements intérieurs importants que la
victime va ressentir comme un changement de sa personnalité155(*) : changement des
rapports avec soi-même et le monde, une nouvelle manière de
percevoir, de ressentir, de penser, d'aimer, de vouloir et d'agir, ce que
L. Crocq appelle personnalité traumatique.
La vie quotidienne du sujet se construit autour de ces
traumatismes. Certains psychanalystes la qualifient de régression. Au
niveau psychanalytique la régression est un retour du sujet à un
état antérieur de sa vie libidinale. Le sujet exprime qu'il veut
devenir comme avant, quand il avait un autre goût pour la vie, une autre
perception, d'autres sentiments, . . . sur le monde et sur soi-même.
Cette altération de la personnalité se traduit
par un blocage de la fonction de filtration. Cliniquement,
Crocq156(*) considère que se sont des attitudes
d'hypervigilance et d'alerte et de sursaut exagéré comme
réponse aux stimulations évocatrice du trauma, voire à
toute stimulation. Le sujet vit dans un sentiment d'insécurité
permanente car il n'arrive pas à reconnaître et filtrer les
stimulations. Pour lui, elles sont toutes dangereuses. Ainsi, la victime
inspecte sans cesse l'environnement pour y détecter les signaux de
danger (les objets, les personnes susceptibles de leur rappeler le trauma).
Cette insécurité est la cause de résistance à
l'endormissement, car s'abandonner au sommeil serait se livrer aux agressions
venant du dehors. De même, lorsqu'elles dorment, leur sommeil est
léger, et avec le moindre de bruit elles se réveillent dans
l'inquiétude.
Le blocage de la fonction de
présence donne lieu à une perte de curiosité
pour le monde. L'intérêt pour les loisirs ou le travail baisse
considérablement, perte de motivation généralisée.
On assiste à une réduction de l'activité. Parfois
même, le sujet perçoit le monde extérieur comme distant,
lointain, artificiel, déréel. Il n'a pas d'espoir en l'avenir.
Cela se traduit par un visage inexpressif, un regard absent, des propos
désabusés.
Le sujet présente un blocage de la fonction
d'amour et de relation à autrui. Ceci se traduit par le
sentiment de détachement d'autrui, l'irritabilité et le retrait
social, une importante régression libidinale. Ferenczi
avait remarqué que les névrosés de guerre retirent leur
investissement objectaux antérieurs et retournent au stade infantile
où ils n'étaient pas capables d'aimer un autre que
eux-mêmes du à des atteints graves de lésion du Moi. Cet
état il va le dénommer régression
narcissique157(*),
Les effets de cette régression se traduisent par une
impuissance sexuelle, la recherche de sécurisation, une extrême
dépendance affective, des exigences capricieuses, des revendications
surenchéries envers autrui. Paradoxalement, le sujet a des
revendications à l'autonomie. Dans les cas sévères, les
patients se comportent explicitement comme des enfants. Dans certains cas, leur
dépendance affective et leurs exigences sont plus
discrètes : ils se renferment sur eux-mêmes avec un retrait
social et des ruminations mentales amères. Quand on les interroge, ils
se sentent incompris et mal aimés. Ce blocage se traduit aussi par
l'irritabilité et l'agressivité envers les autres parce que tout
l'environnement, les choses comme les êtres, lui apparaît comme
agressif.
Ces symptômes peuvent être combinés et ne
sont pas nécessairement tous présents chez la victime.
Chapitre VIII : La prise en charge de la
victime
« Si certains, par quelque capacité
d'oubli ou de résistance, semblent traverser à l'envers
l'Achéron sans trop de difficultés, d'autres en gardent une
blessure profonde. C'est eux que nous tentons de comprendre, voire de
soigner »158(*). (C.
Barrois)
Tous les auteurs s'accordent sur le fait que le type de prise
en charge de la victime a une grande importance. Plus l'intervention ou l'aide
apportée est précoce, plus on a de chance de prévenir ou
atténuer une chronicisation de ces troubles. C'est très important
d'écouter la victime, de s'intéresser à ce qu'elle a
éprouvé. Aider la personne à accepter ses
réactions. Ces réactions sont normales face à une
situation anormale. Ceci aide la personne à réduire le risque
de développement de la culpabilité.
1. L'intervention immédiate
Pour les victimes une aide psychologique sur le terrain qui
consiste à prodiguer des soins d'urgence s'avère importante. La
méthode préconisée est celle de
defusing159(*). Le defusing ou déchoquage
psychologique en est la première approche.
Certains sont angoissés, agités et
logorrhéiques. Ils présentent un discours sans suite, peu
cohérent, désarticulé. D'autres
hébétés, sidérés sont le plus souvent muets,
parfois agités, parfois hallucinés. C'est ainsi que se
présentent les victimes qui viennent de voir l'enfer. L'intervention
consiste à apaiser leurs souffrances et prévenir l'installation
de séquelles psychotraumatiques chroniques.
D'après Damiani160(*) le moment qui suit
directement le traumatisme plonge le sujet dans un sentiment terrible de
solitude et de détresse car, comme dit F. Lebigot161(*), dans le moment de
l'effroi le langage l'a abandonné. L'importance de l'accueil de la
victime : de la rencontrer, de la toucher, de lui parler, de lui demander
des mots, c'est de lui demander de venir avec nous, dans le monde du vivant. De
ce dialogue une parole s'invente, ce qui permet de mettre un début
d'ordre dans ce chaos. Voici comment s'exprime Daligand :
« le soin véritable à apporter à la victime
est non dans la négation du trauma ou son effacement, non dans son
exploration symptomatique mais dans la reconnaissance de la personne et dans la
renaissance de son être de parole »162(*).
Ce type d'intervention peut être effectuée
individuellement ou par petits groupes. L'intervention en groupe (maximum six
personnes) ne se fait qu'avec les personnes qui viennent de vivre le
même événement.
18. L'intervention post-immédiate
Dans cette phase post-immédiate, plus
précisément les 1ers jours ou la 1ère semaine après
l'événement, sont les moments le plus propices pour
procéder au débriefing163(*). Le debriefing (individuel ou
collectif) correspond au bilan (approche) psychologique
d'événement un peu plus à distance de
l'événement traumatisant. Il est un continuum de defusing.
L'intervenant continue de prodiguer des soins au (x) blessé(s)
psychique(s) en invitant à verbaliser leurs expériences de
l'événement , afin d'être en mesure de la maîtriser
et d'éviter une évolution pathologique: « Les
praticiens proposent aux victimes de re-parcourir minutieusement
l'événement traumatique et de le mettre en tension avec les
émotions qui l'ont suivi et les pensées qu'il a fait naître
car, du moment de l'effroi lui-même, les sujets peuvent difficilement
dire quelque chose : il a été un moment au cours duquel les
mots se sont absentés, un aperçu fugace sur le
néant »164(*). Une telle méthode peut se faire
uniquement dans cette phase car dans l'immédiat elle sera perçue
comme une violence insupportable.
« Il s'agit pour le traumatisé, non
seulement de s'affirmer comme sujet parlant face à un autre parlant,
mais encore de déchiffrer ce qui vient de lui arriver, d'énoncer
dans une parole inaugurale ce qui vient de se passer en lui (...) qui est en
lui comme un tourbillon qui a désorganisé son psychisme. En
l'énonçant (...), il le réduit en mots et ces mots son
porteurs de sens. Ses propres paroles sont plus révélatrices pour
lui, oraculaires, qu'elles ne sont informatives pour l'interlocuteur (...). Il
s'agit vraiment d'exprimer ce qu'on ressent
confusément,... »165(*) (Crocq, 2000).
Parallèlement, un autre but de débriefing
consiste à observer l'évolution, c'est-à-dire voir s'il
s'agit d'une `queue de stress166(*)' qui va se réduire sans séquelles, ou
dépister les sujets à risque, ce qui demande un traitement plus
soutenu.
Certains manuels de débriefing disent que pour pouvoir
atténuer la souffrance, « il faut
dédramatiser » le vécu. Selon Damiani, Lebigot,
Mathieu167(*)
cette attitude fait taire la victime et le résultat est
éphémère, de même pour le sentiment de
culpabilité. Au lieu de pouvoir s'interroger à haute voix, la
victime va se taire. Pour les auteurs, l'interprétation de la situation
vécue par les autres membres du groupe, sera beaucoup plus efficace pour
atténuer cette souffrance. « D'être partagée,
la faute imaginaire se relativise et amorce son entrée dans le
symbolique (Freud, 1915) »168(*).
Nous nous sommes prudent concernant la dédramatisation
ou pas du vécu de la victime. Car, il y a des vécus qui suscitent
des horreurs absolues, telle que les massacres, etc. Ainsi est l'exemple que
Doçi nous fournit dans son livre «l'âme
mortifiée: la violence serbe envers la femme albanaise au
Kosovo». Les serbes avaient décapité l'enfant devant sa
mère et avec la tête de l'enfant ont continué à
jouer comme avec une balle. Dans des telles situations, nous pensons qu'il est
hors de question de parler d'une dédramatisation et d'un résultat
éphémère ou longue duré. Dans des cas pareils, nous
pensons qu'une attitude de simple reconnaissance est indispensable.
Quand il s'agit de situation de guerre comme au Kosovo, ces
deux types de soins (immédiat et post-immédiat), s'avèrent
impossible. La population civile se trouve éparpillée, des
milliers d'entre eux étaient réfugies dans les forêts
pendant des semaines, voire des mois. « Des 300 000 à
500 000 Kosovars réfugiés dans les montagnes du Kosovo sont
dépourvus de toute aide humanitaire »169(*). Puis, pendant que la guerre
dure, la menace physique et psychique dure aussi. Le sujet n'a pas
dépassé l'épreuve, le danger. Il vit encore grâce
à ses mécanismes de survie, il continue à subir le
traumatisme. Ainsi, il n'est même pas souhaitable et d'ailleurs il est
contre-indiqué d'offrir ces types de soins pour que les sujets ne
relâchent pas ces mécanismes de survie. La première aide
psychologique se fait quand la victime ne se trouve plus en danger physique
et/ou psychologique.
Donc, pour certaines personnes qui avaient déjà
vécu des situations dramatiques comme par exemple des massacres de leurs
proches, il a fallu attendre des mois et des mois jusqu'à la
première intervention. Ces interventions ont eu lieux quand la
population a été déportée en Albanie,
Macédoine, Monté Négro170(*). Tandis qu'à l'intérieur du pays
c'était après que la guerre a pris fin.
Remarque : Nous pensons qu'il est important de
mentionner que les réfugiés albanais ne possédaient aucun
des besoins élémentaires: c'est-à-dire pas de toit, pas de
nourriture, pas de soins médicaux, etc. C'est pourquoi
différentes ONG se sont attelée à fournir ces besoins
élémentaires aux victimes. Il ne peut donc y avoir une aide
psychologique proprement dit si ces personnes n'ont même pas une
sécurité de base. De même, au Kosovo dès la fin de
la guerre, selon MSF171(*), ils ont initié l'aide à cette
population sous divers aspects : aide médicale, matériel de
première nécessité, comme produits d'hygiène,
nourriture, vêtements, chaussures, ainsi que des abris d'appoint afin de
permettre aux plus démunis d'avoir un abris pour l'hiver et enfin le
nettoyage de milliers de puits contaminés par la présence de
cadavres humains ou animaux, etc. En effet il est utile de préciser que
200.000 maisons ont été brûlées et la plupart des
autres ont été vidées de leur contenu par l'ennemi.
Concernant la santé mentale, MSF a organisé
aussi des sessions de formation pour des professionnels kosovars afin qu'ils
puissent assurer au mieux la prise en charge des PTSD.
19. La prise en charge à long
terme
Lorsque les séquelles du traumatisme psychique sont
installées durablement, un traitement psychologique individuel à
long terme, combiné si nécessaire à un suivi psychiatrique
et psychopharmacologique s'avère indispensable. Si l'intervention est
retardée, il sera beaucoup plus difficile d'arriver à une
guérison.
b. Le problème de la demande
Des auteurs ont remarqué qu'il y a
qu'une minorité des personnes souffrant des troubles psychotraumatiques
extériorisent leurs plaintes et demandent de l'aide
psychothérapeutique. Souvent leur demande se fait pour diminuer les
symptômes par des médicaments. On entend des raisonnements de
leur part comme « je ne savais pas que ça se soignait
» ou « personne ne peut comprendre
ça »172(*).
« Le plus souvent, les patients ne parviennent
pas jusqu'au psychiatre. Il y a ceux qui guérissent tout seuls, mais il
y a ceux aussi qui se suicident, sombrent dans l'alcoolisme, s'étayent
vaille que vaille avec leur entourage, des médecins, une institution, un
engagement dans une oeuvre caritative notamment (....) Le plus souvent, ce
nouveau chapitre du traitement est long, aléatoire, difficile pour le
patient confronté à de grands moments d'angoisse. S'il en tire
cette paix relative
que lui assure la relation transférentielle, il ne
va pas toujours jusqu'à l'acte ultime qui consiste à renoncer au
trauma »173(*).
Ceux qui demandent d'aide, c'est souvent quand le syndrome de
répétition apparaît (après plusieurs semaines, mois
ou des années). Pour rappel, l'irruption soudaine des cauchemars et des
réviviscences n'appairassent qu'après un temps de latence qui est
très variable d'un individu à l'autre.
En ce qui concerne les femmes violées au Kosovo, nous
avons mentionné précédemment que le problème de la
demande vient du fait, selon Silvana Miria, que l'ampleur des
atrocités est dissimulée par les communautés albanaises
pour cacher leur "honte" au monde extérieur.
Pour pouvoir aborder ces femmes, Silvana
Miria s'y est prise de manière plus discrète. Voici
comment elle nous l'explique : « Au début, nous sommes
allées dans les camps de réfugiés pour participer à
la distribution du pain, donc tout autre chose qu'un travail de soutien
psychologique. Grâce à cela, nous sommes devenues des personnes
connues dans le camp. Nous avons ainsi pu, par la suite, entamer une
communication individuelle avec les femmes en passant d'une tente à
l'autre. Nous travaillons chaque jour avec ces personnes. Elles ne peuvent pas
tout raconter d'un coup (...). On travaille plusieurs fois avec la même
personne pour qu'à la fin elle nous raconte ce qu'elle a vraiment
vécu ...) »174(*)
a. Pour des vécus spécifiques un
traitement spécifique
Au cours de nos lectures, nous avons remarqué
différents types de confrontation à des événements
dits traumatiques. Face à ces différents événements
Crocq175(*) dit qu'il faut un traitement
spécifique car, selon lui, la pathologie psychotraumatique en
général et celle de guerre en particulier, est une affection
mentale qui se distingue des autres. Pour l'auteur, « La
démarche reste psychothérapeutique mais elle se distingue des
psychothérapies classiques sur plusieurs points. Elle doit être
adaptée pour chaque catégorie de victimes : les survivants
des camps, les rescapés de guerre, les victimes d'abus sexuel et de
tortures »176(*).
Un des enjeux de la prise en charge
thérapeutique « sera de dénouer le
noeud de ce qui ne peut être oublié et de ce qui ne peut
être dit »177(*). Pour que la répétition cesse de
surgir, le sujet semble-il doit pouvoir faire son deuil, car dans chaque
traumatisme il y a perte d'objet, quelle que soit sa nature. « Il
suffit que celui-ci soit investi narcissiquement pour que se ravivent en lui la
douleur et la souffrance à chaque fois qu'il le
rencontre »178(*).
D'après Houbballah, toute la
tâche de l'analyste consiste à délivrer son patient de
cette captation imaginaire pour déclencher le processus de
symbolisation. Car seule la parole peut aider le patient à faire son
deuil, à retrouver sa place dans le temps et à voir
renaître son désir.
Du côté des enfants, Grappe dit
que « ces enfants doivent être pris en charge dans un cadre
institutionnel, bien encadrés, avec pour objectif premier :
retisser des liens affectifs. Après une reprise de leur
développement psycho-affectif, sortis de l'inhibition (condition de base
à une élaboration du traumatisme), le passé pourra
être partagé dans une relation
thérapeutique » 179(*).
Pour ces enfants qui sont devenu « tout d'un coup
adultes », il faut arriver à les faire fantasmer, leur
permettre de réintégrer leurs rêves d'enfants, les faire
retourner à l'école plutôt que leur apprendre un
métier, leur laisser ce temps de l'enfance.
b.1 La neutralité ou la reconnaissance de la
souffrance
Face à ce genre de traumatisme, beaucoup d'auteurs
renoncent à l'attitude de `neutralité bienveillante' et la
thérapie prend une allure spécifique. La reconnaissance, le
soutien, la manifestement de compassion, ...face à la victime
deviennent indispensables.
« L'abandon de la bienveillante
neutralité au profit d'une position active du thérapeute
positionné comme un allié aux côtés du patient, pour
combattre l'influence du bourreau »180(*).
F. Sironi se positionne contre ces auteurs
qui préconisent une attitude qui tient compte de la `nature' du patient,
car pour elle quand il s'agit d'une victime de traumatisme, il est hors de
question d'adopter une attitude d''écoute', de `bienveillante
neutralité', de laisser la place aux interprétations visant
à subjectiver le vécu du patient. Ces positions laissent croire
au patient `qu'il y est pour quelque chose' dans ce qui lui arrive.
« La reconnaissance solidaire de la souffrance
du sujet et de son préjudice, (...) croire de ce qu'elle dit et
reconnaître l'expérience traumatique comme atteinte à son
intégrité. Ceci est important et est indispensable au
rétablissement de la confiance, des liens sociaux (...). Distinction
claire et affirmée de l'agresseur et de
l'agressé... »181(*).
b.2 Le silence
Selon les auteurs, il faut pouvoir mettre des mots sur ce que
le sujet a vécu mais ceci est souvent un parcours très difficile
et demande du temps. « Pour apaiser son âme meurtrie, il
faut arriver à mettre des mots sur ses blessures et à parler de
sa souffrance182(*).
Pourtant, « rompre le silence implique un parcours, souvent
long et douloureux ; il opère le dévoilement de l'impensable
et permettra à chacun de donner `un sens à l'absurde catastrophe
en retrouvant la continuité psychique entre le passé, le
présent et l'avenir' » (Lindy, 1985).
183(*)
Les causes de cette difficulté d'en parler est du au
fait que « beaucoup ont (...) du mal à parler de ce qui
leur est arrivé ; certains auteurs ont interprété
cette difficulté tantôt par l'impossibilité pour les
survivants de témoigner de ce qu'ils ont subi, tantôt par leur
difficulté à parler dans un contexte
thérapeutique »184(*)
Du côté de la relation patient -
thérapeute, pour F. Lebigot185(*), surtout dans les premiers temps, il faut
éviter les trop longs silences car ils font resurgir chez la victime des
sentiments d'abandon, voire de détresse.
b.3 La culpabilité
Nous avons vu précédemment qu'un sentiment de
culpabilité, souvent, irrationnel surgit chez la victime. Pour
De Clerq186(*), les attitudes des proches de la victime
ou des premiers intervenants rencontrés sont des facteurs
déterminants concernant la culpabilité. En fait, le soutien, la
déculpabilisation, par exemple : « tu n'es pas
à blâmer, tu n'est pas seule, ... » sont des attitudes
qui peuvent aider la victime pour se débarrasser de la
culpabilité. Tandis que F. Lebigot187(*), concernant la
culpabilité dans le sens large, dit que dans l'immédiat les
thérapeutes qui essayent de déculpabiliser la victime comme par
exemple « mais vous n'avez rien à vous reprocher, au
contraire regardez le courage dont vous avez fait preuve » sont
des erreurs et peut compromettre les soins ultérieurs. Le plus souvent
de telles attitudes font taire le patient et manquent leur but comme la
dédramatisation.
b. Différents types d'approches
c.1. La thérapie cognitivo-comportementale
Cette approche classique considère que les
symptômes sont des productions de réponses apprises. Au niveau du
comportement, on essaye de désapprendre un comportement
conditionné qui résulte du vécu traumatisant
associé à une relaxation.
Au niveau cognitif, on travaille sur les schémas de
pensée qui ont changé par rapport aux croyances
antérieures, c'est-à-dire, avant le vécu traumatique. Par
exemple, un des symptômes qui appartiennent à la modification de
la personnalité peut être la perte de la foi dans le monde.
Cette forme de thérapie est utilisée surtout
pour le traitement de l'anxiété, des troubles obsessionnels et
des phobies.
G-N. Fischer188(*) pense que ce type de thérapie qui
est essentiellement fonctionnelle, réussit à faire
disparaître les symptômes comme par exemple,
l'anxiété, le sentiment de culpabilité, etc. ce qui permet
une réinsertion sociale mais pas nécessairement guérir les
effets traumatiques.
c.2. La psychanalyse
Certains psychothérapeutes utilisent les techniques
d'inspiration psychanalytique classique. La désorganisation psychique
suite à un traumatisme est considérée comme l'expression
d'une névrose préexistante laquelle doit être
traitée comme toutes les autres. D'autres auteurs comme
F.Sironi, S.Amati, ...189(*) contestent ces
points de vue de spécialistes en disant que on ne peut pas relier
à leur personnalité antérieure, ni aux conflits psychiques
inconscients liés à l'enfance la souffrance des survivants de
l'Holocauste.
Pour certains190(*) d'entre eux la névrose traumatique
correspond à l'expérience vécue de l'effondrement de la
loi qui nous renvoie à la question du père. Alors, il faut
explorer les conflits psychiques anciens et les relier à
l'expérience du traumatisme. « ...le trauma a
réveillé au plus profond et au plus originaire de
lui-même191(*)
(...) l'image du père de la horde, violent et jouisseur, qui fait douter
du père idéal, bienfaisant et rassurant, mais aussi la
disqualification de la loi, qui fait douter de l'ordre symbolique du monde
»192(*).
D'après A.Houbballah
« Face à qqn qui vient de subir un traumatisme grave, il
n'y a pas de place pour l'interprétation : la victime cherche
auprès du personnel soignant la compréhension de son état,
la reconnaissance de sa souffrance et les moyens de l'atténuer... Dans
le second temps seulement, dans ce que Freud appelait
l' « après coup193(*) », l'analyste peut intervenir, car on est
incapable de prédire ou de prévoir, après un traumatisme,
ni les réactions du sujet ni le destin ultérieur de cet
événement... »194(*)
Tandis que Lebigot pense que le
thérapeute doit se garder de faire des interprétations, sauf
quand il a la conviction que le sujet était au bord de les faire
lui-même. Nous pouvons donner un exemple que nous avons rencontré
pendant que nous avons effectué le stage au centre Exil. Pendant un
entretien avec une femme mariée qui avait été
violée, elle relève un problème de mariage dans son pays
en disant : « vous savez, chez nous, c'est la famille qui
choisit le mari pour la femme. Bon, à un moment on
s'habitue ». La dernière phrase
répétée deux fois pour nous évoque qu'elle
désir que nous continuions sur ce sujet.
c.3. La méthode cathartique
Certains spécialistes comme Crocq
préconisent une psychothérapie basée sur la
méthode cathartique195(*). Cette méthode s'appuyant sur l'approche
freudienne, consiste à provoquer chez la victime une abréaction
qui fait revivre l'événement traumatisant. Le but est de
libérer la victime sur le plan émotionnel et de
réinstaurer du sens. Cette méthode n'est pas une simple
expression des émotions mais il s'agit de création et de prise de
conscience d'une signification là où il n'y avait que le chaos et
le non-sens, et l'adoption d'une nouvelle attitude vis-à-vis du
trauma.
Pour rappel, d'après Crocq le
traumatisme est une expérience de non sens dans une existence
jusqu'alors sensée. Il s'agit des bouleversements aux différents
niveaux. « A l'instant de l'irruption traumatique, l'espace
ordonné du monde physique bascule pour faire place au chaos ; les
convictions narcissiques s'effondrent, laissant le sujet
désemparé ; les valeurs essentielles de l'existence - paix,
morale, prix de la vie et accessibilité au sens des choses - sont tout
à coup déniées et remplacées par l'absence d'ordre,
de cohérence et de signification. Le sujet entrevoit, sans y être
préparé et sans pouvoir discerner plus nettement, non pas
tellement sa mort (ou la mort de l'autre), mais sa disparition et son
effacement de la vie, c'est-à-dire le retour au néant
mystérieux et redouté, le néant, envers de la vie et des
valeurs, non-sens »196(*).
c.4. Ethnopsychiatrie
F. Sironi, en s'appuyant sur
l'ethnopsychiatrie, préconise une thérapie qui traite le rapport
entre psychisme et culture chez les victimes. A partir de son expérience
avec des migrants et des exilés notamment victimes de torture, de la
guerre etc., elle déduit que le modèle psychanalytique qui tend
à aborder le traumatisme comme une causalité interne, un conflit
intrapsychique lié à la petite enfance est limité. Ces
traumatismes ont été pensés, élaborés par
des humains qui en connaissaient l'impact, alors Sironi prend en compte ce
« tiers extrapsychique197(*) », la réalité
concrète de la torture, de la guerre et définit ce genre de
traumatisme comme la conséquence de l'influence et de
l'intentionnalité malveillante de l'autre qui vise à briser,
brouiller tous les repères, détruire les liens qui reliaient
l'individu à son groupe d'appartenance et par lesquels une
identité individuelle se construit, de la réduire à un
être sans spécificité culturelle, sans singularité
ce qui a pour effet la déstructuration de la personnalité
initiale. La technique de la torture utilisée par le bourreau a une
visée de produire une effraction psychique qui fait entrer en
chacun l'autre que soi et le modifie radicalement au point que tout ce
qu'éprouve et pense le sujet est en lien avec un autre, avec la
manière dont l'autre l'a pensé, chosifié.
Pour pouvoir traiter les victimes de torture, l'auteur pense
qu'il est indispensable de comprendre l'intention du tortionnaire.
« On ne peut traiter les victimes de torture si
l'on ne s'intéresse pas au système qui produit la torture, si
l'on ne s'intéresse pas à la fabrication des tortionnaires. Il
est nécessaire de prendre en compte les processus qui sont à
l'oeuvre dans toute modification délibérée de
l'identité, ce que produit assurément la
torture »198(*).
L'auteur propose d'utiliser une technique thérapeutique
qui vise à expulser l'ennemi, le « tortionnaire
intériorisé » de soi. Pour le faire, au cours de la
psychothérapie, « il est nécessaire de retrouver,
avec les patients, les paroles que les tortionnaires ont prononcées
pendant la torture »199(*)
Cette technique thérapeutique comprend
différentes phases ce que F. Sirroni200(*) appelle les
étapes de la transformation:
- La première étape s'appelle la
`ré-humanisation' pendant laquelle le thérapeute tente de
rétablir une ré-affiliation au groupe des humains, surtout pour
des patients qui ont été chosifiés,
pétrifiés et soumis à des violents processus de
déculturation ;
- La phase de « transition ». C'est un
parcours où le patient peut retrouver le groupe d'appartenance, se
situer de nouveau dans le contexte social, mais à une autre place que
celle qu'il occupait auparavant ;
- La phase d' « événements
résolutoires ». C'est l'apparition d'événements
importants car ils vont marquer un tournant décisif dans la vie des
patients : mariage, déménagement, etc.
- La phase d' « aboutissement de la
transformation ». C'est la dernière phase qui correspond
à la consolidation d'une nouvelle identité, car il
acquière de nouvelles capacités et des nouvelles valeurs.
Pour les exilés, l'auteur fait une remarque sur les
facteurs surtout externes qui peuvent perturber ce processus
thérapeutique. Par exemple, lorsqu'il y a des nouvelles alarmantes qui
proviennent de leur pays d'origine (décès, emprisonnement,
torture d'un membre de famille, etc.). Tandis qu'un facteur qui peut être
très favorable, c'est la reconnaissance du statut de
réfugié politique. Ceci est une profonde marque de reconnaissance
de ce qu'ils ont vécu dans leur pays.
c.5. Désensibilisation et reprogrammation par des
mouvements oculaires : L'EMDR201(*)
L'EMDR est une technique thérapeutique qui, par des
mouvements des yeux rythmés, traite les traumatismes psychiques. Il
s'agit des stimulations neuronales qui vont stimuler le processus naturel
d'auto-guérison. D. S-Schreiber202(*) a utilisé cette
technique chez des personnes traumatisées pendant la guerre au Kosovo et
a obtenu des résultats positifs et parfois même extraordinaires.
Pour l'auteur, il existe en chacun de nous un mécanisme de digestion du
cerveau des traumatismes émotionnels. Ce mécanisme, il l'appel le
« système adaptatif de traitement de
l'information ». Suite à un événement
traumatique, notre système nerveux est temporairement
désorganisé. Il faut un certains temps pour retrouver
l'homéostasie. Si l'intensité du traumatisme est très
forte, ou si la victime présente une fragilité, l'information
concernant l'événement traumatique au lieu d'être
digérée, va être bloquée dans le système
nerveux, gravée dans sa forme initiale, c'est-à-dire
ancré dans le cerveau émotionnel, déconnecté
des connaissances rationnelles.
Notre cerveau émotionnel contrôle donc notre
« rationnel » et notre volonté, mais grâce aux
mouvements des yeux, on stimule d'une manière bilatérale les
deux hémisphères cérébraux. Ainsi, une ouverture
vers ce centre de contrôle nous est accessible.
