Faculté des Sciences Economiques et de Gestion
Université Lumière Lyon 2
MASTER RECHERCHE
« Economie et Management de l'Emploi et des
Ressources Humaines »
LES IMPACTS DES INCITATIONS MONETAIRES SUR L'EFFORT DES
SALARIES : POSITIFS OU NEGATIFS ?
VIN Pheakdey
Mémoire de recherche soutenu le 17 septembre
2007
MEMBRES DU JURY :
Bernard BAUDRY, Directeur du
mémoire, Professeur de sciences économiques, Université
Lumière Lyon 2
Benjamin DUBRION, Maître de
Conférence de sciences économiques, Université
Lumière Lyon 2
Année universitaire
2006-2007REMERCIEMENTS
Je tiens tout d'abord à remercier vivement mon
directeur de mémoire, Bernard Baudry, responsable du Master Recherche
EMERH pour avoir su me guider et me diriger dès le début, et
pour sa confiance et sa disponibilité tout au long de ce travail.
Mes remerciements vont également à Monsieur
Benjamin Dubrion qui a accepté d'être membre du jury pour valider
ce travail.
Je remercie aussi Monsieur Emmanuel Blanc pour son soutien et
son engagement auprès des étudiants cambodgiens en France.
Je tiens, de plus, à exprimer ma gratitude au
Gouvernement Français. Je ne pourrais pas poursuivre mes études
en France sans son soutien financier.
Je remercie plus particulièrement Simone You et Bopha
You pour leur grande amitié, notamment pour leurs précieuses
contributions à la correction du mémoire.
Enfin, je tiens à adresser mes remerciements à
ma famille qui a su m'encourager et me soutenir lors de mes études,
notamment lors de la recherche pour réaliser ce travail.
SOMMAIRE
Introduction générale 1
Partie I : La relation positive entre les incitations
monétaires et l'effort des salariés
Chapitre I : Le cadre théorique de l'effet positif
des incitations monétaires 11
Section 1 : La typologie de la rémunération
12
Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la
théorie des incitations 15
Chapitre II : L'individualisation de la
rémunération 27
Section 1 : Les incitations monétaires avec la
performance absolue 28
Section 2 : Les incitations monétaires avec la
performance non vérifiable 42
Partie II : La relation négative entre les
incitations monétaires et l'effort des salariés
Chapitre III : Le cadre théorique de la motivation
65
Section 1 : Les théories du contenu 66
Section 2 : Le concept de la motivation et la
théorie de l'évaluation cognitive 72
Chapitre IV : Les effets pervers des incitations
monétaires sur l'effort des salariés 82
Section 1 : Les incitations monétaires sont
nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort.......
83
Section 2 : La nouvelle perspective de l'interaction entre
les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque
99
Conclusion générale 112
Bibliographie 115
Table des matières 129
INTRODUCTION GENERALE
L'économie des organisations est une branche de
l'économie qui étudie l'ensemble des arrangements institutionnels
permettant la mise en oeuvre de la production et l'échange de biens et
de services. L'organisation recouvre alors les différents dispositifs
possibles, depuis l'entreprise jusqu'au marché en passant par les modes
« hybrides » tels que les réseaux ou les alliances,
sans oublier l'Etat et ses agences [Ménard, 2004]. Dans un sens plus
restreint, l'économie des organisations consiste dans l'étude de
l'organisation comme entité économique spécifique,
c'est-à-dire comme lieu de décision unifié en dernier
ressort, l'archétype étant l'entreprise. Elle s'intègre
également dans le corpus plus large de la théorie des
organisations. L'économie des organisations privilégie un
ensemble de problèmes que continuent d'ignorer trop
d'économistes, par exemple la nature des relations hiérarchiques
et leurs relations avec les mécanismes incitatifs pour gérer le
comportement des salariés au travail. Elle le fait en ayant recours
à des méthodes diverses, dont certaines irritent les
théoriciens orthodoxes. Aujourd'hui, le problème d'incitation des
salariés, selon la théorie des incitations, est toujours au coeur
de la firme et il est nécessaire de le résoudre. La façon
de concevoir des institutions qui fournissent de bonnes incitations aux agents
économiques est devenue une question centrale en économie
[Laffont et Martimort, 2002]. L'un des mécanismes incitatifs les plus
discutés et qui reste d'actualité concerne ce que l'on a
appelé les incitations monétaires. Ce sont donc les
effets provoqués par ces dernières sur l'effort des
salariés au travail qui nous intéressent ici. Selon
Etchart-Vincent [2006], les incitations monétaires se définissent
comme « une technique de rémunération qui fait
dépendre cette dernière sur la performance du sujet et incite
donc celui-ci à prendre les décisions qui correspondent à
ses véritables préférences de façon à
maximiser son gain ». Les incitations monétaires sont souvent
considérées par des économistes comme un des
mécanismes incitatifs efficaces pour résoudre un problème
d'aléa moral et de sélection adverse dans la firme, i.e. pour
inciter les salariés à l'effort au travail. Les incitations
monétaires sont donc mises en place pour amener les salariés
à révéler leurs informations privées et à
agir en conformité avec les objectifs de la firme [Ménard, 2004].
Par ailleurs, un autre terme que nous devrions définir dans notre
étude est l'« effort ». De manière
générale, le terme effort englobe « la totalité
des activités susceptibles d'être mises en oeuvre et
déployées par le salarié : dépense physique,
dépense intellectuelle, initiative, diligence, etc. » [Baudry,
2003, p.49]1(*). En France,
les modes de rémunération ont beaucoup évolué ces
dernières années. Les augmentations de salaire sont de plus en
plus individualisées. Cette individualisation des
rémunérations a débuté en France en 1986 et a
concerné 50 % des entreprises en 1992 [Lemistre, 2000a].
Dans ce qui suit, nous retournerons brièvement dans
l'histoire des théories économiques en exposant
l'évolution de la recherche sur la firme et de la prise en compte des
problèmes d'incitations des salariés au sein des firmes. Nous
allons également mettre en lumière le débat actuel entre
des chercheurs sur une utilisation des incitations monétaires comme
dispositif incitatif dans la firme. Tout d'abord, nous commençons donc
par la théorie néoclassique.
Depuis les années 1970, les économistes se
concentrent de plus en plus sur la recherche de la firme puisque, d'une part,
le modèle de la firme fordiste, qui est dominant pendant la
période des trente glorieuses, a été
déstabilisé par de nombreuses transformations dans la conjoncture
économique à l'époque et d'autre part, la firme de la
théorie néoclassique, courant lié à la
microéconomie traditionnelle, est appréhendée uniquement
en termes technologiques [Baudry, 2003]. La firme, et de manière plus
générale les organisations, ont donc pendant longtemps
été ignorées par la théorie économique
néoclassique. En effet, cette dernière identifie la firme
à « une fonction de production spécifiant, en
quantités physiques, le maximum possible d'outputs qui peut être
obtenu à partir de différentes combinaisons d'inputs »
[Gabrié et Jacquier, 1994]. La firme est assimilable à une
boîte noire qui transforme efficacement des ressources en produits, sans
que l'on sache comment se déroule ni comment s'organise cette
transformation [Bouba-Olga, 2003]. De plus, il est supposé dans cette
théorie que l'entrepreneur est parfaitement rationnel et possède
toutes les informations gratuites lui permettant d'évaluer les
conséquences du choix de chacune des alternatives dans le seul but de
maximiser le profit. En effet, il n'est pas limité par ses
capacités de calcul (homo oeconomicus) ni par celles du matériel
utilisé.
Par ailleurs, dans la théorie néoclassique, les
facteurs de production sont traités sous deux hypothèses
[Gabrié et Jacquier, 1994]. D'une part, les deux facteurs de production
(le capital et le travail) sont traités de manière identique. Le
travail ne possède donc aucune spécificité, il s'agit
d'une marchandise comme les autres. Ainsi, le paradigme néoclassique
évacue complètement les problèmes organisationnels, tels
que la motivation des employés ou le coût de contrôle de
leurs comportements qui sont au coeur du fonctionnement de l'organisation.
D'autre part, il s'agit de l'hypothèse de passivité des agents
salariés. Elle implique que ces agents concèdent l'entière
disposition de leurs aptitudes productives à leur employeur, qui a toute
latitude dans les limites fixées par les dispositions du contrat de
travail. Les salariés se conforment donc entièrement à
leurs engagements contractuels et livrent à leur employeur le maximum
d'efforts productifs ; ils sont parfaitement de bonne foi, exempts de
tendance à la flânerie. De ce fait, le système de
contrôle est inutile et le conflit est aussi absent. Dans ce point de
vue, la théorie ignore complètement les problèmes
d'incitations et la structure interne de la firme.
En fait, la flânerie,
« naturelle »2(*) et « systématique »3(*), est un problème majeur
de tout temps pour les entreprises. Il est à l'origine, par exemple, des
travaux de Frederic Winslow Taylor qui tente de le résoudre à
travers l'organisation scientifique du travail (OST). Taylor, dans son ouvrage
traduit en français en 1971 par Luc Maury, « la direction
scientifique des entreprises », montre qu'il y a deux causes à
la flânerie. En premier lieu, les ouvriers croient à tort que
l'augmentation de la production entraîne le chômage. Ils
flânent donc pour se défendre contre ce malheur. En second lieu,
les ouvriers sont incités à flâner, non seulement par
penchant naturel à la paresse, mais surtout parce qu'ils ont
constaté que, chaque fois qu'ils augmentaient leur rythme de travail,
leurs patrons s'arrangeaient pour ne pas augmenter leurs salaires. Dès
lors, pour inciter les ouvriers à l'effort au travail, Taylor propose
une rémunération au rendement (ou une rémunération
à la pièce) qui met en évidence des intérêts
conciliables [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Cette forme de
rémunération permet effectivement de récompenser les
ouvriers à la hauteur de leur mérite, les incite à
accélérer leurs cadences de travail et autorise ainsi une
meilleure performance de l'entreprise. En outre, à travers l'histoire,
il est généralement attribué à Taylor la
paternité de l'idée selon laquelle l'élément le
plus motivant est l'argent ou salaire [Roussel, 1996 ; Michel, 1989].
Ainsi, si une incitation financière suffisante est associée
à la productivité, l'individu choisit la productivité
comme moyen lui permettant d'obtenir cette récompense financière.
Par conséquent, le système de la rémunération
à la pièce est employé pour régler le
problème de flânerie des ouvriers dans l'organisation depuis
l'ère de Taylor et est encore développé par quelques
industriels contemporains.
Le célèbre article de Ronald Coase,
« The Nature of the Firme », publié en 1937, marque
la rupture avec l'approche néoclassique standard de l'organisation.
Ronald Coase est le fondateur de la théorie moderne de la firme. En
effet, cet auteur pose deux questions fondamentales de la nature de la firme
dans une économie de marché : l'une porte sur l'existence de
la firme et l'autre sur la définition de la firme. Selon Coase [1937],
la firme existe parce qu'il y a un coût de fonctionnement du
marché4(*). La firme,
pour lui, se définit comme un mode d'organisation des activités,
alternatif au marché et l'affectation des ressources en son sein
s'effectue par l'autorité, représentée par
l'entrepreneur-coordinateur. La coordination par la firme repose donc sur
l'autorité et, la coordination par le marché repose sur le
système de prix. Coase confirme que la relation d'autorité se
substitue au système de prix quand les coûts de recours au
marché (ou les coûts de transaction) sont supérieurs aux
coûts d'organisation à l'intérieur de la firme d'une
transaction considérée. Dès lors, pour Coase, le
marché et la firme sont conçus comme les deux formes alternatives
de coordination et se distinguent dans leur nature. Par contre, compte tenu des
dispositifs de gestion des salariés5(*) dans l'approche coasienne, Coase met fortement
l'accent sur seulement la dimension autoritaire de la firme, aux dépens
d'une autre dimension pourtant fondamentale, la dimension incitative [Dubrion,
2004]. En effet, chez Coase, une fois le contrat de travail conclu entre
l'employeur et le salarié, son exécution n'est jamais
problématique. Les comportements des travailleurs, l'intensité
des efforts qu'ils déploient au travail, leur diligence ne sont pas pris
en compte.
Dès lors, dans les années 1970 et 1980, les
intuitions coasiennes sont formalisées par les travaux de Williamson au
travers de la théorie des coûts de transaction. Williamson
commence par donner des fondements microéconomiques à son
approche à partir de deux postulats sur le comportement des agents
économiques [Bouba-Olga, 2003 ; Baudry, 2003]. D'une part, dans la
lignée de Simon, Williamson postule que les agents ne sont dotés
que d'une rationalité limitée6(*) et d'autre part, ces mêmes agents sont
supposés être opportunistes7(*). Une conséquence majeure de la première
hypothèse est que les contrats que les individus vont conclure ensemble
sont nécessairement incomplets. Cette incomplétude des contrats
ouvre la voie à l'opportunisme. Par conséquent, contrairement
à Coase qui pense que l'autorité peut seule coordonner
efficacement les membres de la relation d'emploi, Williamson considère
qu'elle s'avère efficace pour économiser la rationalité
limitée des agents mais elle ne l'est aucunement pour contrôler
leurs comportements opportunistes [Dubrion, 2005]. Selon Williamson, la firme
dispose d'un « processus administratif » spécifique
qui est un processus fondamental pour comprendre comment les comportements
opportunistes des agents sont atténués dans l'organisation. Les
éléments de ce processus administratif sont : les
dispositifs de rémunération, de promotion, d'évaluation
des salariés, ceux-ci étant vus comme des moyens collectivement
négociés au sein de la firme pour contrôler les
comportements opportunistes des salariés. Se limitant aux
systèmes de rémunération, pour Williamson, afin
d'atténuer les comportements opportunistes des salariés, les
salaires devraient être déterminés collectivement à
partir des caractéristiques des postes de travail et non des
capacités productives individuelles des salariés [Baudry,
1999 ; Dubrion, 2004]. En effet, la dimension collective de l'organisation
interne diminue les incitations individuelles des salariés à
négocier de manière répétée leur niveau de
salaire. Le système de promotion incite également le
salarié à l'effort puisqu'il a la possibilité d'augmenter
leur salaire en améliorant leur position dans la hiérarchie.
Par ailleurs, de manière plus approfondie, les
théoriciens des incitations mettent fortement l'accent sur les
problèmes d'incitation au sein de la firme. Les principaux auteurs de
ce courant sont Armen Alchian et Harold Demsetz qui ont rédigé
leur célèbre article « Production, Information Costs,
and Economic Organization », publié en 1972. Ensuite, cet
article a été prolongé en 1976 par Michaël Jensen et
William Meckling « Theory of the Firm: Managerial Behavior, Agency
Costs, and Ownership Structure ». Ce prolongement est à
l'origine du modèle du principal-agent. Les auteurs considèrent
la firme comme un noeud de contrats et il ne faut donc pas voir dans
l'autorité le caractère distinctif de la firme. Dans ce courant,
la firme et le marché sont perçus comme des formes contractuelles
différentes de rémunération de l'effort. De plus, les
auteurs reconnaissent qu'il existe une asymétrie d'information entre
agents économiques, ce qui conduit à un problème
« principal-agent » au sein de la firme8(*). En d'autres termes, les
intérêts de l'employeur et ceux des employés sont souvent
divergents ; ces derniers ont toujours tendance à se comporter
comme « passager clandestin » en travaillant moins que
prévu pour maximiser leur intérêt personnel. En effet, leur
effort individuel est difficilement observable et mesurable, notamment dans la
production en équipe. La firme est appréhendée donc comme
une forme d'organisation visant à trouver la structure de contrats
devant permettre de mettre en place les incitations adéquates et
à réaliser la coordination des agents en définissant un
partage optimal entre les agents des risques et des bénéfices.
Ici, les auteurs suggèrent d'utiliser les incitations monétaires
pour inciter les employés à agir dans l'intérêt de
l'employeur car le système de surveillance est coûteux.
A partir des années 1980, la New Economics of
Personnel (NEP) ou Personnel Economics, une branche
appliquée de la théorie des incitations, s'est attachée
à comprendre comment l'employeur peut concevoir un système de
rémunération (un contrat) qui incite l'employé à
agir dans son intérêt - c'est-à-dire le plus souvent dans
les modèles, la maximisation du profit [Dubrion, 2004 ; 2005]. Le
représentant majeur de ce courant est Edward Lazear. Afin de
résoudre les problèmes de coordination et d'incitation au sein de
la firme, la NEP propose d'utiliser les systèmes de
rémunération via les contrats incitatifs explicites (par exemple,
les systèmes de rémunération à la pièce
[Lazear, 2000]) et implicites (par exemple, les systèmes
d'évaluation subjective de la performance [Baker et al., 1994]). En
outre, il y a d'autres mécanismes incitatifs tels que le modèle
à paiement différé [Lazear, 1995], la pression des pairs
[Kandel et Lazear, 1992], le modèle des tournois [Lazear et Rosen, 1981]
et le modèle du salaire d'efficience [Shapiro et Stiglitz, 1984]9(*), étant aussi
analysés. Soulignons que l'ensemble de ces dispositifs analysés
est toujours finalement ramené à un système de
rémunération de l'effort, identifié à une forme de
paiement particulière. Dès lors, pour les théoriciens des
incitations et aussi ceux de la NEP, les incitations monétaires jouent
un rôle important pour inciter les salariés à fournir un
effort élevé au travail. Outre ces économistes, un
psychologue Victor H. Vroom, qui a développé la théorie
des attentes en 1964, reconnaît également que les incitations
monétaires qui récompensent les efforts et les performances de
l'employé, et pour lesquelles il a de l'attrait, peuvent le motiver.
En revanche, depuis les années 30, le courant des
relations humaines émerge pour contester l'école classique de
l'organisation. En effet, il s'intéresse aux aspects
psychosociologiques, à la vie des groupes humains et à la
dimension relationnelle au sein de l'organisation [Plane, 2000]. Par opposition
à Taylor, Elton Mayo détruit le mythe de l'homo
oeconomicus et démontre, à partir de l'étude de
Hawthorne dans les années 20, que les stimuli financières ne sont
pas un facteur essentiel pour motiver les ouvriers mais le moral a un
rôle prépondérant sur le rendement. Ensuite, les autres
auteurs dans cette école, notamment Herzberg, dû à son
étude empirique, confirme fortement que les incitations
monétaires ne sont pas forcément la source de motivation des
travailleurs.
Dans les années 1970, une théorie de la
psychologie sociale, à savoir la théorie de l'évaluation
cognitive, a émergé et elle continue à critiquer les
points de vue des économistes au sujet des effets des incitations
monétaires sur l'effort des travailleurs. Deci et ses collègues,
à travers leurs études expérimentales en psychologie,
soutiennent que les incitations monétaires sont nuisibles à la
motivation intrinsèque et à l'effort des sujets parce qu'elles
sont perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle qui mine
leur perception de compétence et d'autonomie. Constatons que la
distinction de motivation a été ignorée par les
économistes. Ainsi, nous voyons qu'il y a des points de vue
contradictoires entre les économistes, et les psychologues et les
sociologues.
Se référant à cette contradiction,
l'intérêt de la recherche sur les incitations monétaires
est croissant. Non seulement les psychologues mais aussi les économistes
ont fait des études empiriques et expérimentales sur ce
thème. Ici, nous prenons certains économistes dominants,
étudiant cette contradiction : Kreps [1997], Frey et Jegen [2000],
Fehr et Gächter [2002], Fehr et Falk [2002], Kunz et Pfaff [2002], Bonner
et Sprinkle [2002], Benabou et Tirole [2003] et James, Jr. [2005]. En outre, il
y a un article récemment publié en 2006 dans la revue
d'économie politique, faisant un bilan sur la question des
incitations monétaires. Il s'agit de « Expériences de
laboratoire en économie et incitations monétaires »
rédigé par Nathalie Etchart-Vincent. Ainsi, la question des
incitations monétaires reste d'actualité et c'est la question des
impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés au
sein de la firme qui fera l'objet de notre étude.
Ce débat actuel nous amène à susciter la
problématique de notre recherche autour la question des incitations des
employés de type monétaire. La problématique est donc la
suivante : Quelle est la relation entre les incitations
monétaires et l'effort des salariés : positive ou
négative ? Comment ces incitations influent-elles positivement sur
l'effort des employés ? Quand et pourquoi, dans certains cas,
nuisent-elles à leur effort ?
Ces questions sont actuellement essentielles dans
l'économie et les pratiques de la gestion des ressources humaines. Elles
permettront aux directeurs de ressources humaines de savoir si les incitations
monétaires peuvent être employées efficacement comme un
dispositif de gestion des salariés, i.e. pour gérer le
comportement de ces derniers dans leurs firmes. Elles leur permettront de
savoir également des conditions qui s'imposent dans l'utilisation de ces
incitations.
Afin de répondre à ces différentes
questions, nous allons effectuer notre étude en nous portant sur une
revue de la littérature, en analysant des théories
sélectives qui abordent la question des incitations monétaires
dans la motivation des individus et en utilisant aussi des données des
études empiriques et expérimentales qui sont plus
révélatrices de la réalité. Notre étude se
compose de deux grandes parties avec quatre chapitres. Dans une première
partie, nous nous focaliserons, d'abord, sur des problèmes
« principal-agent » qui émergent toujours dans la
firme et qui doivent être nécessairement réglés.
C'est pourquoi, ensuite, nous essaierons de rassembler, avec des données
empiriques et expérimentales, certains principaux modèles
considérés comme des mécanismes incitatifs par lesquels
les incitations monétaires ont pour fonction de résoudre ces
problèmes même si la performance des salariés est absolue
ou non vérifiable. Un point de vue contraire sera l'objet de la
deuxième partie. Ainsi, dans la dernière partie, nous
considérerons l'ensemble des points de vue des chercheurs qui ont
travaillé, avec des études empiriques et expérimentales,
sur les effets négatifs des incitations monétaires sur l'effort
des travailleurs. Mais, suite à une évolution dans la
théorie psychologique, nous réexaminerons les impacts des
récompenses monétaires qui, dans certaines circonstances,
favorisent la motivation intrinsèque et l'effort des salariés.
Enfin, nous essaierons de conclure les principaux résultats de notre
étude.
PARTIE I : LA RELATION POSITIVE ENTRE LES
INCITATIONS MONETAIRES ET L'EFFORT DES SALARIES
INTRODUCTION A LA PREMIERE PARTIE
Un facteur important dans la survie de l'organisation est le
contrôle des problèmes « principal-agent »
[Fama et Jensen, 1983]. Dès lors, le problème
« principal-agent » se situe toujours au coeur de la firme.
En effet, les actions (c'est-à-dire les niveaux d'effort) des
travailleurs ne sont pas toujours observables aux yeux de l'employeur et ni
vérifiables par le tiers. Plus précisément, les
employés ne tentent pas souvent d'agir dans l'intérêt de
l'employeur, i.e. de fournir un niveau d'effort au travail élevé
afin de maximiser les profits de la firme. Ceci se caractérise par la
situation d'asymétrie informationnelle. Cette dernière se compose
de deux problèmes : le problème d'aléa moral et le
problème de sélection adverse.
Les économistes soutiennent que « les
incitations sont l'essence de l'économie » [Lazear, 1986, p.
2; Prendergast, 1999, p. 7]. Comme précédemment définies,
les incitations sont considérées comme l'ensemble des dispositifs
monétaires mis en place pour inciter les agents à
révéler leurs informations privées et à agir dans
l'intérêt du principal [Ménard, 2004].
Parallèlement, Bonner et Sprinkle [2002] indiquent également que
les incitations monétaires sont fréquemment utilisées pour
motiver les travailleurs et améliorer leur performance. S'appuyant sur
les incitations monétaires, il y a plusieurs mécanismes pour
aligner les intérêts des employés avec ceux de l'employeur
tels que la rémunération à la performance, le contrat
à paiement différé, le modèle des tournois, etc.
Alors, l'objectif de cette partie est tout d'abord d'expliquer
le facteur qui a un effet positif sur le processus de la motivation des
individus à exercer un effort au travail dans la théorie des
attentes, et les problèmes d'incitations des salariés au travail
dans la théorie du Principal-Agent (Chapitre I). Ensuite, les
dispositifs incitatifs par lesquels les incitations monétaires sont
utilisées pour régler les problèmes
« principal-agent », même en cas de performance
absolue et de performance non vérifiable, seront proposés dans le
chapitre II.
CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'EFFET POSITIF
DES INCITATIONS MONETAIRES
Introduction au chapitre I
Les économistes se sont de plus en plus
intéressés à la théorie de la firme ces
dernières années. Ces efforts se sont concentrés sur les
relations entre les marchés et les hiérarchies, les
systèmes de gouvernement de l'entreprise et les problèmes
d'agence provoqués par des conflits d'intérêt parmi les
parties contractantes qui composent la firme [Baker et al., 1988]. Selon ces
auteurs, un des facteurs les plus importants affectant le comportement
d'organisation est la structure incitative interne, qui inclut la gestion des
ressources humaines en général et les politiques de compensation
en particulier.
Ces dernières années ont été
marquées par un renouvellement profond de la façon d'aborder la
question des rémunérations. Selon Sire [2006], mettre la
politique de rémunération au service de la performance, c'est
répondre à la fois au défi économique de
l'organisation, condition de la satisfaction de l'actionnaire, et à la
recherche d'un équilibre social, condition de la satisfaction du client,
via celle des salariés10(*). C'est la raison pour laquelle les économistes
supposent largement que les incitations monétaires représentent
le stimulant dominant des activités productives humaines [Rydval, 2003].
En fait, il y a plusieurs théories qui supportent ce concept. Par
exemple, la théorie des attentes de Vroom est considérée
comme l'une des plus pertinentes pour comprendre le comportement de l'individu
au travail [Sire, 2006]. Dans cette théorie, dans la mesure où
l'individu a des attentes en termes de niveau de revenu et que celles-ci
peuvent être satisfaites au moins partiellement par un effort de travail
supplémentaire, on peut s'attendre à ce qu'une
rémunération conditionnelle basée sur un niveau de
résultat l'incite à améliorer ses performances. Cependant,
cette théorie ne présente que le processus de motivation des
salariés au travail, elle ne précise pas forcément le
problème « principal-agent » et surtout celui de
l'asymétrie d'information. C'est la raison pour laquelle la
théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent vient le
compléter. « L'économie des incitations peut être
décrite comme l'étude de l'élaboration de règles et
d'institutions qui induisent les agents économiques à exercer des
niveaux d'effort élevés et à transmettre correctement
toute information privée qu'ils possèdent et qui est socialement
pertinente »11(*). La théorie des incitations s'attache donc
à caractériser les meilleurs contrats qui peuvent être
signés entre un principal (l'employeur) et un agent (l'employé)
lorsque ce dernier possède une meilleure information que le premier sur
des éléments pertinents pour le contrat [Aubert et
Aubert-Monpeyssen, 2005].
Alors, l'objectif de ce chapitre est premièrement de
présenter la typologie de la rémunération en
précisant le rôle de chaque type de rémunération
(Section 1) et deuxièmement d'aborder la question des incitations des
salariés via deux théories importantes dans notre
recherche : la théorie des attentes de Vroom et la théorie
des incitations (Section 2).
Section 1 : La typologie de la
rémunération
Mesurer l'efficacité des rémunérations
sur la motivation ou l'effort au travail nécessite de définir ce
qui est entendu par le terme rémunération. Selon Roussel [1996],
la rémunération, selon que l'on adopte la vision de
l'économiste, du juriste ou du gestionnaire, diffère dans la
définition de son contenu. Dans cette recherche, « la
rémunération sera définie comme étant l'ensemble
des rétributions acquises par le salarié en contrepartie du
travail effectué pour l'organisation qui l'emploie » [p. 79].
Le salarié attend de son salaire une source indispensable de revenu afin
de satisfaire ses besoins de consommation courante, d'épargne, ou encore
pour constituer un patrimoine. Pour simplifier, nous distinguons deux types de
rémunérations possibles - fixe et variable - de façon
à expliciter la fonction de chacune d'entre elles et le rôle
particulier joué par la rémunération variable, autrement
appelée incitation monétaire [Etchant-Vincent, 2006]. Nous
présentons alors premièrement la rémunération fixe
et deuxièmement, la rémunération variable ou l'incitation
monétaire.
1- La rémunération fixe
La rémunération fixe se définit comme
« l'ensemble des rémunérations dont le montant et le
versement sont garantis »12(*). Ce type de rémunération est
inconditionnel et proposé au salarié pour le remercier de sa
participation à l'entreprise. Cette rémunération est donc
forfaitaire et ne dépend pas de la performance productive du
salarié. Etchart-Vincent [2006] propose de distinguer deux fonctions
à la forme de rémunération fixe. D'une part, la
rémunération fixe a pour fonction de dédommager l'individu
de son effort, par exemple la désutilité du trajet ou du temps
passé et de l'énergie dépensée à faire
l'expérience. La rétribution doit donc être proportionnelle
à l'effort fourni, à la longueur de la tâche et à sa
pénibilité, c'est-à-dire la rémunération
fixe à l'input (contrôle du comportement). D'autre part, cette
rémunération peut s'attirer ses bonnes grâces en
créant chez lui une sorte de dette morale. Cette fonction se
conçoit plutôt dans une logique de réciprocité ou de
don-contre don [Akerlof, 1984].
La réciprocité est définie comme le
désir d'être aimable avec ceux qui sont perçus
bienveillants, et de punir ceux qui sont perçus hostiles13(*). Akerlof [1982; 1984] rend
compte de la relation entre le salaire et l'effort tout en rejetant
l'idée d'un travailleur fondamentalement opportuniste. Il soutient que
la relation salariale peut être assimilée à un
échange de dons partiels réciproques, introduisant de ce fait la
notion d'équité [Grill et Quiquerez, 1998; Baudry, 2003]. La
décision des salariés de fournir collectivement un niveau
d'effort supérieur à la norme minimale, selon Akerlof, est
considérée comme un don fait par l'ensemble de ces
salariés à leur employeur. En retour de ce don, les
salariés espèrent obtenir un « juste
salaire » et une certaine clémence de la part de l'employeur
[Baudry, 2003]. De plus, on peut penser que parce qu'ils sont bien
rémunérés, les salariés ne vont pas oser
« tirer au flanc »14(*), même si la rétribution est
indépendante de leur comportement.
Cependant, Etchart-Vincent [2006] considère que la
simple rémunération forfaitaire est insuffisante en ne suscitant
qu'une adhésion et un effort de façade. C'est la raison pour
laquelle on pense à la rémunération à la
performance qui influence fortement l'effort des salariés et qui est
considérée comme indispensable au sein de la firme par la plupart
des économistes.
2- La rémunération variable (l'incitation
monétaire)
Dans notre recherche, la
rémunération variable ou l'incitation monétaire est celle
qui dépend de ce que le salarié produit réellement. Il
s'agit de la rémunération variable à l'output ou à
la performance. Depuis longtemps, il y avait une controverse concernant l'effet
des incitations monétaires (les récompenses contingentes à
la performance) sur le comportement des salariés. Tandis que les
études en économie psychologique et en psychologie prouvent que
les récompenses contingentes à la performance peuvent mener
à une réduction d'effort des salariés, en particulier dans
le cas des activités qui sont intrinsèquement motivées,
les études en économie supposent généralement que
de telles incitations monétaires agissent en tant que stimulus positif
sur la performance des travailleurs [Gibbons, 1998 ; Holmström et
Milgrom, 1994 ; Prendergast, 1999]. Concernant les effets de la
rémunération variable (incitation monétaire) du point de
vue des psychologues, nous les présenterons en détail dans la
partie II de la recherche. Dans cette section, nous en montrons quelques formes
et les rôles des incitations monétaires dans la firme.
Les économistes font l'hypothèse que les
salariés ne travaillent pas pour rien et que leur effort cognitif est
une ressource rare qu'ils cherchent à allouer stratégiquement.
Pour Gibbons [1997] et Lazear [2000], dans la vie réelle, l'effort est
motivé par la perspective des gains censés en résulter et
les incitations sont précisément là pour promouvoir effort
et performance. Les incitations monétaires sont censées augmenter
la performance en soutenant l'effort de l'individu, par exemple en l'amenant
à se fixer des buts plus élevés ou à
développer un intérêt accru pour la tâche [Bonner et
Sprinkle, 2002]. Si les salariés ne sont pas
rémunérés de manière contingente à leur
performance ou si cette rémunération est insuffisante, ils
risquent fort de ne pas mettre en oeuvre un effort cognitif suffisant pour
révéler leurs véritables préférences.
En fait, il y a plusieurs formes de
rémunérations variables appliquées dans les entreprises,
mais nous n'allons retenir que les deux formes considérés comme
les plus pertinents: la rémunération à la pièce et
la rémunération au mérite. Premièrement, les
systèmes de rémunérations à la pièce ont
longtemps servi de mode de rémunérations des personnels ouvriers.
Les travailleurs payés à la pièce reçoivent une
somme fixe pour chaque pièce produite. Beaucoup d'organisations
proposent un plan de rémunération à la pièce
aménagé, où l'employé reçoit un salaire de
base fixe à l'heure auquel s'ajoute le surplus correspondant au nombre
de pièces produites [Robbins, Judge et Gabilliet, 2006 ; Lazear,
2000]. D'ailleurs, Lazear [2000], en se basant sur l'évidence empirique
d'une grande entreprise de pare-brise automobile, appelée Safelite Glass
Corporation durant 1994 et 1995, soutient l'idée que payer sur la base
de l'output incitera les ouvriers à offrir plus d'output.
Deuxièmement, la rémunération sur le
mérite est également fonction des performances individuelles.
Cependant, contrairement à la rémunération à la
pièce qui se base sur des critères objectifs, la
rémunération au mérite est basée sur
l'appréciation de la performance15(*). Par exemple, si deux personnes sont employées
pour exécuter le même travail et l'un exécute à un
niveau sensiblement plus élevé que l'autre, il devrait bien
évidemment être payé plus pour sa contribution
supérieure16(*).
Selon Robbins et al. [2006], s'il est conçu de façon
adéquate, ce système de rémunération peut
être une source de motivation car les employés considèrent
qu'il existe une relation forte entre leurs performances et les
récompenses qu'ils obtiennent. Actuellement, la plupart des grandes
entreprises utilisent la rémunération au mérite, en
particulier pour les employés salariés.
Alors, dans l'optique incitative, c'est la perspective d'une
récompense qui va inciter l'individu au travail, car il ne la percevra
que s'il s'est bien comporté. Contrairement à la
rémunération fixe, la rémunération variable est une
rétribution ex-post et conditionnelle.
