B. Les différents aspects de l'iniquité en
santé.
Les pauvres sont particulièrement vulnérables
et contribuent énormément à l'alourdissement du fardeau de
la maladie : d'une part du fait qu'ils vivent dans les zones les plus
retirées et mal desservies par les services de santé, d'autre
part parce qu'ils renoncent aux soins par manque de ressources
financières. Les dépenses en soins de santé peuvent
absorber une grande partie de leur revenu, ce qui les incite à
réduire leur demande, à ne pas achever les traitements ou
à aggraver leur endettement
En ASS, la plus grande charge des maladies repose sur les
pauvres qui ne reçoivent que la plus petite part des dépenses de
santé. En d'autre termes, les ressources de santé sont
distribués inversement selon les besoins. C'est la « loi des soins
inversés »,( J.Tudor, 1971. Les pauvres et les populations
marginalisées y ont un accès limité aux infrastructures de
santé et semblent exclus des mécanismes de protection
financière. La prédominance du paiement direct en cas de maladie
contribue à aggraver leur misère. En effet, étant
donné le faible niveau des dépenses de santé ainsi que
la prédominance d'économie informel, les mécanismes
assurantiels y sont limitées.
Selon une enquête EDS réalisés sur 56 pays
des pays en développement, les barrières d'utilisation des
services sont étroitement liées à la situation
économique. (Gwatkin et al., 2004). Les plus pauvres fréquentent
moins les hôpitaux que les plus riches. Bon nombre de ménages
renoncent aux soins par manque de ressources financières.
Une étude récente sur un district rural en
Tanzanie révèle que 73% des ménages pauvres affirment ne
pas recourir aux soins en cas de maladie chronique par manque de ressources
financières, tandis qu' aucun ménage riche n' affirme y
renoncer (Save the Children, 2005). Au Burundi, 34% affirment également
ne pas recourir aux services sanitaires par manque de ressources (Bate et
Witter 2003).
L'emprunt pour couvrir les dépenses de santé est
largement répandu en Afrique. En cas de manque de fonds certains
recourent à leurs famille ou amis pour un emprunt avec ou sans
intérêts au point de se ruiner. Une enquête en Tanzanie
révèle que 40% des répondants ont recouru à un
emprunt pour payer des services de santé (Abel-Smith et al.1992). Au
Burundi, le niveau d'emprunt pour couvrir le coût des soins est d'ordre
de 35% pour le quintile le plus pauvre (Bate et Witter, 2003). Dans un district
rural en Tanzanie, il est de 63% dans le quintile le plus pauvres contre 43%
dans le quintile le plus riche (Save the Children, 2005).
L'iniquité des dépenses publiques de
santé.
Les études d'Analyse de l'Incidence du
Bénéfice qui combinent les informations sur l'utilisation des
services de santé par les différents groupes
socio-économiques avec les subventions publiques permettent de
déterminer qui profite des dépenses publiques de santé.
Une de ces études AIB sur quelques pays d'ASS a montré que les
dépenses publiques de santé bénéficiaient plus des
riches que des plus pauvres. En Guinée par exemple , 48 % des
dépenses de l'Etat en santé profitaient au quintile le plus riche
contre seulement 4 % au quintile le plus pauvre (Castro-Real et al.,2000). (Se
reporter à l'annexe 1 ). Cette iniquité des dépenses
publiques est plus marquée pour les soins hospitaliers. En effet le
ratio des bénéfices pauvre-riche pour les soins hospitaliers est
de 11 pour 34 alors qu'il n'est que de 15 pour 23 pour les soins primaires
(ibid).
L'iniquité dans l'utilisation des services de
santé.