« ...les mouvements oculaires facilitaient un
accès rapide à tous les canaux d'association connectés au
souvenir traumatique ciblé par le traitement. Au fur et à mesure
que ces canaux sont activés, ils peuvent se connecter aux réseaux
cognitifs qui, eux, contiennent l'information ancrée dans le
présent. C'est grâce à cette connexion que la perspective
de l'adulte (...) finit par prendre pied dans le cerveau émotionnel
»203(*).
20. Le soutien social
Les auteurs sont d'accord que le soutien
social s'avère indispensable. Fischer nous
indique que le soutien affectif de l'entourage a une fonction essentielle. Ceci
« s'exprime à travers la qualité d'une
présence et un ensemble de gestes simples qui sont comme de
véritables remèdes pour revivre »204(*). Chez l'enfant, le
rôle des parents est déterminant. Mais parfois, cela est
impossible. Par exemple, une mère qui est prise elle-même par
l'horreur, ne pourra pas aider son enfant. Au contraire.
« Les gens qui viennent en aide aux victimes
peuvent leur donner de l'information, leur tenir compagnie, les aider à
voir la réalité en face, leur offrir du soutien affectif et leur
fournir de l'aide financière ou un milieu de vie sûr (Everly,
Flannery et Mitchell, 2000) »205(*).
Tandis que Leyman et
Lindell206(*) (1992) mettent en évidence 4 type de
soutien que le monde social peut apporter à la victime :
Type de soutien
|
Description
|
Émotionnel
|
Estime, intérêt, écoute et attention
portée surtout aux sentiments et aux réactions de la victime
|
Appréciatif
|
Comparaison sociale, affirmation et rétroaction visant
à aider la victime à donner un sens à son
expérience
|
Informatif
|
Conseils, suggestions, directives et information
|
Instrumental
|
Soutien matériel : argent, hébergement,
temps ou efforts
|
Certains auteurs207(*) pensent qu'il y a un effet
bénéfique si la victime raconte son expérience à
d'autres personnes et exprime ses sentiments. Cette attitude aide la victime
à donner un sens à l'événement et à ses
émotions et peut être aussi à se débarrasser des
sentiments qui la troublent et à « comparer avec la
réalité » ses pensées, ses actes et ses
sentiments.
Une autre source d'aide ou de soutien peut être
apportée par d'autres victimes qui ont subi la même
expérience. C'est un lieu ou la victime se sent comprise,
acceptée et reconnue. « C'est là qu'il peut se
sentir un peu chez lui, car il retrouve le monde de sa propre
douleur »208(*). Ce type de soutien social a aussi une fonction
socialisatrice.
D'après de ce que nous avons rencontrés à
travers des lectures, «... la relation définit une forme
essentielle de la vie humaine ; apprendre à vivre s'exprime
à bien des égards par la capacité de nouer des liens avec
autrui ; ces liens renferment un potentiel qui montre à quel point
chacun existe à travers l'autre et le contient en lui. (...) C'est dans
la relation à autrui que chacun peut se construire ou peut être
détruit. On comprendra alors qu'il y a blessure parce qu'il y a
relation »209(*)
21. La réparation
Pour la personne lésée, l'enjeu fondamental qui
permet d'accéder au processus de réparation, au
rétablissement d'une Loi humaine en tant que préservatrice de la
vie, c'est la reconnaissance collective de la réalité
traumatisante, disent les auteurs. La violation explicite de la loi exige de
justice, mais « la justice ne peut réparer que le
réparable et il y a toujours une part
d'irréparable »210(*). Pour cela, il faut laisser la mémoire faire
son travail qui permet, au moins, l'apaisement et l'instauration d'une culture
de la paix. Et pour que ce travail par la mémoire soit possible, la
justice doit nommer les protagonistes : la victime et le coupable.
« Ce premier acte est fondamental, il est peut-être
même plus important encore que la sanction »211(*). Car, dans l'exigence de
justice, se trouve une fonction réparatrice essentielle pour la
guérison de la personne blessée.
Voici un exemple que Luise Arbour, procureur du Tribunal
Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, nous fournit.
« Après la guerre au Kosovo, au printemps 1999, une femme
qui a vu son mari massacré sous ses yeux par les Serbes, a crié
vengeance et a voulu se faire justice en cherchant `à tuer les serbes'.
Ce besoin de vengeance était pour elle la seule solution acceptable
à ses yeux. Mais voyant qu'elle ne parviendrait pas à
ses fins, elle a demandé à rencontrer `cette femme
juge' »212(*).
Donc, l'horreur de la guerre révèle chez l'homme
la partie le plus sombre en lui : haine, violence, vengeance. Pour que la
Loi soit rétablie, la justice doit représenter une alternative
à la vengeance. Elle doit faire son travail qui s'exprime par cette
reconnaissance de la victime comme une personne lésée, sans
aucune ambiguïté, et le coupable comme responsable de ses actes
qui doit être condamné.
Conclusion de la partie théorique
Selon l'approche psychanalytique, ce qui fait trauma, c'est
moins la violence de l'événement, que l'impréparation du
psychisme à cet événement. Le plus souvent, le sujet y
répond par effroi, sidération. A ce moment, il n'y pas
d'angoisse, juste un blanc, un vide. L'état d'angoisse peut être
considéré comme une capsule de protection contre cette
sidération.
Un sujet peut se sentir traumatisé mais pourtant ne
pas évoluer vers un syndrome psychotraumatique. Ne confondons pas les
concepts de traumatisme, de stress, de burn out, etc. Nous pouvons parler
d'installation de syndrome psychotraumatique quand le psychisme n'arrive pas
à intégrer l'événement. Il demeure alors comme un
corps étranger au sein du psychisme.
Les traumatismes causés par l'homme,
particulièrement dans un contexte de guerre, ont impact profond sur la
victime. Ils sont d'ailleurs plus difficiles à traiter car les lois
fondamentales qui régissent l'être humain sont violées.
Souvent, les victimes de guerre au Kosovo ont vécu plusieurs
traumatismes : ils ont perdu leurs proches dans des conditions atroces,
ils ne savent pas si leur proche est vivant ou mort ce qui complexifie le
travail de récupération. Les traumatismes peuvent toucher ceux
qui les subissent, en étant témoin ou en étant acteur. Les
facteurs qui peuvent infliger un traumatisme seront divers et complexes. Ca
dépend de brutalité de l'événement, ça
dépend en quoi un événement peut être traumatique
pour le sujet, c'est-à-dire qu'un même type
d'événement peur être vécu différemment chez
des sujets différents, ça dépend de sa
« vulnérabilité psychique ». L'enfant n'est
pas préservé non plus des traumatismes. L'âge joue un
rôle, c'est-à-dire, un enfant qui n'a pas encore acquis le concept
de la représentation de la mort va peut être le protéger.
Cela reste pour nous une question à étudier.
Le destin du traumatisé dépend aussi de
plusieurs facteurs : de (non) l'accomplissement de ses projets de vie, du
type de soutien qu'il a autour de lui. La culture du pays joue aussi un
rôle important. Par exemple, nous avons vu que pour une femme
violée au Kosovo, c'est un événement très
pénible, très dégradant non seulement pour la femme, mais
aussi pour sa famille et pour la communauté même. La
pauvreté, la marginalisation, l'injustice, l'exclusion sont des facteurs
autant traumatisants pour la victime. Pour l'enfant, la qualité de
relation avec ses parents est cruciale. Une mère contenante, affective
peut prévenir énormément de troubles chez l'enfant.
La distinction claire entre la victime et le coupable et
condamnation de ce dernier par la justice s'avère indispensable. Ceci
est important pour le soulagement de la souffrance ainsi que pour annuler les
affects pathologiques comme le sentiment de vengeance car la violence engendre
de la violence.
Les répercussions sur la victime semblent être
multidimensionnelles. Le traumatisme touche la victime dans le champ individuel
mais aussi dans sa dimension sociale, ce qui a comme conséquence la
dégradation des relations qu'il entretient avec la société
et elle avec lui. Un sentiment de culpabilité en rapport à
l'événement, souvent irrationnel est associé au syndrome
psychotraumatique: Pourquoi j'ai survécu quand mon camarade, mon
enfant, etc. a péri la vie ? Pourquoi n'ai-je pas fait
autrement, etc. ? Ces « pourquoi » rongent
l'intérieur de l'être de la victime. Les victimes disent qu'elles
ont changé, qu'elles ne sont plus comme avant. Ceci est qualifié
de changement dans sa personnalité ou régression qui se traduit
par une hypervigilance, les sursauts, la dévalorisation
systématique, un retrait social, l'irritabilité, la perte de
goût pour la vie, des dépendances affectives, etc. Chez les
enfants plus petits, on retrouve des régressions psychoaffectives se
manifestant par l'énurésie, vouloir dormir dans la chambre avec
ses parents, etc. Chez les plus grands on trouve des troubles de comportement.
D'autres symptômes non spécifiques tels que des asthénies,
l'anxiété, les différents troubles
psychonévrotiques, psychosomatiques, troubles de conduites peuvent
également être présents chez la victime.
Nous avons remarqué que la mémoire d'un sujet
traumatisé est altérée aussi. Un des symptômes
principaux du syndrome psychotraumatique sont différentes formes des
réviviscences intrusives. Le responsable de ces réviviscences
semble être la pulsion de mort. Le but de cette pulsion de mort est un
retour à l'inanimé qui permet au sujet d'annuler la souffrance.
La pulsion de mort aurait-elle une visée d'intégration de
l'événement ? Cette conception n'est pas retenue par les
auteurs contemporains ! Nous trouvons raisonnable par la simple logique
que la pulsion de mort ne peut avoir un rôle qui tend vers la vie, au
contraire. Freud n'a pas pu donner une explication claire et définitive
à ce sujet.
Les victimes mettent en place des mécanismes de
défense pour se protéger de l'événement douloureux.
Les principaux seront le clivage et le déni. Cependant, nous avons vu
que plus l'événement est douloureux, plus ces mécanismes
s'avèrent inefficaces. Le seul chemin à entreprendre sera la
« métabolisation » de l'événement.
L'altération de la mémoire d'un sujet
traumatisé est marquée aussi par des amnésies, que ce soit
des amnésies de la vie quotidienne ou des amnésies concernant
d'un moment particulier de l'événement traumatique.
Pour un sujet qui se trouve affecté par un
événement potentiellement traumatique, plus la prise en charge
est précoce, plus il y a des chances de prévenir les troubles.
L'intervention juste après le vécu ou/ et les jours qui suivent
(durant la première semaine) est très importante pour cette
prévention213(*).
Nous avons vu que la relation entre le thérapeute et
son patient est spécifique. Le thérapeute doit laisser de
coté sa neutralité et donc, exprimer de l'empathie et
reconnaître la souffrance de son patient. Différentes approches
thérapeutiques sont mises en évidence pour la prise en charge
à long terme de la victime. Nous nous sommes sceptiques pour ceux qui
pensent que les thérapies classiques sont suffisantes pour soigner une
victime de traumatisme de guerre à cause de la violence extrême de
l'événement. Concernant la thérapie par des mouvements
oculaires, nous ne prenons pas de position car c'est une approche qui est
basée sur le fonctionnement physiologique du cerveau dont nous n'avons
pas de connaissances suffisantes. Par contre, dans les cas des traumatismes
induits délibérément comme c'est le cas de la torture et
du viol, nous avons trouvé intéressant l'approche de Sironi qui
prend en compte l'intentionnalité de bourreau et par là, cherche
à l'extraire du psychisme du patient.
P A R T I E P R A T I Q U E
Chapitre I : Méthodologie
1. Introduction
Au début de notre travail pratique, notre recherche
était orientée vers des personnes qui souffraient d'un syndrome
psychotraumatique issu de la guerre. Mais notre demande s'est heurtée
à la réticence des professionnels en raison de la
fragilité que ces personnes présentaient. Ainsi avons-nous
dû changer l'échantillon de notre recherche : Nous nous
sommes dirigées vers les professionnels (MSF, Croix-Rouge) qui ont
été dans ce pays pour offrir d'aide psychologique. Ceci a
été également impossible car à ces moments, ces
personnes se trouvaient sur le terrain. En fin, nous nous sommes
tournés vers des centres de santés mentales c'est-à-dire,
vers les professionnels qui s'occupent spécialement des
réfugiés. Il nous a semblé judicieux que notre
échantillon se compose de professionnels qui suivent de façon
thérapeutique les réfugiés victimes de la guerre.
Notre recherche vise à comprendre la notion du
traumatisme psychique de guerre et de mettre en évidence les
répercussions sur les victimes ainsi que les symptômes
observés. La démarche de notre recherche se focalise sur le
processus que le psychisme met en oeuvre dans la répétition des
vécus traumatiques. Ainsi une série de questions nous sont-elles
venues à l'esprit. Dans le suivi thérapeutique, comment
pouvons-nous aider ces victimes dans leur souffrance ? L'environnement
social (société, famille, amis, etc.) peut-il exercer une
influence positive ou négative sur la souffrance psychique des
victimes ? La réparation symbolique peut-elle atténuer leur
souffrance ?
Pour nous aider dans notre recherche pratique, nous avons
choisi comme procédure l'entretien semi-directif.
Celui-ci nous permet, d'une part, de récolter une série
d'informations intéressantes et, d'autre part, par le biais des
questions ouvertes, de laisser les professionnels s'exprimer plus librement.
Nous avons choisi des questions qui reprennent le vécu
de la victime mais qui permettent également d'avoir une idée plus
précise du concept de traumatisme et, notamment, le traumatisme de
guerre. Néanmoins, nous nous sommes rendu compte que cette notion est
forte complexe, très riche et fort variée. De ce fait, il nous
est impossible de pouvoir tout aborder dans notre recherche. Néanmoins,
nous espérons apporter un maximum d'éléments pour
comprendre la notion du traumatisme ainsi que les répercussions qu'il
entraîne chez les victimes.
Dans un premier temps, nous présenterons
brièvement les réponses des professionnels pour, ensuite,
effectuer une analyse transversale des réponses. Nous soulignerons les
concordances ou désaccords en lien avec les théories que nous
avons exposées dans notre partie théorique.
2. Les questions
Lors de la rencontre avec les professionnels, nous leur avons
posé les questions suivantes :
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y ait
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
4. Quels symptômes vous avez rencontré
chez ces patients ?
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
3. Constitution de l'échantillon
Notre échantillon est constitué de quatre
professionnels. Ils travaillent dans un centre de santé mentale
où sont accueillis des réfugiés politiques, des demandeurs
d'asile en cours de procédure, des demandeurs d'asile
déboutés et/ou des personnes exilées au statut de
séjour précaire, irrégulier, ou illégal. Tous ces
centres offrent des consultations gratuites aux patients qui ne
bénéficient pas par l'état une aide ainsi que recours
à un interprète de la prise en charge.
Pour des raisons déontologiques, nous nommerons les
professionnels par une lettre, comme suit :
a. Professionnel A.
b. Professionnelle B.
c. Professionnel C.
d. Professionnel D.
Le professionnel A. est d'origine
africaine. Il est licencié en psychologie (en 1993) et a effectué
son doctorat en psychologie en 1998. Il est psychologue clinicien dans un
service de santé mentale depuis cinq ans. Le centre se base sur une
approche multidisciplinaire. Ce service a une population multiculturelle et une
population belge de souche. Il accorde une importance particulière aux
exilés victimes de la guerre. La méthode de travail de sujet A se
base sur la théorie psychanalytique. Le centre met en place
différentes activités pour ces patients telles que groupe de
parole, etc.
La professionnelle B. est psychologue
clinicienne.
- Elle travaille depuis 15 ans toujours en rapport avec la
violence.
- Elle a fait plusieurs formations : systémique,
psychanalytique, etc.
- Elle est enseignante dans le domaine d'ethnopsychiatrie et
formatrice pour des groupes dans le domaine de maltraitance.
- Elle est responsable (coordinatrice) clinique depuis 10 ans
dans un centre de santé mentale pour des réfugiés,
notamment dans le cadre « enfant - famille ».
- Elle a une approche systémique du traumatisme.
- le centre met en place différentes activités
pour ce type de population : groupe de parole, parrainage pour les enfants
et adolescents qui se trouvent sans parents ;
Le professionnel C. est psychiatre.
En 1979 il a terminé ses études en
médecine générale. Il est venu en Belgique en 1996. Entre
88-89, il a fait sa spécialisation en psychiatrie à ULB. Il a
été directeur médical dans un hôpital (service de
neuropsychiatrie) au Rwanda. De 2000 à 2003, il a fait une formation
psychothérapeutique de l'orientation systémique (thérapie
familiale) en Belgique. Il travaille depuis 2000 dans un centre de santé
mentale à Bruxelles. Il est également responsable des programmes
concernant les adolescents.
Ce centre s'occupe uniquement des immigrants et
spécialement des réfugiés politiques et victimes de la
torture. C'est un centre qui offre aux patients des consultations
médico-psycho-social individuelles, des espaces de soutien
psychothérapeutiques en groupes ainsi que des espaces de
thérapies alternatives pour les enfants, les adolescents et les
familles.
Le professionnel D. est
psychologue.
Il a travaillé pendant des années dans un cadre
de thérapie institutionnelle. Depuis 2001, il travaille dans un centre
de santé mentale où sont accueillies des personnes
exilées. Ce service est spécialisé dans l'accompagnement
psychosocial et psychothérapeutique. La prise en charge de la
problématique de la personne est globale, n'excluant pas l'engagement
actif de l'intervenant, travail de réseau et de relais approfondis avec
des partenaires multiples : social, juridique, administratif,
médical, éducatif, professionnel.... Une attention
particulière est accordée à la précarité du
statut et des conditions d'existence de cette population.
Au niveau thérapeutique, il utilise l'orientation
psychanalytique et institutionnelle.
4. La passation
Avec les professionnels, nous avons pris contact par
téléphone. Après avoir exposé notre objectif de
recherche, nous leur avons demandé si nous pouvions les rencontrer afin
de procéder à un entretien le plus précis et le plus
complet possible. Ils ont accepté sans hésitation et ils ont
fixé les rendez-vous selon leurs disponibilités. Nous avons
été accueillis sur leur lieu de travail et nous avons
effectué deux entretiens avec deux d'entre eux. Pour les professionnels
B. et D, nous les avons rencontrés une seule fois en raison de leur
emploi du temps chargé. Mais ils nous ont proposé de
compléter nos questions via email. Les entretiens ont été
enregistrés avec leur accord et chaque entretien a duré soixante
minutes. Après avoir réuni toutes leurs réponses, les
professionnels avaient également la possibilité d'ajouter ou de
vérifier leurs commentaires par le biais d'email ou de façon
directe.
Avec certains professionnels, nous avons donné libre
cours au débat autour du traumatisme en raison de notre
intérêt pour ce sujet. Ceci nous a obligés à
effectuer d'autres entretiens à cause de manque du temps pour poser
toutes les questions que nous avions préparées. Nous les
remercions pour l'aide et l'amabilité qu'ils ont nous
accordées.
Chapitre II : Les entretiens
Professionnel A
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
Le traumatisme psychique survient quand l'individu n'arrive
pas à supporter un événement qui sera très
douloureux pour lui. Ceci crée une effraction (déchire
l'enveloppe protectrice) au sein du psychisme.
En une situation de guerre, les types
d'événement qui peuvent déclencher un traumatisme
psychique se présentent de façons très différentes.
Ceci varie en fonction des gens et en fonction des situations où les
personnes se sont trouvées. « Vous savez la guerre
s'accompagne de beaucoup de violence : toujours des morts, des deuils, des
pertes, et parfois aussi des blessures personnelles, des viols et surtout c'est
la foi en l'homme qui est ébranlée. Je pense personnellement que
c'est un trait essentiel qui signe les traumatismes événementiels
qui a fait des blessures, qui a fait irruption dans l'histoire du sujet parce
que la personne n'arrive pas à la cicatriser ».
A partir de son expérience clinique, le sujet ajoute
qu'il y a aussi d'autres traumatismes qui ne concernent pas les guerres.
« On voit des gens qui traînent des blessures profondes
mais qui n'ont pas affronté la guerre. On peut être blessé
par n'importe quoi à la limite : un mauvais regard, un manque
d'affection, une perte ».
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
Le sujet fait une distinction entre ces deux types de
traumatismes. La différence réside dans le fait du destinataire.
« Au niveau de la souffrance que les gens ont, le destinataire
vers qui on relie ce qui est arrivé, dans une catastrophe naturelle,
s'il sont croyants, ils peuvent renvoyer cela à Dieu, à la
malchance, au hasard. Mais quand c'est l'homme, souvent un voisin, qui a
infligé de grandes souffrances, la douleur est plus vive, plus profonde.
Non seulement la personne est blessée dans son corps, dans son
psychisme, mais il y a quelque chose qui se déchire au niveau de la
confiance en l'homme, en l'être humain tel quel.
Face à ce deuxième type de traumatisme la
démarche la plus difficile dans l'accompagnement de ces personnes est de
recréer cette confiance en l'homme. « On rencontre des
gens qui n'osaient plus se confier à quelqu'un, entrer dans une relation
affective parce que ce qu'ils ont vécu les a convaincus de la nature
profondément cruelle et décevante de l'homme. Il y a quelque
chose de plus parce qu'elle attaque la foi de l'être humain en un autre
humain. C'est une confrontation à sa propre
insignifiance ».
A part être confronté à un
anéantissement, il y a d'autres traumas (torture, viol, ...) qui
confrontent les victimes en une sorte de chosification de leur être. Des
gens qui les prennent pour un objet, pour une chose où la personne est
réduite à moins que rien ; il y a quelque chose qui
s'effondre dans leur dignité, dans leur être.
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
Les traumatismes n'ont pas la même gravité au
fond. Dans le premier cas, c'est plus compliqué à cause des
situations d'humiliation, de douleur, d'impuissance, etc. Mais, dans
les situations de guerres, le fait de voir ta maison brûler,
d'être dans une situation de perdre tous tes biens etc. sans que tu
puisses adresser ta plainte, réclamer un préjudice sont aussi
traumatisantes ».
Néanmoins, le sujet nuance les effets traumatisants. Il
est évident que quelqu'un qui tue un enfant devant son parent, le
mettant dans l'impuissance de sauver son enfant, est extrêmement
pénible. De voir l'appel d'un enfant et de ne pas pouvoir y
répondre ; il y a une sorte de déception par rapport
à sa responsabilité en tant que père. Le bourreau attaque
sur plusieurs fronts. « Il ne fait pas seulement mal à
l'être humain mais également au père, dans son rôle
de patriarche protecteur ». Le sujet est d'accord sur le fait
que les traumatismes se compliquent avec tous ces sentiments : de
l'impuissance, mais aussi parfois de la trahison, de la
lâcheté. Il a des patients qui disent « j'aurais
préféré mourir », etc.
Le sujet souligne aussi les facteurs constitutionnels qui
interviennent chez les individus pour faire face à un
événement traumatisant. « Il y a un
élément important et qui reste obscur, c'est le psychisme de
chacun ». Pour lui, les événements ne sont pas
traités de la même manière chez les personnes. Pour
certains c'est supportable, ils arrivent à oublier et pour d'autres cela
restera indépassable. Donc, on ne peut pas se baser uniquement sur des
faits.
Le sujet continue en disant qu'on rencontre des personnes qui
ont subi de grandes violences. Ils ont assisté à la mise à
mort de leurs parents, ce qui leur a fait très, très mal ;
ils ont été en danger de mort eux-mêmes, ce qui les a aussi
fort secoués mais la chose qui leur a fait le plus mal et qu'ils
n'arrivent pas à se pardonner, c'est de n'avoir pas pu enterrer
dignement ces gens là (leur père, leur mère, ...).
Le sujet termine en parlant de la douleur,
« chaque traumatisé est le baromètre de sa douleur.
On ne peut pas hiérarchiser. C'est au cas par cas ». Il y
a des gens qui ont perdu peu mais qui sont affectés profondément
et d'autres arrivent à relativiser. Cela dépend des ressources
dont chaque personne dispose pour faire face, de ses croyances, du soutien
qu'elle a autour d'elle.
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
Il est évident que d'avoir vu un être cher et
d'avoir pu l'accompagner dans ses derniers moments aide à faire le
deuil. Dans le cas d'une disparition, c'est un deuil difficile parfois
même compliqué. Certains peuvent même évoluer vers
des deuils pathologiques. C'est très difficile de terminer un travail de
deuil dans ces conditions car la personne n'est ni morte ni vivante. Les
proches du disparu sont entre l'espoir et la déception.
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
Pour le sujet, c'est ça qui fait le trauma.
« Les blessures physiques font mal, mais je crois que ce qui fait
que la blessure physique devient indépassable c'est le contexte. Vous la
subissez dans une situation de total abandon. Dieu lui-même vous laisse
tomber. Vous n'avez personne à qui vous adresser pour arrêter
ça, à adresser votre demande de secours. Vous êtes seul
devant votre bourreau qui dispose de vous comme il veut. Il y a quelque chose
de plus révoltant, c'est explosant, car vous êtes accroché
aux parois du néant ».
4. Quels symptômes vous avez rencontré
chez ces patients ?
A part les reviviscences, d'autres symptômes peuvent
affecter ces personnes. Par exemple elles deviennent tout d'un coup apathiques,
elles doutent de tout, elles n'osent plus rien faire.
Le sujet illustre notre question par un cas clinique :
« ...la personne était devenue très, très
activiste. Elle était tout le temps en train de faire quelque chose.
Elle ne supportait pas le moindre échec. Elle devait toujours
réussir. Mais en même temps, on voyait qu'il y avait une
très, très grande souffrance. Elle était devenue
allergique aux critiques ».
Le sujet nous parle aussi de certains symptômes chez des
femmes violées. « Ce qui est très fréquent,
c'est la perte de l'amour, l'incapacité d'avoir des relations sexuelles
avec un homme car elles rappellent le grand trauma. Ceci engendre des
problèmes dans le couple. Il y a des femmes qui n'arrivent pas à
s'imaginer se remettre avec un homme. Il y a quelque chose qui se casse dans
la confiance en l'autre ».
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
« J'ai eu des patients qui dans la posture, dans
la position, dans les attitudes corporelles se présentent
démunies comme si elles revenaient à l'enfance. Je me souviens
d'un homme qui prenait des postures de foetus, recroquevillé sur
lui-même, des comportements inadaptés ».
D'autres types de régression, le sujet a
remarqué d'autres sortes de demandes qui paraissent être des
demandes d'enfant, des demandes d'affection, d'amour, une sorte de demande de
reconnaissance du mal qu'ils ont subi.
Le sujet nous parle aussi de la position de victimisation.
« Ce que j'observe aussi chez certaines personnes, pas chez
toutes, c'est une sorte de fixation dans une position de victime qui cherche
réparation, qui cherche une identité de la victime, et là,
c'est un mauvais pronostic. On essaye de dépasser ça. Que la
personne ne reste pas à ce stade uniquement de victime, qu'elle essaye
de prendre un rôle actif, responsable, non de ce qu'il lui est
arrivé mais, de sa vie. Non pas quelqu'un qui cherche uniquement
assistance et justice mais quelqu'un qui reprend sa vie en main.
Reconnaître qu'elle est victime mais la sortir de cette position de
victime ».
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
Pour le sujet, la question est assez complexe et il pense
qu'il y a encore une grande part de mystère autour de ce
phénomène. « On ne maîtrise pas par quel
processus exactement ces phénomènes s'imposent à la
conscience ». Il est évident qu'il y a une mise en
échec du processus de contrôle des éléments
stockés dans la mémoire. « Dans des conditions
normales, on utilise les éléments stockés quand on en a
besoin. Alors que dans le cas d'un traumatisme, ce processus de stockage
déraille et les éléments n'arrivent pas à
être stocké mais ils s'imposent, ils envahissent la
mémoire de telle manière qu'ils deviennent
perturbateurs ».
Le sujet est en accord avec l'avis de Jacques
Roisin. Pour cet auteur, les réviviscences sont l'oeuvre de
la pulsion de mort et une fascination de la personne par rapport à son
propre anéantissement. Le sujet dit que « peut être
banalement lorsque vous avez vécu quelque chose d'extrêmement
violent, ça s'imprime en vous, c'est tellement fort que vous ne pouvez
vous en passer ». Ces reviviscences constantes de scènes
violentes qu'a vécu la victime, qui s'imposent par des flashs back, dans
des cauchemars, etc., le sujet les voit comme une incapacité de
digérer l'événement car c'était trop fort pour lui.
Quoique, le sujet, se réfère plutôt
à la pratique. Il dit que « mes meilleures
références ce sont les patients ; les patients qui racontent
comment ils vivent ça. Parfois je n'arrive pas bien à comprendre
mais je leur fais confiance ».
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
Le sujet a rencontré des patients victimes de
traumatismes qui présentent des amnésies. Le sujet met en
évidence des problèmes que rencontrent certains demandeurs
d'asiles liés à ces amnésies. « Dans des
situations dramatiques, cette amnésie était la cause de leur
refus d'être reconnu comme réfugié parce que des
éléments essentiels dans leur histoire étaient
effacés, comme dit Lacan : `il y avait des blancs, des vides dans
leur histoire' ». Parfois, l'Office des Etrangers envoie des
demandeurs d'asile chez des psychologues avec l'espoir que le psy aide à
combler ces vides. Mais, pour le sujet, ce n'est pas le rôle du psy de
lever ces amnésies car ce sont les mécanismes de défense
que ces gens développent qui sont en jeu. « L'inconscient
essaye d'éliminer cet intrus parce que c'est trop douloureux pour
eux. L'oubli névrotique n'est pas la même chose que
l'oubli de nom d'une rue, d'un numéro de téléphone.