En résumé, ce sont deux types de
rémunération qui se dessinent, dont l'objectif est visiblement
distinct même s'ils sont tous deux susceptibles d'affecter l'effort
fourni par le salarié et donc sa performance. Il s'agit d'une part de la
rémunération récompense17(*), dont la perception et le
montant sont conditionnels à l'effort fourni, et d'autre part de la
rémunération dédommagement18(*), forfaitaire et
inconditionnelle [Etchart-Vincent, 2006].
Dans la section suivante, nous verrons l'importance du
rôle de l'incitation monétaire dans la résolution des
problèmes fréquemment émergés dans l'organisation
qui sont présentés dans la théorie des attentes de Vroom
et en particulier dans la théorie des incitations avec le modèle
du Principal-Agent.
Section 2 : La théorie des attentes de Vroom
et la théorie des incitations
Parce que les intérêts des employés et des
employeurs ne sont pas toujours alignés, certaines grandes
littératures théoriques ont montré comment les firmes
concevaient les contrats de compensation pour inciter les employés
à agir dans l'intérêt de la firme. Ces littératures
ont été appliquées dans plusieurs secteurs de compensation
et se sont dirigées vers une multitude de différents
mécanismes (salaire à la pièce, bonus
discrétionnaires, salaires d'efficience, etc.) qui peuvent être
utilisés pour inciter les salariés à agir dans
l'intérêt de leurs employeurs, c'est-à-dire la maximisation
du profit de la firme. Les incitations monétaires sont
fréquemment considérées comme une méthode pour
aligner les intérêts des employés avec ceux de leurs
employeurs. Théoriquement, les incitations monétaires
fonctionnent par l'augmentation de l'effort qui, à tour de rôle,
mène aux augmentations de la performance [Bonner et Sprinkle, 2002].
Ainsi, l'objectif de cette section est d'offrir le cadre théorique pour
comprendre les effets des incitations monétaires sur l'effort des
individus et leur performance. Selon Covin et Boswell [2007], le
développement des systèmes de compensation incitative repose sur
les deux piliers théoriques importants qui détaillent les
mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont
présumées aboutir aux augmentations de l'effort. Ces
théories sont la théorie des attentes et la théorie des
incitations en particulier le modèle Principal-Agent.
Avant de présenter les deux théories qui sont
les médiateurs de la relation incitation - effort et qui vont expliquer
comment les incitations monétaires entraînent une augmentation de
l'effort, il est utile d'expliquer d'abord la construction de l'effort. Bonner
et Sprinkle [2002] ont proposé quatre éléments qui
décomposent l'effort : direction, durée, intensité et
développement stratégique. En empruntant leurs travaux, nous
allons expliquer chaque élément brièvement.
Premièrement, la direction d'effort renvoie à la
tâche ou à l'activité dans laquelle l'individu choisit de
s'engager (i.e. ce que l'individu fait). Théoriquement, les incitations
monétaires devraient conduire à l'effort qui est orienté
vers la tâche ou l'activité récompensée quand les
avantages prévus fournis par les incitations monétaires sont
supérieurs aux coûts de réalisation de cette tâche ou
activité.
Deuxièmement, la durée d'effort renvoie à
la durée où un individu consacre les ressources cognitives et
physiques à une tâche particulière, c'est-à-dire le
temps de travail d'une personne. On peut dire que les incitations
monétaires peuvent faire augmenter la durée de l'effort, par
exemple, les employés peuvent prendre peu de pauses ou travailler des
heures supplémentaires.
Troisièmement, l'intensité d'effort renvoie
à la qualité d'attention qu'un individu consacre à une
tâche pendant une période de temps fixe, c'est-à-dire si
une personne travaille, dur ou non. Analogues à la direction et à
la durée d'effort, les incitations monétaires ont
théoriquement des effets positifs sur l'intensité d'effort si les
individus croient qu'une augmentation à court terme des ressources
cognitives déployées dans la tâche suscitera un
accroissement de mesure de la performance monétairement
récompensée.
Enfin, en ce qui concerne le développement
stratégique, les incitations monétaires peuvent motiver des
individus à faire l'effort d'acquérir les qualifications requises
pour accomplir une tâche afin que la performance et les
récompenses futures soient plus élevées qu'elles ne le
seraient (i.e. l'apprentissage). Cette notion d'effort accru
(développement stratégique) consiste en la résolution des
problèmes conscients, de la planification, ou de l'innovation de la part
de l'individu accomplissant la tâche.
Selon l'explication de construction de l'effort ci-dessus, on
peut conclure que la direction, la durée et l'intensité d'effort
orientées vers la performance courante peuvent conduire à une
augmentation immédiate de la performance alors que l'effort
orienté au développement stratégique peut
générer une hausse retardée de la performance. Par
conséquent, l'augmentation de l'effort orienté au
développement stratégique est moins spontanée que la
direction, la durée et l'intensité d'effort et exerce
probablement un effet négatif sur la performance à court terme,
mais un effet positif sur la performance à long terme. Ainsi, lorsque
les mécanismes plus spontanés ne sont pas suffisants pour
atteindre les niveaux désirés de performance et de
récompense, les incitations seront utilisées à favoriser
l'effort orienté vers le développement de stratégie.
Dans ce qui suit, nous présenterons les deux
théories qui expliquent les mécanismes par lesquels les
incitations monétaires influencent l'effort individuel. Tout d'abord,
nous exposerons la théorie des attentes et ensuite la théorie des
incitations en précisant le modèle du Principal-Agent.
1- La théorie des attentes de Vroom
Les modèles de motivation développés dans
la littérature psychologique d'organisation sont
généralement divisés en deux catégories :
l'une se concentre sur les attributs internes d'un individu (théories du
contenu) et l'autre se focalise sur les interactions de l'individu avec
l'environnement (théories du processus) [Sloof et van Praag, 2005]. La
théorie des attentes, comme d'abord développée en 1964 par
Vroom, est une théorie de processus de motivation. Cette théorie
propose que les individus agissent de façon à maximiser la
satisfaction attendue avec des résultats. Ainsi, le concept de la
théorie des attentes est qu'un individu dépend de l'attente de
réussite par rapport aux efforts fournis, du résultat effectif
obtenu et de l'attractivité de ce résultat [Robbins et al.,
2006]. Cela montre que Vroom met en relation les efforts individuels, la
performance à laquelle ils aboutissent, la récompense
attachée à cette performance, et le lien entre cette
récompense et les attentes individuelles. Cette théorie
établit pour principe que la motivation d'un individu dans une situation
particulière est une fonction de trois facteurs (Voir Figure 1) :
Le premier de ces facteurs, attente (expectation) effort -
performance (E-P), indique la corrélation positive effort-performance
que l'individu perçoit. C'est ce que chacun se croit capable de faire,
ce qu'il attend comme résultat probable de ses efforts19(*). Par conséquent, plus
cette attente E-P est élevée, plus l'individu est motivé
à faire des efforts.
Figure 1 : La théorie des attentes de
Vroom20(*)
Satisfaction
Valence
Instrumentalité
Perception des rôles
Aptitudes et personnalité
Effort
Performance
Récompenses intrinsèques
Récompenses extrinsèques
Le deuxième facteur est l'attente performance -
résultat (P-R), également désigné sous le nom d'
« instrumentalité ». Il concerne l'attente ou
l'expectation d'un individu de l'attachement étroit entre sa
rémunération et son niveau de performance. Il s'agit de la
perception de la probabilité que la performance permettra
d'accéder à la récompense [Alexandre-Bailley et al.,
2006]. Parallèlement, selon Lévy-Leboyer [1993], le travail est
« instrumental » lorsqu'il représente clairement,
aux yeux de celui qui le fait, un moyen efficace d'obtenir le résultat
recherché - par exemple, un salaire.
Le troisième facteur s'appelle la valence
(attractivité) des résultats. La valence est une mesure du
degré auquel un individu évalue une récompense
particulière. Selon les individus, les résultats
éventuellement obtenus pour un niveau de performance atteint ont des
attraits différents. En effet, la valeur d'un résultat
dépend pour un individu de ses besoins et de ses propres perceptions.
L'employé considère que les résultats sont attractifs,
c'est-à-dire qu'ils ont une valeur positive pour lui. Ainsi, Soof et
van Praag [2005] suggèrent que plus ce facteur est élevé,
plus l'individu est motivé.
La théorie des attentes se dirige ainsi avec trois
instruments que l'employeur peut utiliser pour renforcer la motivation des
employés en augmentant les expectations subjectives qu'un effort plus
fort produira les niveaux de la performance (E) plus élevés, en
renforçant le lien perçu entre la performance et les
récompenses (I), et en s'assurant que les employés
évaluent les récompenses données pour la performance
élevée (V). Ces trois facteurs s'appellent les facteurs de VIE.
Ainsi, Motivation d'un individu = [EP] x [(PR) (V)] ou
[Valence x Instrumentalité x Expectation]. Cela fonctionne comme un
produit: il suffit qu'un des termes soit nul pour que le produit soit nul.
Prenons un exemple dans un ouvrage de Michel [1989],
« si je me sens incapable de suivre un cours de mathématiques
appliquées, je ne serai pas motivé à m'inscrire même
si ce stage permet d'être promu cadre et que cette promotion
représente beaucoup pour moi. Je peux aussi me sentir capable de le
suivre mais douter fortement qu'il soit la bonne solution pour être
promu. Je peux enfin me sentir capable de le suivre et être
persuadé que c'est la bonne manière d'être promu cadre mais
cette promotion peut me laisser tellement indifférent que je ne
m'inscrirai pas plus que dans les autres cas » [p. 27].
Selon Bonner et Sprinkle [2002], l'effet des incitations
monétaires sur l'effort dans une conceptualisation de la théorie
des attentes est double. D'abord, le résultat d'intérêt
est la récompense financière. L'argent peut avoir la valence pour
une variété de raisons. La conception initiale de Vroom de la
valence de l'argent est que l'argent est instrumental en permettant d'obtenir
des choses que les individus désirent tel que des biens
matériels. En outre, l'argent a une valeur symbolique due à son
rapport perçu avec le prestige, le statut, et d'autres facteurs. Les
incitations monétaires ont clairement une valence plus
élevée que le cas sans salaire et peuvent également avoir
une valence plus élevée que les incitations non-contingentes. De
plus, sous un système de salaire fixe pur, il n'y a aucun lien entre la
performance et le résultat [Cadsby et al., 2005]. Deuxièmement,
les attentes devraient également être, et se sont
avérées, plus élevées sous forme d'incitations
monétaires que sous forme d'aucun salaire ou des incitations
non-contingentes en raison de liens plus forts parmi l'effort, la performance
et le salaire.
En conséquence, selon la théorie des attentes,
la motivation d'un individu et l'effort suivant sont sensiblement plus
élevés quand la compensation est basée sur la performance,
due à une attente accrue au sujet de la relation
effort-performance-résultat et à une plus grande valence de
résultat. Dans ces circonstances, Cadsby et al. [2005] soutiennent que
le salaire élevé contingent à une performance devrait
inciter des salariés à travailler dur.
Dans la sous-section suivante, nous décrirons une autre
théorie qui présente le concept des incitations des
salariés à l'effort dans le travail lorsqu'il y a des
problèmes d'asymétrie informationnelle au sein d'une firme. Il
s'agit d'une théorie des incitations avec le modèle
Principal-Agent.
2- La théorie des incitations : le
modèle du Principal-Agent
Le développement de la théorie des incitations a
été une avance importante en économie pendant plus de
trente années. Par économie des contrats, nous entendons les
trois grandes approches théoriques dans le champ de l'économie
contractuelle renvoyant conventionnellement à la théorie des
incitations, la théorie des coûts de transaction et la
théorie des contrats incomplets [Brousseau et Glachant, 2000].
La théorie des incitations se caractérise par
deux hypothèses principales. En premier lieu, dans l'ensemble des
théories contractuelles, la théorie des incitations est
probablement celle qui se rapproche le plus, dans ses fondements, du
modèle néoclassique [Dubrion, 2004], parce que la théorie
des incitations suppose que les agents soient dotés d'une
rationalité économique substantive identique à celle de
l'homo oeconomicus de la théorie néoclassique [Baudry,
2003]. Ils disposent d'une capacité de calcul illimitée, ainsi
que d'une information complète qui leur permet de connaître dans
tous les cas la structure des problèmes auxquels ils sont
confrontés. L'information de ces agents est complète au sens
où, même s'ils ne peuvent pas anticiper avec exactitude un avenir
qui reste aléatoire, les agents connaissent la structure de tous les
problèmes auxquels ils pourraient faire face. Ce qu'ils peuvent ne pas
connaître, le cas échéant, c'est la liste des
problèmes qui vont effectivement survenir et leur enchaînement.
Ils se représentent alors l'avenir à partir de lois de
probabilité. Ceci renvoie à un univers probabilisable, les agents
imaginent les solutions les plus efficaces en fonction des différents
états possibles de la nature et calculent des espérances de
résultats. De tels calculs sont réalisables parce que les agents
disposent de compétences illimitées en la matière,
c'est-à-dire que calculer ne leur coûte rien, ni en temps ni en
ressources21(*).
En second lieu, contrairement à la théorie
néoclassique, les agents ne partagent pas la même information sur
les variables qui déterminent leur choix - hypothèse
d'asymétrie d'information. Certains individus, les
« principaux », sont sous-informés par rapport
à ceux qui vont agir pour eux, les « agents ». Comme
chez Williamson, les individus sont supposés opportunistes,
c'est-à-dire qu'ils sont prêts à tricher pour satisfaire au
mieux leur intérêt personnel. Puisque l'agent est supposé
posséder des informations qui ne sont pas connues du principal, le
problème à résoudre consiste à expliciter comment
le principal (l'employeur) peut concevoir un système de
rémunération (un contrat) qui incite un autre individu, son agent
(l'employé), à agir dans l'intérêt du principal.
Mettant clairement en avant l'importance des incitations entre les agents
économiques, cette conceptualisation nous semble directement
imprégnée de la conception de l'organisation interne de firme
défendue par Alchian et Demsetz [1972].
L'article de 1972 d'Alchian et Demsetz est à l'origine
du courant qui considère la firme comme un « noeud de
contrats ». Cet article a ensuite été prolongé
en 1976 par Jensen et Meckling, véritables fondateurs de la conception
de la firme comme noeud de contrats. La théorie des incitations
constitue le support théorique principal de cette conception22(*). Selon Jensen et Meckling
[1976], la firme abrite l'ensemble des contrats bilatéraux conclus entre
elle-même et ses fournisseurs, ses salariés, ses managers, ses
investisseurs, ses clients. Mais dans notre recherche, on étudie
seulement la relation entre l'employeur et les salariés. En revanche,
tous ces contrats prennent la forme d'une relation dite d'agence. Une relation
d'agence apparaît chaque fois qu'un individu, le principal (l'employeur)
engage une autre personne, l'agent (l'employé) pour exécuter une
tâche dans son intérêt, et ce en situation
d'asymétrie d'information. La théorie des incitations constitue
le cadre adéquat pour traiter de telles relations d'agence. En effet,
selon Brousseau et Glachant [2000], cette théorie raisonne à
partir d'une situation canonique dans laquelle une partie sous-informée
- dénommée le principal - met au point un schéma
d'incitation pour conduire la partie informée - l'agent - soit
à révéler son information privée (modèle
d'anti-sélection ou sélection adverse), soit à adopter un
comportement conforme à l'intérêt du principal
(modèle du risque moral ou aléa moral), (voir encadré). Le
schéma d'incitation repose, pour eux, sur une rémunération
conditionnelle à des « signaux » résultant du
comportement de l'agent (comme le choix d'une option sur une liste de
propositions qualifiée de « menu » de
contrats ; ou comme le résultat apparent de son effort lorsque cet
effort lui-même n'est pas observable). L'existence d'un tel schéma
d'incitation repose sur deux hypothèses importantes23(*).
Premièrement, bien que le principal soit
sous-informé, puisqu'il ne sait pas quelle est la valeur réelle
de la variable cachée, il connaît à la fois la loi de
probabilité qui affecte cette variable et la fonction de
préférence de l'agent. Le principal peut donc se mettre à
la place de ce dernier pour anticiper ses réactions aux
différents schémas de rémunérations concevables, et
sélectionner le schéma qu'il préfère parmi les
schémas acceptables par l'agent.
Deuxièmement, il existe un cadre institutionnel
dissimulé, mais compétent et bienveillant, assurant le respect
des engagements pris par le principal. Ainsi toute proposition formulée
par le principal est crédible pour l'agent. D'autre part, le
schéma de rémunération proposé repose sur une
information dite vérifiable, c'est-à-dire observable par un
tiers.
L'asymétrie d'information
Asymétrie d'information : cette
propriété est caractéristique des situations dans
lesquelles plusieurs agents, ayant à conclure un contrat, disposent sur
l'objet du contrat d'informations différentes et incomplètes,
voire fausses. Ce peut être le cas d'un contrat de travail :
l'employeur n'est pas à même de connaître parfaitement la
personne qu'il va recruter. Par exemple, un CV ne donnant pas d'information
fiable sur le caractère, la capacité de travail ou
l'honnêteté d'une personne ; de même les conditions
réelles d'exercice du travail ne sont que rarement
spécifiées dans le détail. L'asymétrie
d'information engendre souvent des comportements opportunistes de la part des
individus concernés [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Williamson
[1994] définie l'opportunisme comme l'absence d'honnêteté
dans les transactions, la recherche de l'intérêt personnel
stratégique par le moyen de la tromperie, de la ruse, de la divulgation
d'informations incomplètes ou dénaturées. L'opportunisme
est responsable des asymétries d'informations qui compliquent le
fonctionnement de l'organisation. Williamson distingue deux types
d'opportunisme : un opportunisme ex ante correspondant à
l'anti-sélection et un opportunisme ex post correspondant
à l'aléa moral.
L'anti-sélection : ce
phénomène apparaît lorsqu'il est difficile, voire
impossible, d'apprécier les caractéristiques exactes des biens ou
des services qui font l'objet d'un contrat. En prenant l'exemple de la relation
employeur-employé, l'anti-sélection renvoie à
l'incertitude d'un employeur sur la compétence de la personne qu'il
embauche. C'est ainsi qu'au cours des négociations d'un contrat de
travail, les salariés qui désirent être embauchés
connaissent mieux que l'employeur leur capacité exacte de travail. Sauf
s'il engage des coûts importants de recherche d'informations, l'employeur
est incapable de distinguer, parmi les candidats à un emploi, ceux qui
ont une productivité élevée de ceux dont la
productivité est faible [Koenig, 1998]. S'il fixe un salaire identique
pour tous, il n'attire que les agents dont la productivité correspond
à cette rémunération ou à un montant
inférieur. Il risque ainsi d'engager des salariés ayant une
productivité très faible et n'obtenir aucun salarié
très productif.
L'aléa moral : ce type de risque
se présente lorsque l'un des partenaires se trouve dans
l'impossibilité de vérifier le respect des engagements qui ont
été pris vis-à-vis de lui lors de la signature du contrat.
Ainsi, une fois le contrat de travail signé, un employeur ne peut pas
complètement s'assurer que son salarié effectue correctement et
en totalité le travail pour lequel il a été engagé.
D'une façon générale, on parle d'aléa moral lorsque
les agents profitent du fait que le contrôle de leurs comportements soit
jugé trop onéreux, pour ne pas respecter leurs engagements
contractuels. C'est le cas des contrats de travail non respectés par les
salariés qui tirent au flanc. S'il est impossible de mesurer la
contribution de chaque agent à la réalisation du gain d'une
activité régie par un contrat, il est probable que chaque
participant essaie de s'attribuer la part la plus importante possible de ce
gain.
Jensen et Meckling [1976] sont les principaux auteurs à
avoir développé la notion de relation d'agence. En fait, cette
relation d'agence est très générale et couvre l'ensemble
des relations entre deux individus, par exemple, la situation de l'un
dépend de l'action de l'autre. Dans notre recherche, comme
précédemment indiqué, on n'étudie que la relation
entre l'employeur et les salariés au sein de la firme. Les deux auteurs
ont encore ajouté que si les deux parties s'engageant dans la relation
ont tendance à maximiser leurs propres utilités (utility
maximizers), il y a de bonne raison de croire que l'agent n'agira pas
toujours dans les meilleurs intérêts du principal (Voir Figure 2).
En d'autres termes, l'agent en tant que rationaliste de l'intérêt
personnel tirera profit de l'incapacité du principal à surveiller
tous les aspects de comportement de l'agent, qui pourra se dérober des
obligations contractées24(*).
Figure 2 : Modèle
Principal-Agent
Intérêt personnel
Asymétrie d'information
P
A
exécute
emploie
Intérêt personnel
P : Principal
A : Agent
D'une manière générale, le conflit
d'intérêt entre les deux parties porte sur le niveau d'effort: le
principal souhaite que l'agent fournisse un effort important alors que ce
dernier, si l'effort est coûteux et qu'il n'est pas
récompensé en conséquence, a intérêt à
fournir un effort minimal [Raynaud, 2005]. Afin d'éviter le
problème de tire-au-flanc, le principal doit soit investir dans la
surveillance (monitoring) de comportement, soit créer un
contrat qui récompense l'agent en se basant sur des résultats.
Comme la surveillance est souvent coûteuse et de plus en plus difficile
pour le travail qui implique un degré élevé d'incertitude
et de comportement discrétionnaire, le modèle standard
principal-agent propose que le principal (c'est-à-dire l'employeur) a
généralement intérêt à proposer un contrat
qui propose une rémunération variable pour l'agent
(l'employé) en fonction du résultat réalisé.
Dans ce modèle, il est difficile pour le principal de
prouver aux yeux d'un tiers (en particulier un tribunal) que l'agent n'a pas
respecté ses engagements même si initialement le principal est
capable de décrire précisément ce qu'il attend de l'agent
et que ce dernier a accepté la proposition [Raynaud, 2005]. Il est donc
impossible d'inclure le niveau d'effort souhaité par le principal dans
un contrat écrit. Puisque l'effort de l'agent n'est pas observable par
le principal, le contrat doit inciter l'agent à fournir le niveau
d'effort souhaité par le principal (contrainte d'incitation) et doit lui
procurer un niveau d'utilité au moins égal à son
utilité sans contrat (contrainte de participation)25(*). Si le principal offre un
contrat avec une rémunération fixe indépendante de
l'état de la nature, l'agent fournira le niveau d'effort le moins
coûteux pour lui, en général le niveau d'effort le plus
faible. Si le principal souhaite que l'agent fournisse un niveau d'effort plus
élevé et plus coûteux pour ce dernier, le contrat
proposé à l'agent devra maximiser son utilité
espérée lorsqu'il choisit le niveau d'effort souhaité par
le principal.
Dans la théorie du principal-agent, il y a certaines
hypothèses : le principal est neutre au risque alors que l'agent
est averse au risque, le coût de l'effort est croissant, l'information
est asymétrique et ainsi de suite. Sous ces hypothèses, on montre
qu'à l'optimum les deux contraintes sont saturées [Keser et
Willinger, 2000]. Dans la résolution économique standard du
problème principal-agent, les systèmes de compensation
remplissent la fonction duelle d'assigner des risques et de récompenser
le travail productif. Une tension entre ces deux fonctions surgit quand l'agent
a de l'aversion au risque. Car cela force souvent l'agent à soutenir le
risque non désiré26(*).
La théorie du principal-agent suggère que les
incitations monétaires jouent un rôle très fondamental dans
la motivation et le contrôle de la performance. Divers mécanismes
monétaires peuvent être utilisés pour aligner les
intérêts de l'agent avec ceux du principal, tels que le salaire
à la performance, le modèle à paiement
différé... que nous allons aborder dans le chapitre suivant.
En résumé, la théorie des attentes et la
théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent mettent en
lumière clairement les problèmes d'incitations des
salariés au travail au sein de la firme et puis donnent les
mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont
supposées générer l'augmentation de l'effort des
salariés. En effet, les incitations monétaires affectent
l'attractivité ou l'utilité de divers résultats et
l'effort affecte la probabilité de réaliser ces résultats.
Ainsi, les incitations monétaires augmentent le désir d'un
individu d'accroitre la performance et le salaire concomitant. Alternativement,
ce désir motive les individus à exercer l'effort coûteux
parce que les augmentations de l'effort sont présumées mener
directement aux augmentations de la performance prévue.
Conclusion du chapitre I
L'analyse économique souligne la
nécessité de baser les rémunérations sur des
mesures de performance, et donc de faire supporter un risque à
l'employé, afin d'inciter celui-ci à fournir un effort suffisant
[Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005]. Cette idée est conforme à
celle de la théorie des attentes et du modèle principal-agent
parce que ces théories donnent les mécanismes par lesquels les
incitations monétaires sont présumées causer une
augmentation de l'effort des salariés au travail au moment où il
y a une asymétrie d'information au sein de la firme.
En conséquence, la théorie des attentes et la
théorie du principal-agent se concentrent sur la façon de motiver
l'agent (l'employé) pour poursuivre certains objectifs de comportement
[Gerhart et Milkovich, 1992]. Dans ce cas, les incitations monétaires
augmentent le désir d'un individu qui l'incite à faire des
efforts coûteux parce que l'augmentation de l'effort est
présumée aboutir directement à l'accroissement de la
performance prévue et donc au salaire concomitant. Dans certains cas, en
revanche, la théorie du principal-agent est différente de la
théorie des attentes. D'une part, selon Gerhart et Milkovich [1992], la
théorie du principal-agent se concentre plus sur le choix
spécifique dont le système de gouvernement (souvent la
compensation) sera le plus efficace à utiliser, et sur le compromis
risque-récompense. Le dernier signifie que, pour obtenir la
rémunération variable et incitative, les employés doivent
supporter les risques. D'autre part, la théorie du principal-agent
identifie explicitement l'importance de processus de l'échange entre les
deux parties. En effet, le principal conçoit les contrats incitatifs
(les incitations monétaires) pour induire les agents qui ont une
aversion pour le risque et pour l'effort à exercer des niveaux d'effort
plus élevés et pour sélectionner ces agents basés
sur leurs capacités.
Dans le chapitre suivant, nous reviendrons sur la question de
principal-agent. Nous proposerons donc certains contrats incitatifs
fondés sur des données des études empiriques et
expérimentales pour résoudre le problème, même en
cas de la performance des individus mesurable ou non vérifiable.
CHAPITRE II : L'INDIVIDUALISATION DE LA
REMUNERATION
Introduction au chapitre II
« Pour les économistes, l'individualisation
de la rémunération découle naturellement de l'incitation
à l'effort des salariés, et implique, pour être efficace,
que ceux-ci supportent un risque au niveau de leur salaire » [Aubert
et Aubert-Monpeyssen, 2005]. Les formules de rémunération sont
très diverses. Outre celles qui font participer les salariés aux
bénéfices, on peut relever des modalités de
rémunération faisant peser une partie des risques d'entreprise
sur les salariés, ce qui est cohérent avec l'analyse
économique des incitations.
Comme nous avons déjà exposé dans le
chapitre précédent, les économistes considèrent que
le problème que pose la motivation des individus ou des organisations
est un problème « principal-agent ». Nous rappelons
que ce problème consiste au fait que l'agent (l'employé) n'agit
pas toujours dans l'intérêt du principal (son employeur) et ce en
situation d'asymétrie d'information. « La prise en compte des
interactions stratégiques en présence d'asymétrie
d'information a donc permis d'ouvrir la boîte noire que
représentait la firme, celle-ci pouvant dès lors être
conçue comme une organisation »27(*). Dans ce cadre, les relations
entre les employeurs et les employés sont marquées à la
fois par la détention privée de rentes informationnelles et par
des interactions stratégiques. Ainsi, Aubert et Aubert-Monpeyssen [2005]
suggèrent que pour inciter le salarié à agir dans
l'intérêt de l'employeur, il est indispensable de
rémunérer sa bonne performance, c'est-à-dire de
rémunérer à la performance. L'individualisation des
rémunérations est donc une conséquence logique de cette
analyse.
Alors, l'objectif de ce chapitre est de présenter
certains contrats incitatifs pour résoudre le problème
principal-agent, i.e. pour inciter les agents à maximiser leur effort au
travail. Dans la section 1 du chapitre, nous allons montrer les incitations
monétaires à la performance absolue, i.e. les contrats explicites
portant sur des variables mesurables et observables comme par exemple les
systèmes de rémunération à la performance et de
rémunération à l'ancienneté. Mais la performance
des individus n'est pas toujours facilement quantifiable et vérifiable.
Cela pose donc encore des problèmes d'incitation au sein de la firme.
Dans la section 2 du chapitre, nous allons donc aborder les incitations
monétaires avec la performance non vérifiable en
spécifiant d'abord les situations (la production en équipe et la
situation multi-tâche) dans lesquelles la performance des individus est
difficilement mesurable et vérifiable, et ensuite certaines solutions
possibles à ces problèmes seront proposées.
Section 1 : Les incitations monétaires avec
la performance absolue
Idéalement, le problème des incitations à
mettre en place pour amener les agents à coopérer pourrait
être facilement résolu si on pouvait mesurer sans
ambiguïté leurs contributions individuelles [Ménard, 2004].
C'est ce que prédit le principe de rémunération des
facteurs à la productivité marginale. Dans cette section, nous
présentons deux types des incitations monétaires à la
performance absolue : la rémunération à la
performance et le modèle à paiement différé ou la
rémunération à l'ancienneté.
1- La rémunération à la performation
et le problème « principal-agent »
Le salaire variable se caractérise simplement à
attacher la compensation de salarié à la mesure de la performance
basée sur l'output28(*). Dans certains cas, afin de motiver les
salariés, il existe un lien contractuel explicite entre le salaire et la
mesure de la productivité ou de la performance individuelle [Milgrom et
Roberts, 1997]. La rémunération à la performance, dont le
salaire aux pièces constitue la modalité la plus pure, est sans
doute la méthode la plus connue pour résoudre le problème
« principal-agent », i.e. pour inciter les agents à
agir dans l'intérêt du principal. Selon Stankiewicz [1999], un tel
dispositif n'est convenable que si les résultats du travail (l'output)
peuvent être mesurés avec une objectivité suffisante.
Lazear [1999 ; 2004] suggère qu'il y a deux grands effets
liés au système de la rémunération à la
performance sur la productivité de la firme : l'effet des
incitations et l'effet de sélection.
1-1- L'effet des incitations
Depuis plusieurs décennies, le recours au salaire
variable s'est largement répandu. « Le recours accru au
salaire variable est généralement associé au souhait de
créer des incitations »29(*).
Le salaire variable est pratiqué dans de nombreux pays,
en particulier au Japon, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Italie [Lazear,
2004]. Au Japon, le salaire à la performance fut introduit pour des
raisons historiques afin d'accroître le niveau de capital après la
seconde guerre mondiale. Au Royaume-Uni, c'est sous le gouvernement de Margaret
Thatcher que le salaire à la performance a été
expérimenté pour réduire le chômage. En effet,
l'utilisation du salaire à la performance est justifiée par la
théorie macroéconomique selon laquelle les salaires flexibles
permettent d'accroître le niveau de l'emploi en période de
récession.
La justification du salaire à la performance qui vient
le plus souvent à l'esprit est qu'il génère des
incitations pour les travailleurs alors que le salaire au temps
génère une productivité faible. Alors, on qualifie souvent
de dispositif à fort potentiel incitatif le système de salaire
à la performance. Dans ce cas, le salaire à la performance peut
inciter les salariés à faire des efforts au travail et puis le
problème « principal-agent » sera résolu.
Pour Lazear [1986], le problème « principal-agent »
est au centre de la littérature de contrat incitatif. Le principal
(l'employeur) veut induire son agent (l'employé) à se comporter
de la manière qui est avantageuse à l'employeur.
Lazear [1995] suggère que les arrangements optimaux
doivent accomplir deux choses. En premier lieu, ils doivent inciter un
salarié donné à exercer le niveau de l'effort
approprié. En second lieu, ils doivent inciter les bons salariés
à travailler pour la firme. Sous la neutralité de risque,
l'arrangement optimal de paiement est linéaire, ce qui entraine un
niveau de l'effort élevé. Généralement, l'objectif
de la firme est de maximiser le profit mais elle doit payer les salariés
suffisamment afin de les inciter à travailler pour la firme. Le
problème peut être divisé en deux étapes.
- La première étape est l'offre de travail: il
est nécessaire de déterminer quel niveau d'effort ou de nombre
d'heures de travail qu'un salarié fournira pour une certaine structure
de compensation donnée.
- La seconde étape, avec le comportement de l'offre de
travail d'un salarié donné, est que la firme doit choisir la
formule de compensation qui maximise des bénéfices.
Le modèle simple
On considère toujours deux parties, un principal
(l'employeur) et un agent (l'employé) dotés de fonctions de
préférence distinctes. On suppose que le principal détient
des droits sur un actif, dont il espère tirer parti, par exemple en
produisant l'output Q. Pour ce faire, il doit compter sur l'effort e
de l'agent qui est inobservable par le principal. On a donc une relation du
type :
Q = F (e, è), où è est un état de
nature30(*).
Donc, l'output est déterminé à la fois
par l'effort de l'agent et de l'état de nature dont on suppose qu'il a
une espérance nulle (E (è) = 0). Normaliser la mesure de l'effort
de sorte qu'une unité d'effort produit une unité de l'output.
Alors,
Q = e +
è (1)
Le problème du principal est alors de trouver un
contrat capable d'amener l'agent à entreprendre l'action qui va servir
au mieux ses intérêts, ici maximiser Q. La difficulté pour
le principal, qui propose le contrat, est d'anticiper qu'il ne saura
déterminer avec certitude si le résultat observé Q vient
de l'action choisie par l'agent ou de l'état de nature. Il tentera donc
de formuler ex ante un contrat en fixant une règle de
rémunération, minimisant les risques liés à ces
« bruits », de manière à pouvoir coordonner
et contrôler les actions des agents, approchant ainsi de la valeur
maximale de Q. Dans ce qui suit, nous ne traiterons que des incitations
monétaires, c'est-à-dire la contrepartie monétaire que
reçoit l'agent en récompense de son activité. Le principal
possède l'output mais il doit contracter pour le partager avec l'agent
en payant un salaire W contingent à cet output. Par rapport
à la forme du contrat, nous nous restreindrons à un contrat
linéaire W(Q) qui prend la forme suivante :
W(Q) = á + âQ ou W(Q) = á + â(e +
è) (2)
Où á est une composante fixe et â un
paramètre déterminant la proportion du produit Q qui reviendra
à l'agent31(*). Ces
deux paramètres sont choisis par la firme. Cela est un type de
rémunération aux pièces avec un salaire minimum garanti.
