Conclusion de chapitre
Il apparaît à présent clair que la réconciliation,
dans les deux sociétés post conflits, doit intégrer le
caractère limité des solutions offertes par la justice et le
pardon. Ainsi donc, les apories de ces deux catégories tiennent à
la question de la mémoire des victimes. Pardon et justice butent
très souvent sur l'irrésistibilité du retour au
passé de manière négative. Dans ce cas, les
souvenirs260(*)
dangereux sont de nature à bloquer le mouvement de rapprochement des
anciens ennemis. Ceci est d'autant plus risqué lorsque les violences
infligées ont laissé des traces dont l'ampleur est toujours
visible au présent. Malgré ces limites du pardon et de la
justice, l'analyse des deux sociétés en étude
révèle une richesse de ces deux modalités. Leur apport
dans la recomposition des sociétés déchirées par la
violence est considérable. Ce qui compte en effet, c'est le sens,
l'orientation et le contenu qui leur est donné par les acteurs et les
institutions. Toutefois, l'incomplétude de ces outputs n'est
pas seulement le fait du système et de son environnement. La
sentimentalité des acteurs détermine considérablement la
valeur du pardon et de la justice. Les ressorts cognitifs sont donc pertinents
pour évaluer la place des perceptions individuelles dans la
structuration de la mémoire collective. Les représentations et
l'identité des acteurs et des institutions façonnent leur
conception des inputs que sont la réconciliation et la
sociabilité post conflits.
* 260 Tzvetan Todoroz
écrit que les réminiscences peuvent avoir deux formes : la
sacralisation (isolement radical du souvenir) et la banalisation (assimilation
abusive du présent au passé). In : « La vocation
de la mémoire », Cahier français, n°303,
2001, p.3. Bien que l'on puisse avoir un `'passé écran'', son
rappel est nécessaire pour affirmer son identité et celle du
groupe. Voir aussi Marie-Claire Lavabre, « Entre histoire et
mémoire. A la recherche d'une méthode », in Martin,
Jean-Clément (dir), La guerre civile entre histoire et
mémoire, Nantes, Ouest éd, 1996.
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