Dans le traumatisme, il y a une sorte de volonté d'oublier, une
sorte de processus actif d'éloignement de quelque chose qui est
affectivement pénible et qui, évidemment, revient toujours
clandestinement d'une manière symbolique : dans les rêves,
les actes manqués, etc. ».
Nous voyons que le sujet préfère de ne pas lever
ces amnésies mais il s'interroge énormément à ce
sujet. « Ici ça pose une question délicate sur le
plan pratique : est ce qu'il faut aller fouiller, les aider à se
rappeler pour analyser ou bien vaut- il mieux respecter ce mécanisme
qu'ils ont mis en place pour se protéger ? ».
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
Au départ, ces personnes viennent souvent pour autre
chose. « Parois il y a des plaintes d'incapacités, des
blocages dans certains domaines parce que ça se manifeste souvent
ailleurs. Ca peut être psychosomatique, ça peut être des
échecs, des problèmes professionnels, etc. ». Mais
parfois, le sujet affirme que ce sont des situations vraiment délicates.
D'après ses dires, nous sommes en face d'une ambiguïté de la
demande d'aide. Il y a une volonté voir un psy
régulièrement mais il ne souhaite pas parler de ses
vécus traumatiques. « J'ai vu des réfugiés
rwandais qui ont échappé au génocide et ne souhaitaient
pas aborder, en tout cas pour longtemps, ce qu'ils avaient vécu. On
parlait de la difficulté de la survie ici, des vexations, des
problèmes administratifs, de racisme, de l'incapacité à
trouver un logement, des problèmes des enfants, d'emploi, des papiers.
Mais on sent que ce qu'ils ont vécu au départ fait le lit, c'est
le soubassement ».
Souvent ces patients ne parlent qu'après longtemps de
leur vécu traumatique. Le sujet souligne qu'il faut respecter le rythme
des patients. « Dès le début, on est obligé
de faire preuve de réticence au niveau de la volonté de
savoir. On ne souhaite pas et on ne fait rien pour que la personne
aborde cela. Nous attendons que la personne elle-même sente la
nécessité d'en parler, se sente mûre psychiquement pour
l'aborder. On lui offre un lieu pour aborder quand elle sera
prête, et ça peut être très long ».
Le sujet met en évidence les problèmes
rencontrés par ces patients avec le commissariat dû à cette
volonté du patient de ne pas en parler. Le commissariat exige que la
demande d'asile soit justifiée selon leurs critères. Alors, pour
le faire, ils les envoient chez le psy avec l'espoir qu'ils pourront faire
parler ces personnes. Mais « ça m'est arrivé avec
un demandeur d'asile qui ne souhaitait pas aborder ses vécus. Jean
Claude Metraux utilise le terme de « deuil gelé ».
C'est-à-dire que les personnes ont préféré le
mettre au frigo. Il ne faut pas le dégeler non plus. C'est à eux
de sentir le moment pour le faire ».
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
Il n'y a pas de recette, c'est vraiment dans notre pratique
que la personne doit sentir la récupération, le soulagement. Dans
un premier temps, le sujet essaye de voir d'abord ce qui est en jeu chez son
patient, dans son symptôme douloureux qui suit des
événements extrêmement violents. « Moi je
l'analyse en me référant à la psychanalyse. Sur les
mécanismes de culpabilité par exemple, des mécanismes de
déni, des mécanismes de perte de confiance en
l'humain ». Le sujet pense qu'il y a un temps psychique pour
digérer certains événements et qu'il ne faut pas se
précipiter à vouloir supprimer les symptômes tout de suite.
« Moi je respecte le rythme des gens. Ensuite, le sujet met
l'accent sur l'empathie et la confiance. « Dans les cas que j'ai
suivis, la première chose pour moi, était de créer une
sorte d'empathie, de leur donner confiance car chez ces personnes, c'est la
foi en l'être humain telle quelle qui s'écroule ».
Reconnaître la souffrance de ces personnes est aussi une
composante qui doit être incluse dans la démarche
thérapeutique. « On ne peut pas rester neutre devant
certaines choses. Comment peux-tu rester neutre devant des crimes
pareils ? Reconnaître que ce qu'il a vécu est
vraiment abominable, et de lui donner la possibilité de réaliser
d'abord cela et de l'accepter à la limite, non pas de l'accepter parce
que c'était juste mais c'est fait, c'est fait. C'est un fait, c'est
abominable mais qu'est ce que tu voudrais faire ? On ne peut plus changer
ce passé là ».
« Ce qui est le plus douloureux chez les
victimes, c'est que la communauté internationale était
là ; mais on a massacré et personne n'a réagi, ou on
a réagi trop tard, ou trop faiblement. Il y a quelque chose qui nous
interpelle comme humain sur le plan éthique et qui nous oblige à
protester contre ces barbaries. Je crois que c'est notre devoir de
thérapeute de témoigner en tant qu'être humain que ce qui
leur a été fait est inacceptable ».
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
Le sujet n'a pas de réponse catégorique. Il dit
que d'après la littérature le soutien social aide mais lui met
des points d'interrogations. D'après ses observations, ça ne
peut aider que des gens qui ont déjà des ressources.
« On voit ceux qui participent à des groupes de paroles,
qui ont des contacts avec d'autres mais qui ne s'en sortent
jamais ». Si l'entourage a une bonne manière de faire,
dans certains cas ça peut aider mais si par contre il a une approche
inadéquate, ça peut aggraver encore plus, c'est-à-dire
rendre la souffrance encore plus grande. Le sujet dit qu'il y a des cultures
qui prohibent, qui négativisent le fait d'exprimer des souffrances de
cette nature. « Tu dois les digérer, tu dois les supporter
et faire face, et montrer un visage digne ». Notre sujet prend
l'exemple du Burundi et du Rwanda. Dans ces pays, souvent, un homme ou une
femme digne ne va pas raconter ses misères aux autres. Il doit assumer.
Parfois, dans certaines situations, ça peut marcher, parfois il faut un
long délai pour qu'il y ait une confiance entre les gens.
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
Tout dépend de l'histoire des gens et de leurs
ressources. « On voit des gens qui dépassent ces
traumatismes. Où trouvent-ils ces ressources ?
Le sujet pense que les facteurs très importants qui
font développer la capacité de résilience sont ceux
où l'enfant s'imprègne, s'alimente. « La
résilience ne doit pas être une capacité personnelle
privée interne mais ça doit être quelque chose qui
résulte d'une situation. La résilience est
contextuelle ». Toutes les personnes qui sont autour de
l'autre : un ami, un prêtre, une référence par
laquelle on est imprégné. « Ce
référent qui t'a marqué, qui t'a transmis quelque chose de
fort, reste référent même s'il n'est pas
présent ». Bref, d'après le sujet, il y a toute
une complexité des facteurs qui font que certains s'en sortent et
d'autres pas.
Parfois, le traumatisme vécu donne une autre
orientation de vie à ces personnes. « Certains s'orientent
vers l'église, d'autres dans des associations humanitaires, caritatives,
etc. Il y en a d'autres qui s'alimentent par le support
social, « les appuis qu'ils ont autour d'eux, qui les aident, qui
leur donnent de la confiance en l'homme, etc. ». Mais il y a
d'autres aussi « qui n'y 'arrivent pas, qui sombrent dans
l'alcoolisme, dans la dépression, qui n'arrivent pas à se
stabiliser dans un emploi, etc. ».
Pour les personnes traumatisées qui se trouvent en
exil, le sujet met l'accent sur une autre composante, celle de
l'espoir. « Je me dis souvent que pour ces
personnes qui ont réussi à arriver ici, la
vulnérabilité se trouve surtout au niveau de l'espoir. Les gens
viennent avec l'espoir que plus jamais ça, qu'on va entrer dans un monde
de justice, d'équité, d'amour, etc. et quand ils arrivent ici,
souvent ce n'est pas ça. Une fois que ce monde juste
déçoit, que ce n'est pas du tout ce qu'ils avaient
espéré, certains vont être profondément
déçus et blessés ».
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
Il y a des faits qui sont l'horreur absolue et qu'on ne sait
jamais réparer. « Quand quelqu'un tue votre père,
votre mère, votre enfant que vous aimez le plus au monde, comment
peut-il réparer ça ? Il ne peut pas ». Mais,
une chose qui aggrave la souffrance, est quand cet autre ne reconnaît
même pas le mal qu'il a fait. Le sujet pense que la victime est en
partie soulagée lorsqu'il y a une reconnaissance que ce qui a
été fait est inhumain.
Tandis que dans le sens de réparation proprement dit,
pour le sujet, il y a des réparations là où la victime
rend possible la réparation, entreprend la démarche de
réconciliation. Parce que si c'est le bourreau lui même qui le
fait, quand la victime n'est pas prête, ça ne change rien. Le
sujet s'appuie sur ses observations au Rwanda. Il dit qu'on a condamné
à mort certains auteurs du génocide. Le but était de les
punir mais en même temps, il y avait un sens de réparation.
Pourtant, certaines victimes n'étaient pas soulagées car on les a
tués sans souffrir ce qui était le contraire de ce que les
victimes elles-mêmes avaient vécu de la part de leurs bourreaux.
Le sujet fait une remarque sur le rôle du clinicien.
« Le clinicien ne doit pas bloquer le travail que la personne
elle-même peut faire. Le travail de maturation. C'est à la
personne elle même de condamner, de pardonner ou de faire la
démarche ».
Professionnelle B
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
Le traumatisme est une notion liée à la rupture
dans la trajectoire de la personne à 3 niveaux niveaux :
- Rupture de l'enveloppe physique et/ou psychique de
l'individu. Confrontation à la mort, douleur extrême avec atteinte
du point de rupture.
- Rupture des liens familiaux, communautaires et
sociaux : perte des liens concrets et symboliques qui permettent
normalement de faire face à la douleur et de donner du sens aux
expériences.
- Rupture liée à l'exil :
précarité sociale, rejet, racisme...
Pour notre sujet, le traumatisme ne concerne pas seulement
à la guerre. D'autres événements peuvent provoquer aussi
de traumatismes tels que maltraitance dans l'enfance, etc.
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
Il faut distinguer sûrement au niveau du contenu des
traumatismes liés à la guerre, à une catastrophe naturelle
ou à un inceste exemple.
« Leonor Terr a distingué traumatismes de
type I et de type II, le type II étant induit dans le cadre d'une
relation interpersonnelle et provoquant des dégâts en
profondeur. Par exemple, dans le cadre de la torture :
l'autre est déshumanisé, c'est justement ce qui permet de
torturer. Pour pouvoir torturer, il faut couper le mouvement empathique naturel
qui existe chez l'humain. Il faut le couper par une mystification : c'est
un chien, c'est une merde, un inhumain,... ce qui permet de torturer et
détruire ». Tandis que dans une catastrophe naturelle,
dit notre sujet, il n'y a pas de responsabilité humaine, ni
d'intentionnalité, cela change les choses.
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
La bombe a été lâchée dans
l'intentionnalité de détruire aussi. On peut identifier l'ennemi,
mais on n'y est pas confronté en direct, il n'a pas de visage, c'est
peut-être moins destructeur au niveau psychique ? « Je
pense par exemple aux femmes violées dans le cadre de conflits
armés qui revoient sans cesse le visage du violeur qui vient
s'interposer dans des situations d'intimité. Mais dans
l'exemple de la bombe, ce qui va être traumatique ne sera pas
forcément en lien avec l'agresseur mais par exemple avec la vision de
l'horreur, la mort ou la souffrance de la personne ou de ses
proches... »
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
Dans ce cas, le deuil est gelé. Il ne peut être
fait car subsiste toujours un espoir de retrouvaille. En plus, la personne ne
peut même pas se dire « maintenant au moins il ne souffre
plus » et cela est une source terrible d'angoisse aussi, à
laquelle on pense moins souvent peut-être.
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
4. Quels symptômes avez-vous rencontré
chez ces patients ?
« Souvent il y a des flashs back suite à
un stimulus extérieur et qui replonge la victime dans
l'événement traumatique. Il y a des patients qui ont très
longtemps ce phénomène après
l'événement traumatique. Ceci est plus
fréquent juste après le choc traumatique : il y a souvent un
temps de latence avant qu'apparaisse ce
phénomène ». Mais le sujet nous dit qu'il n'est
pas spécialiste de la réaction immédiate après un
choc traumatique car ces personnes demandent de l'aide à ce centre au
moins quelques mois plus tard.
Le sujet pense qu'avec le temps, les réviviscences
diminuent et laissent place à l'anxiété, la
dépression et les symptômes psychosomatiques. Mais il se peut que
ces flashs back durent plus longtemps. « J'ai connu une femme
algérienne qui a été violée dans des conditions
terribles. Cette femme était très isolée et n'arrivait
pas à s'en sortir. Après des années, elle avait encore des
phénomènes de flashs back. Elle entrait encore dans un
état de sidération et revoyait la scène traumatique. Ca
lui arrivait de se perdre en rue, de tomber parce qu'elle était prise
par la reviviscence des événements ».
Le sujet nous cite aussi d'autres symptômes tels
que : hyperexcitabilité neurovégétative :
accélération du rythme cardiaque, sudation ... ;
dépression ; anxiété ; troubles
dissociatifs ; troubles psychosomatiques.
Un phénomène que le sujet a remarqué
très souvent, c'est quand le patient est en train de s'en sortir et
reçoit un nouveau coup. « Par exemple, une famille
exilée qui essaye de s'implanter ici, essaye de trouver un sens à
son existence et de se reconstruire quand elle reçoit un avis
négatif du commissariat général aux
réfugiés, elle replonge dans son état antérieur.
Elle va avoir de nouveau des cauchemars, de la dépression, des
somatisations chez un enfant ».
Le sujet met en évidence un autre
phénomène chez les réfugiés. Quelqu'un qui a
lutté longtemps pour obtenir ses papiers, au moment où il
reçoit son avis positif du commissariat, il se lâche, il
décompense et va avoir des symptômes très, très
forts liés au traumatisme vécu antérieurement lequel
émerge à ce moment là. Pourquoi à ce moment ?
« Peut être à ce moment là elle peut se
permettre. Elle n'est plus dans la survie. Tant qu'on est dans la lutte de
survie tout est gelé puis, au moment où on se pose, toute la
violence vécue revient ».
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
Le sujet nous répond : « J'ai
remarqué que quand les patients commencent à aller mieux, ils ont
envie d'aller vers les autres, ils trouvent une capacité d'empathie pour
les autres et d'altruisme et ils ont besoin même d'aller vers les autres,
ont besoin d'apprendre aux autres ce qu'ils ont appris à travers leurs
épreuves et ça les aide, ça les renforce, ça
continue à les soigner. Dans un premier temps en tout
cas ».
Souvent ces personnes recherchent le sens de leur existence
et ont besoin parfois d'un support philosophique ou éthique pour
retrouver du sens : par exemple, s'engager auprès des autres leur
redonne du sens à la vie et ça les soutient aussi dans leur
reconstruction. « Par ex une femme va investir son enfant comme
quelque chose de ressource, une impulsion vers l'avenir, vers la vie. Elle
dit : ma vie n'a pas de sens seulement pour accompagner mon enfant vers
l'age adulte. Donc, il y a un investissement à l'extérieur de soi
pour pouvoir se soutenir soi même. Et on a souvent besoin d'aller
chercher à l'extérieur ».
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
Au niveau psychique, il y a une tentative d'élaborer.
Répéter c'est comme essayer de le dépasser, de trouver une
issue. Le problème est que souvent cette répétition est
stérile, dit notre sujet, parce que la personne n'arrive pas à
trouver une voie. Elle a besoin d'une aide, d'un accompagnement
thérapeutique. « La répétition : c'est
l'incapacité d'élaborer le vécu ».
Suite à notre question : « qu'est
ce qu'il pense sur le clivage dans le traumatisme », le sujet nous
dit : « Moi je parle de dissociation de conscience qui est
invalidante parce que ça se fixe. Au départ c'est un
mécanisme adaptatif qui permet de diminuer cette souffrance et qui peut
tendre vers quelque chose qui va plus en profondeur mais où ? Pour
moi ça ne veut rien dire mais qu'est ce que le sujet en fait de
ça ? Ça, ça veut dire pour moi quelque chose. Et
chaque sujet va faire de quelque chose de particulier, de singulier qui est en
lien avec sa propre histoire ».
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
« Oui. Le patient raconte son histoire puis
dit : là j'ai un blanc. Mais, en général, les
patients se plaignent de se souvenir trop ». En tout cas, dit le
sujet, c'est la mémoire qui est touchée : soit d'oublier,
soit de se rappeler.
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
D'après le sujet, il faut respecter le rythme du
patient. « Je ne fais jamais parler le patient du traumatisme. Je
trouve ça violent. Faire parler est traumatisant car ça
réactive l'événement ». On peut
parler du traumatisme quand le lien thérapeutique est bien
instauré, quand la personne parle dans un lieu qui a du sens pour elle,
où elle se sent protégée. Selon le sujet, il y a des cas
exceptionnels où la victime ne fait rien d'autre que parler du
traumatisme qu'elle a vécu. Ceci n'est pas positif non plus.
« J'ai connu une personne qui n'arrêtait pas de parler du
traumatisme : elle parlait, parlait, ...Là, il fallait
l'arrêter et donner la place à autre chose, à une autre
vision des choses, car il n'y a pas de sens, ça devient un
symptôme ». Par contre, beaucoup de personnes, à un
moment donné, arrivent à parler, même d'une façon
très profonde, de ce que leur est arrivé mais souvent quand il y
a déjà un minimum d'élaboration grâce au soutien
thérapeutique ou grâce à ce qu'elles-mêmes avaient
mis en place naturellement. « Et, à ce moment là,
il y a une manière de parler qui n'est pas directe, qui n'est pas crue,
qui est une façon de parler comment ils étaient atteints et
qu'est ce que ça a provoqué ». C'est un signe de
reconstruction qui se met en place. « Alors parler à ce
moment là, ça devient positif car tu peux renforcer cette
reconstruction, étayer ».
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
Le sujet opte pour l'approche systémique.
« C'est donc comment placer les choses dans leur contexte. Je te
parle de différentes ruptures : au niveau individuel, au niveau
familial, au niveau social, au niveau communautaire. On essaye de
répondre à ces différents niveaux de rupture en apportant
un support qui va plutôt dans le sens de
« réhumaniser » et de permettre à la personne
de se sentir soutenue dans des liens solidaires que nous pensons
réparateurs dans ces situations là ».
D'après le sujet, le centre où elle travaille propose aux
patients différents espaces où il va pouvoir élaborer sa
souffrance dans un lien thérapeutique avec le thérapeute mais
aussi avec un groupe de patients, avec sa communauté.
Quant à la notion de neutralité en
thérapie, le sujet nous dit que le thérapeute ne peut pas se
permettre de rester neutre dans des situations comme ça parce que
justement c'est l'humanité qui est atteinte. « Souvent les
patients me disent « j'ai l'impression de devenir fou »,
« je ne suis plus comme avant », ... Chez beaucoup de
victimes qui ont vécu le génocide, la torture, etc. par exemple,
il y a vraiment une peur de sombrer dans la
déshumanisation ». Le thérapeute doit
reconnaître que la personne a vécu quelque chose de très
violent, d'injuste, d'inimaginable. Il doit exprimer de l'empathie devant ces
patients. « Un être humain est un animal social qui a
besoin de l'échange avec d'autres pour se construire et c'est pareil
dans la guérison. Quand tu es détruit, tu as besoin du regard
d'un autre pour te reconstruire. Et ce regard est soutenu par les
compétences de l'empathie du thérapeute face à son
patient ».
Le sujet ajoute que le travail du thérapeute consiste
aussi à permettre à ces personnes de penser ce qui s'est
passé autrement. D'analyser l'intentionnalité de l'autre pour
pouvoir se dégager de lui, d'externaliser la cause de cette souffrance.
« Car la tendance de la victime est d'internaliser : c'est
de ma faute, si j'avais fait autrement, etc. Ce n'est pas lui qui est
coupable. Par exemple, dire au patient (pour ceux qui ont parlé
pendant la torture) que ce n'était pas l'intention de faire parler parce
que le bourreau connaissait déjà ces informations, mais arriver
à la détruire dans leur groupe, etc. » Cette approche
aide la personne à se déculpabiliser. Le sujet termine avec
l'idée que l'aide thérapeutique aide à sortir la victime
de sa fascination face à l'horreur, de l'acte insensé et
horrible.
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
La forme de déshumanisation notamment dans la torture,
dans la guerre, dans les conflits interethniques crée de la rupture au
niveau de sentir un être humain chez les victimes lesquelles
développent un syndrome psychotraumatique. Le sujet pense que le fait de
pouvoir offrir des contextes qui sont chaleureux, réhumanisants est un
premier pas pour se reconstruire. « C'est évident, pour
nous, cette notion de contexte est essentielle ». Le sujet
souligne qu'il y a des contextes qui rendent malade comme le contexte de la
guerre, les conflits interethniques, la répression, ... et il y a des
contextes qui permettent de guérir comme les contextes solidaires
où les cultures peuvent entrer en dialogue. « Donc le
premier geste du thérapeute est de reconnaître comme un humain
à part entière, dans l'accueil, dans le respect. C'est un premier
geste thérapeutique de la personne qui a subi ce genre de
traumatisme ».
Le sujet fait une distinction entre les individus.
« Le traumatisme ne va pas donner forcement les mêmes
conséquences d'un sujet à l'autre ». Ca
dépend aussi comment et où la victime cherche des ressources. Par
exemple, il y a des gens qui font plus facilement confiance à des
professionnels. Il y a des gens qui font confiance à n'importe qui et
ils seront roulés, ce qui ne fait que renforcer la souffrance, donc qui
n'arrivent pas à trouver de l'aide. « Donc la
capacité à trouver de l'aide après un
événement traumatique est déterminante pour sa
guérison, sa résolution ».
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
Les personnes qui ont le plus de difficultés à
se sortir du traumatisme sont souvent des gens pour qui c'est une
répétition, c'est-à-dire, qui ont déjà
vécus des traumatismes intenses dans leur vie. Par exemple perte de
parent, maltraitance, abus sexuel, violence. Ces personnes avaient
réussi à trouver plus au moins un équilibre et avec le
survenu d'un autre traumatisme tel que viol, emprisonnement, perte de ses
biens, etc. durant la guerre, c'est un coup sur une personnalité qui est
déjà vulnérable. Avec ces personnes il y a plus de
difficulté et l'accompagnement dur très longtemps. Par contre,
des gens qui avaient une personnalité bien structurée ont la
capacité de s'en sortir relativement rapidement. Ces personnes restent
marquées, auront des cicatrices et ont besoin d'aide aussi mais
réagissent très vite à cette aide. C'est-à-dire
vont mieux en quelque mois. À condition que le contexte leur
offre une opportunité de se construire un projet de vie. Ca c'est
essentiel. « Même si cette personne est solide et qu'elle
met tout en place pour s'en sortir mais qu'autour d'elle on sape toutes ses
tentatives de reconstruction de projet de vie, évidemment elle va
devenir malade ».
« Je n'ai jamais vu des gens totalement
détruits par un traumatisme. Le fait de rester en vie, d'avoir mis en
place un tas de mécanismes adaptatifs qui sont plus au moins efficaces
et sains, ça oui ».
L'être humain a une plasticité extraordinaire. Il
peut se sortir de beaucoup de souffrances si on lui donne la
possibilité de s'implanter quelque part, de trouver un projet. Bien
sûr, le traumatisme va laisser une cicatrice mais il va être
viable. Parfois, il va donner un nouveau sens à sa vie.
« Parfois ça va même être l'occasion de faire
rebondir sa vie vers quelque chose qui a plus de sens ».
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
Notre sujet trouve important cette démarche. Il nous
rappelle que chez les réfugiés victimes de traumatismes un
bon accueil, une reconnaissance de ce qu'elles ont subi, c'est la
prévention d'énormément de troubles à long terme.
Au contraire, « quand ils ne sont pas reconnus dans leur
souffrance, c'est un facteur très, très négatif pour le
pronostic de l'évolution de la santé de la personne. C'est un
risque majeur. C'est essentiel. C'est un coup en plus. Parfois les gens
disent : j'ai souffert beaucoup là bas mais c'est encore pire
maintenant. Ca signifie vraiment que le fait de ne pas être
accueilli, de ne pas être reconnu est une souffrance énorme. C'est
comme si t'enfonce la tête dans l'eau. Ils sont plus que
déçus, vraiment désespérés ».
Dans de telles circonstances, ces gens deviennent malades et des familles comme
systèmes deviennent malades : le père qui se referme sur
lui-même, la mère, le couple qui éclate puis les enfants
qui sont parentifiés, adultifiés pour soutenir
émotionnellement leur parents, ou adultifiés pour faire des
démarches que les parents devraient faire.
Professionnel C
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
Un traumatisme survient quand il y a débordement des
capacités d'adaptation par rapport à un événement
vécu. « On a des événements malheureux et
certains types entraînent des conséquences et deviennent
invalidantes au niveau du fonctionnement quotidien ».
D'après le sujet, les événements peuvent être de
plusieurs types : peuvent survenir d'une manière inattendue ou sont
cumulatifs donc répétés. En général, ces
types d'événements exposent les personnes à des
événements graves. « Parce que la guerre c'est
quelque chose qui menace la vie de quelqu'un, donc ça le confronte
à la mort. Souvent les réfugiés sont confrontés
à plusieurs événements traumatiques cumulatifs dans le
temps, c'est-à-dire c'est un parcours long sur lequel la
souffrance a duré longtemps. Donc, les réfugiés se
déplacent d'abord dans des camps de déplacements. Ils doivent
s'organiser, ils doivent survivre en attendant l'aide du gouvernement, des
O.N.G. Ils se déplacent toujours en fuyant l'agresseur jusqu'à se
retrouver en dehors de leur territoire dans des conditions très
difficiles. Donc, c'est un traumatisme qui s'est cumulé des mois et des
mois, voir des années ». Un traumatisme cumulé est
un traumatisme complexe auquel s'ajoute toute une morbidité
psychiatrique qui rend plus difficile le traitement. Et, plus le temps dure,
plus la prise en charge risque d'être délicate et longue.
Que la personne soit confrontée directement au non,
pour notre sujet, la guerre suscite l'inquiétude par rapport à
l'intégrité physique donc, à la mort.
« Quand tu entends une bombe qui éclate ou quand tu
entends des agresseurs qui arrivent etc., automatiquement c'est la
pensée à la mort, c'est une confrontation à
ça ». Souvent, on oublie qu'une semaine
d'inquiétude, dans la guerre, parfois peut être tellement intense
que la personne est dépassée par la frayeur. La confrontation
à la mort est effrayante car, est inhabituelle, parce que personne ne
sait ce qu'est la mort : si la mort signifie anéantissement, si la
mort signifie une autre vie au-delà, etc. « Personne n'a
été pour nous dire : « voilà, c'est
ça !»
Le sujet met l'accent sur le fait que personne n'est
immunisé contre le traumatisme, donc c'est une réaction tout
à fait normale.
Il y a aussi quelque chose de l'ordre d'impuissance qui est en
jeu. « On est impuissant par rapport à certains
événements. On est obligé de fuir ou parfois, on est dans
une position où on ne peut pas fuir. Et cette incapacité de
réaction est autant douloureuse parce qu'on est réduit à
l'impuissance totale. On est tellement effrayé par ce qui va arriver ou
ce qu'il aurait pu arriver ».
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
Tous les deux sont des traumatismes mais ce qui est
particulier, quand un traumatisme survient dans des circonstances de
catastrophes naturelles, il est pris comme telle. « On peut dire
que c'est le hasard, on peut dire que c'est peut être suite à la
volonté de Dieu. Donc, la rationalisation est plus simple et les gens
l'acceptent plus comme tel ». Mais, quand le traumatisme est
infligé par l'humain, ça prend d'autres proportions. Parce que
l'humain est considéré comme étant bon mais là, on
est confronté à l'autre extrême qui est mauvais.
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
« En fait, là ça se
complique. Les traumatismes qui sont générés par
l'homme provoquent des dégâts assez compliqués au niveau
de leur récupération parce que, dorénavant, les
sentiments que la personne développe ne sont pas seulement d'ordre
traumatique mais sont aussi d'ordre relationnel. Je pense que c'est ce qui
explique les difficultés d'altération des relations, parce qu'on
voit souvent que les gens ont tendance à s'isoler, à se replier
sur eux-mêmes, ils deviennent méfiants par rapport à
l'entourage. L'agression provoquée par l'homme rompt ce
sentiment d'appartenance à la communauté, au monde ».
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
En cas de disparition, le sujet nous parle d'un deuil qui
n'arrive pas être terminé car le proche du disparu se trouve dans
l'ambiguïté entre vie et mort. « On constate que
lorsqu'il s'agit de disparition, au niveau du deuil ça devient difficile
parce que le proche du disparu a des sentiments qu'il est encore en vie, qu'il
surgira un jour. Il pense que peut être il est en prison, qu'il est en
train de subir de la violence, etc. Il y a des sentiments diffus qui
persistent. La personne est dans une ambiguïté et le deuil ne peut
pas être définitif. Car il n'a pas vu le corps, il n'a pas
enterré, n'a pas accompagné, n'a pas fait de rituel,
etc. ».
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
Ce sentiment d'abandon est quelque chose de récurant.