La rémunération est donc constituée d'un montant de base
á et d'une quantité qui varie en fonction d'output observable Q.
â sert à indiquer l'intensité des incitations fournies
à l'employé. Ainsi, plus â est élevé, plus le
contrat est incitatif, mais il va également imposer plus de risque
à l'agent.
L'employeur peut espérer dégager un profit:
Ï = Q - W (3)
Dans l'hypothèse où le principal est neutre par
rapport au risque, il cherchera à maximiser son profit, E (Q - W).
E (Q) - (á + âe) ; E (è) = 0
e - (á + âe) (4)
De son côté, l'agent qui accepte le contrat doit
fournir un effort qui a un coût, C(e). Le coût d'effort est souvent
désigné sous l'appellation
« désutilité ». Il peut s'agir en effet d'une
perte d'utilité (ou bien-être) due au fait de travailler tard le
soir, de ne pas se reposer longuement durant la journée de travail,
d'utiliser ses soirées et week-ends à se former, de ne pas
utiliser les actifs de l'entreprise pour un bénéfice personnel,
etc. [Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005]. On suppose la fonction de coût
convexe, de sort que le coût marginal de l'effort va croissant : il
est plus fatiguant d'accroître son effort lorsqu'on travaille
déjà 50 heures que lorsqu'on travaille 35 heures. Ici, C'(e) et
C"(e) sont positifs. Il garantit que la solution implique les niveaux d'effort
finis.
L'agent cherche aussi à maximiser son utilité
qui dépend à la fois de la rémunération qu'il
reçoit mais aussi du coût de l'effort. Son utilité
s'écrit de manière suivante:
U = W - C(e) (5)
Pour inciter le salarié à choisir un niveau
d'effort élevé, il faut satisfaire une contrainte d'incitation
qui spécifie simplement que l'utilité du salarié est plus
importante quand il choisit l'effort élevé.
(6)
Comme l'output Q = e + è, (6) devient :
Avec la condition du premier ordre :
[[á + âe] - C(e)] = 0 ; E (è) = 0
â - C'(e) = 0
C'(e) = â (7)
L'équation (7) est la fonction de l'offre de travail du
salarié que la firme considère comme donné quand elle
maximise des profits en choisissant les paramètres á et â.
Le salarié fixe le coût marginal d'effort égal à son
gain marginal d'effort. Comme C"(e) > 0 et dans l'hypothèse de
neutralité de risque, l'effort augmente en â. Les taux de salaire
élevés entrainent plus de l'effort ou d'heures de travail.
Pour déterminer les niveaux de salaires optimaux, il
suffit d'ajouter la contrainte de participation du salarié, qui affirme
que celui-ci doit obtenir une utilité espérée au moins
aussi grande que l'utilité la plus importante qu'il pourrait obtenir
hors de cette relation d'emploi ou que sa désutilité dans cette
relation d'emploi. La contrainte de participation s'écrit comme
suit :
E (W) = C(e)
Comme E (è) = 0, on obtient : á + âe
? C(e) (8)
L'équation (8) nous montre que le salarié doit
gagner assez pour couvrir sa désutilité au niveau
d'équilibre de l'effort. La substitution de (8) dans (4) rapporte :
e - C(e)
Avec la condition du premier ordre :
= [1 - C'(e)] = 0 (9)
(= 0, la seconde condition est donc superflue)
L'équation (9) implique que la firme choisira â
afin de provoquer l'efficacité. La firme, dans sa recherche de profit,
incite le salarié à fixer le coût marginal d'effort
égal à sa valeur sociale marginale d'effort. A partir de
l'équation (7) et (9), on obtient: â = 1. Après que â
a été choisi, le niveau optimum de l'effort est
déterminé par l'équation (7). (8) dicte la taille du
á nécessaire pour attirer le salarié à la firme.
Pour Lazear [1995], le fait que â = 1 implique que les
employés avec le salaire aux pièces devraient avoir droit au
bénéfice résiduel entier. Ainsi, ce type de
rémunération est le plus efficient dans ce modèle.
Toutefois, la firme doit « charger » le travailleur pour le
coût d'utilisation du capital32(*). Pour cela, il y a deux solutions, soit â est
réduit en-dessous de 1, soit á est fixé à un
nombre négatif. Selon Lazear, la réponse est que á = -
(coût de location de capital) et â = 1. La raison est que si la
firme réduit â en-dessous de 1, il incite le salarié
à réduire son effort au travail. Ainsi, la firme simplement
« loue » le travail au salarié à prix
-á et le donne alors le plein output.
Lazear [1986] reconnait que les salaires aux pièces
linéaires ne sont plus les contrats incitatifs appropriés si les
travailleurs ont de l'aversion au risque. Cette reconnaissance est
expliquée par Malgrange et al. [2004] que la politique optimale de
rémunération de l'employé dépend de son aversion
pour le risque : si l'employé est neutre au risque, les incitations
sont les plus fortes et sa rémunération dépend totalement
de la performance (â = 1), celle-ci dépendant complètement
de la variabilité du résultat. En revanche, si l'employé a
de l'aversion pour le risque, alors sa rémunération à la
performance est plus faible (â < 1) et celle-ci est d'autant plus
faible que le coût marginal est élevé et que la
variabilité du produit de la relation d'emploi est fort.
Toutefois, l'application la plus directe de l'économie
des ressources humaines est à l'offre des incitations, et l'un des
arrangements incitatifs les plus propres est le travail à la
pièce (â = 1). Lorsque l'on paie les individus sur la base de
leur output, leurs incitations sont bien évidemment alignées avec
les objectifs de la firme33(*).
L'argument de la rémunération à la
performance témoigne du pouvoir des incitations dans la réduction
de l'aléa moral. Ce schéma de rémunération se
révèle par ailleurs suffisamment puissant pour intégrer
d'autres dimensions de la relation d'emploi.
1-2- L'effet de sélection
Le salaire à la performance est aussi un instrument de
sélection des meilleurs salariés par les entreprises [Lazear,
1986; 1999; 2000a; 2000b; 2004]. La question du recrutement est en
général conçue comme un problème de
sélection adverse. Les caractéristiques des candidats à
l'embauche ne peuvent qu'être imparfaitement connues et ceci est à
l'origine de rentes informationnelles détenues par les candidats
opportunistes ou tricheurs. Dans la mesure où
l'hétérogénéité des candidats au recrutement
peut être forte, cela rend d'autant plus étendue la
rédaction du menu de contrats [Malgrange et al., 2004].
Alors que la rémunération à la
performance se justifie originellement dans un contexte d'aléa moral,
Lazear montre que ce dispositif incitatif peut être aussi mis en oeuvre
pour organiser le recrutement par un mécanisme de criblage des
employés. Cette capacité de sélection tient au fait que
les meilleurs éléments tendent à préférer le
salaire à la performance dans la mesure où ils savent que leur
performance est plus élevée que celle du reste de la
main-d'oeuvre. Les salariés qui ne peuvent pas produire un niveau
suffisamment élevé de l'output ne travailleront pas pour la firme
qui paye à la performance. Les salaires (ou les salaires horaires) qui
paie sur la base d'une mesure imparfaite d'effort encourage les salariés
de qualité inférieure à venir à la firme [Lazear,
1986]. Par conséquent, les employés de haute qualité
choisissent de travailler aux entreprises qui payent des salaires à la
pièce et ceux de basse qualité choisissent des salaires horaires.
La différence de la qualité à travers des entreprises
pourrait mener à conclure que le mouvement aux contrats incitatifs
basés sur l'output augmente l'output total.
L'illustration
Pour illustrer le double effet de la
rémunération à la performance : l'incitation et la
sélection, nous prenons l'exemple des « chauffeurs de taxi
New-Yorkais » de Lazear [1995 ; 2004].
Il y a beaucoup de manières de payer des chauffeurs de
taxi. Une possibilité est de leur louer le taxi et leur permettre de
garder tout ce qu'ils gagnent pour eux-mêmes après avoir
payé la location. C'est l'arrangement qui s'est juste
avéré optimal. L'histoire des chauffeurs de taxi compte cependant
un certain nombre d'exceptions. Par exemple, une règle de partage
répartissait la valeur du kilométrage au compteur entre les
chauffeurs et l'entreprise. Ainsi, un chauffeur acquittait un droit fixe
restreint, voire nul, à l'entreprise pour la location du taxi, mais il
ne conserve que 50% du produit des courses au compteur. Ce schéma
crée à la fois de mauvaises incitations et une mauvaise
sélection des travailleurs.
Parmi les problèmes les plus évidents est que
puisque l'entreprise ne peut pas surveiller la quantité de conduite
faite, le chauffeur de taxi et le passager peuvent faire une négociation
pour payer seulement 75% de ce que le compteur montrerait et ne pas
déclencher le compteur. Le passager et le chauffeur de taxi sont
monétairement bénéficiaires aux dépens de
l'entreprise, c'est-à-dire que le passager va payer moins et le
chauffeur de taxi va obtenir tout ce qu'il gagne même si ce montant est
inférieur à celui qui est montré par le compteur (75% par
exemple). Ceci prouve qu'il convient de donner un résiduel complet au
chauffeur de taxi pour résoudre ce problème.
Le second schéma de rémunération
soulève un autre problème d'incitation. Considérons un
chauffeur de taxi qui a travaillé pendant onze heures dans un jour
particulier et il se demande s'il continue encore une heure (i.e.
douzième heure) ou s'il ramène le taxi chez lui pour regarder la
télévision. Il raisonne que s'il conduit le taxi, il peut encore
gagner 10 dollars en une heure. Supposons qu'il évalue son loisir
lié à cette douzième heure de travail à 8 dollars.
C'est le salaire de la réservation du chauffeur. S'il partage le gain au
compteur avec son entreprise, il ne gardera que 5 dollars (= 10 dollars * 50%)
et il décidera donc de rentrer chez lui dans la mesure où cette
somme est inférieur aux 8 dollars nécessaires pour le convaincre
de continuer à travailler. En revanche, s'il garde la totalité
des 10 dollars après avoir loué le taxi pour la journée,
il continuera à travailler encore une heure. Par conséquent,
rémunérer des travailleurs en totalité en fonction de leur
performance les incite à plus d'effort.
En plus des incitations, le mécanisme de
sélection fournit une autre raison importante pour louer le taxi aux
travailleurs et leur permettre de conserver la totalité de la recette
au-delà des coûts de location.
Figure 3 : La sélection des chauffeurs de
taxi
Q
Q*
0
Rémunération
Q - á
RQ
- á
En examinant la figure 3, la politique de
rémunération à 100% au-delà de la location est
représentée par la droite qui commence sous l'origine à
-á et a une pente de 1 (taux de bonus = 1). La droite RQ, qui
représente la politique de partage des gains au compteur sans droit de
location du taxi, commence à l'origine et a une pente inférieure
à 1, par exemple 0,5.
Le résultat est la sélection. L'entreprise qui
paye (Q - á) attire les travailleurs les plus productifs, alors que
l'entreprise qui partage les gains kilométriques attire les travailleurs
les moins productifs.
En règle générale, en payant tous les
travailleurs RQ, l'entreprise perd de l'argent sur tous ceux qui produisent
moins que Q* parce que le taxi tout comme la plaque ont une valeur et un
coût. Ainsi, les travailleurs attirés par l'entreprise RQ sont
ceux qui ne sont pas rentables. Par conséquent, le schéma de
rémunération (Q - á) domine. Même en l'absence
d'effet incitatif, il vaudrait mieux pour l'entreprise payer (Q - á), ne
serait-ce que pour attirer les travailleurs de meilleure qualité.
Cette illustration montre que la rémunération
liée aux résultats a une capacité d'attraction pour les
travailleurs les plus habiles et les plus motivés qui peuvent ainsi
améliorer leur revenu.
Outre cette illustration, il y a d'autres évidences
empiriques qui soutiennent que les incitations monétaires (ici le
salaire à la performance) incitent les salariés à offrir
leur effort maximal au travail et donc augmentent leur performance, et aussi
attirent les salariés les plus productifs.
Les évidences empiriques
Dans notre recherche, nous prenons quelques études
empiriques des économistes pour mettre en lumière des effets
positifs de la rémunération à la performance sur l'effort
des salariés. La première évidence empirique que nous
présentons est réalisée par Lazear. Cette étude est
basée sur des données de Safelite Glass Corporation, une grande
entreprise qui installe des pare-brise à travers tous les Etats-Unis.
Un diagramme simple de Lazear illustre des mécanismes et les
prédictions de la théorie. Durant 1994 et 1995, Safelite a
changé son mode de rémunération en passant d'un salaire
horaire à un salaire à la pièce pour les ouvriers. Il
existe des données relatives à la performance à la fois
avant et après le changement, ainsi que des statistiques sur la
performance individuelle. Il est ainsi possible d'isoler les effets incitatifs
et les effets de sélection.
Avant le changement, tous les travailleurs étaient
payés à un salaire horaire. Ce type de salaire est
représenté par la droite horizontale correspondant à W et
il y a aussi un seuil Q0 en dessous duquel la
rémunération devient nulle, i.e. l'individu est licencié
(Voir Figure 4). Ainsi, même si les travailleurs reçoivent un
salaire horaire, ils doivent respecter un certain standard minimum s'ils ne
veulent pas perdre leur emploi. Face à ce mode de
rémunération, un salarié devrait préférer se
situer au point A puisque l'effort est coûteux, que les courbes
d'indifférence ont une pente positive et que le point A lui offre la
meilleure rémunération pour un moindre effort.
Figure 4 : Le schéma de compensation chez
Safelite
Rémunération
0
Q*
Q0
B
âQ - á
A
W
- á
Salaire horaire
Output, Q
Quand le nouveau mode de rémunération (ici, le
salaire à la pièce) est introduit à Safelite, les
travailleurs payés à la pièce sont assurés de ne
pas toucher moins qu'avec l'ancien système. Un paiement à la
pièce avec une pente indiquée par la droite (âQ - á)
offrirait aux travailleurs une rémunération moindre que celle
qu'ils obtenaient avec une production inférieure au niveau Q*. Ainsi,
tous les travailleurs qui réalisent une production comprise entre
Q0 et Q* obtiennent toujours un gain W. En revanche, un travailleur
qui produit plus que Q* obtiendra le montant correspondant au salaire à
la pièce. L'arrangement utilisé est que : compensation = max
[W, âQ - á], où W est le salaire garanti, â est le
taux à la pièce basé sur le montant des unités de
l'output Q et á est une limite constante pour satisfaire la contrainte
de rationalité individuelle.
Dans la figure 4, les travailleurs avec des courbes
d'indifférence en pointillés sont les plus ambitieux : ils
sont plus enclins à échanger l'effort contre le revenu en
n'importe quel point. Ils préféreraient donc le point B
plutôt qu'au point A. Par contre, un salarié avec une courbe
d'indifférence solide préférerait le point A au point B.
Donc, le salaire à la pièce n'aura aucun effet sur les individus
avec une courbe d'indifférence solide mais conduira à
accroître le produit parmi les individus avec des courbes
d'indifférence en pointillés, i.e. les travailleurs plus
productifs. Alors, le produit moyen devrait augmenter. En outre, cette
étude montre que les travailleurs embauchés sous le nouveau
régime sont, en logarithme, 0,24 fois plus productifs que leurs
collègues. L'entreprise donc attire les travailleurs les plus
productifs.
Le principal résultat du changement de mode de la
rémunération est que Safelite a connu une augmentation de sa
productivité d'environ 44%. Cette augmentation est imputable pour
moitié aux incitations (22%) et pour moitié à la
sélection (22%). Donc, l'intérêt du salaire à la
pièce est que ce schéma prend en compte à la fois
l'hétérogénéité et les incitations des
travailleurs.
En résumé, il y a trois implications dans cette
étude34(*). En
premier lieu, l'effort moyen ne diminue pas et généralement
augmente quand l'entreprise passe des salaires horaires aux salaires à
la pièce. Par conséquent, l'output moyen augmente. C'est l'effet
incitatif. En second lieu, les capacités moyennes de la main-d'oeuvre
augmentent parce que les capacités de l'ouvrier moins qualifié ne
changent pas en raison du changement dans l'arrangement de compensation, mais
les capacités de l'ouvrier plus productif montent. Le changement aux
salaires à la pièce a pour effet d'améliorer la
conservation et le recrutement des ouvriers les plus productifs. C'est l'effet
de sélection. En troisième lieu, la variance de capacité
de l'ouvrier et la quantité de l'output augmente après le passage
aux salaires à la pièce.
Dans ce qui suit, nous montrons une autre évidence
empirique qui supporte un effet incitatif d'une rémunération
à la pièce35(*). Autrement dit, le salaire à la pièce
incite des travailleurs à faire des efforts dans le travail, et donc la
productivité augmente. Cette évidence statistique,
réalisée par Paasch et Shearer [2000], est tirée du
registre du personnel dans une compagnie qui s'occupe de plantation d'arbres en
Colombie-Britannique. Les résultats de cette étude
suggèrent que l'augmentation de la productivité résultant
du passage d'une rémunération fixe à une
rémunération à la pièce soit de 22.6%. Les
résultats confirment la présence d'un effet incitatif,
c'est-à-dire que les ouvriers payés à la pièce sont
plus productifs que ceux avec des salaires fixes.
L'évidence d'une expérience sur le terrain de
Shearer [2004] soutient également l'effet incitatif de système
des salaires à la pièce. Les données de cette
expérience sont utilisées pour estimer le gain dans la
productivité qui est réalisée quand les ouvriers sont
payés aux salaires à la pièce plutôt qu'aux salaires
fixes. L'expérience a été entreprise au sein d'une
compagnie qui s'occupe de plantation d'arbres et fournit des observations
quotidiennes sur la productivité de chaque ouvrier sous les deux
systèmes de compensation. L'analyse sans restriction des données
expérimentales estime que le gain de productivité est de 20%.
Les résultats des études de Lazear [2000b], de
Paash et Shearer [2000], et de Shearer [2004] semblent compatibles avec
l'étude de Gielen et al. [2006] sur un panel de 1166 firmes hollandaises
durant 1995-2001. Le résultat montre que l'introduction de
système de la rémunération à la performance
augmente la productivité du travail de 9%. Cette augmentation provient
partiellement de l'effet incitatif et partiellement de l'effet de
sélection.
En conséquence, l'exemple des chauffeurs de taxi
New-Yorkais et les données des évidences empiriques ci-dessus
confortent à la fois le rôle de la sélection et le
rôle des incitations dans le choix de la rémunération
à la performance. En asymétrie d'information, ce mode de
rémunération a pour effet de signaler la qualité des
individus. La rémunération à la performance a
été donc justifiée comme mécanisme contractuel
efficace pour résoudre le problème
« principal-agent » parce qu'il aligne les
préférences des firmes et ceux des employés.
Outre le système de la rémunération
à la performance, il y a un autre système qui est un
mécanisme d'incitation très efficace, à savoir le
modèle à paiement différé. Analogue à la
rémunération à la performance, les salariés avec le
contrat à paiement différé sont payés sur la base
de leur performance, mais c'est la performance dans le passé, pas la
performance courante. C'est pourquoi la rémunération dans ce
modèle est croissante avec l'ancienneté des salariés.
2- Le modèle à paiement
différé
Le modèle à paiement différé est
une explication de la croissance de la rémunération avec
l'ancienneté. Toutefois, cette assimilation peut porter à
confusion dans le cas français où la rémunération
à l'ancienneté est associée à des augmentations de
salaires systématiques catégorielles sans liens avec la
performance individuelle. Le contrat à paiement différé
est interindividuel et consiste à récompenser a posteriori le
niveau d'effort consenti par des augmentations de salaires
irréversibles36(*).
Ce type de contrat permet de pallier les inconvénients d'une relation
d'emploi marquée par une asymétrie d'information où le
travailleur est susceptible d'adopter l'attitude du tire-au-flanc.
Selon Lazear [1995], le contrat à paiement
différé permet également à la firme de motiver les
employés qui sont enfermés dans une position particulière
et sont pratiquement certains de rester là sans promotion pour le reste
de leur carrière. Ce contrat doit rendre les augmentations des salaires
futures dépendantes de la performance courante. Par conséquent,
même si le poste du travail de salarié ne change pas, il peut
encore être récompensé sous forme de salaire croissant.
Ce genre d'arrangement incitatif est très semblable
à un salaire à la pièce parce que la performance de
salarié est observée et alors il est compensé sur la base
de cette performance. Cependant, Lazear [1995] indique deux différences
entre ces deux contrats incitatifs.
Premièrement, la période dans laquelle
l'évaluation de la performance est faite est habituellement plus longue
avec le cas de contrat à paiement différé qu'avec le cas
de salaire à la pièce. Quand les travailleurs sont payés
à la pièce, ils reçoivent généralement le
paiement pour le travail effectué pendant un intervalle très
récent comme une période de deux semaines. Par contre, dans le
modèle à paiement différé, l'intervalle est
habituellement beaucoup plus long, une année ou un certain nombre
d'années. Ici, les augmentations de salaires sont données pour la
bonne performance dans le passé.
La deuxième différence principale entre la
compensation différée et les salaires à la pièce
est que le travailleur doit continuer à être employé afin
de retirer les avantages d'une augmentation des salaires pour la bonne
performance. Avec le salaire à la pièce, la performance
passée de travailleur est récompensée sous forme de
paiement immédiat qui n'est pas contingent de l'emploi futur. Avec la
compensation différée, le travailleur doit rester dans la firme
afin de capturer les récompenses pour la bonne performance dans le
passé.
Le principe du modèle à paiement
différé consiste à exiger du travailleur un niveau
d'effort conséquent au cours d'une première période, ce
dernier étant récompensé au cours d'une seconde
période [Lemistre, 2000b]. Autrement dit, le mécanisme dans ce
modèle incite les travailleurs en les payant moins que leur contribution
productive quand ils sont jeunes et plus que leur performance quand ils sont
âgés. Les travailleurs plus âgés sont bien
rémunérés, pas tellement en raison de la performance
supérieure lorsqu'ils sont âgés mais plutôt parce que
leur compensation élevée sert à les motiver pendant les
premières années de leur carrière [Lazear, 1995; 1999;
2000a]. Par conséquent, le salarié qui ne souhaite pas perdre les
bénéfices futurs de l'effort fourni en première
période est incité à ne pas adopter l'attitude de
tire-au-flanc. La rémunération à l'ancienneté
apparaît alors comme un mécanisme incitatif, les salariés
étant récompensés a posteriori des efforts passés.
Figure 5 : Le paiement différé et la
date optimale de départ en retraite
Caution
Rente
W, Pm
W
Pm
temps
T
t*
0
Par ce graphique, le contrat de long terme, établi sur
le cycle de vie du salarié, se déroule comme suit. Dans la
première période de sa carrière, allant de 0 à t*,
le salarié reçoit moins que ce qu'il produit (le salaire W est
inférieur à la productivité marginale Pm). Il y a le
dépôt progressif d'une caution qui lui sera progressivement
restituée au cours de la seconde période de sa carrière
(de t* à T, où W excède Pm)37(*).
Le salarié n'a pas intérêt à
tricher de 0 à t* parce que, s'il est licencié, il ne
récupérera pas sa caution. Dans ce cas, les valeurs
actualisées de la rente et de la caution doivent être
égales. Dans un tel système de rémunération, le
salarié est incité à être productif [Gautié,
2002] car cela permet de garantir un comportement honnête et
sérieux des salariés dans le travail [Milgrom et Roberts, 1997].
Selon Dohmen [2004], ce contrat est susceptible non seulement d'inciter les
travailleurs à augmenter leur productivité, mais également
de réduire le turnover dans l'entreprise.
Pour l'employeur, le souci de ne pas compromettre sa
réputation ce qui rendrait difficiles les recrutements à venir,
l'incite à se comporter loyalement de t* à T. Le mécanisme
de paiement différé n'est donc viable que si l'employeur est en
mesure de promettre aux salariés de verser, en fin de carrière,
des salaires supérieurs à leur productivité marginale et
donc supérieurs à ce qu'ils pourraient gagner ailleurs.
D'ailleurs, le modèle à paiement
différé permet également de résoudre le
problème de sélection adverse car si le salarié est moins
productif que prévu, il est probable que la caution ne lui sera pas
restituée. Le travailleur a donc tout intérêt à
révéler la valeur exacte de sa productivité s'il veut
percevoir la rente de fin de carrière [Lemistre, 2000b].
Ex post en T, la rémunération perçue est
encore supérieure à la productivité marginale du
salarié dont l'intérêt immédiat est de continuer
à travailler. Mais si le travailleur ne quitte pas son poste en T, le
total des rémunérations perçues dépasse sa
contribution productive pour toute la carrière et le contrat n'est plus
un optimum de premier rang. C'est la raison pour laquelle il est
nécessaire de définir à l'avance les conditions du
départ à la retraite.
Selon Stankiewicz [1999], ce modèle établit les
fondements de pratiques, destinées à fidéliser le
personnel, telles que la cotisation de l'entreprise à des fonds de
pension (Etats-Unis) ou l'octroi d'une prime substantielle lors du
départ en retraite du salarié (Japon).
En conséquence, la rémunération
croissante avec l'ancienneté permet de régler le problème
d'aléa moral (incitation à ne pas tricher et à augmenter
le niveau d'effort au travail) et un problème de sélection
adverse parce que, d'une part, un salaire de départ faible aboutit
à l'auto-sélection des candidats qui ont le projet de rester dans
l'entreprise et, d'autre part, si la productivité observée est
moins importante que prévue au moment de l'embauche, il risque de perdre
sa caution. De plus, ce modèle aboutit à réduire le
turnover du personnel dans la firme.
En conclusion, le système de la
rémunération à la performance et le contrat à
paiement différé sont les incitations monétaires à
la performance absolue qui poussent les travailleurs à faire des efforts
pour augmenter leur productivité au sein de la firme. Ces deux
systèmes peuvent donc régler le problème principal-agent
et fonctionnent à condition que la performance des salariés soit
mesurable.
Bien que les rémunérations basées sur la
performance soient efficaces, au moins dans une certaine mesure, se pose quand
même le problème de la mesure de la performance quand celle-ci
n'est pas facilement observable ou quantifiable. Dans la section suivante, nous
présenterons les situations dans lesquelles la performance individuelle
est difficilement mesurable. Et puis, nous proposerons également
certaines solutions possibles pour ces situations.
Section 2 : Les incitations monétaires avec
la performance non vérifiable
Dans la section précédente,
nous avons étudié le problème d'incitation qui commence
par l'hypothèse que l'effort de l'agent est inobservable ou
invérifiable mais son output ou sa performance peut être
observable et mesurable. Par contre, cette section 2 considère
l'individualisation de la rémunération lorsque la performance de
l'individu n'est pas facilement mesurable, par exemple parce que la performance
dépend d'un effort collectif ou parce que l'individu doit effectuer
plusieurs tâches et que certaines sont plus faciles à mesurer que
d'autres. Nous allons ensuite aborder également les analyses
théoriques considérées comme les solutions possibles pour
ces situations.
1- Le travail en équipe et la situation
multi-tâches
1-1- Le travail en équipe
Supposons que l'organisation considérée est
composée d'un ensemble d'agents qui forme une équipe
définie par Alchian et Demsetz [1972] comme la production38(*). Selon ces auteurs, avec la
production en équipe, il est difficile, en observant seulement l'output
total, de définir ou de déterminer la contribution de chaque
individu à la production des inputs qui coopèrent. Par
définition, l'output total, fruit de la coopération au sein de
l'équipe, est produit par une équipe, et ce n'est pas la somme
des outputs séparés de chacun des ses membres puisque, par un
effet de synergie, la production de l'équipe est supérieure
à la somme des contributions individuelles de ses membres. Dans ces
conditions, le principe de la rémunération à la
productivité marginale pour fournir aux travailleurs la meilleure
incitation possible à l'effort productif est inapplicable et, par
conséquent, l'intensité maximum du travail n'est pas garantie.
Il y a deux conséquences liées à cet
état de fait : d'une part, il faudra rechercher une méthode
permettant d'évaluer la contribution individuelle de chacun des membres
de l'équipe à la production collective afin de les inciter
à travailler efficacement. Mais la détection des performances
individuelles comportera nécessairement un coût. D'autre part,
l'impossibilité d'observation directe des contributions individuelles
incite chaque membre de l'équipe à se comporter en passager
clandestin (free-rider) en réduisant son niveau d'effort.
La conséquence est une réduction de l'output total, mais les
resquilleurs ne supporteront qu'une partie seulement des conséquences
d'une moindre activité parce que leur rémunération n'est
pas reliée à leur productivité individuelle, mais aux
efforts issus de l'ensemble du groupe. Donc, la moindre valeur est à
partager pour l'ensemble des membres de l'équipe.
La solution proposée par Alchian et Demsetz [1972]
à ce problème consiste à modifier l'organisation de cette
production en équipe en introduisant un agent supplémentaire dont
la seule fonction est la surveillance (monitoring) des membres de
l'équipe. Les efforts individuels ne sont alors plus
évalués à partir du résultat global mais à
partir du contrôle des comportements. Cette solution n'est pas a
priori très pertinente. En effet, qui va se charger d'effectuer le
contrôle des inputs ? Et comment s'assurer que cette fonction sera
remplie efficacement, c'est-à-dire qui contrôlera le comportement
du contrôleur ? Ce problème est résolu par Alchian et
Demsetz grâce à l'introduction d'incitations appropriées
pour le contrôleur qui est un membre de l'équipe se
spécialisant dans cette tâche. Pour inciter le contrôleur
à ne pas se dérober, il suffit de le rétribuer par les
gains nets de l'équipe, c'est-à-dire nets de la
rémunération des autres inputs. En d'autres termes, plus le
contrôleur est efficace, plus le résultat de l'équipe sera
important, et donc plus le résidu, ce qui reste après paiement
des autres membres de l'équipe, sera élevé. Dans ce cas,
le contrôleur devient alors le créancier résiduel des
résultats de l'équipe. De plus, selon Alchian et Demsetz [1972],
le contrôleur doit posséder un certain nombre de droits
nécessaires pour rendre crédible sa fonction de
surveillance39(*).
L'organisation ainsi définie s'apparente à ce qu'ils appellent
capitaliste entrepreneuriale.
Par conséquent, grâce au mécanisme
d'incitation monétaire, le contrôleur, le créancier
résiduel, est incité à ne pas se dérober, il va
contrôler efficacement le comportement des membres de l'équipe, et
le résultat de l'équipe sera donc important. Cependant,
l'attribution de la totalité du résidu au contrôleur est
une solution coûteuse. Nous pouvons trouver des alternatives moins
coûteuses qui se présenteront dans la sous-section 2 du
chapitre.
Dans ce qui suit, nous présentons une autre situation
qui pose aussi le problème d'incitation dans la firme. Il s'agit d'une
situation multi-tâches.
1-2- Les activités multi-tâches
Quand l'agent a des tâches multiples,
ou une tâche a beaucoup de dimensions, un autre problème surgit
dans la firme. Dans une situation où l'agent doit effectuer plusieurs
tâches, le contrat doit en plus allouer l'attention (limitée) de
l'agent entre les différentes tâches. Nous prenons un simple
exemple de Holmström et Milgrom [1991], les ouvriers de fabrication
peuvent être responsables de la production de l'output avec un volume
élevé et de bonne qualité, ou ils peuvent
être requis de produire l'output et de prendre soin des machines qu'ils
utilisent40(*).
Intuitivement, si nous souhaitons que le salarié conduise ces
tâches assignées, il faut faire en sorte que le mécanisme
d'incitation balance les incitations de ces activités. Holmström et
Milgrom [1991] indiquent que les incitations dirigent l'allocation de l'effort
entre les tâches, en plus d'attribuer le risque et d'induire l'effort.
Les incitations fortes sur une certaine tâche mèneraient à
la distorsion dans l'allocation d'effort parmi des tâches. Si une
certaine tâche est très difficile à mesurer, la
récompense d'autres tâches mène à une concentration
d'effort sur la tâche récompensée et aucun effort n'est mis
dans l'autre tâche.
Dans le premier cas, s'il est facile à mesurer le
volume de l'output mais que la qualité ne l'est pas, le système
des salaires à la pièce pour l'output peut mener des agents
à augmenter le volume de l'output aux dépens de la
qualité. Ou bien, si la qualité peut être assurée
par un système de la surveillance, les salaires à la pièce
peuvent mener des agents à abuser de l'équipement partagé.
En général, quand il y a des tâches multiples, la
rémunération incitative sert non seulement à assigner des
risques et à motiver les salariés à travailler dur, il
sert également à diriger l'attribution de l'attention des agents
parmi leurs diverses fonctions. Ceci distingue donc la théorie
multi-dimensionnelle de modèle principal-agent de la dimension
unique41(*). Afin
d'induire l'agent à attribuer le temps à toutes les tâches
assignées, les mêmes incitations doivent être offertes sur
toutes les tâches. Les agents réattribuent des efforts entre les
activités quand les efforts sur des tâches sont substituts ou
compléments. Par exemple, si le temps est limité, plus de temps
sur une tâche mène probablement à moins sur d'autres. De
telles opportunités de substitution contraignent la capacité de
la firme à offrir le salaire à la pièce42(*). Si le principal souhaite que
l'agent alloue un montant strictement positif de son temps aux tâches
assignées, il doit égaliser les bénéfices
marginaux; autrement dits les bonus devront être égaux
[Holmström et Milgrom, 1991]. Dans le cas contraire, l'allocation du temps
disponible de l'agent va en priorité à la tâche qui a le
rendement marginal le plus important.
Selon Holmström et Milgrom [1991], il
est parfois optimal de fournir des incitations nulles pour toutes les
tâches qui sont en concurrence alors même que l'on dispose de
mesures de performance pour certaines tâches. Alors, lorsque plusieurs
activités entrent en compétition dans l'allocation de l'effort de
l'agent, qu'il est impossible ou très coûteux de mesurer la
performance pour une des tâches, il est optimal de ne pas fournir
d'incitation pour l'ensemble des tâches. L'agent sera alors payé
à une rémunération fixe. Plus généralement,
les auteurs suggèrent que si le principal souhaite récompenser
une activité, il peut le faire de deux manières : soit en
augmentant la rémunération qui récompense un effort plus
important pour cette activité, soit en réduisant le coût
marginal d'opportunité de l'effort pour la tâche qu'il souhaite
encourager par la suppression ou réduction des incitations pour
l'ensemble des activités qui lui sont concurrentes.