Les maladies touchant les pauvres sont principalement
l'infection à VIH , le paludisme , le tuberculose, la rougeole , la
poliomyélite. Dans la plupart des pays d'ASS, les taux de couverture des
interventions efficaces visant la lutte contre ces maladies touchant les
pauvres y sont remarquablement faibles. Il a été signalé
que ces interventions sont mieux utilisées par les riches que par le
pauvres. Dans le contexte du fléau mondial du VIH/Sida, les campagnes
de prévention rencontrent des difficultés à atteindre les
pauvres qui habitent en général les régions les plus
isolées. Le statut socio-économique a été reconnu
comme principal déterminant de l'exposition à l'infection au
VIH/Sida. (Farmer 2001).
Une autre étude révèle l'iniquité
dans la prévention du paludisme au Soudan (Obinna Onwujekwe et al,
2005) où seulement 9 personnes du quintile le plus pauvre affirment
utiliser les moustiquaires imprégnés contre 36 personnes du
quintile le plus riche.
Les services de santé de base comme les services de
protection maternelle et infantile sont également plus utilisés
par les riches que par les pauvres. Des enquêtes démographiques et
de santé menées à dans 56 pays d'Afrique, d'Asie et
d'Amérique latine révèlent que les résultats des
quintiles les plus pauvres sont nettement moins favorables que ceux des
quintiles les plus riches pour toute une série de résultats de
santé, comme le montre la figure ci -dessous :
Source : (Gwatkin et al., 2005)
D'après ce figure, l'indicateur de santé
présentant une forte iniquité due à une raison
économique est celui de l'accouchement assisté par un
professionnel de santé. Pour ce qui est de la vaccination, la figure
montre que les enfants des quintiles les plus riches sont deux fois plus
susceptibles d'avoir été complètement vaccinés que
les enfants des quintiles les plus pauvres. En ASS, le taux de vaccination des
enfants contre la rougeole et la poliomyélite diffère largement
selon le revenu : 33% pour le quintile le plus pauvre, contre 66% pour le
quintile le plus riche soit deux fois plus.[Gwatkin, Poverty Data sheets].
D'autres études ont également montré une
forte inégalité pour le taux de mortalité de moins de cinq
ans selon la situation économique. La figure suivante montre que
l'écart entre riches et pauvre est plus marqué pour les 29 pays
d'ASS qui connaissent le taux de mortalité des moins de cinq ans le plus
élevé. (Gwatkin et al.,2005)
Figure 2 : Tableau représentant le taux de
mortalité des enfants moins de cinq ans dans les quintiles pauvre et
riches de 56 pays en développement. Source :
(Gwatkin et al.,2005)
L'iniquité dans l'allocation des ressources de
santé
Dans la plupart des gouvernements africains, les fonds sont
souvent dirigés, disproportionnellement, vers des structures et services
qui profitent surtout aux populations les plus aisées (Gwatkin,
2000).
L'iniquité dans l'allocation des ressources se traduit
par une répartition du budget non équitable d'une part entre les
niveaux de soins de santé de la pyramide sanitaire, d'autre part entre
les districts sanitaires
Répartition non équitable entre les niveaux de
soins de santé.
Dans les pays d'ASS, le budget est réparti d'une
manière non équitable entre les niveaux primaire et tertiaire.
Alors que le total des dépenses publiques consacrées à la
santé est de l'ordre de 5% du PIB, l'hôpital cumule à lui
seul environ 35% (Balique, 2004). Cependant, les hôpitaux ne contribuent
pas encore à l'amélioration de l'équité dans la
distribution des bénéfices des dépenses publiques, en
raison des faibles niveaux d'utilisation par les populations les plus pauvres.
Répartition non équitable entre les districts
sanitaires
Il s'agit des disparités régionales
engendrées par une répartition non équitable du budget de
la santé entre les districts sanitaires. Il s'agit souvent de
l'iniquité rural- urbain. En effet, les installations sanitaires
publiques sont plus concentrées les zones urbaines où habitent
les riches. Ces installations médicales sont rares dans les zones
rurales les plus reculées où habitent les pauvres. Dans les zones
où elles sont présentes, elles connaissent de fortes
pénuries de personnel. En conséquence , les personnes les plus
exposées à de fortes risques de maladies sont
précisément celles qui doivent faire face à des services
de santé non fonctionnels.
|