Quand les personnes sont confrontées à ce type de
problèmes, elles se sentent abandonnées. « Personne
ne vient au secours, attendu en vain ». Ces sentiments d'abandon, de
rejet persistent chez les réfugiés. Pour le sujet, les
réfugiés arrivent ici avec l'espoir de trouver un espace de
sécurité mais ils se trouvent de nouveau confrontés
à cette agression humaine. Parce qu'ils leur rappellent justement ce
qu'ils ont vécu.
4. Quels symptômes avez-vous rencontré
chez ces patients ?
Chez les personnes qui ont été exposées
à des événements traumatisants, on retrouve souvent les
surgissements des événements vécus. Ces
réviviscences ne surviennent qu'après un certain temps de
latence. Donc, les évènements reviennent dans leurs
pensées d'une façon incoercible, ce qui les handicape dans leur
mode de réflexion mais aussi dans leur travail quotidien parce que,
souvent, quand ils sont en train de penser à un problème, ces
idées resurgissent. D'après le sujet, ces flashs back reviennent
pendant la journée mais aussi dans leur sommeil sous forme de cauchemar.
« On voit souvent qu'ils ont une altération de la
qualité du sommeil ou de la quantité même. Le sommeil est
discontinu avec parfois des difficultés d'endormissement et des
réveils précoces. Ensuite, ils ont difficile à se
rendormir ».
Souvent, ces personnes présentent de la
dépression. Le sujet nous parle aussi des phobies jusqu'à des
comportements obsessionnels, mais ne donne pas plus d'explications. Il y a des
troubles anxieux de types attaque panique. On trouve aussi des
phénomènes hallucinatoires de type auditif, visuel, etc.
Les victimes deviennent hyper-vigilantes et ça devient
un inconvénient pour elles car elles sont toujours aux aguets, toujours
en attente de danger. Cette hypervigilance devient perturbatrice que ce soit au
niveau biologique ou psychologique. Les personnes traumatisées sont
caractérisées aussi par des évitements. Ca concerne
certaines situations qui réactivent les traumatismes : Ca peut
être des films violents, ça peut être le fait d'entendre des
événements violents, etc. Les personnes traumatisées,
souvent, se rendent compte qu'elles ont un rythme de fonctionnement qui est
devenu différent des autres personnes. « Elles ont
tendance à se replier sur elles-mêmes parce que les traumatismes
se sont réalisés par nos semblables. Donc, souvent les personnes
réalisent que le monde dans lequel elles sentaient une certaine
protection constitue un monde dangereux. Donc, l'homme voit l'homme dans cette
double identité qui est bon et mauvais. D'où, il a parfois la
crainte des gens ». Le sujet nous parle de la perte de
contrôle chez la victime. « Elle n'est plus capable de
contrôler la situation. Elle n'est plus consciente de ce qu'elle fait.
Elle a des automatismes gestuels ou verbaux ». Le sujet termine
en disant qu'il y a une souffrance intérieure qui n'est pas visible.
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
Le sujet ne nous donne pas de réponse à ce sujet
car il dit que c'est un domaine réservé aux psychologues.
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
Le sujet compare le psychisme de la personne qui a
été exposée à des événements
traumatisants avec les séquences d'un film en préparation.
« Au début, on enregistre les séquences à
l'état brut. Les images du film dans la tête du sujet ne sont pas
fixées. Elles sont enregistrables à l'état brut.
Après un certain temps le sujet doit les révisualiser. Je dirais
que c'est comme le cinéaste : après quand il a fini toutes
les séquences, il doit revisualiser pour essayer ». Le
sujet appelle ces séquences :
« dysmnésies ». Parce que les vécus ne sont
pas évoqués dans l'ordre, ne surgissent pas dans l'ordre tel que
la personne l'a vécu. Ainsi, dans le travail thérapeutique on
aide la personne à mettre de l'ordre dans ses idées, on essaye de
couper des images pour faire des séquences qui sont plus
réalistes pour les personnes qui vont visualiser le film.
« Souvent, j'ai dit que la mémoire d'un
traumatisé était fragmentée. Donc, ça vient par
fragment. C'est pour cela que dans le travail
thérapeutique il faut mettre un peu d'ordre ».
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
D'après les constatations du sujet, la plupart des
traumatisés ont souvent des troubles mnésiques, donc des pertes
de mémoire qui les confrontent parfois à certaines
difficultés de procédure. Ces personnes se trouvent
confrontées à la non-reconnaissance car, souvent, chez les
personnes traumatisées leur mémoire est fragmentée. Il y a
aussi des personnes qui ont vécu des choses graves mais qui parlent
plutôt des autres détails que de l'événement
lui-même. Ces amnésies peuvent être aussi liées
à la vie quotidienne. Tel est l'exemple d'une patiente. Cette femme est
partie au marché avec son bébé dans une poussette. En
rentrant chez elle, elle oublie son bébé dans le bus. Elle ne
s'en rappelle jusqu'à ce que la police vienne sonner chez elle à
ce sujet...
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
Il y a des personnes qui ne veulent pas parler de leur
histoire, de ce qu'elles ont vécu. Il y a ceux qui n'en parlent
même pas. Il y en a d'autres pour qui parler devient tellement
éprouvant qu'il faut prendre du temps. Il faut vraiment respecter leur
rythme. Et puis, il y en a ceux qui en parlent mais en limitant certains
détails.
Le sujet nous donne l'exemple d'une personne qui au premier
événement a vu une bombe tomber sur sa maison. Les membres de la
famille ont été obligés de fuir dans toutes les directions
possibles. La famille s'est désintégrée et elle est venue
en Belgique. Cette personne n'a aucune nouvelle de sa femme après trois
ans. Lui, c'est quelqu'un qui a été torturé par les
miliciens, etc. « Ce que me disait mon patient, c'est
plutôt la façon dont il a essayé de trouver à
manger, de survivre etc. Et plus tard, quand il se sentit mieux, il m'a
raconté tout le début de son histoire. Ça m'a
bouleversé parce que je croyais que c'était quelqu'un qui avait
fuit les hostilités, qui n'avait pas été impliqué
d'une manière ou d'une autre ».
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
C'est un travail à long terme, nous dit le sujet.
« Je pense qu'il faut respecter leur rythme ».
Pour aider quelqu'un qui a été victime, la première
étape est la reconnaissance de ce statut. « Parce
que si on ne reconnaît pas cela je me demande comment on peut
l'aider ». Le sujet nous parle des difficultés que
rencontrent les réfugiés devant l'Office des Etrangers, parce
qu'ils se sentent obligés à nouveau de se justifier.
« Se justifier veut dire raconter toute l'histoire qu'ils ont
vécue ».
En dehors de cet élan de récupération de
leur santé, ces personnes sont confrontées aussi à des
problématiques existentielles. « Il y a des
événements qui entretiennent leurs difficultés, qui ne les
aident pas à se reconstruire. Il y a des difficultés de
procédure, par exemple. Mais pas seulement cela, parce que pour se
reconstruire il faut aussi être autonome. La plupart de ces personnes
sont obligées d'être réduites à un mode de
dépendance, ce qui n'est pas valorisant ». Penser
à la récupération c'est penser aussi à toute cette
difficulté que l'on rencontre.
Concernant les théories utilisées, notre sujet
pense qu'aucune théorie ne peut s'inventer comme étant la plus
adaptée au traumatisme, que ce soit au niveau psychanalytique, au niveau
cognitivo-comportementaliste, au niveau systémique, etc. Il faut une
intervention dans un contexte plus global, parce que la prise en charge de
certaines situations est tellement complexe. Le sujet prend l'exemple la
thérapie par abréaction. « Je pense qu'il y a des
personnes avec qui ça peut marcher et pour d'autres ça ne marche
pas. Chez d'autres encore, c'est contre-indiqué. Il y a des personnes
qui spontanément ont besoin de ça, de relater des faits
vécus, de verbaliser, d'être écouté, de
témoigner, surtout, de dénoncer. Il y en a d'autres qui trouvent
que ça ne servira à rien. Puis, il faut respecter aussi la
personne, si elle ne veut pas raconter, il ne faut pas
insister ».
Une approche multidisciplinaire est indispensable car, selon
notre sujet, le traumatisme ne laisse pas seulement des problèmes
psychologiques mais le traumatisme se passe aussi dans le corps, il laisse des
traces, des séquelles. Le sujet précise qu'il y a souvent des
troubles somatiques qui sont associés chez ces personnes. Mais, le
contexte social est aussi très important. « Bref, il y a
tout un accompagnement qui parfois est nécessaire ».
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
Suite à des violences systématisées,
à des événements qui impliquent toute une
communauté, le soutien social permet, à la majorité de la
population, de s'en sortir. « Quand le traumatisme est introduit
par l'homme, quand la personne est déshumanisée, il n'y a que la
communauté qui peut restaurer cette humanisation, ce sentiment
d'appartenance. Ceux qui sont parvenus à s'en sortir, c'est
ceux qui ont été socialement soutenus. On ne peut pas
améliorer quelqu'un dans l'isolement, dans la solitude ».
Le sujet fait une remarque par rapport à certaines
circonstances qui s'avèrent problématiques. « On
parle souvent d'intégration sociale mais quand on a eu des
problèmes à cause de l'homme, souvent on voit, même
longtemps après que la guerre est finie, qu'il y a des mouvements qui
circulent et qui ne favorisent pas la récupération. Les victimes
qui ne sont pas reconnues, parfois on les blâme ou on dit :
voilà cette personne veut se victimiser ; elle doit tourner la
page ; etc. alors que la personne n'en est pas capable. Cette
façon de les rehumilier, de ne pas reconnaître sa souffrance ne
favorise pas la récupération. Je crois que le contexte social est
très important ».
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
La capacité que les gens ont de rebondir les
événements vécus, dépend du développement
psychologique de l'individu. La compétence résiliente est
innée. Parfois, elle peut devenir acquise en fonction des
expériences dans la vie. Quelqu'un qui a vécu dans une
communauté soutenante, qui a acquis des aptitudes de résistance,
résiste mieux à certains événements qu'un autre.
Le sujet dit qu'il y a aussi des personnes qui ont
été exposées à des événements
traumatisants chroniques et qui finissent par développer des
mécanismes adaptatifs, donc développer des capacités de
résilience qui sont surprenantes.
« Les traumatisés ont quand même
des capacités d'adaptation énormes. Lorsqu'on voit
après qu'ils ont été confrontés à des
situations dramatiques, parfois on est étonné de voir qu'ils sont
encore capables d'établir des liens sociaux. On est parfois surpris de
voir qu'ils parviennent à s'intégrer ou à faire des choses
malgré ce qu'ils ont vécu ».
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
C'est le problème de l'Etat de reconnaître ces
personnes comme victime. Cependant, le sujet est sceptique face à cette
tendance de réparation. « Réparer oui, mais
à quel pourcentage ? Est- ce qu'on peut réparer ? Je
crois qu'il faut renoncer à ça. C'est une tendance vers une
réparation symbolique mais il y a des points
d'interrogation ». La non-reconnaissance du statut de
réfugié chez ces personnes montre cette incapacité de
réparer la souffrance qu'elles ont subie parce que ça se
répète ici. « La majorité des patients que
j'ai sont encore dans le traumatisme parce que ils n'ont pas de papiers depuis
x années ...».
Professionnel D
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
Pour le sujet, un traumatisme psychique est une notion sur
laquelle on peut beaucoup débattre, et à propos de laquelle il y
a souvent une confusion entre le fait de vivre des événements
à portée traumatique, donc qui peuvent avoir un impact
traumatique, et un traumatisme en tant que tel. Il y a des
événements qui, chez certaines personnes, vont entraîner
une réaction de type traumatique, au niveau psychologique, et que
d'autres apparemment vont traverser avec plus de facilité.
« Donc, on ne peut pas, comme c'est le cas pour un traumatisme
physique, identifier de la même manière des traces ou des signes
clairs au niveau clinique de ce qu'est un traumatisme ». On peut
parler d'un événement à portée traumatique quand
une personne a été exposée d'une manière brutale
à un événement très violent, où
l'intégrité physique et psychologique de lui-même ou de ses
proches ont été mises en danger et face auquel elle a
été sans ressources et a en conséquence vécu un
moment d'effroi.
Il peut y avoir des traumatismes à partir d'un
événement unique, à partir d'événements qui
se sont répétés, et à partir
d'événements qui restent « à
l'oeuvre ». Les spécialistes répertorient sous la
nomination d'état de stress post-traumatique ou de névrose
traumatique les manifestations symptomatiques typiques que développent
des personnes qui ont été soumises aux types
d'événements pré-cités, en lien direct avec cette
exposition.
A côté de la confrontation à la mort, le
sujet met en évidence un autre phénomène propre à
l'exposition à ce type d'événement, qui pour lui est au
moins aussi perturbant psychologiquement et accentue le sentiment
d'effroi : « C'est la rupture du contrat social sur lequel
on base l'ensemble des relations, des valeurs auxquelles on croyait et sur
lesquelles on avait bâti le socle sur lequel se construisent la vie
collective et la vie sociale. Tout d'un coup, il y a une transgression
de ces lois fondamentales. C'est un double effroi : de la
présence de la mort et de l'absence des règles minimales
nécessaires à la vie en société ».
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
« J'ai déjà répondu dans la
première question avec l'introduction du deuxième type d'effroi,
lié à la transgression radicale des règles du contrat
social ». Donc, il y a une différence entre ces deux
types d'événements car ils laissent des traces
différentes sur le fonctionnement psychique de la victime.
Néanmoins, le sujet met l'accent sur les particularités de chaque
personne. Il faut prendre en compte le contexte de situation dans lequel ces
personnes se trouvent et leurs ressources individuelles. « Si on
devait graduer les événements, sans doute qu'une atteinte
traumatique dans lequel il y a eu une violence organisée par d'autres
humains, en terme de gravité, je dirai que c'est plus grave mais je mets
des nuances parce que pour un être humain on ne sait jamais
déterminer ce qui est grave ou pas pour lui ». Parce que,
dit notre sujet, il y a aussi des personnes qui réagissent d'une
manière catastrophique à des événements non
provoqués par l'homme et avec lesquels le travail est excessivement
difficile. Par exemple à la mort d'un enfant dans un accident.
« Mais on doit quand même invoquer un autre ordre de
gravité de l'atteinte quand l'événement traumatique est
volontairement induit par un humain ».
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
Dans une situation où la victime est placée dans
un contexte de déshumanisation de son être, c'est sûrement
différent. De plus, dans le contexte de la demande d'asile, pour
certains c'est un événement qui n'est pas fini,
c'est-à-dire que l'événement n'est pas
clôturé. Ces personnes se sentent toujours en danger par rapport
à ces situations. « Donc c'est le cas pour pas mal de
demandeurs d'asiles qui sont dans la procédure où, non seulement
ils ont été victimes d'événements traumatiques au
sens le plus dur du terme, mais en même temps ils ne sont pas sûrs,
ils n'ont pas la garantie que c'est terminé ».
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
« Dans ce type de situation, il est presque
impossible de faire le deuil. C'est ce que nous constatons chez ces personnes
qui n'arrivent pas à se débarrasser de ces
« fantômes », disparus mais pas vus dans la mort, ni
veillés, ni accompagnés vers l'au-delà. La recherche du
corps du disparu, quand elle est possible, obsède le(s) survivant(s),
les laissant très souvent dans l'incapacité de « faire
avec » cette absence ».
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
Cela correspond également à mon point de vue.
C'est le socle de ce qui fonde l'être humain comme animal social qui est
brisé, il se retrouve en conséquence seul, abandonné.
4. Quels symptômes vous avez rencontré
chez ces patients ?
Le sujet énumère certains symptômes qu'il
a rencontré chez ces patients comme : l'impression de revivre
constamment cet événement sous forme de flash-back, que
l'événement reste présent alors qu'il a eu lieu il y a
longtemps ; des troubles de la concentration ; troubles du sommeil,
comme des difficultés d'endormissement et/ou des cauchemars à
répétitions ; perte de la confiance en soi et de goût
dans la vie ; moment d'irritabilité importants ; les
oublis ; etc. Le sujet fait remarquer qu'il y a toute une série de
signes cliniques possibles qui se présentent mais qui ne sont pas
nécessairement tous présents en même temps chez la
même personne.
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
Le sujet a une perspective d'encadrement et d'interventions
globales, de soutien global de la personne, ce qui a pour conséquence
que l'essentiel du travail est centré sur la mobilisation des ressources
dans la situation actuelle.
« On peut identifier chez certains d'entre eux
des manifestations de dépendance, de grande passivité face au
renouvellement des épreuves qui peuvent en être des expressions,
mais nous n'envisageons pas de les traiter dans une perspective de ce
type ».
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
Le sujet fait l'hypothèse que la
répétition dans le traumatisme est une tentative
« archaïque » d'apprivoiser ce qui est arrivé,
c'est-à-dire une tentative d'élaboration mais qui, souvent,
échoue. « C'est un point d'arrêt sur lequel la
personne achoppe ou trébuche tout le temps au même endroit parce
qu'il n'a pas la possibilité de le dépasser. Ainsi, elle reste
calée dans une forme de sidération par rapport à ces
événements où le réel a, en quelque sorte, fait
une effraction ». Le mécanisme qui maintient cette
espèce de retour systématique de l'événement et
cette impossibilité d'élaboration, pour notre sujet, pourrait
être de l'ordre de la pulsion de mort et lié à une forme de
confrontation à la jouissance. Le sujet ajoute qu'on peut parler de
fascination par rapport à l'événement qu'on a
rencontré suite auquel le champ pulsionnel a été tellement
chamboulé qu'on n'arrive pas à le dépasser.
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
Le sujet nous dit qu'il a rencontré des patients qui
présentent plutôt des confusions spatio-temporelles. Ces patients
sont incapables de restituer précisément dans le temps
l'événement. « Certains ont des pertes de
repères temporels par rapport au moment où ça c'est
passé. Une fois ils disent que cela s'est passé le matin, une
fois l'après-midi ; La confusion gagne souvent toute la
scène, le nombre de personnes concernées, les lieux.. C'est comme
si la scène se brouillait, paraissait floue. D'autres, par contre, sont
très précis, se souviennent de détails incroyables. Les
deux peuvent être mêlés : confusion à certains
niveaux, hyper précision du souvenir à
d'autres. »
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
Ce qu'ils expriment n'est pas toujours de l'ordre de la
plainte, ils ont souvent des attentes très concrètes pour les
aider dans des aspects de la vie quotidienne qu'ils ne parviennent pas à
gérer, les accompagner dans des démarches, rompre la solitude et
l'isolement dans lesquels ils se trouvent. Il n'y en a presque aucun qui vient
directement pour parler des événements traumatiques, sauf s'ils
s'y sentent obligés.
Un autre point que notre sujet trouve important, c'est de ne
pas forcer les portes de la mémoire par rapport à
l'événement et à sa remémoration.
« Moi, je ne suis pas du tout favorable à des formes de
traitement cathartique de l'événement traumatique. La
personne peut venir deux ans sans en parler. Donc, selon moi, il faut la suivre
dans ce qu'elle veut nous livrer, dans ce qu'elle veut travailler avec nous
ici ». Néanmoins, on doit lui montrer qu'on est
prêt à entendre ce qui est de l'ordre de l'innommable, si
possible sans en précipiter la révélation.
Malheureusement, cette attitude n'est pas toujours possible
avec les demandeurs d'asile. La procédure de demande d'asile invite en
effet à forcer le retour sur les événements. Créer
les conditions pour que ce soit le moins inhumain possible apparaît
souvent comme la seule alternative possible, pour que, grâce au
psychologue, le patient puisse témoigner de la réalité de
ce qu'elle a enduré de manière crédible devant un autre
moins bienveillant. « Ce n'est pas idéal de ce qu'on
devrait faire dans un cadre thérapeutique. Nous le faisons parce que la
sécurité du droit au séjour doit être
assurée en premier lieu, elle prime sur tout le reste en
matière de gages d'apaisement psychologique. Sans elle, la perspective
de se projeter dans l'avenir, en assumant les épreuves passées,
ne peut être travaillée. Donc, on est face à
une contradiction : on doit travailler au droit au séjour
prioritairement, et pour ce faire, on doit parfois favoriser de lever les
oublis, de faire retour sur des événements alors que la personne
n'y est pas prête, ne le désire pas, alors qu'en soi, ce ne
serait pas souhaitable, que cela peut être considéré
comme contre-thérapeutique ».
Pour notre sujet, la procédure d'asile est, dans
beaucoup de cas, un une forme de réactivation traumatique, un
événement traumatique secondaire. La non reconnaissance de la
souffrance par le pays d'accueil et l'humiliation d'avoir à prouver le
contexte dans lequel la victime a été mise en péril, que
ça soit physiquement ou psychologiquement, c'est en soi très,
très violent.
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
Notre sujet s'inspire de la psychanalyse ainsi que de la
psychothérapie institutionnelle telle que s'est développé
dans les années 40-50-60. C'est un modèle d'accueil et de
l'institution soignante où chacun peut avoir un rôle et une
fonction qui est globalement enveloppant et soignant pour la personne.
« Dans l'espace que représente Ulysse comme un lieu
d'asile où on peut se déposer et se sentir bien, être
protégé, enveloppé par l'institution dans son ensemble
».
Quand on a été victime d'une
déshumanisation complète, il y a quelque chose à restaurer
qui est plus profond, qui est différent et qui demande une forme de
présence thérapeutique dans une forme de réhumanisation du
contact, de la relation et de la confiance dans l'autre.
Pour le sujet, la première chose qu'il faut faire c'est
d'aller au-delà de la position classique de neutralité. Il faut
pouvoir marquer une forme de présence, d'humanité et d'accueil
dans laquelle ces personnes peuvent trouver asile. Il faut aussi pouvoir
témoigner de son engagement dans la condamnation de la violence que la
personne a subi et qu'elle continue à subir, autrement lorsqu'elle est
soupçonnée de mentir, tenue de prouver que les
événements traumatiques ont réellement eu lieu. On est
dans une position de soutien, de reconnaissance de sa qualité
d'être humain. C'est nécessaire de manifester cette attitude.
« Donc, on est à coté d'eux et on est avec eux, on
montre qu'on est sensible à ce qui leur est arrivé et à ce
qui peut encore leur arriver. »
La neutralité en face des ces personnes n'est pas
adéquate, parce qu'elles ont besoin de se sentir dans un cadre
relationnel où le danger est exclu ou sans se sentir en danger d'une
autre manière.
Le sujet fait une remarque par rapport à l'attitude du
psychologue. « Il faut être clair sur la position que nous
nous proposons d'occuper, sans leurrer pour autant la personne sur notre
(faible) capacité à tout arranger, à la
sauver ».
Notre sujet met en évidence un autre effet que la
procédure d'asile a par rapport au vécu traumatique. L'attente de
la reconnaissance ou non du statut de réfugié a dans certains cas
comme impact de geler provisoirement le processus de métabolisation ou
d'élaboration de traumatisme. « On le met en `conserve' le
temps de la procédure, parce que la question de la survie est en jeu.
Il y a des gens qui peuvent continuer à bien fonctionner tant qu'ils
sont dans une logique de survie ». Parfois, on rencontre des
gens qui s'écroulent dès qu'ils obtiennent le statut.
Autre remarque : pour notre sujet, être
régularisé214(*) ce n'est pas la même chose que d'être
reconnu comme réfugié, en termes de restauration
narcissique. « Personnellement, j'encourage toujours les
personnes ayant obtenu la régularisation avant la clôture de leur
procédure d'asile à poursuivre celle-ci pour tenter d'obtenir le
statut de réfugié ». A côté de cela,
il y a d'autres atteintes à la valorisation narcissique : la non
reconnaissance professionnelle, la perte du statut social, l'inactivité
forcée... L'exil est une épreuve qui ne s'achète pas
mais qui coûte cher.
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
« C'est primordial. Les réponses fournies
plus haut attestent du rôle essentiel que nous donnons au soutien
global, dans lequel le soutien social a une place essentielle. C'est souvent
sous le couvert d'un suivi social qu'on peut démarrer autre chose, de
plus relationnel ».
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
Notre sujet ne veut pas faire une critique trop rapide,
même s'il lui parle peu. « Ce n'est pas un concept que nous
utilisons. Faire référence à des
référents hérités de la physique, de la biologie et
de l'éthologie ne nous apparaît pas comme le meilleur moyen de
comprendre la logique du traumatisme chez l'être
humain ».
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
Voici ce que nous dit le sujet : « Je ne
sais pas quoi en penser. Je ne connais pas l'usage fait de ce terme dans la
théorie du traumatisme. Je croyais qu'on l'utilisait pour des objets.
S'il s'agit de réparation narcissique à quoi il fait
référence, je trouve cela un peu ` bateau `, trop
évident »
Chapitre III. Analyse transversale
Pour faciliter l'élaboration de notre partie pratique
et pour éviter les répétitions, nous avons décide
dans notre analyse transversale de reprendre parfois plusieurs questions
ensembles qui vont plus au moins dans le même sens. A travers des
réponses obtenues par les professionnels nous allons essayer d'analyser
des différents points de vus qui impliquent la notion de traumatisme.
Pour diminuer la lourdeur de la lecture, nous avons inclus dans ce chapitre une
analyse comparative avec les auteurs de référence de notre
partie pratique
1. Autour de
traumatisme : (question 1, 2)
Nous avons remarqué que les
définitions du traumatisme pointent des similitudes au
regard des références théoriques présentées
dans cette étude. Pour ceux qui optent pour les conceptions
freudiennes, le traumatisme sera un événement qui s'impose par
violence (sujets A et D), où l'intégrité physique
et/ou psychologique de la personne (sujet B et D), où de ses proches, a
été mise en péril (sujet D). La victime se trouve sans
ressource et répond par l'effroi (sujet D). Ceci
déborde les capacités d'adaptation (sujet C), fait
effraction dans le psychisme, déchire l'enveloppe
protectrice215(*)
(sujet A).
Le sujet B nous parle de rupture : Confrontation
à la mort, douleur extrême avec atteinte du point de rupture.
Personne n'est immunisé contre le traumatisme, donc c'est une
réaction tout à fait normale (sujet C).
Concernant la rencontre de la mort en situation de guerre, le
sujet C souligne que même si on n'est pas confronté directement
elle sous-entend un danger de mort. Et « la confrontation à la
mort est effrayante car, est inhabituelle, parce que personne ne sait ce qu'est
la mort : « Personne n'y a été pour nous
dire : « voilà, c'est ça !»
Nous voyons que le sujet C perçoit la
représentation de la mort, telle qu'elle est décrite par certains
spécialistes (Lebigot, Crocq,
etc.). « Nous n'avons pas de " représentation mentale " de
la mort, pour la bonne raison que nous n'en avons jamais eu de "
présentation " préalable » 216(*).
Les sujets ont mis en évidence qu'on peut être
traumatisé par différents facteurs. À
part d'une confrontation à la mort, viol, torture, etc., d'autres
facteurs peuvent aussi déclencher un traumatisme comme le fait de voir
sa maison brûler, de perdre toutes ses biens etc. sans pouvoir porter
plainte ou réclamer la réparation du préjudice subi, etc.
(sujet A), etc. Il existe également d'autres événements
qui peuvent entraîner des blessures profondes et qui ne concernent pas
la guerre (sujet A et B). Un mauvais regard, le manque d'affection, la
perte d'êtres chers, etc. (sujet A) ou encore la maltraitance dans
l'enfance, etc. (sujet B).
Toutefois, tous les professionnels distinguent les
traumatismes provoqués par les catastrophes naturelles ou accidentelles
et les traumatismes infligés par l'humain. Les
traumatismes provoqués par l'homme et, précisément, dans
un contexte de guerre, ébranlent la foi en l'Homme par le fait que le
mal vient de l'humain. Dans ces cas, ils soulignent que la souffrance, la
douleur est plus profonde parce que l'humain présuppose que
l'homme est bon et que cette image de l'humain est confrontée à
la représentation extrême de l'homme mauvais (sujet C). Non
seulement la personne est blessée dans son corps, dans son psychisme,
mais quelque chose se déchire au niveau de la confiance en l'homme, en
l'être humain (sujet A). Nous trouvons ces considérations aussi
dans la théorie.
D'après certains auteurs comme Günter
Seidler « Les traumatismes d'origine humaine laissent
des traces plus profondes que ceux déclenchés par des
catastrophes naturelles, et ils sont d'ailleurs plus difficiles à
traiter»217(*).
Suite à notre question consistant à
déterminer si l'impuissance, les humiliations, les chosifications dans
les cas de tortures, viols, etc., qui touchent directement le narcissisme de
base du sujet, ont des répercussions plus graves sur la victime ;
les professionnels sont d'accord : il y a des complications en raison de
ces composantes supplémentaires.