Il y a d'autres auteurs comme Baker, Gibbons et Murphy [1994]
qui proposent d'utiliser les évaluations subjectives pour
résoudre le problème de mesure de la performance dans la
situation multi-tâches. Nous allons revenir sur ce point en détail
dans la sous-section suivante. D'ailleurs, Fehr et Schmidt [2004] ont
réalisé une expérimentation qui confirme que les
incitations explicites fortes sur seulement quelques tâches dont la
performance est facilement mesurée peuvent être nuisibles dans un
environnement de multi-tâches. Une solution possible à ce
problème est un contrat de bonus discrétionnaire où le
principal peut récompenser l'agent en basant son évaluation sur
des performances subjectives qui offre une image plus holistique des efforts de
l'agent. Avec cette solution dans l'expérience, de nombreux agents
choisissent l'effort élevé sur toutes les tâches.
En résumé, dans le modèle de travail en
équipe où les employés (les membres de l'équipe)
choisissent simultanément leurs niveaux d'effort, chacun aura tendance
à exercer un effort trop faible (le comportement de passager clandestin)
en comptant sur les contributions des autres puisque les contributions
individuelles à l'output total ne peuvent pas être facilement
identifiables. En outre, dans la situation multi-tâches, lorsque les
mesures observables de performance existantes ne reflètent que l'effort
dans une des tâches à effectuer, l'employé dont la
rémunération est incitative exercera un effort trop important
pour cette tâche au détriment des autres. L'allocation de l'effort
présentera une distorsion. Pour régler ces deux problèmes
importants, outre la solution proposée par les auteurs au-dessus, il y a
d'autres solutions des analyses théoriques en s'appuyant sur les
incitations monétaires.
2- Les solutions possibles des problèmes de travail
en équipe et de situation multi-tâches
Dans la sous-section précédente, nous avons
présenté le problème posé par la théorie des
incitations standard à savoir la difficulté à obtenir des
mesures objectives de la performance de l'employé. Cela pose encore le
problème d'incitation au sein de la firme : le problème de
passager clandestin dans le cas de production en équipe et celui de
l'allocation de l'effort de l'employé dans le cas de situation
multi-tâches. Dans cette sous-section, nous avons quatre modèles
pertinents pour résoudre efficacement ces problèmes. Ils sont la
pression du groupe, le modèle des tournois, le modèle du salaire
d'efficience et l'évaluation subjective de la performance.
2-1- La pression des pairs
La pression des pairs (peer pressure) se
définit comme l'ensemble des mécanismes de contrôle mais
aussi de sanction mis en place par les membres de l'équipe
eux-mêmes afin de discipliner leurs pairs [Masclet, 2003 ; 2004;
Prendergast, 1999]. Le modèle de la pression des pairs a
été modélisé initialement par Kandel et Lazear
[1992]. Selon Masclet [2004], lorsque le travail est organisé en
équipe de production et que les performances sont
interdépendantes, il devient de plus en plus difficile de
contrôler les performances individuelles. Comme la mesure de la
contribution individuelle est difficile, voire impossible, si une incitation
financière est envisagée, elle ne peut l'être que sur la
base du groupe [Milgrom et Roberts, 1997; Prendergast, 1999]. L'augmentation de
l'intensité incitative dans la récompense du groupe accroît
l'effort des membres du groupe, et donc la performance globale est
également élevée [Zenger et Marshall, 2000].
Néanmoins, ce caractère incitatif est souvent remis en cause dans
la mesure où chaque salarié doit partager le rendement de son
effort avec tous les autres salariés de l'entreprise. Chaque
salarié est alors incité à se comporter comme un
resquilleur en se reposant sur les efforts de ses collègues. En effet,
les pratiques de partage des profits peuvent conduire les membres du groupe
à tirer avantage de leur appartenance au groupe sans toutefois
participer totalement à la génération du profit. Alors,
comment résoudre le problème de passager clandestin au sein d'une
équipe de production avec partage de profits ?
Toutefois, si un schéma de rémunération,
fondé sur le partage des profits, fournit aux agents des incitations
fortes à adopter un comportement opportuniste, il peut également
les inciter à se contrôler mutuellement dans la mesure où
un tel comportement affecte l'ensemble de l'équipe. En effet, si un
agent adopte un comportement opportuniste, il réduit la
rémunération des autres membres de l'équipe puisque la
rémunération de chaque membre du groupe dépend non
seulement de son propre effort mais également de celui des autres
membres de l'équipe [Masclet, 2003 ; 2004]. Dès lors, les
membres de l'équipe peuvent être incités sous certaines
conditions à exercer une pression sur leurs pairs afin de les inciter
à coopérer davantage, à encourager chacun à fournir
des efforts, à se comporter convenablement et donc à
accroître la rémunération de chaque membre du groupe. Ces
mécanismes sont alors, du point de vue de l'incitation des
salariés à l'effort, toujours aussi efficaces que ceux
basés sur une rémunération de la performance individuelle
[Richard, 2001]. Dans ce cas, la présence d'un agent
spécialisé dans la fonction de contrôle n'est plus
nécessaire lorsque les agents se contrôlent mutuellement et sont
incités à le faire du fait de l'existence d'un système de
partage des profits.
Masclet [2003] suggère que la pression des pairs doit
reposer sur trois conditions essentielles pour être efficace.
Premièrement, la pression des pairs doit reposer sur un système
de partage des profits. Quand les profits sont partagés entre les
membres de l'équipe, la rémunération de chaque membre du
groupe dépend non seulement de son propre effort mais également
de l'effort des autres membres de l'équipe. De ce fait, ce
système de rémunération incitative incite les agents
à se contrôler mutuellement. Le partage des profits, un
mécanisme incitatif monétaire43(*), est donc une condition
nécessaire de la pression des pairs. Deuxièmement, pour que la
pression des pairs soit efficace, il faut également que les sanctions
imposées par les pairs affectent suffisamment les comportements des
membres. Kandel et Lazear [1992] indiquent que l'efficacité de la
pression des pairs est étroitement liée à la notion
d'empathie. En effet, lorsque les membres du groupe sont des amis ou des
parents, l'empathie est forte et toute déviation suscite alors des
sentiments de honte et de culpabilité plus forts que si le groupe
était constitué d'individus ne se connaissant pas. Les cercles de
qualité japonais s'appuient également sur cette notion d'empathie
[Masclet, 2003]. Les entreprises japonaises n'hésitent alors pas
à investir des sommes colossales afin de créer un esprit
d'équipe reposant sur l'empathie. Cet esprit d'équipe canalise
les comportements et peut réduire les comportements opportunistes
puisque chaque membre de l'équipe doit être loyal envers l'autre
et ne pas se comporter comme passager clandestin. Troisièmement,
l'efficacité de la pression des pairs dépend étroitement
de la taille de l'équipe. Lorsque la taille de l'équipe
s'accroît, les relations deviennent plus impersonnelles et il devient
dès lors plus difficile de contrôler les autres membres de
l'équipe [Kandel et Lazear, 1992; Zenger et Marshall, 2000].
L'efficacité de contrôle mutuel devrait donc demeurer
étroitement liée à la taille du groupe. En outre, à
mesure que la taille du groupe augmente, les gains inhérents à
l'exercice de la pression des pairs, en termes d'augmentation de l'output, se
diluent également, ce qui risque de faire émerger un
problème de passager clandestin et donc le niveau d'effort diminue. On
peut dire, dans ce cas, que la diminution des incitations monétaires
entraîne une baisse du niveau d'effort des membres de l'équipe. Il
existerait donc une taille optimale du groupe au-delà de laquelle la
pression des pairs est moins efficace et où les sanctions sont
difficiles à mettre en place44(*).
Dans l'article de Masclet [2004], les résultats
expérimentaux montrent que les membres de l'équipe
n'hésitent pas à sanctionner les comportements opportunistes et
que l'exercice de la pression des pairs accroît considérablement
le niveau de coopération au sein des équipes de travail. Enfin,
on peut conclure que les incitations monétaires jouent un rôle
vital dans la mise en oeuvre de la pression des pairs. En effet, grâce
à la rémunération incitative (ici, le partage des
profits), les agents se contrôlent mutuellement au sein du groupe car si
un agent adopte un comportement opportuniste, il va réduire la
rémunération des autres membres de l'équipe. Par
conséquent, les agents vont augmenter leur effort au travail, ce qui
entraîne une augmentation de la rémunération de l'ensemble
de groupe, et donc la rémunération individuelle va
également accroître.
Dans ce qui suit, nous étudierons la mesure de la
performance relative, qui est une solution alternative au problème
d'incitation dans la situation où la performance absolue des individus
est difficile, voire impossible, à mesurer ou quantifier. Il s'agit du
modèle des tournois.
2-2- Le modèle des tournois
La littérature sur le problème
« principal-agent » s'est penchée sur la nature des
contrats optimaux quand il y a difficulté à contrôler tous
les aspects de la performance d'un agent [Malcomson, 1984]. Le modèle de
base, qui correspond à un mécanisme incitatif simple souvent
utilisé dans la réalité, supposait la capacité de
mesurer les contributions des agents, par exemple le nombre de pièces
produites. Lorsque la mesure de la performance absolue est impossible, ou trop
coûteuse, une alternative consiste à se reporter sur une mesure
relative, fondée sur la comparaison. Dans le cas de la production en
équipe d'Alchian et Demsetz [1972], un arrangement de paiement
basé directement sur une mesure de la performance individuelle est
inapplicable, et si un autre genre d'arrangement incitatif n'est pas
disponible, le principal ne pourra pas obtenir la performance minimum attendue
de l'agent dans sa tâche. Dans un article où le contexte d'un
principal employant beaucoup d'agents était décrit, se
présentait la solution d'un contrat avec le paiement basé sur le
rang de la performance des employés. Il s'agit tout simplement de
l'esprit des tournois de Lazear et Rosen en 1981. Ce contrat peut être
utilisé en tant que moyen d'incitations de la performance même
sous l'asymétrie informationnelle [Malcomson, 1984].
Le premier rapport des incitations basées sur la
performance relative, appelé la théorie des tournois, est
réalisé par Lazear et Rosen [1981] qui indique l'existence d'une
relation positive entre la dispersion salariale intra-firme et le niveau
d'effort fourni par les travailleurs. L'idée directrice de modèle
des tournois est de payer certains agents plus que d'autres en raison de leurs
performances relatives. Les concurrents sont classés selon un ordre de
mérite et c'est uniquement leur rang dans ce classement qui va
déterminer l'obtention ou non des récompenses mises en
jeu45(*). Celui qui a la
meilleure performance reçoit un salaire supérieur ou une prime,
alors que celui qui a une performance moindre reçoit un salaire moindre.
Par conséquent, l'essentiel de la théorie des tournois est que
des individus peuvent être motivés simplement par comparaison avec
leurs pairs ou par comparaison à une certaine norme, et la compensation
(le bonus ou la promotion) dans ce cas est fixée à l'avance et
dépend de la position relative de quelqu'un dans la firme. Le
résultat expérimental de van Dijk et al. [2000] montre que les
arrangements de paiement relatif (ou les tournois) génère un
effort élevé en moyenne. En principe, l'accroissement de
l'écart entre le prix de gagnant et de perdant devrait augmenter la
puissance du mécanisme incitatif des travailleurs [Lazear, 1986; 2000a;
Ménard, 2004]. Supposons que le prix en argent se compose de 500 000
dollars. Les prix peuvent être dédoublés également
de sorte que le gagnant obtienne 250 000 dollars et le perdant obtienne 250 000
dollars. Dans ces circonstances, ni l'un ni l'autre joueur ne sera
particulièrement tenté de remporter, et pas beaucoup d'effort
sera consacré à l'activité. Si, cependant, le gagnant
touche 500 000 dollars, et le perdant obtient zéro, beaucoup d'efforts
de la part des salariés seront mis dans l'activité46(*). Ainsi, plus l'écart
est important, plus les incitations des agents au travail sont grandes pour
remporter le prix dans le tournoi. L'écart optimal incite les
travailleurs à se déplacer au point où le coût
marginal d'effort est exactement égal à son
bénéfice marginal [Lazear, 1986].
Comme dans les tournois de golf ou de tennis, le montant
qu'une personne reçoit pour une victoire dépend seulement du
niveau de ses adversaires et non d'une mesure absolue de performance [Milgrom
et Roberts, 1997] et est tenté d'inciter les agents à exercer
l'effort productif [Harbring et Irlenbusch, 2003; 2004]. Ce dispositif
présente évidemment un intérêt particulier lorsqu'on
ne peut obtenir une mesure absolue des performances, ou bien lorsque la mesure
de ces performances serait trop coûteuse alors que le simple classement
suffit ; ou encore lorsqu'une incertitude forte affecte les
résultats, de sorte qu'on ne peut en faire dépendre la
récompense47(*).
D'après Lazear [1986], il y a deux avantages à
l'utilisation de la théorie des tournois. En premier lieu, les tournois
requièrent seulement la comparaison relative. La seule information
relative à la performance nécessaire dans un tournoi est donc
l'information ordinale concernant celui qui a fait le mieux et non
l'information absolue, cardinale, concernant l'écart entre la
performance du salarié et un quelconque standard absolu. En beaucoup de
circonstances, seule une information relative est disponible à un
coût raisonnable [Milgrom et Roberts, 1997]. Il peut être tout
à fait facile de déterminer qui, dans un groupe, accomplit le
meilleur travail. Alors, les tournois peuvent être une méthode
efficace pour fournir des incitations aux salariés dont la performance
est difficile à mesurer de manière absolue. En second lieu, la
compensation par le rang fait disparaître les éléments
communs à l'incertitude (un état de nature) qui affecte la
relation entre le choix du niveau d'effort des individus et leur performance
mesurée [Lazear, 1986; Milgrom et Roberts, 1997]. Par exemple, les
ventes peuvent être faibles puisque l'économie est en crise, ce
qui interrompt la relation entre l'effort des travailleurs et leur
performance. Cet évènement aléatoire échappe au
contrôle des individus. En revanche, comme cet effondrement affecte
également tous les agents en compétition, les comparaisons
relatives ne sont pas affectées. Observer la performance relative peut
permettre de mieux apprécier qui a le mieux travaillé. Ceci
permet en retour d'offrir les mêmes incitations avec un moindre risque
à ceux qui sont motivés. Le meilleur travailleur produit toujours
davantage même si tous les individus produisent un peu.
En fait, le modèle des tournois est souvent
appliqué dans une firme afin de fournir des incitations en promouvant
les plus performants vers des postes mieux rémunérés par
l'évaluation sur la base de la performance comparative par rapport
à ses collègues [Milgrom et Roberts, 1997; Lazear, 2000a].
Intuitivement, la perspective d'une promotion à un poste situé
à un échelon hiérarchique supérieur, assorti d'un
salaire supérieur, peut avoir les mêmes capacités
d'incitation qu'un niveau de rémunération, et donc avoir les
caractéristiques d'une récompense dans un système
fondé sur l'évaluation ordinale de la performance.
Par conséquent, le modèle des tournois qui est
un type de formalisation fondée sur la récompense des plus
méritants fonctionne comme un système d'incitation efficace dans
le cadre d'un contrat liant employeur et employés sur la base de la
rémunération de la performance relative48(*). Alors, grâce aux
incitations monétaires qui sont fixées à l'avance pour le
gagnant et le perdant, les salariés entrent en compétition et
offrent l'effort maximalement productif au travail. Même en cas de
promotion, les salariés font le tournoi pour être promus puisque
quand le vainqueur est promu, il va être mieux
rémunéré et avoir le statut supérieur. Ainsi, les
incitations monétaires ont encore pour fonction essentielle de pousser
les salariés à augmenter leur effort productif afin
d'accroître leur productivité.
Toutefois, le modèle des tournois apportent aussi
certains désavantages. Un inconvénient potentiel de ce
modèle apparaît lorsqu'il y a des opportunités de collusion
entre employés. Si les primes dépendent seulement de la
performance relative, alors les profits attendus de chaque individus sont les
mêmes si tout le monde tire au flanc ou si tout le monde travaille dur.
Bien sûr, tirer au flanc épargne aux travailleurs le coût de
l'effort et représente une possibilité tentante [Milgrom et
Roberts, 1997; Harbring et Irlenbusch, 2003]. Le deuxième
inconvénient est que les travailleurs augmentent la probabilité
de victoire, non seulement en faisant bien eux-mêmes, mais
également en sabotant la performance de leurs opposants par des
activités destructives [Lazear, 1986; 1995; Milgrom et Roberts, 1997;
Winter-Ebmer et Zweimüller, 1999; van Dijk et al., 2000; Harbring et
Irlenbusch, 2003; 2004; Grund et Westergaard-Nielsen, 2005]. Dans les
organisations, une telle activité de sabotage peut prendre n'importe
quelle forme pour bloquer la coopération telle que conserver activement
l'information viable, transférer l'information fausse ou dégrader
les outils de travail utilisés par d'autres. Ceci génère
évidemment de l'inefficience.
Il existe trois solutions possibles pour atténuer les
activités de sabotage dans le modèle des tournois. La
première solution pour réduire la motivation au sabotage est de
baisser l'incitation de tournoi en diminuant la différence entre le
paiement obtenu par les gagnants et le paiement reçu par les perdants
[Lazear, 1986; 1995; Harbring et Irlenbusch, 2004]. Malheureusement, la
compression des salaires abaisse également l'incitation de
l'employé pour exercer des activités productives49(*). Alternativement, le
renforcement des activités de contrôle peut diminuer des
activités de sabotage mais ceci peut générer des
coûts potentiellement élevés. Toutefois, selon
l'équité réciproque, la dernière solution, peut
également diminuer des activités de sabotage. Si nous supposons
que des employés sont motivés par une préférence
pour la justice réciproque, des activités de sabotage sont
susceptibles d'être réduites par une action
amicale50(*) de
l'employeur [Harbring et Irlenbusch, 2004]. Une intention qui est perçue
comme amicale peut être répondue par une action aimable en retour.
L'offre d'un employeur de salaires élevés pourrait être
perçue comme amical et on pourrait supposer que les employés
répondent à un tel comportement avec un effort productif
élevé et que les activités de sabotage se réduisent
ou soient éliminées. Par conséquent, les incitations
à réduire le sabotage résulte vraisemblablement de
l'équité réciproque, ce qui ouvre bien la voie à la
coopération des salariés. Alors, cette dernière solution
correspond bien à la théorie du salaire d'efficience qui peut
aussi régler les problèmes d'incitation en cas de
difficulté pour mesurer la performance individuelle comme dans la
situation de la production en équipe et multi-tâches.
2-3- La théorie du salaire d'efficience
Le salaire peut avoir un effet positif sur la
productivité du travail lorsque la rémunération influence
positivement l'effort productif consenti par le travailleur51(*). La théorie du salaire
d'efficience (efficiency wage) prédit que les employeurs
peuvent avoir intérêt à accroître les salaires
au-delà de leur niveau concurrentiel pour améliorer la
productivité du travail [Cahuc, 2001]. Dans cette théorie, le
résultat de production dépend du niveau de salaire qui
conditionne le niveau d'effort individuel [Leclercq, 1999; Lemistre et Tahar,
2004]. Si l'entreprise tente de diminuer le salaire, dans l'optique soit
d'être plus profitable, soit d'embaucher plus, l'effort des travailleurs
déjà en place se dégradera et leur productivité
diminuera52(*).
Dans le modèle du salaire d'efficience
formalisé par Shapiro et Stiglitz [1984], on suppose que la performance
n'est pas vérifiable et qu'aucun contrat incitatif n'est possible. Le
salaire est alors le même pour tous les employés ayant les
mêmes qualifications, et est fixe. La seule solution pour l'employeur est
d'offrir un salaire supérieur au niveau de réservation de
l'individu pour que le poste soit attractif et précieux, ce qui ne
l'incite pas à tirer au flanc puisque si les travailleurs sont
aperçus à tirer au flanc, ils risquent de perdre leur emploi,
c'est-à-dire qu'ils seront mis au chômage [Prendergast, 1999;
Redor, 1999; Leclercq, 1999; Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005].
A la fin de chaque période, la firme contrôle
les résultats de l'effort de chaque salarié. Les travailleurs qui
n'ont pas été contrôlés, ou ceux qui n'ont
effectivement pas tiré au flanc, sont maintenus dans l'entreprise. En
revanche, les individus tire-au-flanc, qui ont été
contrôlés, sont licenciés, tout en recevant cependant leur
salaire sur la période où ils ont été
employés [Redor, 1999]. L'incitation à l'effort provient donc de
la perspective de conserver son emploi, avec un salaire élevé, et
la pénalité en cas d'échec est la mise au chômage.
Si les incitations sont restaurées, malgré un salaire fixe, par
l'aspect dynamique de la relation, il est à noter que le degré de
risque est généralement plus élevé que dans un
contrat qui spécifie des différentiels de
rémunération en fonction de la performance, puisque c'est ici un
risque de chômage qui doit être supporté par
l'employé. Le problème de risque moral est donc traité.
Par ailleurs, il convient de mentionner brièvement une
version sociologique de justification du salaire d'efficience : celles qui
ont été proposées par Akerlof en 1982 et qui
relèvent d'une logique différente, faisant place à des
considérations d'ordre collectif. Il s'agit d'une idée de don
contre-don qui met en évidence le rôle central joué dans
certaines entreprises par des obligations croisées entre donner,
recevoir et donner en échange53(*). La firme fait ici un don au salarié en
versant un salaire supérieur à celui du marché et en
fixant une norme d'effort faible, et en échange, les travailleurs se
sentant bien traités fournissent un effort au dessus de la norme de
travail en vigueur54(*)
[Gazier, 1992; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. La norme est fixée
en fonction de la performance moyenne du groupe et des compensations
s'opèrent entre les plus performants et les autres. De plus, chaque
agent ayant le sentiment d'être bien traité adoptera une
stratégie coopérative, ce qui peut réduire ou
éliminer les activités de sabotage entre les concurrents
présentées dans le modèle des tournois
précédemment étudié.
La théorie du salaire d'efficience peut
résoudre non seulement le problème du risque moral, mais
également le problème de sélection adverse. Lorsqu'un
employeur a une connaissance imparfaite des capacités productives des
personnes qui se présentent à l'embauche, il risque de faire une
erreur en embauchant des personnes dont les capacités sont relativement
faibles. Pour éviter une mauvaise sélection, l'employeur peut
avoir intérêt à accroître le salaire de façon
à attirer les individus qui ont les meilleures capacités [Cahuc
et Zylberberg, 1996; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. L'argument est que,
avant d'être embauché, les salariés ont un salaire de
réservation au dessous duquel ils ne souhaitent pas travailler. Ce
niveau de salaire est une fonction croissante des compétences
individuelles. Ainsi, les salariés les plus performants auront
également les salaires de réservation les plus
élevés et l'employeur ne sera pas incité à
embaucher les moins performants [Lemistre et Tahar, 2004].
En résumé, dans le modèle du salaire
d'efficience, le niveau des salaires supérieur à celui de
marché du travail peut inciter les travailleurs à faire des
efforts dans le travail puisque si un individu est découvert à se
dérober, il risque de perdre son emploi avec un salaire très
élevé. Alors, le tire-au-flanc est très coûteux pour
les travailleurs lorsqu'un tel comportement est détecté. Dans le
sens sociologique, ce salaire élevé offert par l'employeur est
considéré comme un don, et en retour de ce don, les travailleurs
décident collectivement de travailler dur pour augmenter les
productivités globales de la firme. En outre, le problème
d'anti-sélection peut être également résolu par ce
modèle dans lequel le versement de salaires relativement
élevés permet de trier les individus.
Cependant, même si le modèle du salaire
d'efficience permet d'inciter les travailleurs à offrir l'effort
productif au travail, il présente néanmoins un risque très
élevé pour les travailleurs déloyaux, qui peuvent
être mis au chômage. Une individualisation des
rémunérations en fonction d'une certaine variable de performance
vérifiable aurait permis d'éviter ce risque important. Mais si
cette variable de performance vérifiable n'existe pas, outre la
théorie du salaire d'efficience, l'employeur peut choisir une
rémunération basée sur une évaluation subjective de
la performance. Nous considérons cette dernière solution
ci-dessous.
2-4- L'évaluation subjective de la performance
Dans le modèle du Principal-Agent, si le niveau
d'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat optimal
doit dépendre de mesure vérifiable de la performance, à
savoir l'output du travail exécuté par l'agent. Alors, le salaire
de l'agent va être en fonction croissante de son output. Les contrats qui
attachent la compensation à la performance peuvent atténuer le
problème d'incitation55(*). En fait, le système de paiement à la
performance peut être basé sur des mesures objectives comme des
ventes ou des mesures subjectives telles que la valeur estimée de
l'employé à l'organisation56(*). Tandis que certains emplois, tels que des ventes, se
prêtent à la mesure objective, la performance dans la plupart des
emplois ne peut pas être mesurée objectivement en raison de la
production en équipe et des activités multi-tâches. Ainsi,
les firmes préfèrent employer des mesures subjectives, où
le salaire est à la discrétion des impressions d'un
supérieur57(*),
c'est-à-dire que le bonus des employés dépend d'une
évaluation subjective de leur performance par le principal (leur
employeur). L'attraction de tels modes de paiement est qu'ils offrent une vue
plus holistique de la performance. Lincoln Electric, le fabricant dominant
d'équipements de soudure à l'arc voltaïque et de fonderie,
est bien connu pour pratiquer depuis longtemps des formes de salaires à
la pièce qui attachent le salaire de travailleur à son output,
mais environ la moitié de la compensation d'un ouvrier est un bonus
basé sur l'évaluation subjective du supérieur sur la
coopération, l'innovation, la fiabilité, et d'autres aspects
subjectifs de la performance de l'ouvrier [Baker et al., 1994; Gibbons,
1998].
Par conséquent, bien que la contribution des
employés à la valeur de la firme ne soit pas typiquement et
objectivement mesurable, il peut être souvent évalué
subjectivement par les managers ou les surveillants qui sont bien placés
pour observer les subtilités du comportement et des occasions des
employés. Même si de telles évaluations subjectives de la
contribution des employés à la valeur de la firme sont
imparfaites, elles peuvent compléter ou améliorer les mesures
objectives disponibles. Ainsi, un contrat implicite basé sur des
évaluations subjectives de la performance peut augmenter ou remplacer un
contrat explicite basé sur des mesures objectives de la performance
[Baker et al., 1994].
Cependant, les psychologues et les behavioristes ont fourni
une explication pour le manque de systèmes d'évaluation
subjective de la performance dans la pratique. Ils concluent que les plans de
salaire basés sur des critères subjectifs ont peu de chance de
succès parce que les employés ne font pas
confiance58(*)
(trust) à leurs supérieurs pour évaluer
correctement leur performance59(*). Plus la mesure est subjective, plus le degré
de confiance demandé est haut, parce que, sans confiance
élevée, il y a peu de chance pour l'employé de croire que
son salaire soit vraiment et équitablement basé sur la
performance. Il est conforme à l'idée de MacLeod [2003] sur le
fait que la possibilité pour le principal de récompenser l'agent
en fonction d'une évaluation subjective dépende du degré
d'acceptation de l'agent sur ces évaluations. Quand les
évaluations subjectives du principal et de l'agent s'entendent, alors on
peut mettre en application le contrat optimal, exactement comme si les
évaluations étaient objectives et vérifiables60(*). Par conséquent, la
confiance entre les employés et les surveillants ou les
supérieurs est essentielle dans l'application efficace des
systèmes d'évaluations subjectives de la performance.
Pour que l'employeur puisse utiliser une mesure subjective de
façon crédible, il est nécessaire d'introduire un objectif
de réputation : l'employeur ne doit pas avoir intérêt
à renier ses engagements implicites, sachant que s'il le fait, sa
réputation sera modifiée et les employés ne fourniront
aucun effort en cas de contrat implicite dans le futur [Baker et al., 1994;
Gibbons, 1998; Kambe, 2005]. Dans ce modèle, la capacité de
s'engager peut provenir à la fois de la répétition de la
relation [Levin, 2003], et d'un souci de réputation de l'employeur.
D'abord, le principal et l'agent avouent un contrat qui indique les salaires en
fonction des classements du principal à l'évaluation. À
l'évaluation, les différents « principaux »
peuvent donner différents classements et l'agent met à jour ainsi
sa croyance basée sur le classement reçu. Après que le
classement ait été donné, il y a une autre transaction
entre eux. Lorsque l'agent pense que le niveau d'honnêteté et de
fidélité du principal sur le système d'évaluation,
est élevé, l'agent exerce plus d'effort dans la deuxième
transaction et l'avantage du principal est ainsi plus élevé. Au
contraire, si l'agent perçoit que le principal n'est pas fidèle,
c'est-à-dire que l'évaluation subjective du principal sur la
performance de l'agent tombe au-dessous d'un seuil pour éviter le
salaire élevé, l'agent effectuera les actions inefficaces pendant
plusieurs périodes, ce qui punit en effet le principal. En raison de ces
effets, le principal sera incité à donner un juste jugement sur
la performance de l'agent. Ainsi, la réputation est un dispositif
à induire l'évaluation honnête du principal et à
rendre le modèle d'évaluation subjective de la performance
efficace [Kambe, 2005]. Dans ce cas, le contrat implicite devient un contrat
auto-exécutoire (self-enforcing) car le respect de ce contrat
n'est pas obligé par un tiers (le tribunal), mais par le souci de la
firme pour sa réputation sur le marché du travail [Baker et al.
1994].
D'après Van den Steen [2005], la mesure subjective de
la performance peut être une solution optimale au problème
« principal-agent » lorsque l'agent refuse d'obéir
au principal. En effet, si le bonus de l'agent est accordé en fonction
d'une mesure subjective, l'agent devra évaluer ses actions et ses
résultats conformément à la volonté du principal.
Cet alignement de croyance incitera l'agent à faire ce que le principal
veut qu'il fasse, en éliminant des inversions coûteuses.
D'ailleurs, le résultat de son étude prouve également que
l'évaluation subjective de la performance peut être
réellement optimale, même quand la vraie performance est
parfaitement mesurable.
Tant que l'évaluation n'est pas purement
aléatoire, elle contient de l'information sur l'effort du
salarié, malgré sa subjectivité, et peut donc être
utilisée pour inciter à l'effort. La corrélation entre
l'évaluation subjective du supérieur et l'effort fourni par
l'employé permet toujours d'obtenir une amélioration par rapport
à un salaire fixe. Si cette corrélation est parfaite,
l'évaluation subjective de la performance fonctionne exactement comme la
mesure objective de la performance et donc peut résoudre le
problème « principal-agent » en incitant les
employés à offrir l'effort maximal au travail.
En conclusion, afin de régler le problème de
passager clandestin dans la production en équipe, Alchian et Demsetz
proposent d'introduire un contrôleur pour contrôler le comportement
des individus dans l'équipe en lui offrant un revenu résiduel et
certains droits pour l'inciter à ne pas se dérober comme les
membres de l'équipe. En outre, dans la situation multi-tâches, il
y a une distorsion dans l'allocation d'effort parmi les tâches.
Holmström et Milgrom proposent d'égaliser les incitations pour
toutes les tâches, ou bien de fournir des incitations nulles pour toutes
les tâches. Outre les solutions proposées par Alchian et Demsetz,
et Holmström et Milgrom, il y a d'autres solutions que des analyses
théoriques proposent, en s'appuyant encore sur les incitations
monétaires. Celles-ci sont la pression des pairs dans laquelle le
système de partage des profits incite les individus à se
contrôler mutuellement; le modèle des tournois dans lequel les
incitations sont basées sur la performance relative ; la
théorie du salaire d'efficience dans laquelle la firme offre un salaire
très supérieur à celui de marché du travail pour
inciter les salariés à travailler dur ; et enfin
l'évaluation subjective de la performance dans laquelle les
récompenses sont payées à la performance qui est
évaluée subjectivement par le supérieur et qui peut
atténuer le problème d'incitation.
Conclusion du chapitre II
L'analyse économique souligne la
nécessité de baser les rémunérations sur des
mesures de performance, et donc de faire supporter un risque à
l'employé, afin d'inciter celui-ci à fournir un effort suffisant.
Dans le cas où la performance est facilement mesurable et observable,
les incitations monétaires, dans le système de la
rémunération à la performance incitent les salariés
à ne pas tirer au flanc, et donc à augmenter le niveau de leur
effort au travail. Il y a aussi certaines évidences empiriques, telles
que Lazear [2000b], Paasch et Shearer [2000], Gielen et al. [2006], et
l'expérience sur le terrain de Shearer [2004], qui soutiennent un effet
positif des incitations monétaires sur l'effort des salariés.
Cependant, dans le monde réel, la performance des individus dans la
plupart des tâches est difficilement mesurable comme dans la situation de
travail en équipe et multi-tâches. Toutefois, il n'en demeure pas
moins que les incitations monétaires dans certaines analyses
théoriques, comme le modèle de pression du groupe, le
modèle des tournois, la théorie du salaire d'efficience et
l'évaluation subjective de la performance, même si la performance
n'est pas facilement mesurable ou quantifiable, jouent un rôle crucial
pour inciter les salariés à fournir l'effort maximalement
productif au travail. Dans ce cas, il y a aussi certaines évidences
exposées dans la section 2 supportant cette idée. D'après
les analyses des modèles dans les deux sections, on peut conclure que,
dans toutes les circonstances, les incitations monétaires peuvent
résoudre le problème « principal-agent » au
sein de la firme, et donc inciter les salariés à agir dans
l'intérêt de l'employeur en fournissant un niveau d'effort
productif élevé pour augmenter la productivité globale de
la firme.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Après avoir exposé les deux grandes
littératures théoriques dans le chapitre I (la théorie des
attentes et la théorie des incitations avec le modèle du
principal-agent) et analysé certains modèles, dans le chapitre 2,
nous pouvons parfaitement comprendre la question de la compensation, qui permet
de répondre à une des questions de la problématique du
mémoire: « comment les incitations monétaires
influent-elles positivement sur l'effort des
employés ? ». En fait, les incitations monétaires
sont mises en place pour amener les agents à révéler
l'information qu'ils détiennent et à agir dans
l'intérêt du principal. Elles impliquent donc deux
problèmes : la révélation de l'information, et la
conformité de l'action par rapport à l'information
révélée. Ainsi, les incitations monétaires jouent
un rôle essentiel dans l'organisation, elles constituent une pièce
majeure des dispositifs qui visent à amener les agents à fournir
un niveau d'effort élevé au travail. Par exemple, les incitations
centrées sur la rémunération de l'effort peuvent prendre
appuis sur les heures de présence, mais doivent aussi tenir compte des
heures effectivement passées à la tâche prévue, du
degré d'intensité de l'effort fourni pendant ce temps, etc. Les
incitations monétaires peuvent régler non seulement le
problème du risque moral, mais également celui de
l'anti-sélection. Elles permettent à la firme d'attirer et de
trier les individus très productifs. S'appuyant sur les incitations
monétaires, la firme peut, alternativement, utiliser plusieurs
méthodes pour résoudre le problème principal-agent en cas
d'asymétrie informationnelle, que nous résumons ci-dessous.