La bombe est lâchée avec l'intention de
détruire mais, au niveau psychique, cela peut être moins
destructeur car la victime n'est pas confrontée directement à
l'agresseur. Cette situation est plutôt en lien avec la vision de
l'horreur. Tandis que, quand il y a une agression directe, ce qui est le cas de
la torture ou du viol, « l'autre (la victime) est
déshumanisé : c'est un chien, c'est une merde, un
inhumain,... ». Par exemple, dans le cas du viol, la femme
revoit le visage du violeur qui vient s'interposer dans des situations
d'intimité (sujet B). Elle est en face de son bourreau qui dispose
d'elle comme il veut (sujet A). Cette incapacité de
réaction est autant douloureuse parce qu'on est réduit à
l'impuissance totale (sujet C). Cette douleur atteint la dignité
de son être. On mesure les répercussions à travers leur
relations : peur de se confier à quelqu'un, entrer dans une
relation affective, perte d'amour, incapacité à assumer
des relations sexuelles, etc. (sujet A). Voici comment
Crocq englobe les dires de nos sujets :
« Le viol fait intervenir dans le
trauma qu'il occasionne les sentiments d'impuissance, de révolte
réfrénée, de honte, de dévalorisation,
d'inhibition, de rejet social, de frigidité, de culpabilité
pouvant conduire au suicide »218(*).
Le sujet A nous parle aussi de l'impuissance à
protéger son enfant : il y a une sorte de déception par
rapport à sa responsabilité. Le bourreau ne
fait pas seulement mal à l'être humain mais également au
père, dans son rôle du père protecteur.
Pour Crocq219(*), les violences
délibérément exercées, les mauvais traitements
infligés sans motif à des sujets sans défense, prisonniers
ou déportés, et la torture appliquée avec sadisme, sont
des situations traumatisantes qui suscitent un maximum d'horreur et
d'incompréhension. Par rapport aux autres traumatismes et
agressions, il y a alors violation explicite de la loi qui régit au
sein de chaque conscience les droits les plus élémentaires de
l'Humanité. Les professionnels vont dans le même sens. Les
traumatismes générés par l'homme notamment dans un
contexte de guerre brisent les liens avec le
monde. Ces blessures sont d'ordre relationnel (sujet C). L'agression
provoquée par l'homme rompt les liens familiaux (sujet B), rompt le
sentiment d'appartenance, de la communauté, (Le sujet A, C), à la
vie en société (sujet B et D), au monde (sujet C). Il y a
rupture liée à l'exil (sujet B). Quelque
chose se déchire, s'ébranle au niveau de la confiance en l'homme
(sujet A et C) car, tout d'un coup, il y a des transgressions des lois
fondamentales sur lesquelles se construisent la vie collective et
sociale (sujet D). Ce sont les liens concrets et
symboliques qui permettent normalement de faire face à la douleur et de
donner du sens aux expériences (sujet B), sur lesquels on base
l'ensemble de relations, des valeurs (sujet D).
Le comportement des victimes qui ont tendance à
s'isoler, à se replier sur elles-mêmes, qui deviennent
méfiantes par rapport à l'entourage explique cette
altération de relation (sujet C)220(*).
C'est ce que nous dit Crocq221(*) :
« tout l'environnement, les choses comme des êtres, deviennent
agressifs pour la personne traumatisée. C'est une autre manière
de percevoir, de sentir, d'agir, etc. »
Les perceptions de nos sujets nous rapprochent de
l'expérience de non-sens dans une existence jusqu'alors
sensée. Il s'agit des bouleversements à
différents niveaux. « A l'instant de l'irruption
traumatique, l'espace ordonné du monde physique bascule pour faire place
au chaos ; les convictions narcissiques s'effondrent, laissant le sujet
désemparé ; les valeurs essentielles de l'existence - paix,
morale, prix de la vie et accessibilité au sens des choses - sont tout
à coup déniées et remplacées par l'absence d'ordre,
de cohérence et de signification ».222(*).
Tandis que Rousseau les décrit
comme suit : « c'est qui fonde l'humanité même du
sujet qui est touché : les liens sont rompus, la Loi
attaquée, l'ordre symbolique bouleversé, les tabous fondamentaux
brisés ». (...). Ce type de situation affecte non
seulement les individus, mais aussi la famille, le groupe qui se trouvent
désorganisés, privés parfois de leur capacité
à se protéger les uns les autres »223(*)
Nos sujets parlent aussi des traumatismes liés à
l'exil. Pour le sujet D, à part des traumatismes marqués par un
événement unique et ceux marqués des
événements répétés, il existe
également des traumatismes qui restent « à
l'oeuvre » : certaines personnes se trouvent
momentanément loin des conflits, mais l'état de danger n'est pas
terminé. « ...c'est le cas pour pas mal de demandeurs
d'asile qui sont dans la procédure où, non seulement ils ont
été victimes d'événements traumatiques au sens le
plus dur du terme, mais en même temps, ils ne sont pas sûrs, ils
n'ont pas la garantie que c'est terminé ». Certains
auteurs vont dans même sens : « (...) exil, oui, mais
pas garanti, avec le risque de se voir refuser cet asile et de devoir
être menacé d'expulsion. On imagine sans peine combien cette
insécurité dans la réalité entre en
résonance avec le sentiment d'insécurité
interne »224(*) .
Pour d'autres encore les traumatismes se
répètent ici (sujet C) du à la précarité
sociale, rejet, racisme, etc. (sujet B). A côté de cela, il y a
d'autres atteintes à la valorisation narcissique : la non
reconnaissance professionnelle, la perte du statut social, l'inactivité
forcée, etc. (sujet D). Au niveau théorique, nous avons
décrit que pour certains auteurs « les
réfugiés traumatisés dans leur pays d'origine vivent (...)
un triple traumatisme : le traumatisme pré-migratoire, les effets
potentiellement traumatiques de la migration et le traumatisme découlant
du déni de leur vécu par le pays d'accueil ».
Dans la partie théorique, nous avons mis en
évidence que, dans un contexte de guerre, de nombreuses personnes ont
vécu des traumatismes multiples. Les auteurs appellent cela le
poly-traumatisme. Nos sujets confirment la théorie. La
plupart des patients traumatisés par les conséquences de la
guerre ont vécu plusieurs événements traumatiques
cumulés pendant des mois, voire des années (sujet C).
M. Samy décrit la complexité du trauma
comme suit : « ...Le trauma suite à la
violence politique comme celui qui touche les réfugiés du Kosovo,
n'est pas uniquement un trauma ponctuel (exemple: un accident d'auto), (...).
Mais c'est également un trauma continu, un trauma du vécu
quotidien et qui se prolonge dans le temps (...) »225(*). Pour le sujet
C, ces personnes sont dans un contexte de traumatisme complexe auquel
s'ajoute toute une co-morbidité psychiatrique et donc plus difficile
à traiter. Certains auteurs226(*) citent aussi cette
complexité : « les personnes polytraumatisées
de guerre sont des groupes à haut risque qui devraient
bénéficier prioritairement de soutien psychologique, de suivi et
de réinsertion ».
En ce qui concerne les disparus, tous nos
sujets mettent l'accent sur la difficulté même de
l'impossibilité de faire le deuil. Il est
évident que d'avoir vu un être cher et d'avoir pu l'accompagner
dans ses derniers moments (sujet A et C), accomplir le rituel, l'enterrer
(sujet C), aide à faire le deuil. Dans le cas de la disparition, il est
très difficile (sujets A et C), presque impossible (sujet D), de
terminer un travail de deuil (sujets A et C). Le deuil devient parfois
compliqué et peut même évoluer vers un deuil pathologique
(sujet A), car les proches du disparu se trouvent dans l'ambiguïté
entre vie et mort (sujets A, B, C, D). Dans ce cas, le deuil est gelé en
raison de l'espoir des retrouvailles (sujet B). Les proches pensent que le
disparu est peut-être en prison, en train de subir des violences, etc.
(sujet C). Les proches ne peuvent même pas dire « maintenant au
moins il ne souffre plus » et cela est une source d'angoisse à
laquelle on pense moins souvent peut-être (sujet B). Dû à
ces sentiments diffus persistant, entre espoir et déception (sujet A),
le deuil ne peut pas être définitif (sujet C).
Par conséquent, comme nous l'avons exposé dans
la partie théorique, la morbidité psychique se complexifie par la
spécificité de la perte des ses proches. Dans ces cas, les
auteurs parlent de deuil traumatique. « Pour les
deuils traumatiques, la sémiologie est double avec un état de
stress post-traumatique et un syndrome "dépressif"
caractéristique de l'état de deuil. L'accent est mis sur des
considérations étiopathogéniques, en particulier, le lien
de causalité traumatogène entre les circonstances de la mort, de
la disparition et les réactions psychiques de
l'endeuillé» 227(*) .
Malgré le fait que nos sujets mettent en
évidence que les traumatismes infligés par l'homme
entraînent des dégâts plus profonds et plus
compliqués, aucun sujet n'a remis en question (ce que certains auteurs
ont mis en évidence) le tableau (de l'état de stress
post-traumatique) du DSM IV. Ces auteurs pensent que ce tableau n'est pas
suffisant pour désigner les traumatismes issus des conflits, des
guerres. « Certains demandeurs d'asile ont été
exposés à des souffrances dramatiques et extrêmes. Nous ne
pensons pas que nos outils usuels, comme le concept d'état de stress
post-traumatique, soient adaptés à ces cas : en raison de la
gravité des trauma subis, souvent sous-tendus par une cruauté
extrême »228(*).
2. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
Ce sentiment d'abandon est un fait récurant (sujet
C). C'est ça qui fait le trauma. « Les blessures physiques
font mal, mais (...) ce qui fait que la blessure physique devient
indépassable, c'est le contexte. Vous la subissez dans une situation de
total abandon » (sujet A). « Personne ne vient au
secours, il est attendu en vain » (sujet C). Dieu lui-même
vous laisse tomber. Vous n'avez personne à qui vous adresser pour
arrêter ça, à adresser votre demande de secours. Vous
êtes seul devant votre bourreau qui dispose de vous comme il
veut » (sujet A). C'est le socle de ce qui fonde l'être
humain comme « animal social » qui est brisé, (sujet
D). Il y a quelque chose de plus révoltant, c'est explosant, car
vous êtes accroché aux parois du néant »
(sujet A).
Ces sentiments d'abandon, de rejet persistent chez les
réfugiés. Ces personnes arrivent ici avec l'espoir de trouver un
espace de sécurité mais elles se trouvent de nouveau
confrontés à cette agression humaine parce qu'ils leur rappellent
justement ce qu'ils ont vécu (sujet C).
3. Qu'est ce qui fait que cet événement
devient indépassable ? Est-ce que le concept de
« résilience » vous est utile pour penser
votre pratique ? (question 9).
Les sujets A et D trouvent ces situations complexes. Il y
a un élément important et qui reste obscur, c'est le psychisme de
chacun ». On ne peut pas se baser uniquement sur des faits
(sujet A). Les événements ne sont pas traités de la
même manière. On ne sait pas déterminer ce qui est grave ou
pas pour elles (sujet D). Certaines personnes ont peu perdu mais sont
affectées profondément et d'autres arrivent à relativiser
(sujet A). Il faut voir au cas par cas. « On rencontre des gens
qui ont assisté à la mise à mort de leurs parents, qui ont
subi de grandes violences, on a tué un parent ce qui lui a fait
très, très mal. Ils ont été dans un danger de mort
eux-mêmes, ce qui leur a fait très mal mais la chose qui leur a
fait le plus mal et qu'ils n'arrivent pas à se pardonner, c'est de ne
pas pouvoir enterrer dignement ces gens-là (son père, sa
mère, etc.) » (sujet A).
Quant à la résilience,
« faire référence à des
référents hérités de la physique, de la biologie et
de l'éthologie ne nous apparaît pas comme le meilleur moyen de
comprendre la logique du traumatisme chez l'être humain »
(sujet D). Il y a toute une complexité des facteurs qui font que
certains s'en sortent et d'autres pas (sujet A). Chez les sujets A et C, nous
remarquons des idées de base inverses. C'est-à-dire pour le sujet
C, la capacité résiliente est innée et elle dépend
du développement psychologique de l'individu. Parfois, elle peut
s'acquérir en fonction des expériences dans la vie. Quelqu'un qui
a vécu dans une communauté soutenante, qui a acquis des aptitudes
de résistance, résiste mieux à certains
événements qu'un autre. Le sujet A pense qu'il y a toute une
complexité des facteurs qui font que certains s'en sortent et d'autres
pas, pour lui la résilience n'est pas une capacité personnelle
privé mais plutôt résulte d'une situation : elle est
contextuelle. Pour le sujet A, le facteur très important qui
permet le développement de la capacité de résilience est
celui où l'enfant s'imprègne, s'alimente de toutes les personnes
qui sont autour de lui : un ami, un prêtre, une
référence qui l'a marqué, qui lui a transmis quelque chose
très fort, qui reste référent même s'il n'est pas
présent.
Il y en a d'autres qui s'alimentent par le support social.
Ceux qui les aident, qui leur donnent de la confiance en l'homme, etc. mais il
y en a d'autres qui sombrent dans l'alcoolisme, dans la dépression, qui
ne se stabilisent pas dans un emploi, etc. (sujet A).
Pour le sujet B, les personnes qui éprouvent le plus de
difficultés à se sortir du traumatisme sont souvent des gens qui
ont déjà vécu des traumatismes intenses dans leur vie
(abus sexuels, maltraitance, etc.). Ces personnes avaient réussi
à trouver plus au moins un équilibre mais le second traumatisme
tel que viol, emprisonnement, perte de ses biens, etc. durant la guerre,
endommage une personnalité déjà vulnérable.
Cela nous rappelle les propositions de
Crocq : les sujets avec des prédispositions
névrotiques ne posséderont pas d'énergie
quantitative suffisante pour faire face aux événements
traumatisantes car toute leur énergie disponible est utilisée
pour maintenir leur équilibre névrotique. D'autres peuvent
présenter une vulnérabilité d'altération
qualitative du mode de réaction : il s'agit des sujets
prédisposés qui réagissent en toutes circonstances, de
paix ou de guerre, par leur frayeur morbide, névrotique.
Tandis que pour le sujet C, des personnes qui ont
été exposées à des événements
traumatisantes chroniques finissent par développer des mécanismes
adaptatifs, donc à développer des capacités de
résilience qui sont surprenantes. « Les traumatisés
ont quand même des capacités d'adaptation
énormes. Lorsqu'on voit après qu'ils ont
été confrontés à des situations dramatiques,
parfois on est étonné de voir qu'ils sont encore capables
d'établir des liens sociaux. On est parfois surpris de voir qu'ils
parviennent à s'intégrer ou à faire des choses
malgré ce qu'ils ont vécu ».
Les propos de C manquent peut-être de
clarté : quand il nous dit que les personnes qui ont
été exposées à des événements
traumatisants chroniques finissent par développer des
mécanismes adaptatifs. Est-ce qu'il s'agit des traumatismes vécus
depuis l'enfance ou encore autre chose ?
Pour le sujet B les individus qui ont une personnalité
bien structurée ont la capacité de s'en sortir relativement
rapidement. Ces personnes restent marquées, auront des cicatrices et
ont besoin d'aide aussi mais réagissent très vite à cette
aide. C'est-à-dire vont mieux en quelque mois. À condition
que le contexte leur offre une opportunité de se construire un projet de
vie. Ca c'est essentiel. (Sujet B). La capacité de résilience
dépend aussi de leurs ressources (sujet A et D), de leurs croyances, du
soutien qu'elles trouvent autour d'elles (sujet A, B). Le sujet B soutient que
l'être humain a une plasticité extraordinaire. Il peut se sortir
de situations de souffrance si on lui donne la possibilité de
s'implanter quelque part, de trouver un projet, etc. Bien sûr que le
traumatisme va laisser une cicatrice mais il va être viable (sujet B).
Souvent, ces personnes recherchent un support philosophique ou éthique
pour retrouver un sens à la vie (sujet B). Les sujets A et B affirment
que parfois le traumatisme va être l'occasion de refaire sa vie sur une
base qui a plus de sens pour la personne, par exemple, l'engagement dans des
associations humanitaires. Certaines s'engagent auprès des autres. Par
exemple, elles investissent leur enfant. « Il y a un investissement
à l'extérieur de soi pour pouvoir se soutenir
soi-même » (sujet B).
Par contre, même si la personne est solide
« et qu'elle met tout en place pour s'en sortir mais que, autour
d'elle, on sape toutes ses tentatives de reconstruction de projet de vie,
évidemment elle va devenir malade » (sujet B).
Nous remarquons que nos sujets prennent en compte plusieurs
facteurs : les ressources de la victime, l'environnement familial et
social. Semblable à la théorie, la résilience est un
processus multidimensionnel « car il se situe à la
croisée de plusieurs paramètres où convergent
différentes variables »229(*). La résilience dépendra alors des
facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs
sociaux.
Malgré cela, le sujet B nous apprend qu'il n'a jamais
vu une personne détruite totalement par le traumatisme.
« Le fait de rester en vie, d'avoir mis en place un tas de
mécanismes adaptatifs qui sont plus au moins efficaces et sains,
ça oui ». Cependant, Crocq met en
évidence les suicides suite à un traumatisme. Contrairement aux
propos du sujet B, pour nous, ce sont des indications que ces personnes
décident de se détruire totalement. (Demandons-nous si le sujet B
parle uniquement à partir de son expérience clinique ?)
4. Autour des symptômes (questions
4)
Le temps de latence est évoqué
par le sujet B et C. Selon les auteurs, le temps de latence est une
étape obligée entre le vécu et l'apparition des
symptômes psychotraumatiques tels que décrits par le tableau
clinique du DSM IV ou à la façon française. Le syndrome
post-traumatique ne devient invalidant qu'après un certain temps de
latence mais il y a quand même des éléments
prédicteurs, tels que l'état dissociatif230(*), qui peuvent montrer
réellement que la personne présente des risques. Ces
« éléments prédicteurs » correspondent
aux propos de Crocq231(*).
Pour l'auteur, pendant ce temps de latence, par une
observation attentive, on remarque que les personnes risquant de
développer un syndrome psychotraumatique présentent divers
états : ruminations perplexes, tristesse avec émission de
pleurs ou, à l'inverse, euphorie exubérante. Concernant les
états dissociatifs, le sujet C n'a pas donné d'exemple concret.
Concernant les huit modalités du syndrome de
répétition, tous nos sujets mettent en évidence
que les symptômes principaux sont les reviviscences. Ces reviviscences
peuvent survenir pendant la journée ou pendant le sommeil sous
forme des cauchemars (sujets C et D),
de répétitions232(*) (sujet D). Pendant la journée, il s'agit
d'une impression de revivre233(*) l'événement traumatique sous forme de
flashs-back (sujet D) suite à un stimulus extérieur, ce qui
replonge la victime au sein de l'événement traumatique (sujet
B). Donc, les événements reviennent dans les pensées des
victimes de façon incoercible234(*), ce qui les handicapent dans leur mode de
réflexion mais aussi dans leur travail quotidien parce que, souvent,
quand elles sont en train de penser à un problème, ces
idées resurgissent (sujet C). Il y a des patients qui présentent
ces reviviscences pendant très longtemps (sujet B). Le sujet B nous
apprend que, chez certaines personnes, même après des
années, les réviviscences peuvent être présentes. Le
sujet B nous donne l'exemple d'une de ses patientes :
« plusieurs années après avoir été
violée, elle avait encore des phénomènes de flashs back.
Elle entrait encore dans un état de sidération. Il lui arrivait
de se perdre en rue, de tomber parce qu'elle était prise par la
reviviscence des événements ».
Le sujet C nous cite aussi des symptômes comme des
hallucinations235(*) (visuelles, auditives, etc.),
Concernant les automatismes gestuels et verbaux,
notre sujet nous dit que la victime a perdu le contrôle de la
situation. Elle n'est plus consciente de ce qu'elle fait. Dans le tableau
clinique français, nous trouvons des phénomènes moteurs
élémentaires. Ce sont des
réactions motrices comme des tics, sursauts ou recroquevillements
lorsque le sujet est confronté à des stimuli ou des
reviviscences sans un stimulus provoquant. Nous trouvons aussi des conduites
à répétition. Ce sont des conduites motrices plus
organisées, des actions complexes inconscientes qui sont en lien avec
l'expérience traumatique comme des fugues, des récits
répétitifs, des jeux répétitifs chez l'enfant, des
comportements agressifs, des actes délicieux, etc. Nous pensons qu'il
est probable que ces automatismes se trouvent dans ces deux modalités,
mais nous sommes incapables d'être plus précis. Le sujet C n'a pas
donné d'exemples pour comprendre de quels automatismes il s'agit.
Les sujets A et B parlent de la présence de
culpabilité236(*) chez la victime.
Pour les auteurs, ce sentiment est très
présent chez les victimes et, souvent, il s'agit d'une
culpabilité irrationnelle.
« C'est de ma faute, si j'avais fait
autrement. » (sujet B). La
dépression237(*) est évoquée par les sujets B et C.
Le sujet B nous dit que les victimes de traumatisme se rendent
compte qu'elles ont un rythme de fonctionnement qui est devenu différent
des autres personnes. Crocq nous parle de
personnalité traumato-névrotique.
Ce sont des changements des rapports avec soi-même et le monde, une
nouvelle manière de percevoir, de ressentir, de penser, d'aimer, de
vouloir et d'agir.
Les sujets B et C disent que les victimes des traumatismes
deviennent hypervigilantes (blocage de la fonction de
filtration). Cette hypervigilance constitue un inconvénient car
les victimes sont toujours aux aguets, toujours en attente de danger et
cela les perturbe que ce soit au niveau psychologique ou biologique (sujet
C). Nous pensons qu'il s'agit d'hyperexcitabilité
neurovégétative238(*) : accélération du rythme
cardiaque, sudation... (sujet B).
Chez ces victimes, il y a souvent des troubles du sommeil
(sujet D). Il s'agit d'une altération de la qualité et de la
quantité du sommeil : le sommeil est discontinu, les
réveils précoces (sujet C). Les victimes éprouvent des
difficultés à s'endormir (sujets C et D). Concernant les troubles
du sommeil, Crocq239(*) parle d'une résistance à
l'endormissement volontaire. Les victimes deviennent hypervigilantes car
elles n'arrivent pas filtrer les stimulations de l'extérieur. Pour
elles, toute stimulation est perçue comme dangereuse. Ainsi vivent-elles
avec un sentiment d'insécurité permanente, d'où la
résistance à l'endormissement, car s'abandonner au sommeil serait
se livrer aux agressions venant du dehors.
L'évitement face à un stimulus qui
rappelle le trauma est décrit par le sujet C. Les stimuli comptent
être des films violents, le fait d'entendre des événements
violents, etc.
Cette altération de la personnalité se
traduit aussi par un blocage de la fonction d'amour et de relation à
autrui. Les professionnels confirment certains
symptômes :
Un de ces symptômes est la
régression. Chez certains patients, il y
a des manifestations de dépendance (sujet D). Une
demande d'enfant, une demande d'affection, d'amour. Une sorte de demande de
reconnaissance du mal qu'ils ont subi. Ceci est remarqué
aussi dans la posture des patients : parfois le patient
se présente démuni comme s'il revenait à l'enfance (sujet
A). Le sujet A prend l'exemple d'un homme qui adoptait des postures de foetus,
se recroquevillait sur lui-même, adoptait un comportement
inadapté. Le sujet A a remarqué, chez certaines
personnes, une sorte de positionnement dans le statut de victime qui
cherche réparation.
Un autre symptôme est l'irritabilité
importante des victimes (sujet D). La victime devient allergique aux
critiques (sujet A). Elle perd confiance en elle (sujet D) et en l'homme
(sujets A et C). Crocq explique que ce blocage - qui se
traduit aussi par de l'irritabilité et de l'agressivité envers
les autres - est présent parce que tout l'environnement, les choses et
les êtres pour la victime est devenu agressif. La peur que
l'agresseur suive encore la victime est habituelle dans la névrose
traumatique. Alors, la victime met en place des conduites d'évitement et
de réassurance. La conséquence est qu'elle perd son autonomie,
son indépendance et sa liberté d'action.
Tandis que le sujet B nous dit que, dans son
expérience clinique avec ces patients, elle a remarqué que,
lorsque les patients commencent à aller mieux, « ils
ont envie d'aller vers les autres, ils trouvent une capacité d'empathie
pour les autres et d'altruisme et même ils ont besoin d'aller vers les
autres ».
Pour rappel, c'est dans la théorie de Ferenczi
que nous rencontrons pour la première fois le terme de
« régression narcissique »240(*), utilisé à
propos des sujets traumatisés par la guerre,. L'auteur
avait remarqué que les névrosés de guerre
retirent leurs investissements objectaux antérieurs et retournent au
stade infantile où ils n'étaient pas capables d'aimer un autre
qu'eux-mêmes en raison de lésions graves du Moi. Les effets de
cette régression se traduisent par une impuissance sexuelle, une
recherche la sécurisation, une extrême dépendance
affective. D'autres symptômes encore qui ne sont pas
évoqués par les professionnels sont des exigences capricieuses,
des réclamations surenchéries envers autrui. Paradoxalement, le
sujet exprime des revendications d'autonomie.
Le sujet C a abordé le repli sur soi. Pour notre sujet,
cette attitude se traduit par une recherche d'une certaine protection contre
un monde qui constitue un danger pour la victime. Parce que, le mal vient
de nos semblables. La victime s'aperçoit que l'homme peut aussi
être mauvais et dangereux.
Chez des femmes violées, le sujet A nous dit que,
fréquemment, il y a perte de l'amour, l'incapacité d'avoir des
relations sexuelles avec un homme car elles rappellent le grand trauma. Ceci a
des répercussions relationnelles avec leur partenaire.
« Il y a des femmes qui n'arrivent pas à s'imaginer se
remettre avec un homme ».
Dans le blocage de la fonction de
présence, nous trouvons
des personnes qui deviennent tout d'un coup passives (sujet D),
apathiques, (sujet A) qui perdent le goût en la vie (sujet D).
Nos sujets parlent aussi des symptômes non
spécifiques. Le sujet D a remarqué chez les victimes des
troubles de la concentration241(*). L'anxiété242(*) est évoquée
par les sujets B et C, ainsi que les superstructures
psychonévrotiques telles que phobies et comportements
obsessionnels (sujet C). Certaines personnes doutent de tout, n'osent plus rien
faire (sujet A). Le sujet A nous dit que d'autres sombrent dans l'alcoolisme,
n'arrivent pas à se stabiliser dans un emploi, etc. Ces symptômes
sont répertoriés dans la catégorie des troubles de
conduite. Le sujet A nous a donné l'exemple d'une femme qui,
après le traumatisme était devenue très, très
active. « Elle était tout le temps en train de faire
quelque chose. Elle ne supportait pas le moindre échec. Elle devait
toujours réussir ». (Nous nous demandons si ce
comportement est de type obsessionnel, ou relève plutôt de
l'agitation maniaque, ou...) Les sujets B et C nous parlent de troubles
dissociatifs, tels que des amnésies (sujets A, B, C et D), et de
troubles psychosomatiques (sujets B et C).
Une autre confirmation théorique repose sur le
déplacement ou transposition des symptômes dans la durée
à distinguer de l' l'anxiété. Le sujet B dit qu'avec le
temps, les réviviscences diminuent et laissent place à
l'anxiété, la dépression et les symptômes
psychosomatiques. A ce sujet, M. De Clercq243(*) nous explique que,
pendant la phase aiguë, les symptômes associés à
l'anxiété (les pensées envahissantes, les flash-back, les
troubles du sommeil et les cauchemars) sont prédominants. Si on ne
traite pas ce stade, l'affection devient chronique (après plusieurs
mois ou plus) : l'anxiété diminue et cède le pas à
l'abattement, à la dépression, aux troubles sexuels et à
la somatisation.
Nous remarquons que nos sujets ont mis en évidence des
symptômes qui ne sont pas repris dans le DSM IV. Nous les trouvons par
contre dans le tableau clinique du syndrome psychotraumatique français
tels que : les troubles psychosomatiques, psychonévrotiques, etc.
Malgré cela, aucun de nos professionnels n'a fait une remarque
concernant le DSM ni mentionné le tableau clinique du syndrome
psychotraumatique française.
5. Autour de la compulsion de répétition
(question 5)
Le sujet A donne le même avis que les auteurs
exposés dans la partie théorique : le processus de la
compulsion de répétition dans le traumatisme (dans le cas des
réviviscences chez le sujet traumatisé) est une partie obscure.
Le sujet D émet l'hypothèse que la répétition dans
le traumatisme est une tentative « archaïque »
d'apprivoiser ce qui est arrivé (sujet D), d'élaborer ce qui
s'avère stérile, sans succès (sujets A, B et D) car la
victime est incapable de digérer l'événement
(le sujet A). Le mécanisme qui maintient ce retour systématique
de l'événement et cette impossibilité d'élaboration
pourrait être généré par la pulsion de mort
(sujet A et D) et lié à une forme de confrontation à la
jouissance244(*) (sujet
D).
C'est un point d'arrêt sur lequel la personne achoppe ou
trébuche tout le temps au même endroit car, le vécu a
été tellement fort. Le champ pulsionnel a été
tellement chamboulé (le sujet D) que la victime ne peut pas de s'en
passer (sujet A et D). Donc, la victime reste calé dans une forme de
sidération par rapport à ces événements car le
Réel a fait une effraction » (sujet D). C'est une
fascination de la personne par rapport à son propre
anéantissement (sujet A et D). Lorsque la personne a vécu
quelque chose d'extrêmement violent, peut-être que cet
évènement s'imprime en elle (sujet A).
Chez les traumatisés, il y a une mise en échec
des processus de contrôle d'éléments stockés dans la
mémoire (sujet A). En tout cas, c'est la mémoire qui est
touchée : soit oublier, soit se rappeler de manière
répétitive (sujet B).
Suite à ces propos des professionnels, nous voyons que
la compulsion de répétition dans le traumatisme psychique reste
un point très discutable sans pouvoir donner une explication plus
précise du type de mécanisme psychique dont il s'agit.
Le sujet A se réfère plutôt à la
pratique : « Mes meilleures références ce sont
les patients; les patients qui racontent comment ils vivent
ça ».
Concernant les amnésies, tous les
professionnels confirment qu'elles sont présentes chez les sujets
traumatisés. Que ce soit des amnésies liées à la
vie quotidienne (rappelons la maman qui oublie son bébé dans le
bus) que des amnésies liées à un moment de
l'événement traumatique : « ici, j'ai un
blanc » disent parfois les patients (sujet A et B). Les patients
oublient également des noms qui sont en lien avec le vécu
traumatique. Ils n'arrivent pas à resituer dans le temps le vécu
traumatique (une fois ils disent que l'évènement s'est
déroulé le matin, une autre fois, l'après midi); le nombre
de personnes concernées (une fois, ils disent que quatre personnes
étaient présentes, une autre fois cinq), les lieux, etc. (sujet
D). Le sujet C parle de dysmnésie car, la
mémoire d'un traumatisé est fragmentée,
c'est-à-dire les fragments de l'événement ne
surgissent pas dans l'ordre tel que la personne l'a vécu. Nous n'avons
pas rencontré cela dans la théorie. Par contre, les auteurs nous
parlent qu'une victime, elle manque de cohérence dans son récit
du au choc qu'elle vient de subir. (Voir dans le chapitre de la prise en charge
immédiate et post-immédiate).
Certains patients, par contre, sont très précis.
Parfois, les deux situations peuvent être mêlées : les
patients sont confus pour certaines choses et sont hyper précis pour
d'autres (sujet D).
Malgré certaines amnésies, tous les
professionnels confirment la théorie selon laquelle le problème
principal, pour les patients, reste de se souvenir trop (sujet B) ou
plutôt de revivre sans cesse l'événement.
Ceci rejoint la théorie. Houbballah qui nous parle
d'hypermnésie.
Globalement, les propos de nos sujets rejoignent les propos
de Sironi245(*) : « le sujet oublie ce
qu'il ne devait pas oublier (l'événement non traumatique), et
n'arrive pas à oublier ce qu'il devrait oublier
(l'événement traumatique) ».
Pour les professionnels, les amnésies en rapport avec
l'événement traumatique, sont des tentatives d'effacer ces
événements qui les font trop souffrir.
« L'inconscient essaye d'éliminer cet intrus parce qu'il est
trop douloureux pour lui » (sujet A). Nous rejoignons l'effet
paradoxal de la mémoire dans le traumatisme décrit par
Fischer : « d'un coté, il
l'empêche de faire son travail d'oubli et, de l'autre, il crée des
formes d'amnésies par rapport à
l'événement »246(*).
Dans le cas d'un syndrome psychotraumatique, pour
Tisseron, cette tentative volontaire d'effacer
l'événement s'appelle clivage.
« ...l'oubli d'un événement vécu avec une
souffrance extrême se fait par l'enfermement de cet
événement (avec l'ensemble des sentiments qui l'ont
accompagné et des images des protagonistes qui y étaient
impliqués) dans un lieu totalement isolé du reste de la
personnalité et inaccessible au sujet
lui-même.(...) »247(*).
Malgré ce processus actif d'éloignement de
quelque chose qui est affectivement pénible, elle revient
clandestinement d'une manière symbolique : dans les rêves,
les actes manqués, etc. (sujet A)*.
*Nous nous questionnons sur ce point. Ce processus actif
d'éloignement de quelque chose qui est affectivement pénible et
qui revient clandestinement d'une manière symbolique : dans les
rêves, les actes manqué, etc. (sujet A), dans la théorie,
nous le trouvons plutôt chez les trauma d'enfance lié avec des
désirs sexuels coupables. D'après les auteurs, l'enfant va
refouler ses désirs et quand un retour de refoulé a lieu, ils
reviennent à travers des symptômes, actes manqués, etc.
D'après la théorie, les traumatismes qui sont des
conséquences directes à la suite d'une agression, d'une
catastrophe, de guerre, d'une maltraitance parental, etc. ne peuvent pas
revenir d'une manière symbolique (faute de non-représentation,
d'incapacité de symboliser l'événement) mais ils
reviennent dans un état brut. La victime revit avec les mêmes
émotions l'événement traumatique que le jour inaugural.
Pour pouvoir parler de refoulement dans le deuxième type de traumatisme
Tisseron dit : « ce n'est que
progressivement, au fur et à mesure de son élaboration par la
psyché, que le travail du refoulement proprement dit peut s'installer.
L'un des signes en est que la situation traumatique ne fait plus retour au
psychisme du sujet avec ses caractères originaires, mais sous une forme
symbolique. Tel sujet traumatisé par une explosion n'est plus
réveillé dans son sommeil par le souvenir de cette explosion,
mais par exemple par la menace d'un lion qui rugit de façon
menaçante »248(*).
Concernant le clivage, les professionnels n'ont pas
donné d'explication car, comme nous l'avons indiqué plus haut,
c'est un point qui reste obscur pour eux. Toutefois, le sujet B parle
« de dissociation de conscience249(*) qui est invalidante parce que ça se fixe. Au
départ, c'est un mécanisme adaptatif qui permet de diminuer cette
souffrance et qui peut tendre vers quelque chose qui va plus en profondeur mais
où ? ».
En ce qui concerne ces oublis chez les demandeurs d'asile,
tous les professionnels mettent en évidence les répercussions par
rapport à l'Office des Etrangers lors refus de reconnaissance comme
réfugié parce que certains éléments essentiels dans
leur histoire étaient effacés. Les auteurs expliquent que:
« les troubles mnésiques, incohérences, non
réponses, seront généralement interprétées
par l'OFPRA comme témoignant de mensonges ou d'affabulations de la part
du requérant »250(*).
6. La prise en charge (question 6, 7)
· Pour des vécus spécifiques, un
traitement spécifique
Exprimer l'empathie, reconnaître la souffrance,
reconnaître la victime, oublier la neutralité sont les
points de départ du travail de tous les professionnels face aux sujets
qui ont vécu des événements potentiellement traumatiques.
On ne peut pas rester neutre devant certaines choses. Comment
peut-on rester neutre devant des crimes pareils (sujet A) ? La
neutralité en face de ces personnes n'est pas adéquate, parce
qu'elles ont besoin de se sentir dans un cadre relationnel où le danger
est exclu ou sans se sentir en danger d'une autre manière (sujet D). Le
fait de pouvoir offrir des contextes chaleureux, ré-humanisants, c'est
un premier pas pour reconstruire (sujet B). Un être humain est un
animal social qui a besoin de l'échange du regard avec les autres pour
se construire et c'est pareil dans la guérison. Quand tu es
détruit, tu as besoin du regard d'un autre pour te reconstruire. Ce
regard est soutenu par les compétences de l'empathie du
thérapeute face à son patient » (sujet B).
Par conséquent, quand on a été victime
d'une déshumanisation, il y a quelque chose à restaurer qui est
plus profond et qui demande une forme de présence thérapeutique
dans une forme de re-humanisation du contact, de la relation et de la confiance
dans l'autre (sujet D).
- La première étape c'est la
reconnaissance de cette victimisation, parce que si on ne reconnaît
pas cela, comment peut-on aider le patient ? (sujet C)
- « La première chose pour moi, c'est de
créer une sorte d'empathie, leur donner confiance car chez ces personnes
la foi en l'être humain telle quelle s'écroule. La deuxième
chose que je fait avec ces gens-là qui souffrent, c'est de
reconnaître leur souffrance » (sujet A).
- « On pense qu'il ne faut pas rester neutre
dans des situations comme ça parce que justement c'est l'humanité
qui est atteinte. Souvent les patients me disent "j'ai l'impression de devenir
fou", "je ne suis plus comme avant" (...) » (sujet B).
- « Chez beaucoup de victimes qui ont
vécu le génocide, torture, etc., il y a vraiment une peur de
sombrer dans l'être déshumanisé. Evidemment, le
thérapeute ne peut pas se permettre de rester dans la neutralité
face à ces situations. Il doit pouvoir reconnaître ce que la
personne a vécu comme quelque chose très violent, d'injuste,
d'inimaginable » (sujet B).
- Il faut aller au-delà de la position classique des
psychologues et il faut pouvoir marquer une forme de présence et
d'humanité et d'accueil dans laquelle ces personnes peuvent trouver
asile, dans un espace de relation qu'on met en place avec elles. Il faut aussi
une condamnation de la violence que la personne a subie et qui continue
à subir autrement, lorsqu'elle est soupçonnée de mentir,
tenue de prouver que les événements traumatiques ont
réellement eu lieu. On est dans une position de soutien, de
reconnaissance de sa qualité d'être humain (sujet D).
Au cours de la lecture des ouvrages rédigés par
les spécialistes dans ce domaine, nous épinglons la position de
Werber et Prieto251(*) qui soutiennent
que la reconnaissance solidaire de la souffrance de la victime et
de son préjudice, la croyance en ce qu'elle dit et la reconnaissance de
l'expérience traumatique comme atteinte à son
intégrité sont des étapes importantes et indispensables
pour le rétablissement de la confiance, des liens sociaux. Il faut une
distinction claire et affirmée de l'agresseur et de l'agressé.
· Comment pourrions faire pour que ça
s'arrête ?
Il n'y a pas de recette, c'est par la pratique que la personne
doit sentir la récupération, le soulagement (sujet A). Mais,
« il faut être claire sur la position que nous nous
proposons d'occuper, sans leurrer pour autant la personne sur notre (faible)
capacité à tout arranger, à la sauver »
(sujet D). Pour ceux qui ont subi ce genre de traumatisme, le premier geste du
thérapeute est de reconnaître comme un humain à part
entière, dans l'accueil, dans le respect (sujet B). Dans un premier
temps, on essaye de voir ce qui est en jeu chez le patient, dans son
symptôme douloureux qui suit des événements violents (sujet
A). Puis, on essaye de mettre de l'ordre dans les « images du
film » que le psychisme de la victime a enregistrés dans
l'état brut. C'est-à-dire on essaye de mettre de l'ordre dans ses
idées (sujet C). L'aide thérapeutique aide de sortir la victime
de sa fascination face à l'horreur, de l'acte insensé et horrible
(sujet B) puis, de l'accepter à la limite car on ne peut pas changer ce
passé (sujet A). La thérapie consiste à penser ce qui
c'est passé autrement (sujet B), sur les mécanismes de perte de
confiance en l'humain, des mécanismes de déni, de
culpabilité (sujet A). Par exemple, avec les personnes victimes de
torture, on analyse l'intentionnalité de l'agresseur pour pouvoir
externaliser son influence. « Car la tendance de la victime est
d' internaliser : "c'est de ma faute, si j'avais fait autrement", etc. Ce
n'est pas elle qui est coupable. Par exemple, dire au patient (pour ceux qui
ont livré des informations pendant la torture) que ce n'était pas
l'intention de le faire parler parce que le bourreau connaissait
déjà ces informations, mais bien de le détruire dans leur
groupe, etc. » (sujet B).
Nous sommes dans la composante de la culpabilité et
dans la référence théorique de Sironi.
Nous avons exposé, dans la partie théorique, que les victimes
développent des sentiments de culpabilité en se sentant
responsable de ce qui leur est arrivé, d'avoir survécu alors que
leurs proches ont perdu la vie.
« La culpabilité est l'expression de la
tristesse ressentie du fait d'avoir survécu à un
événement qui a coûté la vie à d'autres ou
d'avoir une vie meilleure que celles d'êtres chers. La culpabilité
peut aussi provenir du fait que l'on se sent en partie ou entièrement
responsable de la situation »252(*).
Pour une explication plus claire, basons-nous sur
l'expérience des prisonniers politiques au Kosovo. Les accusés
sont sommés de livrer des informations concernant leur travail
perçu comme étant contraire à l'intérêt de
l'Etat. La livraison de ces informations sous la pression de la torture est
considérée par leur groupe comme une trahison, ce qui a comme
conséquence le rejet du « traître ».
Pour rappel, Sironi nous explique que
l'intentionnalité du bourreau vise à briser, brouiller tous les
repères, détruire les liens qui reliaient l'individu à son
groupe d'appartenance et par lesquels une identité individuelle se
construit, de le réduire à un être sans
spécificité culturelle, sans singularité, ce qui a pour
effet la déstructuration de la personnalité initiale.
· Les patients ont difficile à
parler de leur vécus (question 6)
Unanimement, les professionnels expriment
qu'il est nécessaire de respecter le rythme du patient.
Presque aucun patient ne vient directement pour parler des
événements traumatiques, sauf s'ils s'y sentent obligés
(sujet D). Certains ne veulent pas parler de ce qu'ils ont vécu. Pour
d'autres, parler devient tellement éprouvant qu'il faut prendre du
temps. D'autres encore en parlent mais en évitant certains
détails (sujet C). « Je ne fais jamais parler le patient
du traumatisme. Je trouve ça violent. Faire parler, c'est traumatisant
car ça réactive l'événement » (sujet
B). Il faut respecter le rythme et ne pas forcer les portes de la
mémoire par rapport à l'événement et à la
remémoration (sujet D). Dès le début, on est obligé
de faire preuve de réticence au niveau de la volonté de savoir.
On ne souhaite pas et on ne fait rien pour que la personne aborde ses souvenirs
(sujet A). On est dans une position de soutien et on lui montre qu'on est
prêt à entendre aussi à un moment donné quand elle
souhaite en parler d'elle-même (sujet D). On lui offre un lieu pour
aborder ces thèmes quand elle sera prête et ça peut
être très long (sujet A). « On peut parler de
traumatisme quand le lien thérapeutique est bien instauré, quand
la personne parle dans un lieu qui a du sens pour elle, où elle se sent
protégée. Elle peut en parler quand il y a déjà un
minimum d'élaboration grâce au soutien thérapeutique ou
grâce à ce qu'elle avait mis en place
naturellement » (sujet B). Il y a un temps psychique pour
digérer certains événements et qu'il ne faut pas se
précipiter à vouloir supprimer les choses tout de suite (sujet
A). La personne peut venir deux ans sans en parler (sujet D).
· Des problèmes rencontrés avec les
réfugiés
Nous remarquons que respecter le rythme des patients n'est pas
toujours possible pour les réfugiés demandeurs d'asile. Nous
avons un manque théorique à ce sujet. Les professionnels mettent
en évidence trois types de problèmes qui se présentent
pour ces personnes face à l'Office des Etrangers. Nous voyons qu'il y a
des personnes qui ont oublié certains moments de leur vécu, ce
qui leur cause des problèmes pour obtenir leur statut de
réfugiés. Il y en a d'autres qui en parlent mais en limitant
certains détails. D'autres encore ne se sentent pas prêtes
à parler de ce qu'elles ont vécu.
Le sujet C nous donne l'exemple d'une personne qui au premier
événement a vu une bombe tomber sur sa maison. Les membres de la
famille ont été obligés de fuir dans toutes les
directions. La famille s'était désintégrée. Seul ce
membre était venu en Belgique. Cette personne n'avait aucune nouvelle
de sa femme après trois ans. Lui, avait été torturé
par les miliciens, etc. « Ce que me disait mon patient, c'est
plutôt la façon dont il a essayé de trouver à
manger, de survivre etc. Et plus tard, quand il se sentit mieux, il m'a
raconté tout le début de son histoire. Ça m'a
bouleversé parce que je croyais que c'était quelqu'un qui avait
fuit les hostilités, qui n'avait pas été impliqué
d'une manière ou d'une autre ».
Le deuil est « gelé » : les
victimes préfèrent « mettre au frigo » leur
vécu. Il ne faut pas le dégeler. C'est à elles de sentir
le moment pour le faire (sujet A). Malheureusement, la procédure de
demande d'asile ne nous permet pas d'attendre. Elle nous invite à forcer
le retour d'événement pour que le demandeur d'asile, grâce
à nous, soit apte à le faire. Ce n'est pas idéal dans un
cadre thérapeutique. Nous le faisons parce que la sécurité
du droit au séjour doit être assurée. Ca c'est
primordial, car sans elle, la perspective de se projeter dans l'avenir, en
assumant les épreuves passées, ne peut être
travaillée. Donc, on est face à une contradiction :
on doit travailler au droit de séjour et, pour ce faire, on doit parfois
favoriser de lever les oublis, de faire retour sur des
événements alors que la personne n'est pas prête. Cela
peut être considéré comme contre-thérapeutique
» (sujet D).
· Différents types d'approches
utilisées
Pour la plupart des professionnels, la méthode
cathartique de Crocq n'est pas préconisée. Ceci nous a
poussé à leur poser la question quant à l'utilisation de
cette méthode. « Je ne suis pas du tout favorable à
des formes de traitement cathartique de l'événement traumatique.
La personne peut venir deux ans sans en parler. Donc, selon moi, il faut la
suivre dans ce qu'elle veut nous livrer, dans ce qu'elle veut travailler avec
nous ici » » (sujet D). Le sujet C pense
qu'aucune théorie ne peut se déclarer comme étant la plus
adaptée au traumatisme, que ce soit au niveau psychanalytique, au niveau
cognitivo-comportementaliste ou au niveau systémique. Par exemple, la
méthode cathartique, pour certaines personnes, peut être utile et,
pour d'autres, non, voire est tout à fait déconseillée.
Nous nous demandons si le sujet C fait référence à une
thérapie multimodale253(*) ? Par cette approche, le thérapeute
doit être capable de naviguer, selon le cas et selon le moment pour le
même cas, entre différents modes thérapeutiques. Pour le
sujet C il faut une intervention dans un contexte plus global : une
approche multidisciplinaire s'avère indispensable pour ces patients car,
« ces personnes n'ont pas seulement des problèmes
psychologiques. Le traumatisme se passe aussi dans le corps, il laisse des
traces, il laisse des séquelles ». Le sujet D s'inspire
de la psychanalyse, mais aussi de la thérapie institutionnelle. La
seconde est un modèle d'accueil et de l'institution soignante où
chacun peut avoir un rôle et une fonction. Cet accueil est globalement
enveloppant et soignant pour la personne : l'institution offre un
bien-être, une protection, une relation de confiance avec les victimes de
déshumanisation et cela est essentiel.
Le sujet B fait référence à l'approche
systémique. Aux différentes ruptures qui ont eu lieu chez les
victimes (au niveau individuel, au niveau familial, au niveau social, au niveau
communautaire), le sujet essaie d'apporter un support qui va dans un sens de
« re-humaniser » et de permettre à la personne de se
sentir soutenue dans des liens solidaires qui peuvent être
réparateurs. Pour ce faire, le sujet propose aux patients
différents espaces où il va pouvoir élaborer sa souffrance
dans un lien thérapeutique avec le thérapeute mais aussi
leur permettre de se remettre en lien 254(*) avec un groupe de patients, avec sa
communauté.
· des inconvénients sur le plan de
récupération avec les exilés
Concernant les réfugiés
victimes de traumatismes, les professionnels ont mit en
évidence un problème essentiel sur le plan de
récupération de ces personnes dû à la
non-reconnaissance de leur statut et un mauvais traitement dans les centres
d'accueil.
- Les réfugiés se sentent obligé à
nouveau de se justifier devant l'Office des Etrangers. Et se justifier veut
dire raconter toute l'histoire qu'ils ont vécue. Ces personnes se
trouvent confrontées à la non-reconnaissance car, souvent, leur
mémoire est fragmentée (sujet C).
- Pour le sujet B, une telle expérience
représente un risque majeur. Un bon accueil, c'est la prévention
énormément de trouble à long terme chez les
réfugiés et leurs enfants. La non-reconnaissance dans leurs
souffrances constitue un facteur très négatif pour le pronostic
de l'évolution de la santé de la victime. Le sujet B nous
explique que certains demandeurs d'asile soutiennent qu'ils ont beaucoup
souffert mais c'est encore pire maintenant. Pour le sujet B,
« cela signifie vraiment que le fait de ne pas
être accueilli, de ne pas être reconnu est une souffrance
énorme. C'est comme si on t'enfonce la tête dans l'eau. Ils sont
plus que déçus, vraiment
désespérés ». Les auteurs
nous disent à ce sujet qu'« on imagine sans peine combien
cette insécurité dans la réalité entre en
résonance avec le sentiment d'insécurité
interne »255(*).
- La procédure d'asile est, dans beaucoup de cas, un
événement traumatique secondaire (sujet D).
- La non-reconnaissance de la souffrance de la personne et
l'humiliation de ne pas être reconnue comme personne en péril,
physiquement ou psychologiquement, par le pays d'accueil sont ressenties comme
une expérience très violente pour la personne. En même
temps, cette procédure fait revivre le vécu traumatisant, ce qui
n'est pas du tout souhaitable thérapeutiquement (sujet D).
Le sujet B nous parle des répercussions non seulement
sur l'individu mais aussi sur la famille entière. C'est la famille comme
système qui devient malade : le père qui se referme sur
lui-même, la mère, le couple qui éclate puis les enfants
qui sont parentifiés, adultifiés pour soutenir
émotionnellement leur parents, ou adultifiés pour accomplir les
démarches que les parents devraient faire.
Un autre phénomène mentionné par les
professionnels - que nous n'avons pas abordé non plus dans la
théorie - est la suspension du travail d'élaboration du
vécu traumatique chez les exilés non reconnus. Le sujet D dit
qu'un des effets de la procédure par rapport au vécu traumatique
est la tendance à geler le processus de
métabolisation ou d'élaboration de traumatisme.
Les demandeurs conservent leur énergie le temps de la
procédure, parce que leur survie est encore en jeux. Dans le temps de la
survie, le traumatisme n'est pas nécessairement à l'oeuvre.
Certaines personnes peuvent continuer à bien fonctionner tant qu'elles
sont dans une logique de survie.
Au moment où ils reçoivent leurs avis positif du
commissariat ils se lâchent, décompensent (sujets B et D). A ce
moment là, ils vont avoir des symptômes très, très
forts liés au traumatisme vécu antérieurement. C'est
à ce moment qu'ils se permettent car, ils ne sont plus dans la survie
(sujet B).
Le sujet A et C mettent en évidence l'espoir et la
déception envers le pays d'accueil pour ces personnes.
« Les gens viennent avec l'espoir que plus jamais ça,
qu'on va entrer dans un monde de justice, équité, d'amour,
etc., (sujet A), avec espoir de trouver un espace de
sécurité (sujet C) et quand ils arrivent ici, souvent ce
n'est pas ce qu'ils ont espéré (sujet A). Ils se trouvent de
nouveau confrontés à cette agression humaine (sujet C). Une
fois que ce monde juste les déçoit, certains vont être
profondément déçus et blessés »
(sujet A) parce qu'ils leur rappellent ce qu'ils ont vécu (sujet
C). C'est ainsi dit Fischer : « La
croyance en un monde juste donne un espoir de
résilience »256(*).
Quant au sujet C, l'incapacité de réparer la
souffrance que les demandeurs ont subi par cette reconnaissance du statut de
réfugié maintient ces personnes dans une répétition
du traumatisme. Par exemple, parmi les facteurs traumatisants subis par les
victimes de guerre au Kosovo, pouvant intervenir isolement ou d'une
manière cumulée, dans l'étiologie des syndromes
psychotraumatiques présentée par L. Crocq,
nous trouvons aussi ce facteur :
« avoir été accueilli avec
hostilité dans un pays limitrophe »
257(*).
Le sujet D fait une distinction entre la
régularisation258(*) et la reconnaissance comme réfugié en
termes de restauration narcissique. Car, la reconnaissance du statut de
réfugié, c'est reconnaître de ce qu'ils ont vécu.
Ainsi, le sujet D nous dit qu'il encourage à poursuivre la
procédure d'asile même si ces personnes sont
régularisées. Nous manquons de références
théoriques à ce sujet mais l'idée du sujet D nous parait
logique. Cette logique nous la basons sur notre expérience
personnelle.
A coté de la non-reconnaissance du statut de
réfugié, il y a d'autres atteintes narcissiques (sujet D). Ces
personnes sont confrontées aussi à des problèmes
existentiels dus aux conditions difficiles dans les centres d'accueil, de
dépendance du CPAS, etc. Ces difficultés de la procédure
réduisent ces personnes à un mode de dépendance (sujet C),
de l'inactivité forcée (sujet D) ce qui n'est pas valorisant pour
elles. Pour se reconstruire, il faut aussi être autonome (sujet C). Nous
avons trouvé dans plusieurs références les propos de nos
sujets. A partir de sa pratique avec les demandeurs d'asile et
réfugiés, P. Jacques explique que pour les
personnes qui se trouvent dans des situations d'attente de reconnaissance, le
temps est suspendu : « Sans papiers. Oisiveté, sentiment
d'inutilité. Dépendance, infantilisation, logique "d'assistanat";
atteinte à sa fierté, changement de rôle social
(...) »259(*).
7. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ? (Question
9)
Les professionnels mettent l'accent sur l'importance du
soutien social mais aussi sur le fait que ce soutien social peut aussi
être destructeur. Le sujet D, travaille déjà dans ce sens
car son approche thérapeutique se base sur la psychanalyse mais aussi
sur la thérapie institutionnelle. Pour lui, « c'est
souvent sous le couvert d'un suivi social qu'on peut démarrer autre
chose, de plus relationnel » (sujet D). Donc, le contexte social
est très important (sujet C), essentiel (sujet B), primordial (le sujet
D). Il y a des contextes qui rendent malade comme le contexte de guerre, les
conflits interethniques, la répression, ... et il y a des contextes qui
permettent de guérir comme les contextes solidaires où les
cultures peuvent entrer en dialogue (sujet B).
Suite à des violences systématisées,
à des événements qui impliquent toute une
communauté, ce soutien social permet, à la majorité de la
population, de s'en sortir. « Quand le traumatisme est introduit
par l'homme, quand la personne est déshumanisée, il n'y a que la
communauté qui peut restaurer cette humanisation, ce sentiment
d'appartenance. Les individus qui ont été soutenus par
l'entourage parviennent bien à s'en sortir en général.
On ne peut pas améliorer quelqu'un dans l'isolement, dans la
solitude » (sujet C). Néanmoins, le sujet A nous expose
que ce soutien ne peut aider que des gens qui ont déjà des
ressources : « On voit ceux qui participent à des
groupes de paroles, qui ont des contacts avec d'autres mais qui ne s'en sortent
jamais ». Par contre si le soutien social ne relève pas
d'une démarche positive, la situation de la victime peut s'en trouver
aggravée : cela peut rendre la souffrance encore plus grande. Le
sujet C met en évidence que parfois l'entourage ne reconnaît
même pas la souffrance de la victime. « Les victimes qui ne
sont pas reconnues, parfois on les blâme ou on dit : voilà
cette personne veut se victimiser ; elle doit tourner la page ; etc.
alors que la personne n'en est pas capable. Cette façon de les
ré-humilier, de ne pas reconnaître la souffrance ne favorise pas
la récupération » (sujet C). Le sujet B nous dit
que ça dépend aussi comment et où la victime
cherche des ressources. Par exemple, il y a des gens qui font plus facilement
confiance à des professionnels. Il y a des gens qui font confiance
à n'importe qui et ils seront roulés, ce qui renforce la
souffrance.
Le sujet A prend en compte certaines cultures qui prohibent,
qui négativisent le fait d'exprimer des souffrances de cette nature.
« Tu dois les digérer, tu dois les supporter et faire
face, et montrer un visage digne ». Par exemple, au Burundi et
Rwanda, souvent, un homme ou une femme digne ne déclare pas ses
misères aux autres. Il doit assumer. Parfois, dans certaines situations,
ça peut marcher, parfois il faut un long délai pour qu'il y ait
une confiance entre les gens (sujet A).
« Donc, la capacité à trouver de
l'aide après un événement traumatique est
déterminante pour la guérison, sa
résolution » (sujet B).
Ces perceptions sont en accord avec tous les
spécialistes rencontré dans la théorie. Par exemple, la
reconnaissance de la souffrance, l'importance du soutien social,
compréhension, tolérance et l'insertion dans la
société peut aider la personne se reconstruire et céder
graduellement son statut de victime.
« ... le traumatisme psychique est lié
à l'événement objectif, mais, surtout, ce qui est
traumatisant, c'est l'absence de mots autour de cet événement. Le
silence, le non-dit qui entoure le drame, est plus traumatisant que
l'événement en lui-même. C'est le désaveu de
l'entourage et la non- reconnaissance qui constituent une violence traumatique
venant s'ajouter à la violence réelle »260(*).
Nous remarquons que, selon les propos des professionnels et de
la théorie, le rôle du soutien social s'avère très
important car la construction de l'identité de la personne est
indissociable du regard de l'autre. Si la personne a déjà
des ressources et si le soutien social a une approche adéquate ça
aide à se reconstruire. Par contre, si le social ne reconnaît pas
la victime ou s'il a une approche inadaptée, ça rend la
souffrance encore plus grande. C'est ainsi nous dit
Fischer : « c'est dans la relation à
autrui que chacun peut se construire ou peut être
détruit (...). On comprendra alors qu'il y a des blessures
parce qu'il y a relation »261(*).