- La rémunération des salariés est
basée sur la mesure objective de leur performance. Plus les
salariés produisent, plus ils gagnent.
- La rémunération des salariés peut
s'accroître avec l'ancienneté, c'est-à-dire qu'ils
acceptent d'être payés moins sur leur productivité
marginale en première période (quand ils sont jeunes) et plus que
leur performance en deuxième période (lorsqu'ils sont
âgés). Le salarié n'a pas donc intérêt
à tricher en première période car, s'il est
licencié, il ne récupérera pas sa caution.
- Dans la situation de la production en équipe, les
salariés sont rémunérés à l'input,
indépendamment de leur performance productive, mais sous la surveillance
d'un agent. On doit offrir les incitations monétaires (ici, un revenu
résiduel) au contrôleur pour l'inciter à ne pas se
dérober comme les membres de l'équipe.
- Dans la situation multi-tâches, il convient
d'égaliser les incitations monétaires sur toutes les tâches
afin d'induire les individus à allouer leur effort dans toutes les
activités assignées.
- Le système de partage des profits peut être
également mis en place pour encourager les individus à se
contrôler mutuellement, ce qui pousse chacun à fournir des efforts
productifs, à se comporter convenablement pour augmenter la
productivité globale de l'équipe, et donc la
rémunération de chaque membre sera élevée.
- Les économistes suggèrent aussi de
rémunérer les salariés en tenant en compte de la
performance relative plutôt que la performance absolue. Celui qui gagne
dans la compétition recevra un salaire supérieur.
- Rémunérer les salariés au-delà
du niveau de salaire sur le marché du travail peut aussi les inciter
à fournir un effort élevé.
- Enfin, le problème
« principal-agent » peut être résolu par le
paiement à la performance basée sur la mesure subjective du
supérieur.
En revanche, les psychologues ne partagent pas le point de vue
des économistes qui estiment que les incitations monétaires
soient un stimulant dominant au niveau des activités productives
humaines, i.e. qui stimulent l'effort des travailleurs. Pour eux, les
incitations monétaires ont des effets pervers sur l'effort des
salariés. En d'autres termes, elles nuisent à la motivation
intrinsèque des salariés, et donc leur effort va, en même
temps, baisser. Nous aborderons donc cette conception dans la partie
suivante.
PARTIE II : LA RELATION NEGATIVE ENTRE LES
INCITATIONS MONETAIRES ET L'EFFORT DES SALARIES
INTRODUCTION A LA DEUXIEME PARTIE
La motivation appartient à la plupart des sciences
humaines : l'histoire, la psychologie, la psychanalyse, le management, la
sociologie, la gestion des ressources humaine, etc. La plupart des dirigeants
d'entreprises sont d'accord aujourd'hui pour considérer que c'est le
facteur humain qui fait la différence entre des concurrents très
proches, et donc la motivation devient un thème permanent chez la
plupart des cadres dirigeants. Pourquoi les gens travaillent-ils ? La
question de la motivation se situe au carrefour des attentes individuelles et
des propositions de l'organisation, tant en termes de contenu et de conditions
de travail que de récompenses ou de sanctions motivantes. L'effet des
incitations financières sur le comportement humain a reçue
l'attention très répandue en économie et psychologie
expérimentales, ainsi que dans la littérature sur la provision
d'incitations dans les organisations. Contrairement à la première
partie qui considère que les incitations monétaires sont les
facteurs motivants des salariés, dans cette partie 2, nous
étudions les effets négatifs des incitations monétaires
sur l'effort des salariés au travail. Ainsi, en particulier pour les
psychologues, ces incitations sont considérées comme
contreproductives et nuisibles à la motivation intrinsèque et
à l'effort des salariés.
Cette partie se divise en deux chapitres. Le chapitre III
développera le cadre théorique de la motivation de travail en
prenant les théories du contenu et une littérature psychologique,
à savoir la théorie de l'évaluation cognitive. Dans le
cadre des théories du contenu, nous étudierons, compte tenu des
effets des incitations monétaires, la théorie des besoins de
Maslow et la théorie bi-factorielle d'Herzberg. Ces théories
considèrent que les besoins sont les sources de motivation des
salariés, mais elles ont différents aspects en termes d'effets
des incitations monétaires sur l'effort ou la motivation des
salariés. Dans la théorie de l'évaluation cognitive, nous
allons montrer les raisons pour lesquelles les incitations extrinsèques
en général et les incitations monétaires en particulier
évincent la motivation intrinsèque et l'effort des
employés. Le chapitre IV exposera, premièrement, les
évidences expérimentales et empiriques des psychologues et des
économistes, et un modèle économique du principal-agent
tenant compte de la motivation intrinsèque, pour soutenir l'idée
que les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation
intrinsèque et à l'effort des employés, et
deuxièmement, la nouvelle perspective de l'interaction entre la
motivation intrinsèque et les récompenses extrinsèques,
qui se présentera dans la théorie de l'autodétermination.
Dans cette dernière, nous allons étudier l'internalisation et
l'intégration de la motivation extrinsèque dans le continuum de
l'autodétermination, et les incitations monétaires, qui dans ce
cas, ne sont pas forcément nuisibles à la motivation
intrinsèque, mais peuvent l'augmenter lorsqu'elles sont correctement
administrées dans un climat de travail supportant l'autonomie.
CHAPITRE III : LE CADRE THEORIQUE DE LA
MOTIVATION
Introduction au chapitre III
Qu'est-ce que la motivation ? La motivation est
définie comme « le processus par lequel un individu
confère à son action une intensité, une direction et une
persistance, en vue d'atteindre un objectif donné »61(*) [Robbins et al., 2006]. Nous
rappelons que ces éléments (une intensité, une direction
et une persistance ou une durée de l'effort) constituent un effort que
nous avons exposé dans le chapitre I. Donc, la manifestation la plus
proche de la motivation est l'ensemble des efforts déployés dans
le travail dirigés avec intensité et de manière
persistante vers des objectifs attendus. La motivation est donc une clé
du succès aussi bien des entreprises que des individus. Un individu
motivé est promis à une belle réussite, de même
qu'une organisation qui sait gérer la motivation des salariés a
des chances d'être plus performante que ses concurrentes. Cette
conception suppose qu'il existe un lien de causalité entre motivation et
réussite [Alexandre-Bailley et al., 2006].
Parmi plusieurs types de théories de la motivation,
nous n'allons aborder d'abord dans ce chapitre que les théories dites de
contenu qui proposent une analyse des différents besoins des individus,
qui vont les pousser à agir de façon à satisfaire leurs
attentes. Ensuite, nous allons présenter la notion de la motivation qui
se distingue en deux types : la motivation intrinsèque et la
motivation extrinsèque. Dans ce point, nous étudierons
également les interactions entre ces deux types de motivation, surtout
les effets négatifs des incitations monétaires sur la motivation
intrinsèque des salariés. Ceci se situe la théorie de
l'évaluation cognitive (Coginitive evaluation theory) qui est
initialement développée par Deci et Ryan dans les années
1970.
Section 1 : Les théories du contenu
Une façon d'aborder la motivation consiste à
explorer les différents besoins et de désirs qui vont pousser
l'employé à agir pour les satisfaire. C'est ce dont traitent les
théories du contenu. Une des questions de base qui a animé les
recherches sur la motivation, est celle de son contenu. Les théories
dites de contenu permettent de répondre aux questions principales de la
motivation : Qu'est-ce qui motive les individus à travailler?
Pourquoi sont-ils motivés? Dans cette section, nous allons
étudier deux grands modèles dans le cadre des théories du
contenu : le modèle de Maslow et le modèle d'Herzberg.
1- Le modèle de Maslow
La réponse classique qui a
été faite à cette question du contenu est celle du
besoin62(*)
[Michel, 1989]. Dans le prolongement des travaux de Mayo, Maslow, l'un des
premiers psychologues, met l'accent sur l'analyse des besoins de l'homme dans
l'organisation et il propose une théorie de hiérarchie des
besoins à partir d'observations cliniques dans les années 1940
[Maslow, 1943]. Il formule l'idée directrice selon laquelle le
comportement humain au travail est d'autant plus coopératif et productif
qu'il trouve dans l'organisation une occasion de réalisation de soi et
d'épanouissement personnel [Plane, 2000]. Selon Maslow, la motivation de
tout individu serait suscitée par la volonté de satisfaire des
besoins (force interne). Dès lors que l'individu a cette volonté,
il agit, il est motivé. Les besoins déclenchent les comportements
adaptés et l'assouvissement des besoins est au coeur de toute action
motivée. Alors, la notion de besoin place la source des motivations
à l'intérieur de l'homme.
Dans le modèle de Maslow, on retiendra deux
idées essentielles63(*). En premier lieu, Maslow tente de hiérarchiser
les besoins en une théorie des besoins souvent dite théorie de la
motivation. Les besoins sont organisés en niveaux et ces niveaux peuvent
être représentés par une pyramide. Constatons que la
pyramide des besoins de Maslow demeure très certainement la plus connue
des théories de la motivation [Robbins et al., 2006]. D'après
Maslow, une personne est motivée par cinq types de besoins (Voir Figure
6). Au bas de la pyramide se trouvent les besoins physiologiques (ce sont les
besoins de manger, de boire, de respirer, de se détendre, de se
reproduire,...), puis les besoins de sécurité64(*) (sécurité
matérielle, se protéger contre les aléas naturels,
stabilité de l'emploi, avantages sociaux,...), puis les besoins sociaux
(ce sont des besoins de rapports sociaux, de donner et de recevoir de
l'affection, de se sentir accepté et appartenir à un groupe,
d'avoir une bonne relation avec les collègues et avec les
supérieurs,...), et enfin les deux derniers niveaux concernent les
besoins d'estime (ce sont des besoins de confiance en soi, de recevoir une
attention, une reconnaissance et une appréciation des autres,...) et de
réalisation de soi (ce sont des besoins de créativité, de
développement personnel, de s'épanouir, de devenir tout ce qu'on
est capable d'être, ...). Cette hiérarchie des besoins, selon
Maslow, est la même pour tous les hommes et les femmes qui travaillent,
quelles que soient leur culture et leurs qualifications [Lévy-Leboyer,
1993]. Maslow invente le concept de hiérarchie des besoins, des plus
élémentaires aux plus complexes, pour définir les origines
de la motivation humaine.
Figure 6 : La pyramide des besoins
de Maslow
Besoins de réalisation de soi
Besoins d'estime
Besoins sociaux
Besoins de sécurité
Besoins physiologiques
En deuxième lieu, il faut que les besoins d'un niveau
soient satisfaits pour que l'individu soit motivé par les besoins du
niveau supérieur. Une fois les besoins de premier niveau assouvis, ils
ne constituent plus un facteur de motivation et la personne passe aux besoins
de second niveau, et ainsi de suite. Ainsi, la motivation qui le pousse
à l'effort s'éteindra dès qu'il aura trouvé ce
qu'il cherche. Rares sont les individus qui peuvent parvenir à
satisfaire le besoin de réalisation de soi.
Maslow différencie encore ces cinq besoins en
besoins de niveau inférieur65(*) et besoins de niveau
supérieur66(*) [Schermerhorn et al., 2002]. Les besoins
physiologiques, de sécurité et sociaux appartiennent au premier
niveau, tandis que les besoins d'estime et de réalisation de soi sont
des besoins appartenant au niveau supérieur.
Une telle théorie permet de défendre
l'idée que l'organisation doit non seulement satisfaire les besoins
« de base », mais aussi fournir à ses membres la
possibilité de se réaliser. Le succès de l'organisation
résiderait dans sa capacité à assurer la
réalisation de ses membres [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Dans
cette théorie, la motivation est donc totalement liée à la
satisfaction des besoins. Ici, le besoin est comme une source essentielle de la
motivation car l'homme a des besoins qu'il doit satisfaire et qui le pousse
à agir, sous peine de tension pénible.
Par conséquent, la grande leçon que nous
pouvons retenir de Maslow est la nécessité de répondre
d'abord à des besoins de salaires minimum, de conditions de travail, et
de sécurité dans l'emploi avant de se lancer dans de grands
discours sur la motivation [Michel, 1989]. Ainsi, nous pouvons conclure, dans
le sens de Maslow, que les incitations externes en général et
les incitations monétaires67(*) en particulier sont les besoins inférieurs qui
poussent les salariés à fournir un effort au travail
élevé afin encore de satisfaire le niveau des besoins
supérieur qui correspond à la motivation
intrinsèque68(*).
Cependant, la théorie de Maslow comporte certaines
grandes limites69(*).
Tout d'abord, le principe même d'une hiérarchie
universelle des besoins postule que tout le monde fonctionne de la même
façon. Comment alors expliquer le comportement d'hommes manquant du
minimum et revendiquant pour leur dignité ? Comment analyser
l'enthousiasme des créateurs d'entreprise qui démarrent sans
sécurité, sans moyen matériel ? Comment comprendre
les revendications salariales de cadres ayant largement de quoi vivre et des
emplois stimulants ? Il est donc peu raisonnable de supposer que tout le
monde a la même hiérarchie de besoins, quelles que soient
l'histoire personnelle, la culture d'appartenance ou la structure
organisationnelle. De plus, un besoin ne disparaît pas quand il est
assouvi, il continue à agir.
Ensuite, le principe du passage successif d'un niveau
à un autre est discutable : il est tout à fait possible
d'être motivé par le fait d'être reconnu, même lorsque
l'on n'a pas assuré les besoins des premiers niveaux. Cela signifie que
les incitations externes ou les incitations monétaires en
spécifique ne sont pas forcément nécessaires pour motiver
les salariés dans la firme.
Enfin, cette théorie ne permet pas d'expliquer la
démotivation puisque le dernier niveau est par définition infini.
A partir de la pyramide, comment alors expliquer que des gens qui n'ont pas
répondu à leurs besoins d'estime ou de réalisation de soi
ne soient pas motivés et n'adoptent pas des comportements de recherche
de satisfaction ?
Ces questions sont sans doute aussi dues au fait que
l'ensemble de cette théorie est basé sur l'analyse des besoins,
concept qui nous semble décevant si l'on veut comprendre ce qu'est la
motivation au-delà de la physiologie. Le second grand théoricien
de ce courant centré sur le contenu est Frederick Herzberg.
2- Le modèle d'Herzberg
Reprenant les travaux de Maslow, Frederick Herzberg,
psychologue clinicien, a développé une autre théorie
populaire de la motivation, appelée la théorie
bi-factorielle. Ses travaux portent pour l'essentiel sur la question de la
motivation humaine au travail. D'après Roussel [2000], la théorie
bi-factorielle d'Herzberg affirme également que la motivation est
suscitée par la recherche d'une satisfaction optimale de certains
besoins. Le sentiment de satisfaction va dépendre de ce que l'individu
veut retirer de son travail et de ce qu'il pense que le travail va lui offrir.
L'idée principale de cette théorie est que les
circonstances qui conduisent à la satisfaction et à la motivation
au travail ne sont pas de même nature que celles qui conduisent à
l'insatisfaction et au mécontentement [Filleau et Marques-Ripoull, 1999;
Plane, 2000]. Grâce à une étude statistique, Herzberg
découvre qu'il y a deux catégories de facteurs dans le milieu de
travail qui interviennent de manière très différente dans
le mécanisme de la motivation (Voir Figure 7). La première
catégorie regroupe des facteurs extrinsèques (les facteurs
d'hygiène ou d'insatisfaction) dont l'absence procure de
l'insatisfaction mais qui, lorsqu'ils sont présents, sont
considérés comme normaux et ne produisent aucune satisfaction
particulière. Ils poussent l'individu à agir sans
véritable motivation. Ils sont nécessaires pour empêcher
l'insatisfaction au travail, mais ils ne sont pas capables de
générer soit la satisfaction au travail, soit le comportement
motivé. Les facteurs extrinsèques correspondent à des
données objectives et concrètes.
Figure 7 : La théorie bi-factorielle
d'Herzberg70(*)
Facteurs d'insatisfaction
|
Facteurs de satisfaction
|
· Ordre croissant
Politique et administration d'entreprise
· Possibilité de développement
· Avancement ou promotion
· Responsabilité
· Travail proprement dit (objet du travail)
· Reconnaissance
· Accomplissement
|
|
La deuxième catégorie rassemble les facteurs
intrinsèques (les facteurs de satisfaction ou de motivation) qui
auraient la capacité à apporter de la satisfaction aux
employés en lien avec le travail lui-même ou les résultats
qui en découlent directement. Ces facteurs inciteraient l'individu
à faire des efforts pour satisfaire les besoins auxquels ils
correspondent. Alors, les facteurs intrinsèques se situent à
l'intérieur71(*) de l'individu, ils sont liés à la
façon dont l'expérience est ressentie et au plaisir subjectif qui
en est retiré [Michel, 1989]. Par exemple, le salaire ou l'incitation
monétaire est la récompense extrinsèque alors que la
fierté d'avoir accompli tel effort, d'avoir réussi dans telle
tâche, le plaisir de bien faire son métier sont des
récompenses intrinsèques.
Ainsi, ce n'est pas parce qu'on a un salaire correct que
le travail procure de la satisfaction72(*). En revanche, un salaire insuffisant est une source
d'insatisfaction, et doit être rangé parmi les facteurs
d'hygiène. Ce qui contribue à la motivation, ce sont les facteurs
de motivation, autrement dit ceux qui sont liés essentiellement au
contenu du travail car ils tendent à susciter des sentiments de
développement personnel, et non pas aux conditions qui l'entourent, ce
qui se rapporte au contexte du travail [Roussel, 1996; 2000; Alexandre-Bailley
et al., 2006]. Alors, Herzberg conclut que les causes de satisfaction et
d'insatisfaction ne sont pas du même ordre. Les facteurs de motivation
peuvent produire de la satisfaction, ou, dans le pire des cas, de la non
satisfaction ; ils ne sont pas à l'origine de l'insatisfaction.
Autrement dit, l'opposé de « satisfaction » n'est
pas « insatisfaction » et l'opposé
d' « insatisfaction » n'est pas
« satisfaction » [Robbins et al., 2006]. Par exemple, le
fait que l'insatisfaction diminue ne signifie pas que la satisfaction
augmente.
Par conséquent, Herzberg distingue deux
catégories de besoins : les besoins physiologiques,
associés aux facteurs extrinsèques, et les besoins
psychologiques, associés aux facteurs intrinsèques (ou
facteurs de motivation)73(*) [Roussel, 2000]. Il tire comme conclusion que les
directions d'entreprises doivent individuellement élargir et enrichir le
travail de chacun (l'enrichissement du travail). Pour motiver un employé
dans son travail, il faut modifier la répartition des tâches.
L'enrichissement des tâches consiste à restructurer le travail de
façon à ce qu'il retrouve un sens pour celui qui le fait. Cela
passe par le développement de l'autonomie, des responsabilités et
l'augmentation des compétences de l'individu [Rojot et Bergmann, 1989;
Filleau et Marques-Ripoull, 1999; Plane, 2000]. Il s'agit de l'importance de la
tâche elle-même, du contenu du travail comme source de motivation,
ce qui pousse des salariés à faire des efforts au travail
[Michel, 1989].
En bref, ces deux théories du contenu ont en commun de
donner quelques idées aux managers sur les éléments
susceptibles de constituer des sources de motivation. Elles induisent alors la
nécessité de détecter la présence ou l'absence de
ces éléments chez les salariés. Plus
précisément, notamment dans la théorie bi-factorielle, les
incitations monétaires ne sont pas considérées comme un
facteur de motivation pour pousser les individus à offrir l'effort
élevé dans le travail, mais elles sont seulement un facteur pour
éliminer l'insatisfaction des salariés. Ainsi, lorsqu'elles sont
présentes, les salariés sont indifférents ou normaux et
leur absence apporte de l'insatisfaction.
Un ensemble de théories développées au
cours des années 1970-1980 postule que le déclenchement de la
motivation est suscité par la volonté de satisfaire
essentiellement des besoins psychologiques ou d'ordre supérieur. Partant
de ce principe de base, ces théories tentent d'identifier quelles sont
les forces internes et externes qui agissent sur la décision
individuelle d'agir de façon motivée. Cette idée est
conforme au concept de la théorie de l'évaluation cognitive
[Roussel, 2000]. Cependant, il y a des différences importantes entre la
théorie de l'évaluation cognitive et les théories du
contenu. Tandis que les théories du contenu se concentrent
principalement sur les énergisants de l'action motivée, la
théorie de l'évaluation cognitive étudie aussi les besoins
psychologiques de base qui doivent être satisfaits pour le fonctionnement
et le bien-être optimaux et de plus, les influences des
récompenses externes, en particulier les incitations monétaires
sur la motivation intrinsèque.
Alors, dans la section suivante, avant d'exposer la
théorie de l'évaluation cognitive qui aborde notamment les
interactions entre les incitations extrinsèques en général
ou les incitations monétaires en particulier et la motivation
intrinsèque que l'on considère comme une source d'augmentation du
niveau d'effort des salariés dans le travail, il est utile de bien
connaître le concept de la motivation intrinsèque et
extrinsèque.
Section 2 : Le concept de la motivation et la
théorie de l'évaluation cognitive
La motivation humaine au travail est le coeur du champ de
comportement de l'organisation. Depuis longtemps, la littérature a
examiné les effets de divers efforts sur la motivation et le
comportement, en vue de l'obtention d'un gain ou d'une récompense. Le
résultat commun de ces recherches est que toute motivation et
comportement sont influencés par l'espérance d'un gain
[Meyer-Waarden et Benavent, 2006]. Cependant, selon la théorie de
l'évaluation cognitive, l'expectation d'une augmentation du salaire pour
la performance élevée réduira la motivation
intrinsèque, et donc l'effort des salariés au travail [Deci et
Ryan, 1985]. La recherche sur la motivation a fréquemment dessiné
une distinction entre la motivation intrinsèque et extrinsèque.
Dès lors, l'objectif de cette section est, d'abord, de présenter
la notion de ces deux types de motivation des employés au sein de la
firme, et ensuite d'étudier les interactions entre les incitations
monétaires et la motivation intrinsèque par la théorie de
l'évaluation cognitive.
1- Le concept de la motivation
1-1- La motivation extrinsèque
Dans le modèle standard de la théorie du
principal-agent, l'introduction des incitations extrinsèques (les
incitations monétaire, en particulier) ne peut pas abaisser des niveaux
d'effort des salariés; sans incitation extrinsèque, l'effort des
salariés est nécessairement au niveau le plus bas
possible74(*). La
théorie des attentes suggère également que l'attache des
incitations monétaires à la performance augmente la motivation
extrinsèque des employés pour dépenser l'effort et par
conséquent, la performance augmente [Phillips et Lord, 1980]. La
motivation extrinsèque relève des incitations extérieures
qui peuvent amener l'individu à se motiver pour obtenir un
élément extérieur au travail lui-même
[Alexandre-Bailley et al., 2006; Meyer-Waarden et Benavent, 2006]. Ces
éléments relèvent soit de la carotte
(rémunération, délégation, promesses), soit du
bâton (surveillance, menace, sanction) [Bénabou et Tirole, 2003].
Par conséquent, les employés sont extrinsèquement
motivés s'ils peuvent satisfaire leurs besoins indirectement,
particulièrement par la compensation monétaire75(*) [Osterloh et Frey, 1999;
Orsterloh et al., 2001]. L'argent est un but qui fournit la satisfaction
indépendante de l'activité lui-même [Calder et Staw, 1975].
Ainsi, la coordination extrinsèquement motivée dans les firmes
est réalisée en liant les motifs monétaires des
employés aux buts de la firme; et le système incitatif
idéal est la rémunération à la performance.
En outre, selon Orsterloh et Frey [1999], ou Orsterloh et al.
[2001], la motivation extrinsèque est parfois nécessaire quand la
motivation intrinsèque peut avoir un contenu indésirable, comme
l'envie ou la vengeance. Les passions non contrôlées peuvent
être donc disciplinées par les récompenses
extrinsèques. Par conséquent, dans la situation où aucune
motivation intrinsèque n'existe en premier lieu, les récompenses
monétaires peuvent augmenter l'effort des employés et alors leur
performance sera élevée.
Cependant, dans la recherche sur la motivation
intrinsèque, Deci [1971; 1972] a trouvé l'évidence que les
récompenses monétaires rendues contingentes à la
performance de la tâche peuvent réduire la motivation
intrinsèque pour exécuter cette tâche, et alors l'effort
des employés sera également inférieur.
Dans ce qui suit, nous aborderons le deuxième type de
la motivation, à savoir la motivation intrinsèque qui est
considérée comme un facteur important de l'augmentation de
l'effort des salariés dans le travail.
1-2- La motivation intrinsèque
Les chercheurs ont commencé la
première fois à explorer le concept de la motivation
intrinsèque dans les années 1970 [Deci et Ryan, 2000]. Dans le
cadre de la motivation intrinsèque, les comportements sont uniquement
motivés en vertu de l'intérêt, la curiosité et le
plaisir que l'employé éprouve dans la pratique de
l'activité, sans attendre de récompense extrinsèque,
notamment les récompenses monétaires à l'activité,
c'est-à-dire qu'une fois intrinsèquement motivée, une
personne est poussée à agir pour l'amusement ou le défi
plutôt qu'en raison des poussées, des pressions ou des
récompenses externes [Ryan et Deci, 2000b; Meyer-Waarden et Benavent,
2006]. Deci et Ryan [1985] suggèrent que la motivation est
intrinsèque si une activité est entreprise pour sa propre
satisfaction immédiate du besoin. Alors, la motivation
intrinsèque est évaluée quand le comportement est
effectué pour son propre amour plutôt que pour obtenir les
renforcements matériels [Calder et Staw, 1975; Kunz et Pfaff, 2002]. Par
conséquent, la motivation intrinsèque, dérivant à
l'intérieur de la personne ou de l'activité elle-même,
affecte positivement le comportement, la performance et le bien-être.
L'incitation idéale, dans ce cas, est dans le contenu de travail
lui-même, qui doit être satisfaisant et accomplissant pour les
employés. De nombreuses expériences prouvent que la
motivation intrinsèque renforce des efforts76(*) [Weibel et al., 2007]. De
plus, ce type de motivation améliore l'exécution des tâches
simples quand ces tâches exigent l'effort soutenu et le discipline
[Koestner et Losier, 2002].
En bref, dans un sens, la motivation intrinsèque
existe à l'intérieur des individus, et dans un autre sens, la
motivation intrinsèque existe dans la relation entre les individus et
les activités. Puisque la motivation intrinsèque existe dans la
connexion entre une personne et une tâche, certains auteurs ont
défini d'intéressante la motivation intrinsèque
liée à la tâche, c'est-à-dire que les
employés exécutent la tâche sans exiger
opérationnellement des conséquences séparables parce que
l'exécution d'une activité intéressante elle-même
récompense intrinsèquement, alors que d'autres auteurs l'ont
définie en termes de satisfactions, c'est-à-dire que des
employés profitent de l'engagement d'une tâche
intrinsèquement motivée77(*). Selon Deci and Ryan [1985; 2000], la motivation
intrinsèque est basée dans les besoins de personnes d'être
compétent et autodéterminant. Cela correspond bien à la
théorie de l'évaluation cognitive.
Par ailleurs, Osterloh et Frey [1999] ont cité
certains avantages de la motivation intrinsèque qui est
supérieure à la motivation extrinsèque dans la firme.
Premièrement, la motivation intrinsèque est nécessaire
pour les tâches qui exigent la créativité. Par contre, les
personnes extrinsèquement motivées tendent à produire la
répétition stéréotypée de ce qui fonctionne
déjà. Deuxièmement, la motivation intrinsèque aide
également à surmonter le problème multi-tâches
où les contrats ne peuvent pas complètement indiquer tous les
aspects appropriés du comportement des employés et de ses
résultats désirés. Dans ce cas, en se basant sur les
incitations monétaires, les agents se concentrent seulement sur les
aspects du travail pour lesquels des récompenses sont prévues et
négligent le travail sans récompense. L'évidence empirique
suggère que les résultats des contrats incomplets (les
problèmes multi-tâches) ne sont pas normalement
évalués par la rémunération variable à la
performance. En fait, les firmes comptent considérablement sur la
motivation intrinsèque. Enfin, la motivation intrinsèque permet
la génération et le transfert de la connaissance tacite dans les
conditions où la motivation extrinsèque échoue.
2- La théorie de l'évaluation cognitive
« C'est étrange, dit Marie, j'ai
commencé à travailler dans cette association de protection des
animaux comme volontaire. Je consacrais 15 heures par semaine à faire
adopter des animaux. Et j'adorais cela. Puis, il y a 3 mois, j'ai
été engagée à temps plein, pour 9 euros de l'heure.
Je fais le même travail qu'auparavant, mais je n'y trouve plus autant de
plaisir »78(*).
Selon la théorie de l'évaluation cognitive,
l'introduction de récompenses extérieures, notamment les
incitations monétaires, dans le travail qui était jusqu'à
présent gratifiant pour le seul plaisir, tend à amoindrir la
motivation.
Historiquement, surtout dans la théorie
bi-factorielle, il était admis que les facteurs de motivation
intrinsèque, tels que la réalisation de soi, les
responsabilités et la compétence étaient
indépendantes des mobiles extrinsèques comme une forte
rémunération, les avancements, de bonnes relations avec les
supérieurs et de bonnes conditions de travail. Mais, la théorie
de l'évaluation cognitive, due aux travaux de Deci et Ryan depuis des
années 1970, dit autre chose. Elle prétend que le recours
à une récompense extérieure, comme le salaire contre une
performance accrue, dans les entreprises, réduit les récompenses
intrinsèques, qui découlent simplement de ce que l'employé
aime faire ce qu'il fait. Autrement dit, accorder une incitation
monétaire à un employé qui aime son travail fait diminuer
l'intérêt intrinsèque qu'il porte à la tâche
[Robbins et al., 2006], et donc son effort au travail diminue.
La théorie de l'évaluation cognitive argumente
que la motivation intrinsèque est suscitée par des besoins que
chaque individu développe plus ou moins, ceux de se sentir
compétent et autodéterminé [Reeve et Deci, 1996; Roussel,
2000; Ryan et Deci, 2000a; 2000b; Deci et Ryan, 2000; Gagné et Deci,
2005; Cameron et al., 2005].
La motivation intrinsèque est affectée par des
changements des sentiments de la compétence et de
l'autodétermination (l'autonomie). On assume que des
événements qui augmentent des perceptions de la compétence
et de l'autodétermination augmentent la motivation intrinsèque.
En revanche, les événements qui diminuent des perceptions de la
compétence et de l'autodétermination diminueront la motivation
intrinsèque79(*).
2-1- La motivation intrinsèque et l'autonomie
Le besoin d'autonomie concerne le fait d'éprouver le
choix et de se sentir comme l'initiateur de ses propres actions [Baar et al.,
2004]. Les expériences initiales ont prouvé que les
récompenses monétaires ont miné la motivation
intrinsèque des personnes [Deci, 1971; 1972]. Ces expériences ont
soutenu la vue qu'une compréhension de motivation humaine exige une
considération des processus de motivation autre que juste le
renforcement matériel. En discutant de la signification psychologique de
la motivation intrinsèque et son sapement par les récompenses
extrinsèques, Deci a suggéré que les comportements
intrinsèquement motivés représentent le prototype des
activités autodéterminées. Les activités
autodéterminées sont les tâches que les employés
exécutent naturellement et spontanément quand ils se sentent
libres pour suivre leurs intérêts intérieurs. Ces
activités sont rapportées à un locus perçu interne
de la causalité [Ryan et Deci, 2000a; 2000b].
Comme les études par Deci l'ont suggéré,
les récompenses qui sont étroitement attachées aux normes
de performance, dans l'activité intrinsèquement
intéressante, seraient perçues comme un moyen de contrôle
(controlling). L'offre des récompenses pour atteindre des
normes de performance mènera des individus à se sentir sous
pression et provoquera un changement dans le locus perçu de la
causalité pour le comportement d'interne à externe. Ces
récompenses saperont donc des perceptions d'autodétermination, ce
qui mène à une réduction de la motivation
intrinsèque et également à abaisser leur
effort80(*) dans
les activités81(*).
Ce résultat est conforme également à la proposition de
Frey [1994]. Une méta-analyse récente de 128 études,
enjambant 3 décennies, a confirmé que non seulement les
incitations monétaires, mais également toutes les
récompenses tangibles contingentes ont miné de manière
significative la motivation intrinsèque [Deci et al., 1999a].
Par conséquent, les stratégies de motivation
telles que les incitations monétaires sapent le sentiment de l'autonomie
des employés et mènent ainsi aux résultats non optimaux
tels que la diminution de la motivation intrinsèque, la baisse de la
créativité et une faiblesse de la résolution des
problèmes [Deci et Ryan, 1985]. En revanche, fournir des choix et des
sentiments de reconnaissance peut augmenter le sens de l'auto-initiation, et
donc ceci fournit la satisfaction au niveau du besoin de l'autonomie et produit
des résultats plus positifs.
Les études sur le terrain dans des organisations du
travail [Deci et al., 1989] ont complété les expériences
de laboratoire en prouvant, dans les arrangements du monde réel, que
fournir l'autonomie a été associé à des
résultats plus positifs, dont notamment une plus grande motivation
intrinsèque, la satisfaction accrue et un bien-être
élevé.
2-2- La motivation intrinsèque et la
compétence
La motivation intrinsèque dans les besoins des
individus est d'être compétent et autodéterminant. La
recherche s'est penchée jusqu'ici sur les manipulations
expérimentales impliquées qui affectent
l'autodétermination des individus avec un changement résultant
dans un locus perçu de la causalité et dans la motivation
intrinsèque. Nous nous tournons maintenant vers des études
liées à la compétence.