Cependant, aucun professionnel ne nous a parlé de
l'exclusion, de la marginalisation de certaines victimes comme c'est le cas du
viol, surtout dans certains types de sociétés plus
traditionnelles. Par exemple, nous avons abordé dans la théorie
qu'une femme violée au Kosovo est marginalisée et/ou
rejetée par la société. Voici ce que disent les
auteurs : « ...après les exactions serbes commises
sur des femmes, certains époux ont divorcé. (...). Une fille
violée aura énormément de difficultés pour trouver
un mari. Alors, beaucoup se taisent. Le viol est vécu comme une honte
terrible car c'est à la fois la pire humiliation pour elles et le pire
affront pour leur famille »262(*). Le traumatisme reste alors l'axe central de toute
relation sociale.
8. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ? (Question 10)
Pour le sujet D, s'il s'agit de réparation narcissique.
Les autres professionnels nous ont donné des réponses diverses.
Ils demeurent sceptiques face à certains vécus dramatiques.
Pour le sujet C « c'est une tendance vers une
réparation symbolique mais il y a des points
d'interrogation ». C'est un problème de l'Etat de
reconnaître ces personnes comme victime. Le sujet C se demande si on
peut réparer quelque chose : « Est-ce qu'on peut
réparer ? Je crois qu'il faut renoncer à
ça » (sujet C). De toute façon, quelqu'un qui a
tué ton père, ta mère, il ne réparera jamais
ça ». Cependant, une chose qui aggrave la souffrance, est
quand cet autre ne reconnaît même pas le mal qu'il a fait. La
victime est en partie soulagée lorsqu'il y a une reconnaissance que ce
qui a été fait est inhumain (sujet A).
Le sujet A pense qu'au moins la justice peut prononcer des
condamnations qui aideraient la victime sur le chemin de la
réparation. Mais, dans des nombreuses situations, même ce
geste symbolique de la justice n'existe pas.
Concernant la réparation chez les exilés, le
sujet C nous apprend que l'incapacité de réparer la souffrance
que les victimes ont subi par cette reconnaissance du statut de
réfugié maintient ces personnes dans une répétition
du traumatisme. « La majorité des patients que j'ai sont
encore dans le traumatisme parce qu' ils n'ont pas de papiers depuis x
années ...».
Même si l'Etat ou l'agresseur reconnaît la
victime, pour le sujet A, il ne peut avoir des réparations que si la
victime rend possible la réparation, entreprend la démarche de
réconciliation. Parce que si c'est le bourreau lui même qui le
fait, quand la victime n'est pas prête, ça ne change rien. Le
sujet s'appui sur ses observations au Rwanda. Il dit qu'on a condamné
à mort certains auteurs du génocide. Le but était de les
punir mais en même temps, il y avait un sens de réparation
symbolique. Pourtant, certaines victimes n'étaient pas soulagées
car on les a tués sans souffrir ce qui était le contraire de ce
que les victimes elles-mêmes avaient vécu de la part de leurs
bourreaux. Ces propos nous rappellent cette femme albanaise qui demandait
vengeance pour la réparation.
Le sujet fait une remarque sur le rôle du clinicien.
« Le clinicien ne doit pas bloquer le travail que la personne
elle-même peut faire. Le travail de maturation. C'est à la
personne elle même de condamner, de pardonner ou de faire de
démarche ».
Dans ce sens les auteurs disent que la
violation explicite de la loi exige réparation en justice, mais
« la justice ne peut réparer que le réparable et il
y a toujours une part d'irréparable »263(*). Pour cela, il faut
laisser la mémoire de faire son travail qui permet, au moins,
l'apaisement et l'instauration d'une culture de la paix.
Les réponses de nos professionnels sont en lien avec
cet apaisement de la victime. Néanmoins, nous n'avons pas eu des
réponses sur l'autre point qui nous parait important aussi :
rétablissement d'une culture de paix. Nous avons mis en évidence
dans la partie théorique que l'horreur que la victime traverse,
révèle en elle la partie la plus sombre : haine, vengeance,
violence, etc. Pour que la Loi soit rétablie, la justice doit
représenter une alternative à la vengeance. Elle doit faire son
travail qui s'exprime par cette reconnaissance de la victime comme une
personne lésée et le coupable comme responsable de ses actes qui
doit être condamné.
La reconnaissance du statut de réfugié pour les
victimes en exil (sujets A, B, C, D) a un rôle très important pour
la récupération. Nous trouvons ces propos aussi chez
Sironi264(*) que nous avons décrits dans la
partie théorique.
Conclusion de la partie pratique
A travers les 10 axes de recherche, nos rencontres avec les
professionnels ont donné des résultats souvent similaires
à notre recherche théorique. Voici en synthèse de ce qu'a
été mis en évidence par les professionnels :
La notion du traumatisme comprend un événement
qui par sa violence a mis en péril l'intégrité physique
et/ou psychologique de l'individu ou de ses proches. La victime se trouve sans
ressources et répond par l'effroi. Ceci déborde les
capacités d'adaptation, fait effraction dans le psychisme, traverse
les défenses psychiques de l'individu.
Quant à la rencontre de la mort en situation de
guerre, elle confronte brutalement l'être à son propre
anéantissement. L'expérience de ce Réel ne supporte pas la
représentation.
On peut être traumatisés par l'expérience
de différents événements : de différents
facteurs : confrontation à la mort, viol, torture, le fait de voir
sa maison brûler, de perdre toutes ses biens etc. sans pouvoir porter
plainte ou réclamer la réparation du préjudice subi, etc.
Il y a également d'autres traumatismes qui peuvent entraîner des
blessures profondes et qui ne concernent pas la guerre : un mauvais
regard, le manque d'affection, la perte d'êtres chers, la maltraitance
dans l'enfance, etc.
Les traumatismes infligés par l'homme laissent des
traces plus profondes car des transgressions des lois
fondamentales (concrètes et symboliques) sur
lesquelles se construit la vie collective et sociale s'imposent brutalement au
sujet. Les traumatismes sont aussi d'ordre relationnel. Ils ont pour
conséquence une perte de foi en l'humanité (brise les liens
avec le monde). Il y a aussi des traumatismes
« additionnels » liés à l'exil, à la
précarité sociale, au rejet, au racisme, etc.
L'impuissance, les humiliations, la chosification dans les cas
de torture, viols, etc. ont des répercussions graves car la victime est
en face de son bourreau qui dispose d'elle comme il veut. Cette
incapacité de réaction est d' autant plus douloureuse parce
qu'elle est réduite à l'impuissance totale. Quelque chose qui se
fondre dans sa dignité, dans son être.
Les professionnels ont mis en évidence que le sentiment
d'abandon est écrasant car elle est accrochée aux parois du
néant. Ces sentiments d'abandon, de rejet persistent chez les
réfugiés car ces personnes viennent avec l'espoir de trouver un
espace de sécurité mais elles se trouvent de nouveau
confrontées à cette agression humaine. Toute attitude à
tendance agressive leur rappellent ce qu'elles ont vécu.
Dans le contexte de guerre, souvent les individus subissent
plusieurs traumatismes dans le temps ce qui complexifie le travail de
récupération. En ce qui concerne les disparus, il est très
difficile presque impossible de mener à son terme un travail de deuil.
D'avoir vu un être cher mourir et d'avoir pu l'accompagner dans ses
derniers moments, d'accomplir les rituels, sont en cela d'une importance
capitale.
Un même événement peut se vivre
différemment d'un sujet à l'autre. Pour certains, il devient
indépassable, d'autres s'en sortent avec plus de facilité. Les
facteurs en cause sont complexes : ça dépend de la
vulnérabilité de la victime, du contexte, de la qualité de
soutien qu'il a autour de lui, de l'investissement dans un projet de vie, etc.
La résilience dépendra donc des facteurs individuels, des
facteurs familiaux et des facteurs sociaux (contextuels).
Nous trouvons des symptômes tels qui sont décrits
dans le DSM IV et dans le tableau clinique français mais, aucun
professionnel n'a parlé du tableau clinique français. Les
professionnels mettent en évidence que la mémoire de la victime
est bouleversée. Les amnésies, dysmnésies et
hypermnésies sont évoquées. Quant aux amnésies,
elles seraient des tentatives d'effacer ces événements qui font
trop souffrir. Les professionnels mettent en évidence deux
éléments essentiels pour les troubles de la mémoire :
- les sujets oublient ce qu'ils ne devraient pas oublier
(l'événement non traumatique), et n'arrivent pas à oublier
ce qu'ils devraient oublier (l'événement traumatique) ; -
la mémoire empêche de faire le travail d'oubli
(hypermnésie), le psychisme crée également des formes
d'amnésie de l'événement. En général, les
professionnels mettent en évidence que la victime se plaint de trop se
souvenir.
À propos de la compulsion de répétition,
semblablement à la partie théorique, les professionnels nous
donnent plusieurs réponses : cette compulsion de
répétition est régie par la pulsion de mort. Les
réviviscences sont dues à la fascination de la personne par
rapport à son propre anéantissement. Elles sont des vaines
tentatives d'élaborer l'événement. Concernant le processus
psychique de ces troubles mnésiques, aucun professionnel ne nous a
parlé de clivage. Un professionnel nous a parlé de dissociation
de conscience. C'est un axe qui nous reste à étudier.
Quant à la prise en charge, il est indispensable de
reconnaître la souffrance, montrer de l'empathie envers la victime. Un
accueil ré-humanisant constitue la prévention des troubles. Les
victimes éprouvent souvent des difficultés à parler de ce
qu'elles ont vécus, il faut respecter leur rythme. Cependant, ceci
n'est pas toujours possible pour certains demandeurs d'asile, parce que, pour
que la demande du statut de réfugié soit acceptée, le
commissariat leur demande des preuves précises et cohérentes.
Pour pouvoir parler ou lever les oublis, le commissariat envoie ces personnes
chez les psychologues.
La suspension du travail d'élaboration du vécu
traumatique chez les exilés en attente de leur procédure d'asile
est mentionnée par les professionnels. Pendant que les personnes se
trouvent en danger, ils sont dans la logique de survie et au moment où
ils reçoivent leurs avis positif du commissariat ils se relâchent.
A ce moment, ils peuvent décompenser et présenter des
symptômes liés au vécu traumatique.
Le travail thérapeutique consiste à pouvoir
intégrer l'événement, pouvoir faire le deuil de ce qui est
perdu, pouvoir penser autrement. Pour ceux qui ont subi la torture, le viol,
etc. la psychothérapie consiste à chercher l'intention de
bourreau et par là de pouvoir annuler le sentiment de
culpabilité, l'autodépréciation. Le soutien social est un
autre axe qui peut aider la victime à condition que ce soutien soit
adéquat.
Le dernier point concerne à la réparation. Nos
sujets sont sceptiques, mais celle-ci est indispensable car elle procure un
indéniable effet de soulagement. Néanmoins, il peut avoir une
réparation que si la victime la rend possible. Il existe des
vécus graves qu'on ne peut réparer. l'Etat et la
Communauté Internationale n'investissent pas assez de moyens pour qu'un
travail correct de réparation puisse avoir lieu. L'installation d'une
culture de paix et sa pérennité inaugure l'idéal humain.
Certains s'y attèlent... mais ceci est une autre histoire... !
Conclusion générale
Il reste beaucoup à écrire, encore plus à
comprendre concernant la notion de traumatisme de guerre. Nous voulons ici
mettre en exergue quelques points particuliers :
Un traumatisme ou névrose de guerre n'est pas une
affection mentale découlant de simples frustrations liées
à la vie quotidienne ou d'un conflit intrapsychique La vision de
l'horreur, les massacres, tortures nous paraissent des épreuves de
l'abominable et de l'indicible. Ces vécus spécifiques demandent
des traitements spécifiques. Ils doivent être adaptés pour
chaque « catégorie de victime ». On ne traite pas de
la même manière le témoin ou la victime d'un massacre. En
ce domaine, la dédramatisation n'est jamais une attitude
thérapeutique.
- Les mécanismes de défense que le psychisme de
la victime met en place pour se protéger contres les
épisodes douloureux de son histoire traumatique suscitent en nous un
intérêt important. Nous réserverons une place à
leur étude dans notre avenir.
- Un autre point parait essentiel est le rétablissement
de la loi dans ce pays qui vient de vivre des telles transgressions
gravissimes. La violence et l'anarchie qui découlent après un
conflit, une guerre prennent bien souvent le pouvoir. Les conséquences
peuvent déstabiliser gravement l'avenir de tout un peuple ou nation.
Dans ce sens, la réparation de la part de l'Etat est capitale. Elle
nécessite l'instauration d'une justice humaine où la distinction
entre victime et coupable doit être nettement établie, reconnue et
proclamée.
L'élaboration de ce travail de mémoire n'a somme
toute pas tellement changé le souvenir de mon passé de
réfugiée politique. Malgré mon désir
d'objectivation, j'ai, durant de nombreuses années, ressenti les
séquelles de ce passé, de manière inconsciente et
insidieuse. Aujourd'hui, je ressens un certain détachement par rapport
à cette expérience, ce qui m'a justement permis d'entreprendre la
rédaction de ce travail de la manière la plus
professionnelle possible. Par ailleurs, mon sujet initial ne devait englober,
dans un premier temps, que les traumatisés de guerre. Par la suite
la recherche m'a amenée à traiter également de la
situation des réfugiés politiques dans un pays d'accueil.
BILIOGRAPHIE
1. Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter
les traumatismes. Paris : Nathan université.
2. Barrois, C. (1988). Les névroses
traumatiques. Paris : Dunod
3. Bessoles, Ph. (2003). Le meurtre du féminin, la clinique du viol.
Paris : Theetete
4. Bosquet, A. (2002). Les cent plus beaux poèmes
du monde. Paris : le cherche midi.
5. Chambon, O. & Marie-Cardine, M. (2003). Les bases
de la psychothérapie. Paris : Dunod.
6. Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de
guerre. Paris : Odile Jacob.
7. De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les
traumatismes psychiques. Paris : Masson.
8. Dictionnaire Internationale de la Psychanalyse (2002).
Calman-lévy.
9. Doçi, N. (2001). Shpirti i dërmuar : dhuna
serbe ndaj femrës shqiptare në Kosovë (1997-1999). Forumi i
grual i LDK. (traduction : l'âme mortifiée: la violence serbe
envers la femme albanaise au Kosovo).
10. Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques.
Paris : Odile Jacob
11. Freud, S. (1920). Essais de psychanalyse :
au de-là du principe de plaisir. Paris : Payot, 1968
12. Gilliéron, E. (2004). Le premier entretien en
psychothérapie. Paris : Dunod.
13. Grand Dictionnaire de la Psychologie (2000). Larousse.
14. Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme.
Paris : Hachette Litératures.
15. Lachal, C. & Ouss-Ryngaert, L& Moro, M-R et al.
(2003). Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire.
Paris : Dunod.
16. Le Petit Larousse. (1998).
17. Lopez, G &Piffaut-Filizzola, G. (1993). Le
viol. Paris : PUF.
18. Malcolm, N. (2001). Kosovo : a short
history. London: Macmillan
19. Moro, M-R. (1995). Psychiatrie humanitaire en
ex-Yougoslavie et en Arménie. Paris : PUF
20. Nasio, J.- D. (1994). Cinq leçons sur la
théorie de Jacques Lacan. Paris : Payot
21. Roisin, J. (2003). De la survivance à la
vie : clinique et théorie psychanalytique du traumatisme.
Thèse de doctorat non éditée, Université Catholique
de Louvain
22. Servan-Schreiber, D. (2003). Guérir.
Paris : ROBERT LAFFONT. Page 99.
23. Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes.
Paris : Odile Jacob.
Articles sur site Web :
24. Amnesty International. (avril 2005).
www.amnestyinternational.be/doc/article5212.html
25. Bailly, L. (s.d.). Traumatismes de guerre chez l'enfant
et conséquences mnésiques.
http://perso.wanadoo.fr/fripsi/Bailly.html
26. Beaijiolin, M-H. & Kolnikoff, D. (1995). Ecrits de
témoins, paroles de victimes. Centre Primo Lévy. P 12.
primolevi.asso.fr/web/fr/file_pdf/Ecrits_de_temoins.pdf
27. Bertrand, M. (2003). Restaurer l'humanité dans
l'humain. http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-2.pdf
28. Brenot, J-L. & Diebold, G. (2005). Traumatisme,
stress et transformation. PsyFrSp99c
29. Bernard Charles. (13 avril 1999). Comptes rendus des
réunions de la commission de la défense nationale et des forces
armées. Nr. 29.
www.assemblee-nationale.fr/cr-cdef/98-99/c9899029.asp
30. Castellan, G. (2001). Histoire de l'Albanie et des
Albanais. Paris : Armeline.
http://www.bibliomonde.net/pages/fiche-livre.php3?id_ouvrage=2773
31. Crocq, L. (s.d.). Dépassement et assomption du
trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
32. Cyrulnik, B. Le pape de la résilience. Esprit
libre. www.ulb.ac.be/espritlibre/html/el062005/41.html
33. Ducrocq, F. & Vaiva, G. & Molenda, S. (Année
1, Numéro 1, Octobre 2002). Journal International de victimologie.
Les Cellules d'Urgence Médico-Psychologique en France. A propos d'un
dispositif de secours pour les attentats, de catastrophes et d'accidents
collectifs.
http://www.jidv.com/DUCROCQ,%20F-VAIVA,%20G-MOLENDA,%20S-%202002%201%20(1)%20.htm
34. Forumi Shqiptar. (07-01-2005). Për katër vitet
e fundit në Kosovë kanë ndodhur 3OO vetëvrasje. (Notre
traduction : Le forum albanais. En quatre dernières années
au Kosovo il y a eu 300 suicides)
www.forumishqiptar.com/printthread.php?t=44367.
35. Giono, J. (s.d.). Je ne peux pas oublier.
www.chez.com/bacfrancais/oublier.htm
36. Grappe, M. (7 mars 2002). Enfants-soldats.
http://www.ceri-sciences-po.org/themes/pouligny/pdf/c07032002.pdf
37. Günter Seidler. (2005). Une thérapie fait
disparaître les symptômes - les cicatrices restent... ARTE
www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/935372.html
38. Houria Chafaï-Salhi. (2003). Oublier oui, pardonner
peut être. Apparu dans le texte : Restaurer l'humanité
dans l'humain. http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-3.pdf
39. Jacques, P. (mai 2001). Trauma et culture. Psychiatrie et
violence. www.pines.qc.ca/psychiatrie_violence
40. Jolly, Anne. (2002). Stress et traumatisme :
Approche psychologique de l'expérience d'enseignants victimes de
violence.
http://www.anne-jolly.com/publications/these/these.htm
41. Le Court, M-P. & Botbol, (29-30 janvier 1999). M.
Torture morale, morts sans sépulture
http://psychiatrie-francaise.com/psychiatrie_francaise/Traumatismes%20et%20societes/PsyFrsom.htm
42. Le Journal International De Victimologie. (2004).
Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France.
www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
43. Les missions de MSF dans le monde. (2001). Les
activités de MSF en Yougoslavie : auprès des personnes
déplacées du Kosovo.
http://www.msf.be/fr/terrain/pays/europe/yougoslavie.shtml
44. Marta Lyda l'hoste. (2004). Le terrorisme
d'État: vicissitudes de la souffrance psychique et des
institutions psychanalytiques. 2004. filigrane. Revu de psychanalyse.
rsmq.cam.org/filigrane/archives/terroris.htm
45. Maqueda, F. (1992). La purification, les pontifes et les
« psy » : l'approche relationnelle du trauma
psychique par une équipe d'intervenants « psy »
humanitaires dans les camps de réfugiés en ex-Yougoslavie.
Revue de psychanalyse Filigrane. Le volume 13, numéro 1.
http://rsmq.cam.org/filigrane/archives/purifi.htm
46. Metropolitan Immigrant Settlement Association de Halifax.
Document à remettreaux parents Survivre aux
traumatismes. www.attachmentacrosscultures.org/
francais/impact/trauma_f.pdf
47. Ministère de la justice Canada. (28.10.2005).
Guide de traitement des victimes d'actes criminels : Application de la
recherche à la pratique clinique.
canada.justice.gc.ca/fr/ ps/voc/publications/hill/p8.html
48. Miria, S. (22.05.1999). Les viols sont
une stratégie de guerre orchestrée par le pouvoir
serbe. www.humanite.presse.fr/
journal/1999-05-22/1999-05-22-290017
49. MSF. (avril 1999). Kosovo : Histoires d'une
déportation
http://www.reliefweb.int/library/documents/kosovofr.htm
50. Paul Jacques. (Mai 2001). Trauma et culture.
http://www.pinel.qc.ca/psychiatrie_violence/articles/jacques1.htm
51. Piret, B. (2004). Traumatismes et
réalité.
www.psy-desir.com/p-s-f/article.php?id-article=0037.
52. PSF-redaction. (18 avril 2004). Parole sans frontière.
Introduction au volume « Le traumatisme et
l'effroi ».
http://p-s-f.com/psf/plan.php
53. Requet, S. (2001-2002). Interactions et dynamiques
identitaires chez deux figures différenciées de l'exclu :
les demandeurs d'asile et les SDF. Université lumière Lyon
2.
www.ressources-psy.com/exclu-sdf.htm
N° 9322023
54. Samy, M. (2003). Trauma et événement
traumatique : les réfugiés du Kosovo et les autres de la
planète. Association canadienne pour la santé mentale -
Filiale de Montréal www.acsmmontreal.qc.ca/
publications/equilibre/refugies.html
55. Serniclaes, O. (Janvier 2003). Le soutien psychologique
aux intervenants. Journal International De Victimologie. Année 1,
Numéro 2, JIDV.COM
http://www.jidv.com/VERMEIREN,E%20-%20JIDV%202003%201%20(2).htm
56. Sironi, F. (N° 12, 1999). Attaques contre les objets
culturels dans des conflits contemporains. Les stratégies de
déculturation dans les conflits contemporains.
http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/sudnord.htm
57. Sironi, F. (31 Janvier 2001). Comment devient-on un
bourreau ? www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
58. Tisseron, S. (2003). Mémoire et création.
1libertaire.free.fr/tisseron6.html
59. Weber, E. & Prieto, (N.119. 2003). Approche
psychothérapeutique du traumatisme psychique.
www.iutcolmar.uha.fr/internet/recherche/
Jcerdacc.nsf/0/e5a22d643a51d199c1256d170045b40a
* 1 Sironi, F. (2002). Les enfants victimes de torture et leurs
bourreaux.
www.ethnopsychiatrie.net/actu/Dinan.htm
* 2 Maqueda, F. (1992). LA
PURIFICATION, LES PONTIFES ET LES "PSY" : L'APPROCHE RELATIONNELLE DU TRAUMA
PSYCHIQUE PAR UNE ÉQUIPE D'INTERVENANTS "PSY" HUMANITAIRES DANS LES
CAMPS DE RÉFUGIÉS EN EX-YOUGOSLAVIE. Revue de psychanalyse
Filigrane. Le volume 13, numéro 1.
http://rsmq.cam.org/filigrane/archives/purifi.htm
* 3 Günter Seidler. (2005).
Une thérapie fait disparaître les symptômes - les
cicatrices restent... ARTE.
www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/935372.html
* 4 Malcolm, N. (2001).
Kosovo : a short history. London: Macmillan. Remarque: Nous nous
appuyons la recherche de l'histoire du Kosovo sur les données de ce
livre. L'auteur est docteur en histoire.
* 5 Castellan, G. (2001).
Histoire de l'Albanie et des Albanais. Paris : Armeline.
http://www.bibliomonde.net/pages/fiche-livre.php3?id_ouvrage=2773
* 6 Quasi touts les albanais
étaient chasés de région de Morava où il y avait
des centiènes villages albanais, ainsi que dans les villes Prokuple,
Leskovc et Vranje. Aujourd'hui ces régions sont peuplés par les
serbes.
* 7 Les 8 entités
comprennent les 6 républiques (Serbie, Macédoine,
Slovénie, Croatie, Bosnie et Monténégro) et deux
provinces autonomes (Kosovo et Vojvodine) qui existaient depuis la
2ème guerre mondiale.
* 8 Giono, J. (s.d.). Je ne
peux pas oublier. www.chez.com/bacfrancais/oublier.htm
* 9 En pathologie chirurgicale,
le mot traumatisme signifie « transmission d'un choc mécanique
violent exercé par un agent physique extérieur sur une partie du
corps et provoquant une blessure ou une contusion ». L. Crocq.
(1999).Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile
Jacob. Page 214
* 10 De Mijolla, A. (2002).
Dictionnaire international de psychanalyse. Paris : Calman-Lévy.
* 11 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 216.
* 12 De Clerq, M. &
Lebigot, M. (2001). Traumatismes psychiques. Paris : MASSON
* 13 Grand dictionnaire de la
psychologie (2000). Larousse
* 14 Freud, S. (1920).
Essai de psychanalyse : Au de là du principe de
plaisir. Paris : Payot, 1968
* 15Pour Freud, cette
énergie défensive dont dispose l'organisme pour expulser
l'agression est la « libido », ou pulsion de vie et
d'amour. Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre.
Paris : Odile jacob. Page 257.
* 16 Jolly. A. (2002). Stress
et traumatisme : Approche psychologique de l'expérience
d'enseignants victimes de violence.
http://www.anne-jolly.com/publications/these/these.htm
* 17 Bertrand, M. Restaurer
l'humanité dans l'humain.
http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-2.pdf
* 18 Freud propose de faire
revivre l'événement porteur de toute sa charge d'affect - pour
évacuer justement cette charge d'affect restée coincée -
et d'associer à son sujet, pour « réinscrire
l'événement dans le grand complexe des associations »,
c'est-à-dire faire en sorte qu'il appartienne à l'histoire du
patient, au lieu d'être un corps étranger. Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile jacob. Page
257.
* 19 Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 20 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 197.
* 21 C. Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 22 Roisin, J. (2003). De
la survivance à la vie : clinique et théorie psychanalytique
du traumatisme. Thèse de doctorat non éditée,
Université Catholique de Louvain.
* 23 Le Journal International
De Victimologie. Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en
France.
www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 24 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris :
Masson
* 25 Houbballah, A. (1998).
Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page
75.
* 26 De Mijolla, A. (2002).
Dictionnaire international de la psychanalyse. Paris :
Calmann-Lévy.
* 27 Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 28 Tisseron, S. (2003).
Mémoire et création.
1libertaire.free.fr/tisseron6.html
* 29 Tisseron, S. (2003).
Mémoire et création.
1libertaire.free.fr/tisseron6.html
* 30 M. Torok et N. Abraham
l'appellent ce type de mécanisme « L'inclusion au sein du
Moi ». Ibidem.
* 31 Le déni est aussi
un mécanisme de défense qui vise à nier la
réalité de quelque chose qui est très douloureuse pour la
personne.
* 32 Tisseron. S. (2003).
Mémoire et création.
1libertaire.free.fr/tisseron6.html
* 33 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris :
Masson. Page
* 34 Fischer, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 44.
* 35 Le Journal International
De Victimologie. (2004). Traumas psychiques chez les
demandeurs d'asile en France.
www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 36Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 33
* 37 Ibidem. Page 38
* 38 Cyrulnik, B. Le pape
de la résilience. Esprit libre.
www.ulb.ac.be/espritlibre/html/el062005/41.html
* 39 Le titre de l'essai
« Au-delà du principe de plaisir » provient de cette
inspiration.
* 40 Houbballah, A. (1998).
Destin du traumatisme. Paris : Hachette.
* 41 Grand dictionnaire de la
psychologie. (2000). Larousse.
* 42 Crocq, L. (1999).
Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 258
* 43 Houbballah, A. (1998).
Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littérature.
* 44 Nasio, J.- D. (1994). Cinq
leçons sur la théorie de Jacques Lacan. Paris : Payot. Page
22-23.
* 45 Houbballah, A. (1998).
Destin du traumatisme. Paris : Hachette.
Littérature. Page 136.
* 46 Freud, S. (1920). Essais
de psychanalyse : Au-delà du principe de plaisir. Paris :
Payot, 1968
* 47 Pour plus d'explication,
voir en annexe : Discussions des conceptions :
« stress » et « traumatisme »... (la
partie : entre stress et traumatisme).
* 48 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson.
Page 86
* 49 Ibidem.
* 50 Serniclaes, O. (Janvier
2003). Le soutien psychologique aux intervenants. Journal
International De Victimologie. Année 1, Numéro 2, JIDV.COM
http://www.jidv.com/VERMEIREN,E%20-%20JIDV%202003%201%20(2).htm
* 51 L'Etat de Stress
Traumatique Secondaire et l'Etat de Stress Post-Traumatique ont les mêmes
symptômes.
* 52 Croq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 350.
* 53 Crocq, L. (s.d.).
Dépassement et assomption du trauma.
www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 54 Crocq, L. (1999)
Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.
* 55 Ibidem.
* 56 Crocq, L. (1999)
Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
197
* 57 Ibidem.
* 58 Moro, M-R. (1995).
Psychiatrie humanitaire en ex-Yougoslavie et en Arménie.
Paris : Puf. Page 65.
* 59 Samy, M. (2003).
Trauma et événement traumatique : les réfugiés
du Kosovo et les autres de la planète. Association
canadienne pour la santé mentale - Filiale de Montréal
www.acsmmontreal.qc.ca/ publications/equilibre/refugies.html
* 60 Ibidem.
* 61 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob
* 62 « A la base, ce
terme est utilisé en métallurgie : c'est la capacité
interne d'un métal à retrouver sa forme initiale après
avoir reçu un choc ».
Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les
traumatismes. Paris : Nathan université. Page 34.
* 63Ibidem. Page 33
* 64 Ibidem. Page 42.
* 65 Ibidem. Page 45.