Chaque individu, à des degrés divers, cherche
à satisfaire des besoins de compétence, c'est-à-dire,
à développer ses capacités à interagir efficacement
avec son environnement (de travail, relationnel, etc.) [Roussel, 2000]. Cette
capacité se développe par l'accumulation de connaissances et
d'expérimentations lors des interactions avec son environnement mais
aussi par la force de ce besoin qui l'incite à chercher à le
maîtriser. Le besoin de compétence concerne, en fait, le fait de
réussir aux tâches de challenge de façon optimale et le
fait de pouvoir atteindre des résultats désirés [Baard et
al., 2004].
La relation entre la compétence perçue et la
motivation intrinsèque nécessite deux conditions82(*). Premièrement,
l'activité doit être parfaitement stimulante. On ne peut pas
s'attendre à ce que les activités qui sont insignifiantes ou
simples et ne fournissent donc aucun défi soient intrinsèquement
intéressantes même si l'individu se percevait extrêmement
compétent. Frey [1994] propose que « plus une tâche est
intéressante pour les agents, plus leur motivation intrinsèque
à bien exécuter la tâche est élevée, et plus
une intervention externe diminue l'autodétermination et
l'auto-évaluation perçues » [p. 342].
Deuxièmement, pour que la compétence perçue affecte la
motivation intrinsèque, la compétence perçue doit sortir
dans le contexte d'une certaine autodétermination perçue.
D'après Ryan and Deci [2000a; 2000b], la théorie
de l'évaluation cognitive argue que les événements et les
structures interpersonnels (par exemple, les récompenses, la
communication, le feed-back), qui induisent vers des sentiments de la
compétence pendant l'action, peuvent augmenter la motivation
intrinsèque pour cette action parce qu'ils permettent la satisfaction du
besoin psychologique de base de compétence. En conséquence, des
défis optimaux, le lancement de feed-back, et l'absence des
évaluations avilies se sont tous avérés faciliter la
motivation intrinsèque. Les études initiales ont également
prouvé que le feed-back positif de la performance a augmenté la
motivation intrinsèque [Deci, 1971], tandis que le feed-back
négatif de la performance qui implique l'incompétence l'a
diminuée [Deci et Ryan, 1985].
De même, en soulignant sur des incitations
monétaires, selon Deci et al. [1999a], les récompenses
contingentes à la performance peuvent également transmettre aux
employés l'information positive substantielle de compétence dans
les cas où les gens exécutent bien pour obtenir un niveau de la
récompense qui signifie la performance excellente. Quand les
employés réussissent à atteindre une norme de la
performance, les récompenses monétaires donnent des informations
sur la performance qui est positivement évaluée par l'individu.
Cette évaluation mène à une plus grande compétence
perçue et peut compenser une partie d'effet négatif de la
perception du contrôle, menant de ce fait à augmenter la
motivation intrinsèque.
Ainsi, pour la théorie de l'évaluation
cognitive, les incitations monétaires réduisent l'autonomie mais
augmentent la compétence perçue. Selon cette théorie, une
plus grande compétence perçue mènera à une
motivation intrinsèque plus élevée quand les
récompenses monétaires sont perçues comme
informationnelles. En revanche, les perceptions diminuées de l'autonomie
conduiront à abaisser la motivation intrinsèque quand les
récompenses monétaires sont perçues comme un moyen de
contrôle (controlling). Ainsi, ce sont les perceptions de la
compétence ou de contrôle des incitations monétaires qui
déterminent leurs effets sur la motivation intrinsèque et
l'effort des salariés.
D'après Ryan and Deci [2000a; 2000b], le sentiment
de la compétence n'augmentera pas la motivation intrinsèque
à moins qu'il ne soit accompagné par un sens d'autonomie ou un
locus perçu interne de la causalité83(*). Ainsi, la théorie de
l'évaluation cognitive indique que les employés doivent non
seulement éprouver la compétence ou l'efficacité, mais ils
doivent également éprouver leur comportement comme
autodéterminé pour que la motivation intrinsèque soit en
vue. Par cet argument, les incitations monétaires peuvent augmenter la
motivation intrinsèque par la compétence perçue à
condition qu'elles ne soient pas perçues comme un moyen de
contrôle. A l'inverse de la théorie du principal-agent, le
principal peut être moins avantageux en fournissant un contrat incitatif
à son agent que le cas sans tel contrat [Grepperud et Pedersen, 2001;
Kunz et Pfaff, 2002].
En résumé, la motivation intrinsèque fait
participer des personnes s'engageant librement dans les activités
qu'elles trouvent intéressantes, ce qui fournit la nouveauté et
le défi optimal. La recherche sur la motivation intrinsèque pour
des activités initialement intéressantes a montré
sérieusement que :
- Les événements tels que les récompenses
monétaires qui stimulent un locus perçu externe de la
causalité tendent à miner la motivation intrinsèque,
tandis que les événements tels que le choix qui stimulent un
locus perçu interne de la causalité tendent à augmenter la
motivation intrinsèque.
- Les événements tels que le feed-back
négatif qui stimulent l'incompétence perçue tendent
à miner la motivation intrinsèque, tandis que des
événements tels que le feed-back positif qui poussent la
compétence perçue tendent à augmenter la motivation
intrinsèque.
Selon la théorie de l'évaluation cognitive,
l'introduction des incitations monétaires diminuera la
motivation intrinsèque, et par conséquent, l'effort des
employés dans les activités intéressantes. En effet, elles
augmentent le sentiment de compétence mais elles détruisent le
sentiment d'autodétermination des salariés au sein de la firme.
Par ailleurs, lorsque les employés se voient promettre une
récompense matérielle (ou récompense monétaire),
ils en viennent à compter dessus et à davantage se concentrer sur
la récompense que sur la tâche ou la mission à accomplir
[Robbins et al., 2006]. Une telle diminution de l'attention à la
tâche, avec le désir d'obtenir la récompense
monétaire avec le moindre effort, réduira la
spontanéité et la flexibilité de la performance
[Eisenberger et Armeli, 1997].
Conclusion du chapitre III
En conclusion, ce chapitre rassemble certaines grandes
théories de la motivation, comme la théorie des besoins de
Maslow, la théorie bi-factorielle et aussi une grande littérature
psychologique de théorie de l'évaluation cognitive, qui cherchent
à comprendre ce qui motive les individus à travailler en
précisant notamment les effets des incitations monétaires sur
l'effort des salariés au sein de la firme. La théorie des besoins
de Maslow expliquent qu'il y a cinq besoins étant les facteurs de la
motivation au travail, ils sont à l'origine du déclenchement des
comportements des salariés. Selon la hiérarchie des besoins de
Maslow, les incitations monétaires se situent dans les besoins de niveau
inférieur. Elles ne constituent plus un facteur de motivation quand
elles sont satisfaites, et les salariés vont passer aux besoins de
niveau supérieur. Alors, chez Maslow, la motivation, par moyen des
incitations monétaires, qui pousse les salariés à l'effort
s'éteindra dès qu'elle est assouvie. Ensuite, les besoins de
niveau supérieur comme les besoins d'estime et de réalisation de
soi sont à leur tour un facteur de motivation qui pousse les
travailleurs à faire des efforts au travail.
Quant à Herzberg, les incitations monétaires ne
sont pas un facteur de motivation, mais elles ne sont qu'un facteur
extrinsèque dont le manque ou le dysfonctionnement rendent les
salariés insatisfaits, donc poussent les salariés à
réclamer en leur faveur. Par contre, leur présence apaise sans
vraiment stimuler. Les incitations monétaires sont donc utilisées
pour seulement éliminer l'insatisfaction des salariés, pas pour
les inciter à offrir un effort élevé au travail.
Dans le cadre de la théorie de l'évaluation
cognitive, elle met en évidence la responsabilité des directions
des ressources humaines, par l'orientation de leurs décisions et les
pratiques qu'elles instaurent. Le déterminant essentiel est la
configuration des emplois. Les emplois qui laissent une autonomie de
décisions, des possibilités de choisir, d'exercer ses
compétences, de les développer, qui offrent des
possibilités de feed-back sur les compétences, sur l'origine du
comportement de l'employé détiendraient les plus forts potentiels
de motivation. Dans cette théorie, les incitations monétaires ne
sont pas un facteur qui pousse les salariés à l'effort
puisqu'elles nuisent à leur motivation intrinsèque, notamment
dans les activités intrinsèquement intéressantes. En
effet, les incitations offertes renforcent le sentiment de compétence
mais minent le sentiment d'autonomie des salariés. Dans ce cadre, les
incitations monétaires sont non seulement un facteur qui n'incite pas
les salariés à l'effort au travail, mais également un
facteur extrinsèque qui réduit le niveau d'effort des
salariés.
Dans le chapitre suivant, nous allons donc aborder les effets
négatifs des incitations monétaires sur l'effort des
employés, en étudiant la question de l'effet d'éviction de
la motivation intrinsèque par les incitations monétaires
supportée par les évidences expérimentales et empiriques
des psychologues et des économistes, et en étudiant aussi la
nouvelle perspective de l'interaction entre les récompenses
monétaires et la motivation intrinsèque des salariés.
CHAPITRE IV : LES EFFETS PERVERS DES INCITATIONS
MONETAIRES SUR L'EFFORT DES SALARIES
Introduction au chapitre IV
Comme la théorie de l'évaluation cognitive a
précédemment indiqué, les incitations monétaires
nuisent à la motivation intrinsèque et donc à l'effort des
salariés lorsqu'elles sont perçues par ces derniers comme un
moyen de contrôle, c'est-à-dire qu'elles ne satisfont pas les
besoins psychologiques des salariés tels que le besoin de
compétence et le besoin d'autonomie ou d'autodétermination dans
une exécution des tâches intrinsèquement
intéressantes. Au contraire, si elles ne sont pas perçues comme
un moyen de contrôle, non seulement elles ne nuisent pas à la
motivation intrinsèque, mais aussi elles la favorisent. Depuis
longtemps, il y a une controverse entre les points de vue des psychologues et
des économistes au sujet des effets des incitations monétaires
sur le comportement des salariés au sein de la firme. Les approches
économiques standard des incitations généralement assument
que les incitations monétaires comme les récompenses contingentes
à la performance peuvent augmenter l'effort des salariés et donc
leur performance alors que les études des psychologues montent que ces
incitations peuvent conduire à la réduction d'effort des
salariés, en particulier dans les activités
intrinsèquement motivantes. Même s'il y a ces points de vue
contradictoires, les études d'expériences récentes des
économistes partagent également le point de vue des psychologues
qui estiment que les incitations monétaires évincent la
motivation intrinsèque, et donc l'effort des salariés.
Dans la section 1 du chapitre, nous allons montrer les
études expérimentales et empiriques des psychologues et des
économistes, ainsi que le modèle principal-agent étudiant
la motivation intrinsèque, pour constituer le support de l'effet
d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations
monétaires. Cependant, les travaux récents sur la motivation
intrinsèque indiquent que la dichotomie traditionnelle entre la
motivation intrinsèque et extrinsèque semble moins
évidente - les récompenses extrinsèques ne sont pas
nécessairement nuisibles, mais peuvent plutôt jouer un rôle
complémentaire à la motivation intrinsèque parce que ces
récompenses peuvent être internalisées et
intégrées par les salariés. Dans la section 2, nous allons
donc exposer la nouvelle perspective de l'interaction entre la motivation
intrinsèque et les récompenses extrinsèques en
général ou les récompenses monétaires en
particulier dans le cadre théorique psychologique de
l'autodétermination - nous étudierons comment et dans quelles
conditions les salariés internalisent et intègrent leur
motivation extrinsèque et puis nous réexaminerons les effets des
récompenses monétaires.
Section 1 : Les incitations monétaires sont
nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort
Dans cette section, nous allons
présenter non seulement les évidences expérimentales
réalisées par les psychologues, mais également par les
économistes, ainsi qu'un modèle économique, pour supporter
l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque et de l'effort
par les incitations extrinsèques, spécifiquement les incitations
monétaires.
1- L'effet d'éviction de la motivation
intrinsèque
L'argument que nous évoquons ici considère que
les incitations monétaires peuvent réduire la motivation
intrinsèque à accomplir une activité [Deci et Ryan, 1985;
Kreps, 1997], et donc nuire à l'effort. A partir de l'explication dans
la section 2 du chapitre précédent, l'idée sous-jacente
est que la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque
sont chacun source d'effort mais que leur introduction simultanée est
contreproductive, les incitations monétaires - et les incitations
extrinsèques en général - exerçant un effet
d'éviction (Crowding out effect) à l'encontre de la
motivation intrinsèque [Deci et al., 1999a]. De plus, en psychologie
expérimentale, l'effet négatif des récompenses
monétaires sur la motivation intrinsèque est connu sous le
vocable de coûts dissimulés ou coûts cachés de la
récompense (Hidden cost of rewards).
Selon la théorie de l'évaluation cognitive [Deci
et Ryan, 1985] précédemment étudiée, les
incitations monétaires sont susceptibles de démotiver l'individu
si elles sont perçues comme un moyen de contrôle puisqu'elles
affectent alors négativement le besoin d'autonomie et le sentiment de
compétence des salariés. Le sens de l'autodétermination
des agents peut être altéré lorsque l'intervention des
incitations monétaires est perçue comme une restriction de leur
autonomie. De même, si cette intervention se traduit par un renforcement
du contrôle, elle sera perçue comme une non reconnaissance de leur
compétence et donc les incitations monétaires évincent la
motivation intrinsèque des individus. En outre, le contrôle subi
dans les entreprises sous la forme d'incitations financières est
vécu par les salariés comme aliénant et
déshumanisant [Etchart-Vincent, 2006]. Le modèle
principal-agent84(*)
proposé par James Jr. [2005] établit ainsi que la motivation
intrinsèque est évincée par la rémunération
extrinsèque lorsque cette dernière est perçue par l'agent
comme un moyen de contrôle dans son activité.
Une autre approche intéressante est celle liée
à la théorie de l'auto-perception (Self-perception). Les
individus parfois ne connaissent pas parfaitement les raisons de leurs
comportements, plus précisément dans quelle mesure les
caractéristiques inhérentes à la tâche (motivation
intrinsèque) déterminent leurs comportements [Fehr et Falk, 2002;
Sliwka, 2003; Moussaoui, 2004]. Par conséquent, ils vont inférer
les motifs de leurs comportements à partir des circonstances qui ont
conduit à l'accomplissement de la tâche. Selon cette
théorie, les individus ont tendance à attribuer les motifs de
leurs actions aux stimuli les plus dominants. En l'absence d'incitations
externes, notamment d'incitations monétaires, les individus attribueront
leurs raisons d'agir aux caractéristiques inhérentes à la
tâche. Si des incitations monétaires sont mises en oeuvre pour une
activité, alors un individu conclut qu'il exécute cette
activité en raison de ces incitations, en développant une
désutilité de l'effort [Kreps, 1997; James Jr., 2005]. Ceci
correspond à l'économie standard de motivation qui confirme que
seules les incitations externes de type monétaire sont mises en avant,
ce qui pousse les agents à croire que la raison d'accomplir une
tâche revient à ce type d'incitation. Ainsi, la conception de la
motivation de la personne pour le travail se trouve également
modifiée. Par contre, si les incitations externes sont réduites
ou arrêtées, les agents cesseront d'accomplir la tâche en
question puisque la source commanditaire de l'action s'est
déplacée de l'intérieur à l'extérieur.
Cependant, cet effet d'éviction n'est pas automatique
[Moussaoui, 2004; Osterloh et Frey, 1999]. En effet, chaque intervention des
incitations monétaires comporte deux aspects pour les individus :
(i) l'aspect contrôleur qui renforce l'impression du contrôle
externe et le sentiment d'être dirigé de l'extérieur ;
(ii) l'aspect informateur sur l'appréciation par les autres, de leur
compétence et leur performance, ce qui renforce leur sens de
contrôle interne. Suivant que le premier aspect est dominant ou le second
aspect qu'il l'est, la motivation intrinsèque est évincée
ou renforcée.
Les résultats de méta-analyse de 128
expériences de Deci et al. [1999a; 1999b] indiquent que les
récompenses tangibles tendent à avoir un effet essentiellement
négatif sur la motivation intrinsèque. Même lorsque des
récompenses tangibles sont offertes comme indicateurs de bonne
performance, elles diminuent typiquement la motivation intrinsèque pour
des activités intéressantes. En outre, quand les organisations
optent pour l'utilisation des récompenses pour contrôler le
comportement, les récompenses sont susceptibles d'être
accompagnées par une plus grande surveillance, évaluation et
compétition, qui se sont également avérées miner la
motivation intrinsèque [Deci et Ryan, 1985]. Ce sapement est
particulièrement vrai pour les compensations monétaires qui ont
été perçues par les sujets d'expérience comme un
moyen de contrôle et ont donc tendu à évincer la motivation
intrinsèque [Osterloh et Frey, 1999]. Selon Deci et al. [1999a], l'effet
d'éviction est plus fort avec les récompenses monétaires
qu'avec les récompenses symboliques. Deci et al. [1999a] concluent
également que l'effet d'éviction est également plus grand
avec les récompenses attendues qu'avec les récompenses
inattendues. De plus, pour eux, les récompenses inattendues et les
récompenses non-contingentes à la tâche
(Task-noncontingent rewards) n'ont pas un effet néfaste sur la
motivation intrinsèque parce que les individus n'exécutent pas la
tâche afin d'obtenir ces récompenses, ainsi ils ne se sentent pas
contrôlés par ces récompenses. Ces auteurs indiquent
également que les récompenses ne minent pas la motivation
intrinsèque pour une activité qui n'est pas
intrinsèquement motivante (c'est-à-dire, une tâche simple
et inintéressante). Par conséquent, aucun effet d'éviction
ne peut avoir lieu s'il n'y a aucune motivation intrinsèque en premier
lieu [Osterloh et Frey, 1999]. Cette condition tient pour les tâches
simples. Dans ce cas, selon ces auteurs, l'évidence empirique prouve que
l'effet des prix augmente l'effort et la performance des individus. Lazear
[2000] fournit un exemple empirique, dans une compagnie de pare-brise, que nous
avons présenté dans la partie précédente ; les
tâches d'installation de pare-brise sont considérées
simples.
Bien que reconnue par les psychologues sociaux [Deci et Ryan,
1985], l'idée que « fournir des incitations
extrinsèques pour des employés peut être contreproductif
parce qu'il peut détruire la motivation intrinsèque de
l'employé, ce qui conduit à diminuer le niveau d'effort et les
bénéfices nets pour l'employeur » est juste un fait
stylisé en économie85(*). Néanmoins, les économistes accumulent
l'évidence pour cet effet, connu sous le nom de l'éviction de la
motivation [Frey et Jegen, 2000]86(*). Ces auteurs ont expliqué l'effet
d'éviction de la motivation intrinsèque des salariés par
le graphique ci-dessous.
Figure 8: L'interaction entre l'effet d'éviction
et l'effet du prix87(*)
Effort
Récompense
S'
S
A
A"
A'
B
C
R
O
Cette figure illustre la relation entre la récompense
monétaire et l'effort des individus. La courbe (S) représente
l'offre de l'effort du travail basé sur l'effet relatif des prix. Si une
récompense (R) est payée pour effectuer le travail, l'effet des
prix augmente l'effort du travail de A à A'. Lorsqu'une certaine
motivation intrinsèque du travail est assumée exister, la
quantité d'effort du travail (OA) est assurée même si
aucune compensation monétaire n'est payée. Si la motivation
intrinsèque du travail est minée, la courbe d'offre du travail
est décalée vers l'arrière à S'. Ainsi, une
augmentation de la récompense de O à R conduit à
déplacer l'effort du travail de point B à C. La figure est
dessinée de telle manière que l'effet de motivation domine
l'effet des prix : l'augmentation de la récompense
réduit l'effort du travail de A à A"88(*). Cependant, les auteurs
ajoutent que quand la motivation intrinsèque a été
complètement évincée, une augmentation de la
récompense accroît l'effort du travail (mouvement le long de
S').
Gneezy et Rustichini [2000] dans son étude
expérimentale corroborent la relation présentée sur la
figure 8 au dessus. Ils ont constaté que les incitations
monétaires plus élevées induisent un plus grand effort, et
puis un rendement élevé. Mais ce rendement ou performance peut
être inférieur(e) par rapport au cas de la nulle compensation, en
raison de l'introduction de la compensation monétaire. En
conséquence, les auteurs ont considéré que des agents sont
motivés par des facteurs extrinsèques et intrinsèques et
que l'introduction des incitations monétaires sape la motivation
intrinsèque. Fehr et Gächter [2002] ont rapporté les
résultats semblables d'une expérience dans laquelle un principal
a offert un contrat aux agents pour fournir l'effort en échange du
paiement. Dans certains contrats, le principal a offert seulement les salaires
fixes. Les résultats confirment que des contrats incitatifs
évincent la réciprocité ou la coopération
volontaire qui peut être considérée comme un type
spécial de motivation intrinsèque, c'est-à-dire que les
contrats incitatifs, en moyenne, ont obtenu des niveaux d'effort plus bas des
agents par rapport aux contrats de salaire fixe. Ils ont montré que le
groupe d'individus à qui l'on a proposé des contrats basés
sur des incitations explicites a fourni moins d'effort que le groupe
d'individus pour qui l'on fait appel à la norme de
réciprocité pour les inciter à produire les efforts
désirés. Ce qu'il faut souligner au passage c'est que,
malgré le fait que le recours à des incitations monétaires
engendre un surplus total plus faible que celui obtenu par les incitations
basées sur la réciprocité, les
« principal » préfèrent le premier
mécanisme incitatif, puisqu'ils ont la possibilité de
s'approprier la plus grande part du surplus. Fehr et Falk [2002] soulignent
également l'existence de motivations sociales non monétaires,
comme le désir de réciprocité ou celui d'éviter la
désapprobation sociale et le désir de travailler dans les
tâches intéressantes, qui sont puissamment incitatives en soi et
peuvent être détruites par les incitations monétaires.
Gächter et Falk [2000] étudient
expérimentalement les effets pervers des contrats incitatifs explicites
sur la réciprocité. Leur résultat prouve que les contrats
incitatifs ont évincé la réciprocité89(*) et ont mené à un
degré élevé de comportement opportuniste des individus.
Ils voient ceci comme une évidence que l'introduction des incitations
pécuniaires dans un rapport réciproque supporte des
coûts cachés dans le sens où elle peut affaiblir des
incitations totales pour la provision d'effort.
D'après Freeman [1997], le travail volontaire est une
illustration typique de la motivation intrinsèque dans le sens où
les individus accomplissent des tâches pour leur intérêt et
non pas pour une récompense monétaire. Frey et Goette [1999] ont
essayé de tester l'hypothèse de l'effet d'éviction de la
motivation intrinsèque en utilisant une approche
économétrique. Ils utilisent un ensemble de données de
Suisse pour évaluer comment les récompenses financières
affectent l'effort des volontaires mis dans le travail volontaire. Leurs
résultats montrent que, d'une part, la taille des incitations
financières poussent les volontaires à fournir plus d'effort, et
d'autre part, le fait d'être payé pour son volontariat baisse
significativement le niveau d'effort fourni d'environ quatre heures en dessous
de la moyenne. Par conséquent, les résultats de Frey et Goette
sont en conformité avec l'évidence expérimentale en
psychologie sociale, indiquant que les récompenses financières
peuvent réduire la motivation intrinsèque et l'effort des
individus pour une activité.
Une autre confirmation du désintérêt des
employés pour une tâche lorsqu'elle est régulée par
des incitations financières ou par du monitoring est le travail
de Bewley [1995]. Celui-ci avait collecté 344 interviews avec 372
décideurs sur le marché du travail, car il y avait plus d'un
répondant à certaines interviews. Cette interview a
été faite de 1992 à 1994. Particulièrement, les
praticiens semblent conscients des pièges possibles des arrangements de
paiement à la performance. Ils se rendent compte que l'intervention
externe via des incitations monétaires ne devrait pas être
utilisée en tant que moyen de contrôle, car elle peut miner les
réalités intrinsèques comme un moral ou la
créativité du travail. Alors, Bewley ressort de cette
étude que les employés ont plusieurs opportunités pour
tricher et exploiter les employeurs. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas
compter uniquement sur les incitations financières et la coercition pour
les motiver. Il faut faire appel à d'autres moyens en renforcement dont
l'effet est complémentaire. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que la
nature de la tâche accomplie par un employé procure de la
satisfaction (estime de soi, autonomie, reconnaissance de sa compétence,
etc.) en dehors du revenu qui lui est associé. Par conséquent,
des employés qui ne se sentent pas reconnus, qui ne peuvent pas prendre
des initiatives ne donneront pas le meilleur d'eux-mêmes, même si
l'on augmente les incitations financières et/ou l'on renforce les
contrôles.
L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque
par les incitations monétaires est aussi confirmé par le
résultat dans l'expérience du laboratoire d'Irlenbusch et Sliwka
[2005]. Ils conçoivent une expérience pour explorer une nouvelle
explication possible sur la question : pourquoi les incitations
extrinsèques peuvent évincer l'effort ? Ils se sont
intéressés en particulier par l'influence que l'arrangement de
rémunération à la pièce peut avoir sur la
perception cognitive des agents de la situation. En comparant les niveaux
d'effort dans leurs deux traitements, ils trouvent un effet d'éviction
étonnamment clair, c'est-à-dire que l'effort s'avère
être considérablement inférieur dans le traitement
où les incitations explicites sont introduites. Les
bénéfices et le bien-être sont également plus
élevés dans le cas où seulement des salaires fixes sont
introduits. En outre, l'effort moyen et l'efficacité globale sont
sensiblement plus élevés sous des salaires purement fixes si les
agents n'ont pas antérieurement éprouvé le salaire
variable. En revanche, une fois que des salaires à la pièce ont
été éprouvés, il peut mener à de plus
mauvais résultats (effort des individus inférieur) bien que le
système de compensation ait été changé en salaires
fixes dans la deuxième période. Ainsi, l'utilisation des salaires
à la pièce change considérablement la perception des
agents de la situation et évince leur motivation intrinsèque.
Selon James Jr. [2005], la clef pour comprendre
l'éviction de la motivation se conçoit par un modèle dans
lequel l'utilité d'un agent reflète (a) soit des facteurs
extrinsèques et intrinsèques si les récompenses
extrinsèques ne sont pas perçues comme un moyen de
contrôle, (b) soit des facteurs extrinsèques seulement si les
récompenses extrinsèques sont perçues comme un moyen de
contrôle. Il y a beaucoup d'évidences en psychologie et en
économie soutenant cet effet d'éviction. Les récompenses
extrinsèques peuvent être perçues comme un moyen de
contrôle dans deux conditions. La première condition est quand la
taille de la récompense est grande. L'évidence empirique
suggère également que la taille de récompense est
négativement liée à la motivation intrinsèque. La
raison est que les processus par lesquels un agent rationalise son comportement
peut devenir ainsi accablé par le
« salience » des récompenses
extrinsèques qu'il est rationnellement obligé d'attribuer son
comportement à la compensation plutôt qu'à ses
préférences intrinsèques. Cette idée a
été également reconnue par Kreps [1997] qui a dit que
lorsque l'individu entreprend une tâche sans être soutenu par des
incitations monétaires, il rationalise l'effort mis en oeuvre, ce
dernier étant perçu comme le reflet du plaisir trouvé dans
l'accomplissement de la tâche - ce plaisir stimulant à son tour
l'effort. Mais si les incitations extrinsèques sont mises en place,
alors l'individu attribue son effort aux seules incitations et développe
une désutilité de l'effort. En d'autres termes, selon Deci et al.
[1999b], les grandes récompenses peuvent contraindre un agent à
reconnaître que le locus de la causalité est externe plutôt
qu'interne, et ce qui est perçu comme un moyen de contrôle. Ceci
minera le besoin inhérent de l'agent de l'autonomie, et par
conséquent, ne fournit aucune satisfaction intrinsèque pour
s'engager dans le comportement contrôlé.
La deuxième condition est que l'objet de la motivation
intrinsèque d'un agent est également la source des
récompenses. Par exemple, si un agent est initialement
intrinsèquement motivé à agir dans l'intérêt
d'un principal qui paye également les salaires aux ouvriers, alors
l'introduction des incitations par le principal pourrait être
perçue par l'agent comme tentative de manipulation. Cette perception
minera le besoin de l'agent de l'autonomie, ce qui entraîne un effet
d'éviction de la motivation. Cependant, si l'agent est motivé par
les normes généralisées comme « provide an
honest day's work for an honest day's pay » qui par la nature
sont externes aux intérêts plus étroits du principal, alors
les incitations extrinsèques présentées par le principal
ne pourrait pas être perçu comme un moyen de contrôle mais
plutôt comme affirmation de la compétence. Ainsi, cela va
supporter plutôt qu'évincer la motivation intrinsèque des
agents.
Dans ce qui suit, nous allons montrer, en empruntant les
travaux de James Jr. [2005], un simple modèle principal-agent dont
l'objectif est de démontrer comment la taille de la compensation
monétaire et l'objet sur lequel la motivation intrinsèque de
l'agent est placée interagissent afin d'induire un agent, maximisant
l'utilité comportant les éléments extrinsèques et
intrinsèques, à se comporter comme si la motivation
intrinsèque est évincée.
2- Le modèle principal-agent avec la motivation
intrinsèque90(*)
Initialement, on suppose que l'objet de la motivation
intrinsèque de l'agent est également la source de sa
compensation, c'est-à-dire que l'agent est intrinsèquement
motivé à produire des bénéfices pour le principal.
Ce modèle est utilisé pour montrer comment l'introduction des
incitations monétaires peut entraîner une réduction
discontinue d'effort des salariés si les incitations explicites minent
leur motivation intrinsèque. Mais ce modèle permet aussi de
montrer l'importance de la taille de la compensation incitative afin de
comprendre pourquoi un agent intrinsèquement motivé à agir
dans l'intérêt d'un principal se comporte comme s'il est
motivé par des facteurs extrinsèques seulement. Le modèle
est ensuite révisé pour refléter la motivation
intrinsèque d'un agent qui est attachée à une norme
généralisée du comportement plutôt qu'aux
intérêts d'un principal. Cette révision illustre pourquoi
l'objet auquel la motivation intrinsèque est attachée est
important pour comprendre pourquoi l'éviction de la motivation a lieu.
Les incitations extrinsèques et la
réduction discontinue de l'effort
Comment expliquons-nous l'évidence que l'introduction
d'incitations a pour résultat une réduction discontinue d'effort
des salariés?
Pour répondre à cette question, on exige un
modèle de l'utilité qui contient des sources extrinsèques
et intrinsèques d'utilité. Alors, dans ce modèle,
l'utilité d'un agent incorpore les éléments
extrinsèques et intrinsèques. Supposons qu'un principal emploie
un agent à offrir un effort e en échange de la
compensation, w. Si p est le revenu produit par unité
d'effort, alors les bénéfices du principal sont de pe -
w.
Si la désutilité d'effort du travailleur est
e2, alors son utilité extrinsèque est de
w - e2. D'une manière optimale, le travailleur
devrait fournir l'effort91(*) e* = p/2, qui maximise le bien-être
social (les bénéfices plus l'utilité).
Ainsi, l'agent choisit l'effort e pour maximiser la
fonction suivante comportant les éléments extrinsèques et
intrinsèques:
U = + re - e2 + Iäs (1)
La motivation extrinsèque de l'agent est + re - e2, qui se compose de salaire fixe, le paiement incitatif r, net de coût d'effort
e2. Iäs représente la motivation
intrinsèque de l'agent. La variable I est un indicateur de la
présence ou de l'absence de la motivation intrinsèque de l'agent.
On suppose que I = 1 si l'agent est intrinsèquement
motivé et I = 0 si cette motivation intrinsèque est
évincée. Le paramètre ä représente
une intensité de la motivation intrinsèque de l'agent pour un
certain objet s, où un agent avec un haut ä
aura une motivation plus forte vers s qu'un agent avec un bas
ä.
Pour la simplicité, supposons que p > r (de
sorte que les incitations soient marginalement profitables au principal) et
ä > 0 (de sorte que l'agent soit motivé pour
être productif plutôt que destructif). D'ailleurs, le cadre de ce
modèle est divisé en deux périodes :
Dans la première période, le principal offre un
contrat d'emploi à un agent aléatoirement tiré de la
population se composant des travailleurs dont le salaire de réservation
est zéro et qui sont identiques pour leurs capacités, mais sont
différents pour la taille de ä définissant la
force de la motivation intrinsèque qu'ils se sentent; les agents
avec äs plus élevé sont plus
intrinsèquement motivés que des agents avec äs
inférieur, toutes choses égales par ailleurs. En outre,
supposons que le niveau du ä est une information privée et
non bien informé du principal à n'importe quel coût. Enfin,
supposons que ä, l'intensité de la motivation
intrinsèque de l'agent est fixe parce que la question
d'intérêt est seulement si l'agent se comporte comme si
intrinsèquement motivé, i.e. si I = 1 ou I = 0,
et non comment il est intrinsèquement motivé, i.e. si
ä est grand ou petit. Le contrat offert à l'agent se
compose d'un salaire fixe, et de taux incitatif, r = 0, en échange de
l'effort e choisi par l'agent.
Dans la deuxième période, l'agent fait le choix
d'effort et le principal compense l'agent, qui se produit simultanément.
Initialement, nous supposons que l'objet de la motivation
intrinsèque de l'agent est le principal. Autrement dit, l'agent est
motivé à produire des bénéfices pour le principal
pour que s = pe - (+ re) ou s = pe - - re. Nous assumons également que le principal est
intéressé à assurer des bénéfices
maximisés. Alors, l'équation (1) devient:
U = + re - e2 + Iä(pe - - re) (2)
En maximisant la fonction d'utilité de l'agent (2)
avec le respect à l'effort e, on obtient son choix optimal de
l'effort ê92(*) :
(3a)
Considérons maintenant deux scénarios
stylisés différents.
En premier lieu, l'agent se voit offrir seulement des
salaires fixes pour la participation, mais il est également
intrinsèquement motivé à offrir l'effort. Dans ce cas,
r = 0 et I = 1 de sorte que l'agent assure l'effort
ê = äp/2 = ê1.
En second lieu, l'agent se voit offrir des salaires fixes et
une incitation r pour l'effort mais il n'a aucune motivation
intrinsèque pour fournir l'effort au delà de ce que l'incitation
offre. Dans ce cas, r >0 and I = 0 de sorte que l'agent
assure l'effort ê = r/2 = ê2. Notons que dans
ce deuxième cas, l'effort augmente à mesure que le salaire
à la pièce augmente.
Ces deux scénarios se conforment à la
stylisation de problème d'éviction de la motivation dans la
littérature parce que les ouvriers sont souvent intrinsèquement
motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (r = 0 et I =
1) mais ne sont pas intrinsèquement motivés quand des incitations
sont offertes (r > 0 et I = 0). On peut résumer le choix d'effort de
l'agent dans chaque scenario.
(3b)
Selon une évidence expérimentale, l'effort
fourni dans le cadre d'un contrat de salaire fixe avec un agent
intrinsèquement motivé sera souvent égal à ou
excèdera l'effort assuré par un agent non intrinsèquement
motivé une fois qu'il est contrôlé par un contrat incitatif
(ê1 = ê2)93(*). ä = r/p suggère que la
motivation intrinsèque de l'agent doit être suffisamment forte. Si
les incitations sont, par la suite, introduites et minent la motivation
intrinsèque de l'agent (I = 0), alors le choix d'effort de
l'agent diminue de manière discontinue de ê1
à ê2. Ensuite, l'augmentation des
salaires à la pièce a pour conséquence un effort accru,
c'est-à-dire, à mesure que r augmente, ê2
augmente sans interruption94(*). Cela est illustré dans la figure 9.
Figure 9 : L'effet des incitations
monétaires sur l'effort
ä > r/p
ä < r/p
0
ê1 = äp/2
Effort, e
Salaire aux pièces, r
ê2 = r/2
L'éviction de la motivation quand l'objet est
orienté vers un principal
Pourquoi les incitations positives (r > 0) peuvent-elles
être associées avec les agents se comportant comme si la
motivation intrinsèque est évincée (I = 0)? Afin
de comprendre pourquoi un agent avec l'utilité comportant les
éléments extrinsèques et intrinsèques choisissent
l'effort comme si la motivation intrinsèque ont été
minée, nous devons examiner l'utilité de l'agent quand I = 0
(la motivation intrinsèque évincée) et I = 1
(la motivation intrinsèque positive) sous les deux cas de r = 0
(aucune compensation incitative) et r > 0 (la compensation
incitative positive).
a- Cas n° 1: r = 0 et I = 0
D'abord, considérons le cas dans lequel aucune
compensation incitative n'est offerte (r = 0). Si la motivation
intrinsèque de l'agent est sapée (I = 0), alors son
utilité sera95(*):
U (ê|r = 0, I = 0) = (4a)
Comme r = 0 et I = 0, par l'équation
(3a), l'agent va offrir l'effort ê = 0.
b- Cas n° 2: r = 0 et I = 1
Si l'agent est intrinsèquement
motivé au moment où aucune compensation incitative n'est offerte,
son utilité sera96(*) :
U (ê|r = 0, I = 1) = (ä2p2
- 4 ä + 4)/4 (4b)
Cela correspond à l'effort choisi par l'agent de
ê1 = äp/2 (voir l'équation (3b)). L'agent
aura une plus grande utilité quand intrinsèquement motivé,
c'est-à-dire quand l'équation (4b) n'est pas moins que (4a), ou
quand97(*):
ä = 4/p2 = äSF (5)
L'équation (5) définit le seuil
déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement
motivé pour fournir l'effort pour un principal quand on lui offre
seulement un contrat du salaire fixe (SF), i.e. quand r = 0. Quand
ä ? äSF, ou quand la motivation
intrinsèque d'un agent à agir dans l'intérêt du
principal est relativement élevé, alors il aura une
utilité plus élevée que lorsqu'intrinsèquement
motivé. Cependant, quand ä < äSF, ou
quand la motivation intrinsèque de l'agent est relativement faible,
alors il aura une utilité plus élevée en choisissant
l'effort comme si non intrinsèquement motivé, i.e. I = 0
; c'est-à-dire que la motivation intrinsèque est
minée. Nous observons que le seuil äSF augmente en
fonction du montant du salaire fixe, mais diminue avec une augmentation du
revenu produit par unité d'effort. En d'autres termes, toutes choses
égales par ailleurs, plus le salaire fixe offert à l'agent est
grand, plus la motivation intrinsèque innée de l'agent devrait
être élevée afin de l'induire à fournir l'effort.
Par conséquent, lorsqu'un salaire fixe est offert mais
sans compensation incitative, la plupart des individus semblent être
disposés à travailler comme si intrinsèquement
motivé (I = 1), en suggérant que ä = äSF
avec l'effort correspondant au ê1.
c- Cas n° 3: r > 0 et I = 0
Maintenant, nous considérons le troisième cas
dans lequel la compensation incitative est offerte (r > 0). Si la motivation
intrinsèque de l'agent est évincée (I = 0), alors son
utilité sera98(*)
:
U (ê|r >0, I = 0) = (r2 + 4)/4 (6a)
Dans ce cas, l'agent va choisir l'effort ê2
= r/2.
d- Cas n° 4: r > 0 et I = 1
Si la compensation monétaire
incitative est introduite (r > 0) et l'agent est intrinsèquement
motivé (I = 1), son utilité sera99(*) :
U (ê|r >0, I = 1) = [ä2(p -
r)2 + 2ä(pr - r2 - 2) + r2+ 4]/4 (6b)
Dans ce cas, le niveau d'effort choisi par l'agent est de
. L'agent, quand intrinsèquement motivé, aura une plus
grande utilité quand l'équation (6b) n'est pas moins que (6a), ou
quand100(*) :
ä = [4- 2r(p - r)]/(p - r)2 = äCI (7)
Cette équation définit le seuil
déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement
motivé quand on lui offre un contrat de la compensation incitative (CI)
(r > 0). Si ä = äCI, ou si la motivation
intrinsèque innée de l'agent vers le principal est suffisamment
forte, puis même lorsque la compensation incitative est offerte, il sera
plus utile pour l'agent d'être intrinsèquement motivé en
choisissant le niveau de l'effort à offrir pour le principal. Si,
cependant, la motivation intrinsèque innée de l'agent est trop
faible dans le sens où ä < äCI, alors l'agent
aura une faible satisfaction lorsque sa motivation intrinsèque est
sapée puisqu'il choisit l'effort en se basant seulement sur la taille de
l'incitation extrinsèque, r. En effet, la compensation incitative a pour
conséquence une désactivation rationnelle de la motivation
intrinsèque de l'agent. Comme dans le cas où aucune compensation
incitative n'est offerte, le seuil äCI a une corrélation
positive avec le montant du salaire fixe.
En conséquence, l'évidence expérimentale
suggère que les agents se comportent généralement comme si
intrinsèquement motivé quand un salaire fixe est offert mais
aucune compensation incitative n'est offerte (quand ä =
äSF). Dans ce cas, l'agent choisit le niveau d'effort à
ê1 = äp/2. L'évidence expérimentale
suggère également que quand les travailleurs sont offerts la
compensation incitative, beaucoup de ceux qui étaient déjà
intrinsèquement motivés quand aucune incitation monétaire
n'a été payée par la suite agissent comme s'ils ne sont
pas intrinsèquement motivés, en suggérant ä <
äCI plutôt que ä = äCI.
Pourquoi l'introduction de la compensation incitative
impliquerait-elle que l'effort soit observé dans le cas n° 3 et non
dans le cas n° 4 ? Pourquoi l'introduction d'une incitation
impliquerait-elle que ä < äCI plutôt que ä =
äCI?
Pour répondre à ces questions, nous devons
déterminer si et quand il est possible que äSF = ä
< äCI. Cette expression est vraie lorsque 4/p2 < [4- 2r (p - r)]/ (p - r)2, ou lorsque:
r > [p (p2 - 4)]/ (p2 - 2) = (8)
Cette équation démontre que si le taux incitatif
offert par le principal est trop élevé, certains agents
intrinsèquement motivés à fournir l'effort en l'absence de
la compensation incitative (i.e., avec ä = äSF) ne le
seraient plus lorsque la compensation incitative est offerte (i.e., ä <
äCI). Autrement dit, leur motivation intrinsèque serait
évincée par les incitations extrinsèques. En revanche, si
r = , alors äSF = äCI. Par
conséquent, les agents qui seraient intrinsèquement
motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (ä =
äSF) le seraient également quand les incitations sont
offertes, car le ä = äSF et äSF =
äCI implique ä > äCI dans ce cas. En
d'autres termes, pour certains agents, la question du pourquoi l'introduction
des compensations extrinsèques mine la motivation intrinsèque, ce
qui a donc pour résultat un niveau d'effort plus bas, dépend en
partie de la taille de la compensation incitative offerte.
Comme expliqué ci-dessus, une raison pour laquelle les
grandes récompenses sapent la motivation intrinsèque est qu'elles
peuvent être perçues par les agents comme un moyen de
contrôle et donc elles ne fournissent aucune satisfaction
intrinsèque à l'agent. Dans ce cas, le comportement de l'agent
refléterait probablement la satisfaction extrinsèque seulement.
L'auteur James Jr. continue à prouver que même
les petites incitations monétaires induisent les agents à se
comporter comme si non intrinsèquement motivés en relation avec
l'estimation de la valeur de l'effort réalisé par l'agent aux
yeux du pincipal, la taille du salaire fixe, l'intensité de motivation
intrinsèque innée de l'agent et d'autres facteurs. Il observe
encore que diminue dans le montant des salaires fixes, car:
2p3 / (p2 - 2)2 < 0 (9)
Par conséquent, quand on paie aux agents les salaires
fixes très grands, où même lorsqu'ils
bénéficient d'incitations monétaires modestes, il se
produit inévitablement un effet d'éviction de la motivation.
D'ailleurs, l'auteur continue à démontrer que
quand l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est une norme
sociale généralisée, comme « provide an
honest day's work for an honest day's pay » ou
« honor your contractual obligations », les agents
croient qu'ils devraient fournir au moins un certain niveau d'effort lorsqu'ils
sont employés par le principal. Dans ce cas, le niveau de la motivation
intrinsèque innée nécessaire à induire la
motivation intrinsèque lorsque les incitations sont offertes sera
toujours inférieur au niveau requis quand seule la compensation fixe est
offerte (äCI < äSF). Ainsi, si l'agent est
déjà intrinsèquement motivé à travailler
lorsqu'il n'y a pas d'incitations extrinsèques, alors la motivation
intrinsèque ne serait pas évincée quand la compensation
incitative est offerte.
En conséquence, ce modèle illustre comment et
pourquoi l'introduction des incitations monétaires peut avoir pour effet
l'éviction de la motivation intrinsèque des travailleurs. Le
modèle utilise des perspicacités de théorie de
l'évaluation cognitive qui établit pour principe que les
événements perçus en tant que moyen de contrôle
induisent des agents à ne pas être intrinsèquement
motivés puisque le comportement contrôlé ne fournit pas la
satisfaction intrinsèque. Le modèle prouve que deux facteurs sont
importants pour comprendre comment un agent pourrait percevoir l'introduction
d'une incitation explicite comme moyen de contrôle : l'objet auquel
la motivation intrinsèque est attachée et la taille de la
compensation incitative et fixe.
Bonner et Sprinkle [2002] soutiennent également que,
sur un plan théorique, des incitations monétaires
élevées ne sont pas nécessairement plus efficaces. En
effet, la perspective d'une richesse accrue peut dissuader l'effort au lieu de
le stimuler et, si l'individu souffre d'un manque d'estime de soi, le sentiment
de ne pas arriver à atteindre le niveau de performance requis peut
définitivement le décourager.
L'argument dans cette section est vraiment contraire à
celui dans la partie précédente. Dans la partie 1, les
économistes ont émis un argument de taille soutenus par des
preuves empiriques que les incitations monétaires influencent
positivement l'effort des salariés. Mais les chercheurs dans cette
section, s'appuyant sur des études expérimentales des
psychologues et des économistes, clament le contraire,
c'est-à-dire que les incitations monétaires nuisent à la
motivation intrinsèques des salariés et donc à leur
effort. Les psychologues reconnaissent aussi que les incitations
monétaires peuvent booster la motivation intrinsèque et aussi
l'effort des salariés si elles ne sont pas perçues par ces
derniers comme un moyen de contrôle, i.e., si elles incitent en eux un
sentiment de compétence et d'autodétermination.
Cependant, la recherche récente sur la motivation
intrinsèque indique que bien que la motivation intrinsèque et
extrinsèque aient été initialement conçues comme
dichotomie, beaucoup de chercheurs, actuellement, ne tiennent plus compte de
cette notion [Kunz et Pfaff, 2002]. Plusieurs études ont prouvé
que les récompenses extrinsèques augmentent la motivation
intrinsèque [Ryan, 1982; Ryan et al., 1983]. Par conséquent, il
est apparu de plus en plus clairement que les récompenses
extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais
plutôt peuvent jouer un rôle complémentaire à la
motivation intrinsèque.
Gagné et Deci [2005] exposent certains problèmes
de la théorie de l'évaluation cognitive. Premièrement, la
plupart des études qui ont testé cette théorie
étaient des expériences de laboratoire plutôt que des
études d'organisation. Deuxièmement, il était difficile
d'incorporer des propositions de la théorie de l'évaluation
cognitive aux approches répandues comportementales et d'attente-valence.
Troisièmement, de nombreuses activités dans les organisations du
travail ne sont pas intrinsèquement intéressantes et
l'utilisation des stratégies telles que la participation à
l'augmentation de la motivation intrinsèque n'est pas toujours
réalisable. Quatrièmement, la plupart des personnes qui
travaillent doivent gagner de l'argent, ainsi utiliser les
récompenses monétaires101(*) comme une stratégie de motivation
centrale semble pratique et attrayante. Cinquièmement, la
théorie de l'évaluation cognitive a semblé impliquer que
les managers et les théoriciens de management devraient se concentrer
sur l'un ou l'autre - c'est-à-dire, soit sur une augmentation de la
motivation intrinsèque par la participation et
l'empowerment 102(*) en minimisant l'utilisation des facteurs
extrinsèques, soit sur l'utilisation des récompenses et d'autres
contingences extrinsèques pour maximiser la motivation
extrinsèque en ignorant l'importance de la motivation
intrinsèque.
Par conséquent, Deci et ses collègues se sont
clairement dissociés de l'ancienne dichotomie fallacieuse de la
motivation intrinsèque et extrinsèque [Kunz et Pfaff, 2002]. Ils
ont présenté une analyse différenciée de la
motivation extrinsèque en utilisant les concepts de l'internalisation,
qui adresse directement les critiques formulées ci-dessus au sujet de la
théorie de l'évaluation cognitive. Dans leur concept, ils
supposent que les individus tendent à internaliser et intégrer
les régulations du comportement extrinsèquement motivé
afin de faire face efficacement à leur monde social. Par
conséquent, la dichotomie traditionnelle est remplacée par une
conceptualisation de la motivation extrinsèque comme un continuum
d'internalisation et d'intégration. Cela correspond à la
théorie de l'autodétermination qui incorpore la théorie de
l'évaluation cognitive, mais elle est beaucoup plus large que cette
dernière dans la portée.
Dans la section suivante, nous allons donc aborder une
analyse de l'autorégulation qui explique comment les gens incluent des
valeurs sociales et des contingences extrinsèques et progressivement les
transforment en valeurs personnelles et auto-motivations. Dans la discussion,
nous exposerons sommairement les différentes formes de motivation
internalisée, en adressant leurs corrélations comportementales et
d'expériences et les conditions qui sont susceptibles de favoriser ces
différentes motivations et également en réexaminant les
effets des incitations monétaires.
Section 2 : La nouvelle perspective de
l'interaction entre les récompenses monétaires et la motivation
intrinsèque
La théorie de l'autodétermination a fortement
évolué au cours des 30 dernières années de
recherche psychologique faite par Deci, Ryan et leurs collaborateurs de partout
dans le monde. La théorie de l'autodétermination est une approche
de la motivation humaine et de la personnalité qui utilise des
méthodes empiriques traditionnelles en se basant sur une
métathéorie organismique qui accentue l'importance des ressources
intérieures évoluées des humains pour le
développement de la personnalité et l'autorégulation
comportementale [Ryan et Deci, 2000a].
Si le besoin d'autodétermination est vraiment une base
importante de la motivation intrinsèque, on s'attendrait à ce que
des individus soient plus intrinsèquement motivés envers les
activités dans lesquelles ils ont une plus grande
autodétermination. Cette supposition est largement acceptée
[Zuckerman et al., 1978]. Les concepts liés à
l'autodétermination ont été vigoureusement
recherchés et discutés dans la littérature d'organisation
depuis longtemps. En psychologie de l'organisation, par exemple, les secteurs
du management participatif et de l'enrichissement au travail se sont
fondés solidement sur l'hypothèse qu'une plus grande
autodétermination conduit à des niveaux de motivation plus
élevés et à une meilleure performance103(*).
La théorie de l'autodétermination distingue
l'amotivation (i.e., le manque de motivation) de la motivation. L'amotivation
implique un manque d'intention d'agir tandis que la motivation implique une
intention d'agir. Lorsque les individus sont amotivés, ils n'agissent
pas ou sans intention - ils passent juste par les mouvements. L'amotivation
résulte de la non évaluation d'une activité, du sentiment
d'incompétence ou de ne pas s'attendre à ce qu'il rapporte des
résultats désirés [Ryan et Deci, 2000a]. Selon cette
théorie, les individus deviennent vraisemblablement des êtres
amotivés quand ils manquent d'un sens d'efficacité ou d'un sens
de contrôle, en ce qui concerne le résultat désiré -
c'est-à-dire, quand ils ne peuvent pas adopter le comportement
adéquat. Dans la figure 10, l'amotivation est indiquée au bout du
continuum. Toutes les formes de la régulation extrinsèque,
même la plus contrôlée, impliquent l'intention et la
motivation. Mais, l'amotivation se tient à l'opposé de la
motivation intrinsèque et extrinsèque, parce qu'elle
représente le manque des deux types de motivation ainsi qu'un manque
complet d'autodétermination concernant le comportement de cible.
Dans la motivation, élément central à la
théorie de l'autodétermination est la distinction entre la
motivation autonome et la motivation contrôlée [Gagné et
Deci, 2005] (Voir Figure 10).
Figure 10: Le continuum de
l'autodétermination
Extrinsic Motivation
Intrinsic Motivation
Integrated Regulation
External Regulation
Introjected Regulation
Identified Regulation
Amotivation
Contingencies of reward and punishment
Moderately Controlled Motivation
Moderately Autonomous Motivation
Autonomous Motivation
Inherently Autonomous Motivation
Interest, enjoyment and inherent satisfaction of the task
Importance of goals, values, and regulations
Coherence among goals, values, and regulations
Self-worth contingent on performance; ego-involvement
Controlled Motivation
Absence of intentional regulation
Lack of Motivation
Non-Regulation
Intrinsic Regulation
Nonself-Determined Self-Determined
(Gagné et Deci [2005], p. 336 et Ryan et Deci
[2000a], p. 72)
L'autonomie implique le fait d'agir avec un sens de la
volonté et une sensation de choix. La motivation intrinsèque est
un exemple de la motivation autonome. Quand les individus s'engagent dans une
activité parce qu'ils la trouvent intéressante, ils
l'exécutent de manière complètement volitive. Au
contraire, le fait d'être contrôlé implique le fait d'agir
avec un sentiment de pression, un sentiment de devoir s'engager dans les
actions. L'utilisation des récompenses extrinsèques dans les
premières expériences a eu pour conséquence l'introduction
de la motivation contrôlée [Deci, 1971]. La théorie de
l'autodétermination démontre que les motivations autonomes et
contrôlées diffèrent en termes de leurs processus
régulateurs fondamentaux et de leurs expériences
d'accompagnement, et elle suggère que les comportements peuvent
être caractérisés en termes de degré (autonomes
versus contrôlés).
Selon Deci et Ryan [2000], la théorie de
l'autodétermination, avec sa métathéorie dialectique
organismique, propose que, comme pour la motivation intrinsèque,
l'internalisation est un processus actif et naturel dans lequel les individus
essayent de transformer les moeurs ou les demandes socialement
sanctionnés en valeurs et autorégulations personnellement
approuvées. C'est un moyen par lequel les individus assimilent et
reconstituent autrefois des régulations externes, les individus peuvent
être donc autodéterminés en les décrétant.
Lorsque le processus d'internalisation fonctionne de façon optimale, les
individus identifieront avec importance des régulations sociales, les
assimileront et donc les accepteront entièrement comme propres à
eux mêmes.
A la droite du continuum dans le schéma 10, la
motivation est fortement autonome et représente un exemple prototypique
de l'autodétermination. Les comportements extrinsèquement
motivés, en revanche, couvrent le continuum entre l'amotivation et la
motivation intrinsèque, en changeant dans le point dans lequel leur
régulation est autonome. Alors, nous considérons chacun des types
de régulation ci-dessous.
1- L'internalisation de la motivation
extrinsèque
1-1- La régulation externe
Les activités qui ne sont pas intéressantes
(c'est-à-dire, qui ne sont pas intrinsèquement motivantes)
exigent la motivation extrinsèque; leur établissement initial
dépend donc de la perception d'une contingence entre le comportement et
une conséquence désirée telle que l'approbation implicite
ou les récompenses tangibles. Dans la théorie de
l'autodétermination, les comportements extrinsèquement
motivés qui sont les moins autonomes sont considérés comme
extérieurement régulés - c'est-à-dire,
initiés et maintenus par des contingences externes à l'individu.
Ceci est le type classique de la motivation extrinsèque qui a
été intensivement examinée et avérée
à miner la motivation intrinsèque dans les anciennes
études de laboratoire et sur le terrain [Deci et al., 1999a], et aussi
est un prototype de la motivation contrôlée [Gagné et Deci,
2005]. Une fois extérieurement régulés, les individus
agissent avec une intention d'obtenir une conséquence
désirée ou d'éviter une conséquence non
désirée, ils activent dans l'action seulement quand l'action est
instrumentale à ces extrémités.
D'autres types de la motivation extrinsèque
résultent d'une régulation comportementale et de la valeur
associée qui ont été internalisées. Encore une
fois, l'internalisation est le processus dans lequel les individus incluent
(take in) les valeurs, les attitudes ou les structures
régulatrices, telles que la régulation externe d'un comportement
transformée en régulation interne.
1-2- La régulation introjectée
Un deuxième type de motivation extrinsèque est
marqué la régulation introjectée. C'est une
régulation qui a été incluse par l'individu, mais qui n'a
pas été proprement acceptée [Deci et al., 1994; Ryan et
Deci, 2000a; Gagné et Deci, 2005]. La régulation
introjectée est particulièrement intéressante parce que la
régulation est à l'intérieure de la personne mais elle est
une forme relativement contrôlée de la motivation
extrinsèque internalisée (par exemple, je travaille parce que
cela me fait me sentir comme une digne personne). Les exemples de
régulation introjecté incluent l'amour-propre contingent qui fait
pression sur les individus à agir afin de se sentir dignes, et l'ego
involvement qui fait pression sur les individus à agir pour
démontrer des capacités [Ryan, 1982]. Bien
qu'intérieurement conduits, les comportements introjectés ont
toujours un locus perçu externe de la causalité et ne sont pas
vraiment ressentis comme un élément de soi. Puisque les
régulations introjectées n'ont pas été
assimilées à soi, les comportements résultants ne sont pas
autodéterminés. Ainsi, dans certaines études, la
régulation externe (étant inter-personnellement
contrôlée) et la régulation introjectée
(étant intra-personnellement contrôlée) ont
été combinées pour former un composé de la
motivation contrôlée [Ryan et Deci, 2000a].
1-3- La régulation par identification
Une forme plus autonome ou autodéterminée de la
motivation extrinsèque est la régulation par identification.
Cette régulation est un processus par lequel les individus identifient
et acceptent la valeur fondamentale d'un comportement. En identifiant la valeur
d'un comportement, les individus ont plus internalisé sa
régulation; ils l'ont plus acceptée comme leurs propres [Deci et
Ryan, 2000]. Par conséquent, avec la régulation
identifiée, les individus ressentent une plus grande liberté et
volonté parce que le comportement est plus conforme à leurs buts
et identités personnels. Ils perçoivent la cause de leurs
comportements comme un locus perçu interne de la causalité -
c'est-à-dire, le reflet un aspect d'eux-mêmes [Gagné et
Deci, 2005]. Par exemple, si les infirmières évaluent fortement
le confort et la santé de leurs patients et comprennent l'importance de
faire leur part de tâches désagréables pour le
bien-être de leurs patients, les infirmières se sentiraient
relativement autonomes tout en exécutant de telles tâches (par
exemple, laver des patients), même si les activités ne sont pas
intrinsèquement intéressantes. Dans ce cas, l'internalisation est
plus complète qu'avec l'introjection, et le comportement serait plus
devenu une partie de leur identité. Le comportement résultant
serait plus autonome, bien qu'il serait toujours extrinsèquement
motivé (parce que le comportement est toujours instrumental). On
s'attend à ce que les régulations basées sur les
identifications soient mieux maintenues et associées à un
engagement et à une performance plus élevés.
1-4- La régulation intégrée
La forme la plus autonome de motivation extrinsèque
est la régulation intégrée. L'intégration se
produit quand les régulations identifiées sont entièrement
assimilées à soi. Cela signifie que les individus les
évaluent et les acceptent complètement en conformité avec
les autres aspects de leurs valeurs et leurs besoins. Par exemple, si la
régulation est intégrée, les infirmières
accorderont non seulement de l'importance aux activités liées au
confort et à la santé de leurs patients, mais la
régulation sera également intégrée dans d'autres
aspects de leurs tâches et de leurs vies. La régulation
intégrée est théorisée pour représenter la
forme la plus avancée de motivation extrinsèque, et elle partage
certaines qualités avec l'autre type de motivation autonome, à
savoir la motivation intrinsèque, bien que les activités soient
encore considérées extrinsèques parce qu'elles sont
exécutées pour atteindre des résultats pour des buts
personnels plutôt que pour leur plaisir inhérent [Ryan et Deci,
2000a ; Gagné et Deci, 2005]. Dans certaines études, les
formes identifiées, intégrées et intrinsèques de
régulation ont été combinées pour former un
composé de la motivation autonome [Ryan et Deci, 2000a].
Lorsque les individus internalisent des régulations et
les assimilent à soi, ils éprouvent une plus grande autonomie
dans l'action. Cependant, il est important de remarquer que même si ce
processus se déroule par étapes, avec le temps, les auteurs comme
Ryan et Deci [2000a] et Gagné et Deci [2005] ne suggèrent pas que
les individus doivent passer constamment par ces étapes, surtout en ce
qui concerne les comportements particuliers. Ils peuvent plutôt
relativement et aisément internaliser une nouvelle régulation
comportementale à un point quelconque le long de ce continuum selon des
expériences antérieures et des facteurs situationnels
courants.
En résumé, la théorie de
l'autodétermination établit un continuum
d'autodétermination. Il s'étend de l'amotivation, qui exprime un
manque complet d'autodétermination, à la motivation
intrinsèque, qui est autodéterminée. Entre l'amotivation
et la motivation intrinsèque, le long de ce continuum descriptif, il y a
quatre types de motivation extrinsèque, avec la régulation
externe (la moins autodéterminée), le type le plus
contrôlé de la motivation extrinsèque, et
introjectée, identifiée, et intégrée étant
progressivement plus autodéterminée.
Après avoir étudié le processus
d'internalisation de la motivation extrinsèque, nous pourrions nous
poser une question : comment peut-on faciliter cette internalisation dans
une organisation du travail ? Ainsi, dans ce qui suit, nous allons
répondre à cette question et aussi réexaminer les effets
des récompenses monétaires sur la motivation intrinsèque
et l'effort des salariés dans ces conditions.
2- La facilitation d'internalisation de la motivation
extrinsèque
Etant donné la signification de l'internalisation pour
une expérience personnelle et les résultats comportementaux, la
question cruciale est à savoir comment favoriser la régulation
autonome pour des comportements extrinsèquement motivés.
Beaucoup d'études indiquent que la motivation autonome
(i.e., la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque
intégrée) maximise la performance heuristique, la confiance,
l'engagement, la satisfaction et le bien-être [Gagné et Deci,
2005]. La recherche de ces auteurs suggère que la motivation autonome au
travail est facilitée par les environnements dans lesquels les
tâches sont intéressantes, stimulantes et permettent le choix, et
dans lesquels le climat de travail est support d'autonomie (autonomy
supportive), ainsi que par des employés ayant un degré
élevé sur l'échelle d'orientation autonome de
causalité. En se basant sur de nombreuses études passées
en revue en ceci, il semble probable que plusieurs des facteurs qui sont la
cause de l'augmentation de motivation intrinsèque faciliteraient
également une internalisation de la motivation extrinsèque. En
effet, ces facteurs facilitent la satisfaction des besoins de compétence
et d'autonomie qui ont régulièrement été
désignées comme vitales pour la motivation extrinsèque
intégrée ainsi que pour la motivation intrinsèque.
Plusieurs théoriciens de management ont émis la
suggestion que les postes de travail horizontalement et verticalement
élargis peuvent rendre le travail plus intéressant et stimulant,
ce qui, alternativement, devrait mener à une motivation
intrinsèque élevée [Lawler et Hall, 1970]. Cependant, tous
les deux (c'est-à-dire, l'élargissement horizontal et vertical du
travail) devraient également donner une importance du travail qui est
cruciale pour internaliser la motivation extrinsèque. Les tâches
horizontalement élargies donnent aux employés une dimension plus
profonde à leur travail parce que ces derniers peuvent voir comment les
diverses parties des tâches adaptées se réunissent ensemble
dans une unité significative. De plus, l'élargissement vertical,
qui confère aux individus une plus grande voix quant à leurs
commentaires et à leurs doléances, donne également une
importance à leurs efforts. Ainsi, parce que l'importance plutôt
que l'intérêt est une base pour la motivation extrinsèque
autonome, l'élargissement des tâches peut augmenter les deux types
de motivation autonome et la dépense d'effort. La motivation
extrinsèque bien-internalisée semble favoriser une performance
élevée pour les aspects du travail qui ne sont pas
intéressants.
Les climats de travail qui supportent l'autonomie sont ceux
dans lesquels les managers peuvent offrir des perspectives aux employés,
fournir un plus grand choix et encourager l'auto-initiation [Gagné et
Deci, 2005]. Une preuve suggère que cela favorise la motivation
intrinsèque et la motivation extrinsèque autonome. Trois facteurs
additionnels de climat du travail sont cités pour faciliter
l'internalisation. Premièrement, parce que l'internalisation implique le
fait d'inclure une valeur, une limite, une contingence ou une
régulation, il doit y avoir certains moyens, implicites ou explicites,
par lesquels la structure ou la valeur à internaliser est
présentée dans les situations. Deci et al. [1994] ont
constaté que fournir un raisonnement significatif (meaningful
rationale) pour un comportement inintéressant avec les supports
d'autonomie et de relatedness a mené des individus à
internaliser la valeur et la régulation du comportement.
Deuxièmement, les individus tendent à montrer de la
résistance à exécuter une tâche
inintéressante, et une recherche a prouvé que le fait de
connaître leurs perspectives et leurs sentiments au sujet de la
tâche favorise l'internalisation et la régulation autonome [Deci
et al., 1994]. Par exemple, Deci et al. [1994] ont trouvé que le fait de
refléter les sentiments des individus dans la recherche d'une
activité importante mais jugée inintéressante a
facilité l'intégration de sa valeur et de sa régulation.
Troisièmement, le besoin de relatedness104(*) joue un rôle central
dans l'internalisation des valeurs et des régulations. Ainsi, le fait de
structurer le travail pour permettre une interdépendance parmi les
employés et une identification avec des groupes de travail, ainsi que le
fait d'être respectueux et intéressé au sujet de chaque
employé, peut avoir un effet positif sur l'internalisation de la
motivation autonome et sur les résultats du travail [Gagné et
Deci, 2005]. Il y a une preuve montrant que le fait de s'identifier avec un
groupe, qui facilite l'internalisation des valeurs de groupe, a
entraîné une performance élevée.
Favoriser la motivation extrinsèque autonome dans le
lieu de travail permettra sans doute aux employés d'éprouver la
signification, la compétence et l'autodétermination dans le
travail.
Bien que le comportement extrinsèquement motivé
demeure instrumental par définition, les régulations externes
peuvent être perçues comme competence-enhancing et
auto-déterminantes une fois qu'elles sont intégrées.
Ainsi, contrairement à l'ancienne théorisation, les incitations
extrinsèques ne sont pas forcément nuisibles à la
motivation intrinsèque [Kunz et Pfaff, 2002]. Plutôt, elles
représentent des occasions d'augmenter la motivation intrinsèque
une fois qu'elles sont administrées correctement. Alors, dans un
contexte du travail qui supporte l'autonomie, nous pouvons réexaminer
les effets des récompenses monétaires.
3- Le réexamen des effets des récompenses
monétaires
Les psychologues d'organisation ont longtemps
identifié l'importance de la motivation intrinsèque dans des
organisations du travail et ont également identifié la puissance
des récompenses extrinsèques tangibles contingentes pour motiver
le comportement au travail. Cependant, comme remarqué plus tôt
dans l'article de Deci et al. [1999a], leur méta-analyse des effets de
récompense a mis en avant un effet négatif des récompenses
tangibles sur la motivation intrinsèque, en soulevant des
inquiétudes concernant la façon dont la motivation
intrinsèque et extrinsèque fonctionnerait ensemble positivement.
Un des résultats les plus importants de ces
études examinant les effets des récompenses sur la motivation
intrinsèque est que le climat interpersonnel dans lequel des
récompenses sont administrées a une influence significative sur
les effets des récompenses. Spécifiquement, quand les
récompenses sont administrées dans un climat supportant
l'autonomie, elles ont moins tendance à miner la motivation
intrinsèque et, dans certains cas, peuvent même l'augmenter. Par
exemple, Ryan et al. [1983] ont trouvé que les récompenses
monétaires contingentes à la performance qui sont
administrées dans un contexte supportant l'autonomie
(autonomy-supportive context) ont fait augmenter la
motivation intrinsèque par rapport au groupe sans récompense et
au groupe de contrôle sans feed-back tandis que ces récompenses
administrées dans un contexte de contrôle (controlling
context) ont miné la motivation intrinsèque. Par
conséquent, la recherche a indiqué que les récompenses
employées pour reconnaître l'effort au travail peuvent avoir un
effet positif si le climat est support d'autonomie (autonomy
suppotive). De plus, la recherche a prouvé que les
récompenses doivent être perçues comme équitables
pour ne pas avoir des effets négatifs. Ces résultats
suggèrent donc que les programmes incitatifs doivent être
conçus de façon à être équitables et à
reconnaître la performance efficace sans incorporer les
éléments de contrôle (controlling elements) tels
que la compétition105(*) parmi les membres de l'équipe ou la pression
pour atteindre les objectifs. Alors, les récompenses devraient
être administrées par les managers qui supportent l'autonomie
(autonomy-supportive managers)106(*). En fait, l'idée de support
d'autodétermination des managers est conceptuellement et
philosophiquement conformée au management participatif et à
l'élargissement vertical des tâches, bien qu'elle diffère
d'eux en se concentrant sur l'orientation interpersonnelle des managers
plutôt que sur le processus de la prise de décision ou le poste de
travail (job design) [Deci et al., 1989].