* 66 Ibidem. Page 51.
* 67 Anaut, M. (2003). La
résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan
université. Page 13.
* 68 Crocq, L. (1999)
Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 201.
* 69 PSF-redaction. (18 avril
2004). Parole sans frontière. Introduction au volume « Le
traumatisme et l'effroi ».
http://p-s-f.com/psf/plan.php
* 70 Fischer, N-G. (2003). Les
blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 40
* 71 Houballah, A. (1998).
Le destin du traumatisme. Paris : Hachette Littérature
Page 25.
* 72 Ibidem. 32
* 73 Suite à un
traumatisme, le plus souvent, la victime est envahie par un sentiment de
culpabilité irrationnel.
* 74 Metropolitan Immigrant
Settlement Association de Halifax. (s.d.).
Document à remettreaux parents Survivre aux
traumatismes. www.attachmentacrosscultures.org/
francais/impact/trauma_f.pdf
* 75 Sironi, F. Les
stratégies de déculturation dans les conflits contemporains.
Revue de psychiatrie sud/nord, N° 12, 1999.
www.ethnopsychiatrie.net/actu/sudnord.htm
* 76 Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.
* 77 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob.
* 78 Bessoles, Ph. (2003). Le meurtre du féminin, la clinique du viol.
Paris : Theetete
* 79 Miria, S. (22 mai 1999).
Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le
pouvoir serbe.
www.humanite.presse.fr/ journal/1999-05-22/1999-05-22-290017
* 80 Pour rappel, les
premières aides psychologiques ont été apportées
aux kosovars quand la population a été chassée en Albanie,
Macédoine et Monté Négro.
* 81 Miria, S. (22 mai 1999).
Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le
pouvoir serbe.
http://www.humanite.presse.fr/journal/1999-05-22/1999-05-22-290017
* 82 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob, page 155
* 83 Lopez, G
&Piffaut-Filizzola, G. (1993). Le viol. Paris : PUF. Page 18,
75
Pour Melanie Klein, l'enfant n'a jamais dépassé
complètement ses stades. Ses expériences traumatiques commencent
de premier contact avec le monde extérieur. Dans le ventre de sa maman,
il vit un état de plénitude. A la naissance il rencontre la
« dure réalité » qui est vécue par
toute sortes de pénétration douloureuse : l'air dans les
poumons, section du cordon ombilical, etc. qui sont perçus comme
déplaisirs et demeurent dans ses fantasmes. Mais avec un travail
psychique important qui est vital pour lui, il parvient à se
libérer de ses fantasmes. Le viol qui est une effraction défait
ce travail et réveille en lui tous ces fantasmes archaïques.
* 84 Lopez, G
&Piffaut-Filizzola, G. (1993). Le viol. Paris : PUF. Page
* 85 Ibidem. Page 75
* 86 Festraës M.
(26.08.1999). LEXPRESS.fr - Quel avenir pour Kosovo ? - L'honneur
violé des Kosovares
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/Kosovo2/dossier.asp?ida=426874
* 87 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris :
Masson. Page 109
* 88 Ibidem. Page
112
* 89 Sirroni, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 22.
* 90 Ibidem.
* 91 « Etant
entendu que toutes les personnes qui ont connu la torture se comportent de la
même manière, se vivent comme différentes, soustraites aux
codifications de leur univers familier, incontestablement `à part' des
autres, quelle que soit leur culture ». Ibidem. Page 41.
* 92 « Quelle que
soit l'origine culturelle des patients, le vécu lié à la
torture et le désordre qu'elle provoque se manifestent de façon
similaire. Une victime de torture turque ou chilienne ressemble davantage
à une victime de torture marocaine qu'à un compatriote turc ou
à un compatriote chilien qui n'a pas été torturé e
qui n'a pas été confronté à la violence
politique ». Ibidem. Page 47
* 93 Sironi, F. Bourreaux
et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 25
* 94Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 33
* 95 Ibidem.
* 96 Ibidem. Page 85.
* 97 Sironi, F. Bourreaux
et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page
* 98 Sironi, F. (31 Janvier
2001). Comment devient-on un bourreau ?
www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
* 99 Sironi, F. Bourreaux
et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 51
* 100 D'après Docteur
Loncar (centre médical pour les droits de l'homme de Zagreb), les
témoignages sur les tortures sexuelles contre les hommes dans le cadre
de la purification ethnique par les serbes sont les suivants :
émasculation (entraînant toujours la mort), castration (incision
du scrotum, section ou ligature des testicules), sodomisation (plus rare),
bastonnade des testicules (de loin la plus fréquente) laquelle provoque
un oedème local engendrant très fréquemment la
stérilité ». En 1999, au Kosovo, à la prison de
Lipljan, l'un des libérés rapporte le discours de son
tortionnaire : « Ta femme ne pourra plus jamais avoir d'enfants
de toi, elle devra se faire baiser par quelqu'un d'autre si tu veux avoir un
fils ». Il s'agit, si l'on ne tue pas l'adversaire mâle en
tranchant son sexe, de le rendre impropre au coït ou à la
reproduction. Cette stérilisation des hommes par la torture est le
symétrique de l'engrossement des femmes par cette autre torture qu'est
le viol. Lorsqu'il ou elle n'est pas assassiné après avoir servi
au plaisir des bourreaux, l'adversaire est relâché une fois
humilié, détruit, portant dans ses entrailles la trace de sa
défaite ».
Guillon, C. (mercredi 23 juin 2004). Guerre aux femmes.
http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=15
* 101 Sironi, F. Bourreaux
et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 57
102 Ibidem. Page 51
* 103 Ibidem.
* 104 Doçi, N. (2001).
Shpirti i dërmuar : dhuna serbe ndaj femrës shqiptare
në Kosovë (1997-1999). Forumi i gruas i LDK. Remarque:
La traduction du livre : «l'âme mortifiée: la violence serbe
envers la femme albanaise au Kosovo». L'auteur est professeur,
écrivainne, une de fondatrice de l'association de la femme. Elle a fait
un travail sur le terrain en receuilant des temoignages sur la tragedie de la
femme albanaise au Kosovo pendant la guerre (1997-1999).
* 105 Bailly, L.
Traumatismes de guerre chez l'enfant et conséquences
mnésiques. http://perso.wanadoo.fr/fripsi/Bailly.html & Crocq,
L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.
Page 161.
* 106 Grappe, M. (2002).
Enfants- soldats.
http://www.ceri-sciences-po.org/themes/pouligny/pdf/c07032002.pdf
* 107 Ibidem.
* 108 Ibidem.
* 109 Ibidem.
* 110 Ibidem.
* 111 Ibidem.
* 112 Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
160.
* 113 Viognier, C.
(12.06.2003). Les blessures invisibles des guerres. Radio France International.
http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/Sante/922.asp
* 114 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 79.
* 115 Ficher, G-N. Ibidem.
* 116 Ficher, G-N. Ibidem.
Page 81.
* 117 Jacques, P. (mai 2001).
Trauma et culture. Psychiatrie et violence.
www.pines.qc.ca/psychiatrie_violence
* 118 Ibidem.
* 119 Jacques, P. (Mai 2001).
Trauma et culture. Psychiatrie et violence.
www.pinel.qc.ca/psychiatrie_violence
* 120 Lachal, C. &
Ouss-Ryngaert, L& Moro, M-R et al. (2003). Comprendre et soigner le
trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod. Page 211
* 121 Bosquet, A. (2002).
Les cent plus beaux poèmes du monde. Paris : le cherche
midi.
* 122 Lachal, C. &
Ouss-Ryngaert, L& Moro, M-R et al. (2003). Comprendre et soigner le
trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod. Page 38
* 123MSF. (avril 1999).
Kosovo : Histoires d'une déportation
http://www.reliefweb.int/library/documents/kosovofr.htm
* 124 Ibidem.
* 125 Nathan, T. (Avril 2004).
Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des
spécificités cliniques et thérapeutiques. Le Journal
International De Victimologie. Année 2, Numéro 2
http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 126 Fischer, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page
* 127. Requet, S. (2001-2002).
Interactions et dynamiques identitaires chez deux figures
différenciées de l'exclu : les demandeurs d'asile et les
SDF. Université lumière Lyon 2.
www.ressources-psy.com/exclu-sdf.htm
* 128 Le Journal International
De Victimologie. Année 2, Numéro 2, Avril 2004
Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en
France : des spécificités cliniques et
thérapeutiques
http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 129 Ibidem.
* 130 Jacques, P. (mai 2001).
La survivance : Trauma e culture.
www.pinel.qcca/psychiatrie_violence
* 131Un deuil
« compliqué » est quand la perte est reconnue mais
les manifestations ne sont pas adaptées (excessives ou absentes).
* 132 Définition de
deuil : « Etat de perte d'un être cher s'accompagnant de
détresse et de douleur morale, pouvant entraîner une
véritable réaction dépressive et nécessitant un
travail intrapsychique, dit `travail de deuil' (S. Freud), pour être
surmonté » Grand Dictionnaire de la Psychologie (2000).
Larousse.
* 133Grappe, M. (2003). Le
deuil traumatique. In Lachal C., Ouss-Ryngaert L., Moro M.-R. et al.
Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire. Paris :
Dunod, Page 177
* 134 Marta Lyda l'hoste.
(2004). Le terrorisme d'État: vicissitudes de la souffrance
psychique et des institutions psychanalytiques. 2004. filigrane. Revu de
psychanalyse. rsmq.cam.org/filigrane/archives/terroris.htm
* 135 Le Court, M-P. (29-30
janvier 1999). Torture morale, mort sans sépulture
PsyFrSp99c
* 136 Ibidem.
* 137 Houballah, A. (1998).
Le destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page
222
* 138 Brenot, J-L. &
Diebold, G. (2005). Traumatisme, stress et transformation.
PsyFrSp99c
* 139 Ibidem
* 140 Le Journal International
De Victimologie Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en
France. http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 141Les psychiatres
francophones142 distinguent trois phases
dans la pathologie psychotraumatique : la phase immédiate, la phase
post-immédiate et la phase différée, le plus souvent
chronicisée.
La phase immédiate : dure quelques heures
à une journée. C'est la seule phase qui peut être
dénommée stress. Néanmoins, ce stress peut s'avérer
adaptatif (avec comme symptômes pâleur, sueur, tachycardie,
spasmes viscéraux, tension anxieuse, etc.) ou dépassé,
avec ou sans séquelles par la suite.
(Selon la nosographie anglo-saxonne, cette phase recouvre
l'état de stress aigu et la durée se situe au-delà de la
première journée jusqu'à quatre semaines)
La phase post-immédiate : recouvre le
lendemain, les 1ers jours ou les 1ères semaines. Le sujet peut
très bien dépasser le stress causé par la 1ère
phase ou bien il peut dériver vers une névrose traumatique
durable. Pour rappel, la pathologie post-immédiate englobe les
décharges de stress différé, les réactions
névropathiques différées, la queue de stress et
l'entrée dans la névrose traumatique.
Selon DSM IV, cette phase est
dénommée « état de stress aigu » et la
durée est comprise entre deux jours et un mois, et l'apparition dans le
premier mois après le vécu traumatisante. Tandis que
CIM-10 (classification internationale des maladies mentales)
le dénomme « réaction aiguë à un
facteur de stress » et les critères de la durée sont de
quelques heures à trois jours avec manifestations immédiates ou
quelques minutes après le vécu. Crocq met en
évidence la possibilité de confondre les deux pathologies :
immédiate et post-immédiate.
La phase différée : Le plus souvent
chronicisée, cette phase recouvre les pathologies psycho-traumatiques
transitoires (les symptômes ne durent que quelques mois), les syndromes
durables (ceux qui répondent aux critères pour le diagnostic de
PTSD chronique du DSM IV, les authentiques névroses traumatiques (avec
l'altération typique de la personnalité), et les cas proches de
la psychose. Cette phase ne peut être appelée stress car le
tableau clinique diffère de celui du trauma. Elle est se nomme
« syndrome psycho-traumatique différé ».
* 143 Le temps de
latence est une période `silencieuse' d'une durée variable
qui va du vécu traumatique à l'apparition des symptômes.
C'est un phénomène constant dans toute névrose
traumatique.
* 144 C'est un état
psychique causé par la survenue des reviviscences. Ceci implique la
perception d'une menace et l'impression d'absence de secours. Le sujet revit ce
qu'il a éprouvé lors de l'événement
traumatique : l'impuissance face à l'événement, sans
pouvoir agir ou effectuer les gestes qu'il aurait fallu faire, ou qu'il n'a pas
reçu l'aide ni les secours qu'il souhaitait recevoir ou s'est senti
abandonné.
* 145 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 68
* 146 Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.
* 147 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.
* 148 Ces symptômes sont
qualifiés non-spécifiques car on peut les trouver aussi dans
d'autres névroses et dans d'autres affections mentales.
* 149 Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
117
* 150 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 61.
* 151 Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
133
* 152 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson.
Page 108.
* 153 Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
132
* 154 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson.
Page 268.
* 155 L. Crocq fait une
remarque à ce propos en disant qu'il s'agit de changement dans la
personnalité et pas changement de personnalité car la victime
sait bien qu'elle a conservé le noyau de sa personnalité de
toujours, la continuité dans le sentiment de soi. Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.
* 156 Crocq, L. Ibidem. Page
139.
* 157 Ferenczi a
étudié surtout les combattants de la guerre Première
Guerre Mondiale
* 158 Barrois, C. (1988).
Les névroses traumatiques. Paris : Dunod
* 159 Defusing (to defuse,
désamorcer) est une technique hérité de la
« psychiatrie d'avant » de Salomon. C'est une
première approche psychologique qui se fait à proximité du
lieu (car le lieu même incite des reviviscences pathogènes) de
l'événement. De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les
traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 153
* 160 Ibidem. Page 156
* 161Pour Lebigot, un soldat
ayant perdu sa section, une personne agressée dans une rue
déserte, etc. sont des expériences de détresse
extrême, d'absolue déréliction et vont installer
d'emblée un état grave. Le souvenir de ces premières
heures après le vécu traumatique sera parfois une source de
souffrance psychique plus grande que l'événement lui-même,
quelle qu'ait été sa violence. Ibidem. Page 100, 157.
* 162 Ibidem. Page 160
*
163Débriefing (bilan psychologique) : C'est une
intervention rapide après le traumatisme, une mesure préventive
qui vise à traiter et soulager les expériences
traumatiques. Le psychiatre et son équipe invitent le sujet
à verbaliser son expérience traumatisante, afin d'être en
mesure de la maîtriser et d'éviter une évolution
pathologique.
* 164 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson.
Page 165.
* 165 Ibidem. Page 171.
* 166 La queue de stress:
c'est un état de un stress normal qui peut durer quelques heures
à quelques jours Pendant ce temps, le sujet a des réactions
telles que: le sujet a l'impression d'irréalité. Il a difficile
à retrouver l'ambiance du monde normal. Cela il le traduit par des
épisodes de distraction, de vécu d'étrangeté,
d'insecurité et par la résurgence du souvenir de ce qui vient
d'être vécu. Parfois le sujet a crises de larmes, il est irritable
ou agressif. Ces symptômes s'éteignent progressivement ou
réapparaissent sporadiquement.
* 167De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson.
Page 172.
* 168 Ibidem.
* 169 Bernard, Ch. (13 avril
1999). Compte rendu. Nr. 29.
www.assemblee-nationale.fr/cr-cdef/98-99/c9899029.asp
* 170 Gresh, A., Pauly, E.,
Pierrot, P., Rivière, P., Samary, C. Touret, F. & Vidal, D. (Avril
1999). Un cahier spécial sur le Kosovo : histoires d'une
déportation.
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/kosovo/
Remarque :
* 171 Les missions de MSF dans
le monde. (2001). Les activités de MSF en Yougoslavie :
auprès des personnes déplacées du Kosovo.
http://www.msf.be/fr/terrain/pays/europe/yougoslavie.shtml
* 172 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 328.
* 173 Ibidem. Page
* 174Miria, S. (22 mai 1999).
Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le
pouvoir serbe.
http://www.humanite.presse.fr/journal/1999-05-22/1999-05-22-290017
* 175 Crocq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 282
* 176 Ibidem.
* 177 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 121
* 178 Houbballah, A.
(1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette
Littérature. Page 136.
* 179 Grappe, M. (7 mars
2002). Enfants-soldats.
http://www.ceri-sciences-po.org/themes/pouligny/pdf/c07032002.pdf
* 180 Sironi, F. (31 Janvier
2001).Comment devient-on un bourreau ?
http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
* 181 Weber, E. & Prieto,
N. 119 (2003). Approche psychothérapeutique du traumatisme
psychique.
www.iutcolmar.uha.fr/internet/recherche/
Jcerdacc.nsf/0/e5a22d643a51d199c1256d170045b40a
* 182 Ficher, G-N.
(2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob Page 121
* 183 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 122
* 184 Ibidem. Page
121
* 185 De Clercq, M. &
Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris :
Masson, page 246.
* 186 Ibidem. Page
* 187 Ibidem. Page 101.
* 188 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 129
* 189 Ibidem. Page 130
* 190 Ibidem. Page 134
* 191 G. Briole et al, 1994
dans Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre.
Paris : Odile Jacob. Page 336.
* 192 F. Lebigot dans Crocq,
L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page
336.
* 193
« Après-coup » est un terme utilisé par
Freud. Ce terme a la valeur de la « période de
latence ».
* 194 Houbballah, A. (1998).
Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page
15
* 195 Catharsis est une
méthode thérapeutique « qui vise à obtenir
une situation de crise émotionnelle telle que cette manifestation
critique provoque une solution du problème que la crise met en
scène ». Grand dictionnaire de psychologie. (2000).
Larousse.
* 196Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 197 Le tiers
extra-psychique : terme utilisé pour l'opposer à conflit
intrapsychique. Le facteur extra-psychique sous-entend une autre personne, et
tout ce qui est mis en place intentionnellement par lui enfin de
détruire psychiquement une personne, un groupe.
* 198 Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 199 Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 12
* 200 Ibidem. Page 225
* 201 (Eye Movement
Desensitization and Reprocessing - Désensibilisation et reprogrammation
par des mouvements oculaires) repose sur le mouvement des yeux.
* 202 Servan-Schreiber, D.
(2003). Guérir. Paris : ROBERT LAFFONT. Page 99.
* 203 Ibidem. Page 101.
* 204 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 91.
* 205Ministère de la
justice Canada. (28.10.2005). Guide de traitement des victimes d'actes
criminels : Application de la recherche à la pratique clinique.
canada.justice.gc.ca/fr/ ps/voc/publications/hill/p8.html
* 206Ibidem.
* 207 Ibidem.
* 208 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 92
* 209 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 91.
* 210 Chafaï-Salhi, H.
Oublier oui, pardonner peut être. Apparu dans le texte :
Restaurer l'humanité dans l'humain.
http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-3.pdf
* 211 Ibidem.
* 212 Ficher, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 174.
* 213 Dans un contexte de
guerre comme celui de Kosovo, cette intervention n'a pas été
possible autant que la guerre a duré pour des raisons que nous avons
expliquées précédemment dans la théorie.
* 214 « La
demande de régularisation et la demande d'asile sont deux choses
différentes. Elles ont une base juridique distincte, les
procédures qui les régissent sont indépendantes et les
motifs invoqués pour obtenir l'une ou l'autre sont, en principe,
également différents ».
« Un réfugié, selon la Convention
des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, est
une personne qui "craignant avec raison d'être persécutée
du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se
trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du
fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays".
Demander l'asile en Belgique signifie demander la protection des
autorités belges ».
« La demande de régularisation faite sur
base de l'article 9, § 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur
l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers, doit mentionner les raisons pour
lesquelles la personne souhaite séjourner en Belgique ainsi que les
circonstances exceptionnelles qui justifient l'introduction de cette demande en
Belgique et non auprès du poste diplomatique belge dans le pays
d'origine. Il s'agit donc de mettre en avant des éléments
d'intégration (notamment la longue durée du séjour en
Belgique, même s'il n'est pas légal, l'inscription à des
cours de langues, la scolarisation des enfants, des attestations d'amis ou de
connaissances, etc.) ou encore des motifs médicaux (une
impossibilité de soigner telle maladie dans le pays d'origine) et, en
même temps, les motifs rendant un retour dans le pays d'origine
impossible ou particulièrement difficile. Cette demande peut être
introduite à n'importe quel moment, indépendamment de la demande
d'asile »,
Amnesty International, Demander l'asile en Belgique,
avril 2005, http://www.amnestyinternational.be/doc/article5212.html
* 215 Dans une
métaphore, Freud compare l'appareil psychique à une boule
protoplasmique protégée des stimulations extérieures "
pare-excitation ", qui a pour fonction de repousser ou de filtrer les
stimulations qui viennent d'extérieur. Il y a trauma lorsqu'une grande
quantité d'excitation venant de l'extérieur fait effraction au
travers de sa couche pare-excitation de l'appareil psychique, et
pénétrer au sein du psychisme, où elle demeure comme un
corps étranger, provoquant de vains efforts pour l'expulser ou
l'assimiler. Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma.
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 216 Barrois, C. Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma.
www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/
dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 217 Günter Seidler.
Une thérapie fait disparaître les symptômes - les
cicatrices restent... ARTE 2005
www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/935372.html
* 218 Crocq, L. (1999),
Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, p. 155.
* 219 Croq, L. (1999). Les
traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 350.
* 220 Ce sont des
symptômes que nous allons parler plus loin.
* 221 Crocq, L. (1999).
Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob,
page
* 222Crocq, L.
Dépassement et assomption du trauma
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 223 Le Journal International
De Victimologie. Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en
France.
www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 224 Traumas
psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des
spécificités cliniques et thérapeutiques,
année 2, numéro 2, avril 2004, Journal
International de Victimologie,
http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 225 Mounir Samy. Trauma
et événement traumatique : les réfugiés du Kosovo
et les autres de la planète. 2003 Association canadienne
pour la santé mentale - Filiale de Montréal
www.acsmmontreal.qc.ca/ publications/equilibre/refugies.html
* 226 Moro, M.-R. &
Lebovici, S. (1995), Psychiatrie humanitaire en ex-Yougoslavie et en
Arménie, Paris, PUF, p. 70.
* 227 Grappe, M. (2003), Le
deuil traumatique, in Lachal C., Ouss-Ryngaert L., Moro M.-R. et al.,
Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire, Paris,
Dunod, p. 178.
* 228 Le Journal
International de Victimologie, Traumas psychiques chez les demandeurs
d'asile en France, www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 229 Anaut, M. (2003). La
résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan
université. Page 42.
* 230 « Rupture de
l'unité psychique provoquant un relâchement des processus
associatifs sur lesquels reposerait le fonctionnement mental »,
Grand dictionnaire de la psychologie (2000), Larousse.
* 231 Crocq, L. (1999),
Traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, p. 94.
* 232 C'est la
8e modalité du syndrome de répétition : le
cauchemar de répétition.
* 233 C'est la
5e modalité du syndrome de répétition : le
vécu comme si l'événement allait se reproduire.
* 234 C'est la
3e modalité du syndrome de répétition :
les souvenirs forcés.
* 235 C'est la
1re modalité du syndrome de répétition :
l'hallucination de répétition.
* 236 Nous trouvons cette
composante dans la 4e modalité du syndrome de
répétition : la rumination mentale.
* 237 C'est le premier
registre de l'expression du syndrome de répétition. Le DSM IV et
le tableau clinique français utilisent le terme
« détresse psychique » pour qualifier l'état
psychique induit par la survenue des reviviscences. « Etre
dépressif n'est pas le trait d'une personnalité
dépressive, mais bien la conséquence d'une altération
profonde de l'état affectif provoquée par la
blessure », Ficher, G-N. (2003), Les blessures
psychiques, Paris, Odile Jacob, p. 68
* 238 C'est le
2e registre de l'expression du syndrome de répétition.
* 239 Nous trouvons ces
troubles du sommeil dans le registre : altération de la
personnalité (blocage de la fonction de filtration). Pour l'auteur,
le terme « difficulté d'endormissement »,
utilisés par les patients et adoptés par beaucoup de cliniciens,
est inappropriés. Crocq, L. (1999), Les traumatismes psychiques de
guerre, Paris, Odile Jacob, p. 139.
* 240 Ferenczi a
étudié surtout les combattants de la Première Guerre
mondiale.
* 241 Le tableau clinique
du syndrome psychotraumatique les répertorie dans l'asthénie sous
les symptômes spécifiques.
* 242 Critère D
2.
* 243 De Clercq, M. et
Lebigot, F. (2001), Les traumatismes psychiques, Paris, Masson, p.
108.
* 244 Nous ne disposons pas
de théorie à ce sujet.
* 245 Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.
* 246 Fischer, G-N. (2003),
Les blessures psychiques, Paris, Odile Jacob, p. 44.
* 247 Serge Tisseron.
Mémoire et création.
http://1libertaire.free.fr/tisseron6.html
* 248 Ibidem.
* 249 Nous nous demandons si
le sujet B fait référence à Pierre Janet
qui parle de dissociation et d'idée fixe. Pour l'auteur, le
trauma provoque une « dissociation » de la
conscience. Cette dissociation réside dans le fait que, d'un coté
l'événement traumatisant subsiste au sein du subconscient - comme
un corps étranger ou un parasite - et se manifeste
automatiquement dans une manière brute par des reviviscences visuelles,
cauchemars, bouffées d'angoisse, sursauts, délires et conversions
hystériques, etc., et, de l'autre coté, le reste de la
conscience continue à fonctionner de façon normale,
élaborant des conduites supérieures et adaptatives. Janet
donne le nom d'idée fixe à ce corps
étranger ou à ce parasite. Pour Crocq le terme
« idée fixe » n'est pas adéquat car la
souvenance brute de l'événement traumatique n'est ni une
représentation mentale ni une cognition.
Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma.
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm
* 250 Le Journal
International de Victimologie, année 2, numéro 2, avril 2004,
Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des
spécificités cliniques et thérapeutiques,
http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 251 Weber, E. et Prieto,
N. (2003), Approche psychothérapeutique du traumatisme
psychique,
www.iutcolmar.uha.fr/internet/recherche/
Jcerdacc.nsf/0/e5a22d643a51d199c1256d170045b40a
* 252
Document à remettreaux parents Survivre aux
traumatismes. www.attachmentacrosscultures.org/
francais/impact/trauma_f.pdf
* 253 Approche pluraliste
qui regroupe différentes approches psychothérapeutiques et
préconise la flexibilité et l'adaptabilité du
thérapeute à utiliser ces différentes approches quand
celles-ci s'avèrent nécessaires, pour avoir plus de chance de
résoudre un problème qui entrave la vie psychique du patient.
Chambon, O. et Marie-Cardine, M. (2003), Les bases de la
psychothérapie, Paris, Dunod, p. 35-37
* 254 Nous pensons que le
sujet nous parle de différentes activités que le centre met en
place pour ces patients, comme par exemple des groupes de paroles pour adultes,
etc.
* 255 Le Journal
International de Victimologie, année 2, numéro 2, avril 2004,
Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des
spécificités cliniques et thérapeutiques,
http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm
* 256 Fischer, G-N. (2003),
Les blessures psychiques, Paris, Odile Jacob.
* 257 Crocq, L. (1999),
Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob.
* 258 « La
demande de régularisation et la demande d'asile sont deux choses
différentes. Elles ont une base juridique distincte, les
procédures qui les régissent sont indépendantes et les
motifs invoqués pour obtenir l'une ou l'autre sont, en principe,
également différents ».
« Un réfugié, selon la Convention
des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, est
une personne qui "craignant avec raison d'être persécutée
du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se
trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du
fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays".
Demander l'asile en Belgique signifie demander la protection des
autorités belges ».
« La demande de régularisation faite sur
base de l'article 9, § 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur
l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers, doit mentionner les raisons pour
lesquelles la personne souhaite séjourner en Belgique ainsi que les
circonstances exceptionnelles qui justifient l'introduction de cette demande en
Belgique et non auprès du poste diplomatique belge dans le pays
d'origine. Il s'agit donc de mettre en avant des éléments
d'intégration (notamment la longue durée du séjour en
Belgique, même s'il n'est pas légal, l'inscription à des
cours de langues, la scolarisation des enfants, des attestations d'amis ou de
connaissances, etc.) ou encore des motifs médicaux (une
impossibilité de soigner telle maladie dans le pays d'origine) et, en
même temps, les motifs rendant un retour dans le pays d'origine
impossible ou particulièrement difficile. Cette demande peut être
introduite à n'importe quel moment, indépendamment de la demande
d'asile »,
Amnesty International, Demander l'asile en Belgique,
avril 2005, http://www.amnestyinternational.be/doc/article5212.html
* 259 Jacques, P.
(décembre 2004), Souffrance sociale et pratiques de
réseaux.
http://www.pinel.qc.ca/psychiatrie_violence/articles/jacques1.htm
* 260 Jacques, P. (Mai 2001).
Trauma et culture. Psychiatrie et violence.
www.pines.qc.ca/psychiatrie_violence
* 261 Fischer, G-N. (2003).
Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 32
* 262 Silvana Miria. (22 mai
1999). Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par
le pouvoir serbe.
www.humanite.presse.fr/ journal/1999-05-22/1999-05-22-290017
* 263 Chafaï-Salhi, H.
Oublier oui, pardonner peut être. Apparu dans le texte :
Restaurer l'humanité dans l'humain.
http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-3.pdf
* 264 Sironi, F. (1999).
Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.