Par conséquent, la vue différenciée de
la motivation extrinsèque présentée par la théorie
de l'autodétermination fournit une base pour examiner les effets des
récompenses tangibles sur la motivation d'une manière plus
rigoureuse et plus appliquée, et qui inclut une considération des
effets des récompenses et des climats de travail sur l'internalisation
ainsi que sur la motivation intrinsèque. La recherche clarifie les
façons dont les récompenses tangibles peuvent être
utilisées pour ne pas être nuisibles à la motivation
intrinsèque. Cependant, peu de recherches ont examiné des effets
de récompense concernant l'internalisation de la motivation
extrinsèque. En outre, la théorie de l'autodétermination a
détaillé les processus par lesquels la motivation
extrinsèque peut devenir autonome et la recherche suggère que la
motivation intrinsèque (basée dans l'intérêt) et la
motivation extrinsèque autonome (basée dans l'importance) sont
liées à la performance, à la satisfaction, à la
confiance et au bien-être dans le lieu du travail.
Conclusion du chapitre IV
Dans la section 1 du chapitre, nous rassemblons les
études expérimentales et empiriques des psychologues ainsi que
celles des économistes pour confirmer l'effet d'éviction de la
motivation intrinsèque et l'effort par les incitations
extrinsèques ou les incitations monétaires en particulier. Les
résultats de méta-analyse de 128 expériences de Deci et
al. [1999a; 1999b] concluent que l'effet d'éviction est plus grand avec
les récompenses attendues qu'avec les récompenses inattendues et
de plus, ces dernières n'ont pas un effet pervers sur la motivation
intrinsèque. En outre, cet effet ne concerne pas les activités
qui ne sont pas intrinsèquement intéressantes (les
activités simples). Frey et Jegen ont étudié la relation
entre les incitations monétaires et l'effort des individus. Ils
indiquent que l'augmentation de la récompense monétaire
réduit l'effort du travail. Cependant, après que la motivation
intrinsèque ait été évincée
complètement, les auteurs ont ajouté que, l'effort du travail va
augmenter à mesure que la récompense monétaire
s'accroît. Mais pour Greezy et Rustichini [2000], cet effort
élevé est encore inférieur par rapport à la
situation d'absence d'incitations monétaires. Par ailleurs, les autres
auteurs, Fehr et Gächter [2002], Fehr et Falk [2002], Gächter et Falk
[2000], Frey et Goette [1999], Irlenbusch et Sliwka [2005], ont confirmé
que les incitations monétaires changent considérablement la
perception des individus et minent la coopération volontaire, la
réciprocité, ce qui est considéré comme la
motivation intrinsèque, et donc l'effort des individus diminue.
D'après Bewley [1995], il ne faut pas compter uniquement sur les
incitations monétaires qui sapent la motivation intrinsèque, mais
plutôt sur les autres moyens comme la nature de la tâche
exécutée par les salariés qui peut procurer de la
satisfaction (telle que l'estime de soi, l'autonomie, la reconnaissance de leur
compétence). James Jr. [2005] a conçu un modèle
principal-agent tenant compte de la motivation intrinsèque. Son
résultat a montré que les récompenses monétaires
évincent la motivation intrinsèque car ces récompenses
sont perçues comme un moyen de contrôle dans deux
conditions : d'une part, lorsque la taille de la récompense
monétaire est grande, et d'autre part, lorsque l'objet de la motivation
intrinsèque d'un agent est aussi la source des récompenses.
Généralement, ces études supportent la théorie de
l'évaluation cognitive dont l'idée est que les incitations
monétaires nuisent à la motivation intrinsèque.
En revanche, la recherche récente indique qu'il n'y a
plus de dichotomie entre la motivation extrinsèque et
intrinsèque, et donc les récompenses extrinsèques ne sont
pas nécessairement nuisibles, mais plutôt peuvent jouer un
rôle complémentaire à la motivation intrinsèque.
Dans ce cas, la motivation extrinsèque, même dans les
activités intrinsèquement inintéressantes, peut être
internalisée et intégrée dans le continuum de
l'autodétermination. Alors, lorsque les individus internalisent et
intègrent des régulations et les assimilent à soi, ils
éprouvent une plus grande autonomie dans l'action. Favoriser la
motivation extrinsèque autonome dans le lieu du travail permet aux
salariés de se sentir compétents et auto-déterminants. Le
résultat d'une étude a démontré que les climats de
travail supportant l'autonomie, qui permet l'augmentation de la motivation
intrinsèque et de la motivation extrinsèque autonome, joue un
rôle important dans une administration des récompenses
monétaires. Par conséquent, lorsque les récompenses
monétaires sont administrées dans un climat du travail qui
supporte l'autonomie, elles auront moins tendance à évincer la
motivation intrinsèque et, dans certains cas, peuvent même
l'augmenter. De plus, les récompenses monétaires devraient
être administrées par les managers qui soutiennent l'autonomie.
Ainsi, les incitations monétaires représentent des
opportunités d'augmentation de la motivation intrinsèque et de
l'effort des salariés si elles sont correctement administrées.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Après avoir étudié les deux chapitres
dans la deuxième partie, en considérant certaines théories
de la motivation au travail telles que la théorie des besoins de Maslow,
la théorie bi-factorielle d'Herzberg, la théorie
d'évaluation cognitive et la théorie de
l'autodétermination, nous pouvons comprendre les effets des incitations
monétaires sur l'effort des salariés au travail. Cette
étude nous permet de répondre à une des questions de la
problématique du mémoire « Quand et pourquoi les
incitations monétaires nuisent-elles à l'effort des
salariés ? ».
Dans le chapitre 1, notamment en théorie de
l'évaluation cognitive, les incitations monétaires sont
considérées comme nuisibles à la motivation
intrinsèque et à l'effort des salariés lorsqu'elles minent
leur sentiment de compétence et leur sentiment d'autonomie puisque ces
incitations sont perçues par les salariés comme un moyen de
contrôle plutôt que d'information. De plus, il y a plusieurs
études expérimentales et empiriques des psychologues et des
économistes exposés dans la section 1 du chapitre IV qui appuient
également cet effet d'éviction de la motivation
intrinsèque et de l'effort des salariés. Plus
précisément, il y a un auteur, James Jr. [2005] qui a
étudié, en détail dans son modèle, les raisons pour
lesquelles les salariés perçoivent les incitations
monétaires comme un moyen de contrôle. Ces raisons sont que la
taille des incitations monétaires est grande et l'objet de la motivation
intrinsèque de l'agent est aussi la source des récompenses. Il
convient de remarquer que cet effet concerne surtout les activités
intrinsèquement intéressantes, et non les activités
inintéressantes ou simples.
En revanche, la recherche récente indique que les
incitations extrinsèques, ou les incitations monétaires en
particulier, ne sont pas forcément nuisibles à la motivation
intrinsèque et peuvent même l'augmenter lorsqu'elles sont bien
administrées et dans un climat du travail supportant l'autonomie. En
effet, dans la théorie de l'autodétermination, la motivation
extrinsèque peut être internalisée et donc deviendra plus
autonome, et on peut ainsi rendre les activités inintéressantes
plus valorisantes aux yeux des individus. Ces derniers peuvent transformer les
moeurs ou les demandes socialement sanctionnées en valeurs et
autorégulations personnellement approuvées. Quand le processus
d'internalisation fonctionne de manière optimale, les individus
accorderont de l'importance aux régulations sociales, les assimileront,
et donc les accepteront complètement. La motivation extrinsèque
bien internalisée semble augmenter l'effort et la performance des
salariés car les régulations externes peuvent être
perçues comme un moyen de valorisation du sentiment de compétence
et d'auto-détermination. Ainsi, les récompenses
monétaires, qui sont correctement administrées dans un climat
supportant l'autonomie, ont moins tendance à évincer la
motivation intrinsèque voire peuvent l'augmenter, et donc l'effort des
salariés sera élevé. De plus, ces récompenses
incitatives doivent être offertes équitablement et de façon
à reconnaître la performance efficace des salariés sans
incorporer les éléments de contrôle comme la
compétition parmi les membres d'équipe.
CONCLUSION GENERALE
Dans la conclusion générale de notre
mémoire de recherche, nous rappellerons, d'abord, la
problématique de notre étude, ensuite les principaux
résultats qui répondent à la problématique.
Après avoir effectué la recherche, notre
mémoire permet de répondre à la problématique
suivante : Quelle est la relation entre les incitations monétaires
et l'effort des salariés : positive ou négative ?
Comment influent-elles positivement sur leur effort ? Quand et pourquoi,
dans certains cas, nuisent-elles à leur effort ?
Le résultat de la partie I du mémoire montre
que les incitations monétaires conduisent les salariés à
fournir un effort suffisant au travail, et donc la performance augmente
grâce à deux effets : l'effet d'incitations et l'effet de
sélection. Alors, les incitations monétaires peuvent
résoudre le problème du risque moral et le problème
d'anti-sélection de la part des employés. Il y a certaines
études empiriques et expérimentales des économistes
soutenant fortement ce résultat, surtout pour une efficacité de
système de rémunération à la performance. Il y a
aussi d'autres mécanismes incitatifs tels que le modèle à
paiement différé, la surveillance par le superviseur en lui
offrant le revenu résiduel, la pression des pairs, le modèle des
tournois, le modèle du salaire d'efficience et le modèle
d'évaluation subjective de la performance, qui peuvent inciter
monétairement les employés à l'effort dans les
différentes situations du travail : le travail individuel, le
travail en équipe et la situation multi-tâches. Ainsi, sur le plan
théorique et empirique, les économistes considèrent que
les incitations monétaires jouent un rôle essentiel dans des
organisations.
Pourtant, dans la partie II, les psychologues initialement
disent autre chose. Pour eux, les incitations monétaires ne sont pas un
facteur de motivation des salariés au travail, mais elles nuisent
plutôt à leur motivation intrinsèque et à leur
effort, notamment lorsque ces incitations monétaires107(*) sont perçues par les
salariés comme un moyen de contrôle, qui mine leur perception de
compétence et d'autonomie dans les activités
intrinsèquement intéressantes. De ce fait, les performances des
salariés et des entreprises vont diminuer. Il y a de nombreuses
études empiriques et expérimentales réalisées par
des psychologues et des économistes appuyant cette idée. Une
étude montre que plus la taille des récompenses monétaires
est grande, plus ces dernières sont perçues par les
salariés comme un moyen de contrôle, et plus leur motivation
intrinsèque est évincée. De plus, les résultats de
certaines études des psychologues montrent aussi que les incitations
monétaires n'ont pas d'effet sur la motivation intrinsèque des
salariés dans les activités inintéressantes ou simples.
C'est la raison pour laquelle, via une analyse des économistes, les
incitations monétaires peuvent augmenter l'effort (ou la motivation
extrinsèque) des ouvriers dans l'étude de Lazear [2000] puisque
les activités d'installation des pare-brise sont
considérées inintéressantes ou simples.
Cependant, selon une évolution de la recherche des
psychologues, la notion de la dichotomie entre la motivation intrinsèque
et extrinsèque n'est pas prise en compte. Cette recherche soutient que
les incitations monétaires peuvent augmenter la motivation
intrinsèque et l'effort des salariés par le processus
d'internalisation et d'intégration de leur motivation extrinsèque
dans le continuum de l'autodétermination. Dans ce processus, la
motivation extrinsèque devient de plus en plus autonome et les
activités inintéressantes peuvent être rendues plus
valorisantes aux yeux des salariés. En effet, les régulations
externes peuvent être perçues comme un moyen de l'augmentation du
sentiment de compétence et d'autodétermination. De ce fait, la
motivation extrinsèque bien internalisée semble favoriser
l'effort et la performance des employés.
Par conséquent, nous pouvons conclure le principal
résultat de notre recherche que les incitations monétaires ont
moins tendance à saper la motivation intrinsèque. Elles peuvent
même augmenter cette dernière et l'effort des salariés si
elles sont correctement administrées dans un climat du travail
supportant l'autonomie, qui permet de faciliter l'internalisation de la
motivation extrinsèque dans le continuum de l'autodétermination.
En outre, les résultats de recherche suggèrent également
que l'on doit offrir les récompenses incitatives équitablement et
de façon à reconnaître la performance efficace sans
incorporer les éléments de contrôle comme la
compétition parmi les membres d'équipe. Les incitations
monétaires devraient être donc administrées par les
managers qui favorisent l'autonomie, c'est-à-dire, qui fournissent des
perspectives d'avenir aux subordonnés et qui encouragent
l'auto-initiation. Ainsi, utiliser les mécanismes incitatifs de type
monétaire pour gérer le comportement des salariés devrait
aller de pair avec le support d'autonomie dans le contexte de travail. Dans le
cas contraire, ces dispositifs incitatifs ne pourraient pas être
efficaces dans la gestion des salariés au sein d'une firme puisque la
motivation extrinsèque de ces derniers ne pourrait pas être bien
internalisée et intégrée, et que ces dispositifs
pourraient être perçus par les salariés comme un moyen de
contrôle plutôt d'information ou de reconnaissance.
Le résultat de notre étude met donc en
évidence les conditions dans lesquelles les incitations
monétaires peuvent être utilisées pour inciter des
salariés à agir dans l'intérêt de la firme. Cela
permet aux chercheurs et aux responsables dans le domaine de l'économie
et des pratiques de la gestion des ressources humaines de mieux comprendre les
effets positifs des incitations monétaires dans certaines conditions sur
le comportement des individus au travail et de les choisir comme un
mécanisme incitatif, alternatif au système de contrôle qui
est considéré comme coûteux pour l'employeur. Mais
actuellement, les recherches des psychologues avec des études tant
expérimentales qu'empiriques sur des effets de récompense
monétaire concernant l'internalisation de la motivation
extrinsèque dans la firme restent encore limitées. Auparavant,
beaucoup de leurs études expérimentales qui supportent leur
argument contre les économistes se sont faites en psychologie sociale
(par exemple, dans le domaine scolaire ; les sujets dans les
expériences sont enfants, élèves,...). Ainsi, le
résultat de notre étude permet d'ouvrir la voie à la
recherche plus approfondie sur ce concept au sein de la firme et
spécifiquement dans le domaine de l'économie et des pratiques de
la gestion des ressources humaines.
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TABLE DES MATIERES
Remerciements i
Sommaire ii
Introduction générale 1
Partie I : La relation positive entre les incitations
monétaires et l'effort des salariés
Chapitre I : Le cadre théorique de l'effet positif
des incitations monétaires 11
Section 1 : La typologie de la rémunération
12
1- La rémunération fixe 13
2- La rémunération variable 14
Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la
théorie des incitations 15
1- La théorie des attentes de Vroom 17
2- La théorie des incitations : le modèle du
Principal-Agent 20
Chapitre II : L'individualisation de la
rémunération 27
Section 1 : Les incitations monétaires avec la
performance absolue 28
1- La rémunération à la performance et le
problème « principal-agent » 28
2- Le modèle à paiement différé 39
Section 2 : Les incitations monétaires avec la
performance non vérifiable 42
1- Le travail en équipe et la situation multi-tâches
43
2- Les solutions possibles des problèmes de travail en
équipe et de situation mulit-tâches 46
Partie II : La relation négative entre les
incitations monétaires et l'effort des salariés
Chapitre III : Le cadre théorique de la motivation
65
Section 1 : Les théories du contenu 66
1- Le modèle de Maslow 66
2- Le modèle d'Herzberg 69
Section 2 : Le concept de la motivation et la
théorie de l'évaluation cognitive 72
1- Le concept de la motivation 72
2- La théorie de l'évaluation cognitive 75
Chapitre IV : Les effets pervers des incitations
monétaires sur l'effort des salariés 82
Section 1 : Les incitations monétaires sont
nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort.......
83
1- L'effet d'éviction de la motivation
intrinsèque 83
2- Le modèle Principal-Agent avec la motivation
intrinsèque 90
Section 2 : La nouvelle perspective de l'interaction entre
les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque
99
1- L'internalisation de la motivation extrinsèque
101
2- La facilitation d'internalisation de la motivation
extrinsèque 104
3- Le réexamen des effets des récompenses
monétaires 106
Conclusion générale 112
Bibliographie 115
Table des matières 129
Résumé
La question des effets des incitations monétaires sur
le comportement des individus est un débat actuel entre les
économistes et les psychologues. La plupart des recherches des
psychologues sur ce thème s'orientent plutôt vers la vie sociale.
Mais actuellement, leurs travaux autour de ce concept dans des firmes sont
augmentés. La question essentielle dans notre étude est :
quelle est la relation entre les incitations monétaires et l'effort des
salariés? Nous cherchons à découvrir comment ces
incitations monétaires influencent positivement l'effort des
salariés. Enfin, nous essayons de trouver quand et pourquoi, dans
certains cas, elles nuisent à leurs efforts.
Dans des firmes, il existe inévitablement un
problème d'incitation des salariés car leurs efforts sont
généralement inobservables et dans certaines situations, leurs
performances sont également difficilement quantifiables et non
vérifiables. Afin de régler ce problème, des
économistes proposent plusieurs dispositifs incitatifs dans lesquels les
incitations monétaires ont pour principale fonction d'inciter des
salariés à fournir l'effort maximal au travail.
Le point de vue des psychologues sur cette question est
contraire à celui des économistes ci-dessus. Pour les
psychologues et certains économistes, les incitations monétaires
ne sont pas un stimulant dominant aux niveaux des activités productives
humaines. De plus, elles ont des effets pervers sur la motivation
intrinsèque et l'effort des salariés lorsqu'elles sapent leur
perception de compétence et d'autonomie dans les activités
intrinsèquement intéressantes. En effet, à travers
plusieurs études expérimentales et empiriques, ces incitations
monétaires sont souvent perçues par les salariés comme un
moyen de contrôle plutôt que d'information.
En revanche, la recherche récente des psychologues a
indiqué que les incitations monétaires ne sont pas
forcément nuisibles à la motivation intrinsèque et de
plus, peuvent l'augmenter lorsqu'elles sont bien administrées dans le
climat du travail supportant l'autonomie. Ainsi, les employeurs devraient
fournir des perspectives d'avenir aux subordonnés et encourager
l'auto-initiation. Cela favorise les effets positifs des incitations
monétaires utilisées sur l'effort des employés au sein
d'une firme. De plus, les résultats de recherche suggèrent
également que les récompenses monétaires doivent
être offertes de façon équitable et de façon
à reconnaître la performance efficace des salariés sans
incorporer les éléments de contrôle comme la
compétition.
Mots clés : incitations
monétaires, effort, problème
« principal-agent », asymétrie d'information,
motivation extrinsèque, motivation intrinsèque, firme
* 1 Nous aborderons des
éléments de la construction de l'effort dans le chapitre I.
* 2 Il s'agit de l'instinct
naturel et de la tendance de tous les hommes à « se la couler
douce ». Il est certain que l'homme moyen dans tous les actes de la
vie a tendance à travailler à une allure lente et facile et que
ce n'est qu'après de nombreuses réflexions de sa part ou à
cause de l'exemple des autres, de sa conscience, ou d'une pression
extérieure, qu'il se décide à adopter une allure un peu
plus rapide [Taylor, 1971].
* 3 Il s'agit de
réflexions plus complexes émanant de leurs relations avec les
autres hommes. On pose une question comme un exemple de ce type de
flânerie, « pourquoi travaillerais-je dur pour gagner la
même paie que mon paresseux de voisin qui ne produit que moitié
moins que moi ? » [Taylor, 1971].
* 4 Ces coûts
d'utilisation du marché peuvent être classés en trois
catégories : les coûts de recherche et d'information, les
coûts de négociation et de décision, et les coûts de
surveillance et d'exécution [Bouba-Olga, 2003].
* 5 Les dispositifs de
gestion des salariés se définissent comme l'ensemble des
formalisations qui, sous la forme de règles, caractérisent d'une
part le fonctionnement de la firme dans sa manière de gérer sa
main-d'oeuvre, et offre d'autre part la possibilité d'orienter les
actions des agents membres de l'organisation productive [Dubrion, 2003, p.
126].
* 6 La rationalité
limitée signifie que bien que les agents soient rationnels, ils ont
limités sur le plan cognitif de telle sorte qu'ils ne peuvent pas
calculer tous les états de la nature envisageables avant d'agir.
* 7 L'opportunisme
caractérise l'absence d'honnêteté dans les transactions, la
recherche de l'intérêt personnel par la ruse [Baudry, 2003].
Williamson s'appuie sur la distinction entre opportunisme ex ante et
opportunisme ex post qui débouchent respectivement sur les
problèmes de sélection adverse et d'aléa moral (voir aussi
l'encadré dans le chapitre I du mémoire).
* 8 L'asymétrie
d'information est une des hypothèses de la théorie des
incitations. Cette hypothèse peut distinguer la théorie des
incitations de la théorie néoclassique. Le point de départ
de la théorie des incitations est un problème de
délégation d'une tâche à un agent avec une
information privée. Cette dernière implique que, d'une part, un
agent peut entreprendre une action inobservée par le principal (i.e. une
action d'aléa moral) et d'autre part, un agent a certaine connaissance
privée sur son coût ou capacité qui est ignoré(e)
par le principal (i.e. une action d'anti-sélection) [Laffont et
Martimort, 2002]. Nous reviendrons sur ce point en détail dans le
chapitre I du mémoire.
* 9 Shapiro et Stiglitz ne
sont pas auteurs de courant de la NEP, mais leur modèle est aussi
analysé dans notre étude et considéré comme un
mécanisme incitatif des salariés à l'effort au travail.
* 10 Nous soulignons.
* 11 Laffont, J.-J. [2006],
« A propos de l'émergence de la théorie des
incitations », Revue française de gestion, n°
160, p. 177.
* 12 Roussel, P. [1996],
Rémunération, Motivation et Satisfaction au Travail,
Economica, Paris, Coll. Recherche en Gestion, p. 87.
* 13 Frey, B.S. et Meier, S.
[2002], « Pro-Social Behavior, Reciprocity or Both? », CESifo
working paper n° 750, University of Zurich, p. 7.
* 14 Dans le modèle
de tire-au-flanc, présenté dans un ouvrage de Redor [1999, p.
201-202], l'employeur ne peut observer parfaitement les résultats de
l'activité de leurs salariés, il est donc confronté
à un problème d'aléa moral. Dans cette situation, le
salarié a tendance à tirer au flanc et l'employeur doit
rechercher un niveau de rémunération qui l'incite à
maximiser son effort, et donc qui le dissuade d'adopter ce comportement.
* 15 Robbins, S., Judge, T.
et Gabilliet, P. [2006], Comportements Organisationnels,
12e édition, Pearson Education France, Paris, p. 249.
* 16 Meye, H. H. [1975],
« The Pay-For-Performance Dilemma », Compensation and
Benefits Review, vol. 7, n° 55, p. 55.
* 17 L'auteur souligne.
* 18 L'auteur souligne.
* 19 Lévy-Leboyer, C.
[1993], La crise des motivations, 3e édition,
Presses Universitaires de France, Paris, p. 59.
* 20 Ce schéma de
Vroom a été complété par Porter et Lawer. Il donne
une vision globale du processus de motivation. Ce schéma est tiré
à partir d'un ouvrage d'Allexandre-Bailley et al. [2006],
Comportements humains et management, 2e édition,
Pearson Education France, Paris, p. 166.
* 21 Brousseau, E. et
Glachant, J,-M [2000], « Economie des contrats et renouvellements de
l'analyse économique », Revue d'économie
industrielle, vol. 92, n° 1, p. 28
* 22 Baudry, B. [2003],
Economie de la firme, La Découverte, Paris, p. 14 - 15.
* 23 Ces deux
hypothèses sont tirées de l'article de Brousseau et Blachant
[2000], intitulé « Economie des contrats et renouvellements de
l'analyse économique », publié dans la revue
d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p.29.
* 24 Colvin, A. J. S. et
Boswell, W. R. [2007], « The Problem of Action and Interest
Alignment: Beyond Job Requirements and Incentive Compensation »,
Human Resource Management Review, vol. 17, n° 1, p. 44.
* 25 Keser, C. et Willinger,
M. [2000], « La théorie des contrats dans un contexte
expérimental: un survol des expériences sur les relations
« principal-agent » », Revue
d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 237.
* 26 Holmström, B. et
Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive
Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law,
Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 24.
* 27 Malgrange, P.,
Rullière, J.-L. et Villeval, M.-C. [2004], « L'économie
des ressources humaines: pouvoir et limites des incitations. Aperçu
théorique et présentation générale »,
Economie & prévision, n° 164-165, p. 1.
* 28 Lazear, E. P. [1995],
Personnel Economics, The MIT Press, Cambridge, p. 13.
* 29 Lazear, E. P. [2004],
« Salaire à la performance : incitation ou
sélection ? », Economie & prévision,
n° 164-165, p. 17.
* 30 Il s'agit d'indicateurs
qui donnent des informations sur e mais dépendent
d'événements aléatoires qui échappent au
contrôle des agents. Prenons l'exemple de la mesure de la
production : cet indicateur variera en fonction des efforts fournis par
l'employé, mais aussi en fonction de facteurs sur lesquels
l'employé n'a aucune prise et qui peuvent affecter la production.
* 31 â est appelé
le taux de bonus selon Gibbon [1998].
* 32 Lazear, E. P. [1986],
« Incentive Contracts », NBER Working Paper N° 1917,
p. 8.
* 33 Lazear, E. P. [1999],
« Personnel Economics: Past Lessons and Future
Directions », NBER Working Paper N° 6957, p. 22.
* 34 Lazear, E. P. [2000a],
« The Future of Personnel Economics », Economic
Journal, vol. 110, n° 467, p. F621-F622.
* 35 Cette évidence
empirique existe dans l'article de Paasch, H. J. et Shearer, B. [2000],
« Piece Rates, Fixed Wages, and Incentive Effects: Statistical
Evidence from Payroll Records», International Economic Review,
vol. 41, n°1.
* 36 Lemistre, P. [2000b],
« Modèle à paiement différé, effort
individuel et évolution des préférences
intertemporelles », La note du LIRHE n° 327, Université
de Toulouse I, p. 2.
* 37 Stankiewicz, F. [1999],
Economie des ressources humaines, La Découverte, Paris, Coll.
Repère, p. 36.
* 38 La production en
équipe, selon Alchian et Demsetz [1972, p. 779], est une forme de
production dans laquelle « (i) plusieurs types de ressources sont
utilisés, (ii) le produit n'est pas la somme des outputs
séparables de chaque ressource participant à la
coopération [...], (iii) toutes les ressources utilisées dans la
production en équipe n'appartiennent pas à la même
personne ».
* 39 Ces droits sont au
nombre de cinq : (i) le droit de s'approprier le résidu de
l'équipe, (ii) le droit d'observer le comportement des membres de
l'équipe, (iii) le droit d'être la partie centrale commune
à l'ensemble des contrats passés avec les différents
inputs, (iv) le droit de modifier la composition de l'équipe, (v) le
droit de vendre les quatre droits précédents.
* 40 Les auteurs soulignent.
* 41 Homström, B. et
Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive
Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law,
Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 25.
* 42 Prendergast, C. [1999],
« The Provision of Incentives in Firms », Journal of
Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 23.
* 43 Nous soulignons.
* 44 Kandel, E. et Lazear,
E. P. [1992], « Peer Pressure and Partnerships »,
Journal of Political Economy, vol. 100, n° 4, p. 815.
* 45 Lanfranchi, J. [1992],
« Tournois et carrières », Travail et
emploi, n° 54, p. 73.
* 46 C'est un exemple de
Lazear, E. P [1995], Personnel Economics, The MIT Press, Cambridge, p.
26 - 27.
* 47 Ménard, C.
[2004], Economie des organisations, Editions La Découverte,
Paris, Coll. Repères, p. 64.
* 48 Lanfranchi, J. [1992],
« Tournois et carrières », Travail et
emploi, n° 54, p. 73.
* 49 Le résultat de
l'étude de Winter-Ebmer et Zweimüller [1999], utilisant un panel
d'entreprises autrichiennes durant 1975-1991, supporte cette idée,
surtout pour les cols bleus.
* 50 Les auteurs soulignent.
* 51 Mouime, M. [2001],
« Salaire d'efficience et alignement des salaires sur les
prix », Document de travail n° 66, Direction de la Politique
Economique Générale, p. 1.
* 52 Salais, R. [1989],
« L'analyse économique des conventions du travail »,
Revue économique, vol. 40, n° 2, p. 211.
* 53 Gazier, B. [1992],
Economie du travail et de l'emploi, 2e édition,
Editions Dalloz, Paris, p. 241.
* 54 Le résultat de
l'expérience réalisée par Falk et al. [1999] supporte
également cette idée.
* 55 Levin, J. [2003],
« Relational Incentive Contracts », American Economic
Review, vol. 93, n° 3, p. 835.
* 56 Baker, G et al. [1988],
« Compensation and Incentives: Practice vs. Theory »,
Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 597.
* 57 Prendergast, C. [1999],
« The Provision of Incentives in Firms », Journal of
Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 29.
* 58 Les auteurs soulignent.
* 59 Baker, G et al. [1988],
« Compensation and Incentives: Practice vs. Theory »,
Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 598.
* 60 MacLeod, W. B. [2003],
« Optimal Contracting with Subjective Evaluation »,
American Economic Review, vol. 93, n° 1, p. 216. Selon Lemistre
[2000a], un contrat incitatif explicite ou implicite n'est efficace que si les
salaries concernés reconnaiseent comme légitime les modes
d'évaluation. Dans le cas contraire, l'évaluation est
évidemment jugée trop subjective.
* 61 L'intensité
renvoie à la vigueur avec laquelle la personne se met à la
tâche. Cependant, une forte intensité a peu de chances de conduire
à un résultat optimal en termes de performance à moins que
l'effort ne soit canalisé dans une direction précise. Il faut
donc prendre en compte la qualité de l'effort tout autant que son
intensité. La notion de persistance concerne la durée de l'effort
des salariés. Les salariés motivés sont capables de
consacrer tout le temps nécessaire à l'accomplissement de leurs
tâches.
* 62 L'auteur souligne.
* 63 Michel, S. [1989],
Peut-on gérer les motivations ?, 1er
édition, Presses Universitaires de France, Paris, p. 20.
* 64 Dans la vie quotidienne
du travailleur, ces besoins se manifestent par le respect des lois et des
règlements, par l'adhésion à des mouvements syndicaux, par
le paiement de contributions à un régime de retraite et par le
paiement de primes d'assurance de toutes sortes [Roussel, 1996]. De plus, les
besoins physiologiques et de sécurité sont supposés
être satisfaits plus efficacement par l'argent [Rynes et al., 2005].
* 65 Ces besoins trouvent
essentiellement satisfaction de façon externe (au travers du salaire, du
syndicalisme, de la titularisation à un poste, ...). Ceci correspond
à la motivation extrinsèque.
* 66 Ces besoins sont
satisfaits au niveau interne (par la personne elle-même). Ceci correspond
à la motivation intrinsèque.
* 67 Nous soulignons.
* 68 Nous allons aborder la
motivation intrinsèque et extrinsèque en détail dans la
section suivante.
* 69 Ces limites sont
repérées par Michel [1989], Bruno et David [1993] et
Alexandre-Bailley et al. [2006].
* 70 Ces facteurs sont
cités par Francès [1995], Roussel [2000], Plane [2000], Louart
[2002], Robbins et al. [2006], Alexandre-Bailley et al. [2006], et Latham et
Ernst [2006].
* 71 L'auteur souligne.
* 72 Nous soulignons.
* 73 Nous soulignons.
* 74 Kreps, D. M. [1997],
« Intrinsic Motivation and Extrinsic Incentives »,
American Economics Review, vol. 87, n° 2, p. 360.
* 75 Nous soulignons.
* 76 Nous soulignons.
* 77 Ryan, R. M. et Deci, E.
L. [2000b], « Intrinsic and Extrinsic Motivations: Classic
Definitions and New Directions », Contemporary Educational
Psychology, vol. 25, n° 1, p. 56.
* 78 C'est un exemple de
Robbins et al. [2006], Comportements organisationnels, 12e
édition, Pearson Education France, Paris, p. 206.
* 79 Eisenberger, R. et
Cameron, J. [1996], « Detrimental Effects of Reward: Reality or
Myth? », American Psychologist, vol. 51, n° 11, p.
1155.
* 80 Nous soulignons.
* 81 Cameron et al. [2005],
« Achievement-Based Rewards and Intrinsic Motivation: A Test of
Cognitive Mediators », Journal of Educational Psychology,
vol. 97, n° 4, p. 642.
* 82 Deci, E. L. et Ryan, R.
M. [1985], Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human
Behavior, Plenum Press, New York, p. 58-59.
* 83 Nous soulignons.
* 84 Nous allons
démontrer ce type de modèle principal-agent qui est
proposé par James Jr. [2005] dans la sous-section 2. Selon cet auteur,
l'effet d'éviction se produira davantage lorsque les
intérêts du principal et ceux de l'agent se confondent que lorsque
l'agent est intrinsèquement motivé par des valeurs
générales, distinctes du principal.
* 85 Kreps, D. M. [1997],
« Intrinsic Motivation and Extrinsic Incentives »,
American Economic Review, vol. 87, n° 2, p. 360.
* 86 Frey et Jegen [2000]
passe en revue les résultats des expériences psychologiques en
perspective économique.
* 87 Frey, B. S. et Jegen,
R. [2000], « Motivation Crowding Theory: A Survey of Empirical
Evidence », Working Paper N° 49, Institute for Empirical
Research in Economics, University of Zurich, p. 8.
* 88 Nous soulignons.
* 89 Dans leur contexte, ils
se réfèrent à la réciprocité comme
motivation intrinsèque parce qu'ils la voient comme une bonne
volonté psychique innée de répondre en nature. Dans leurs
expériences, la tâche expérimentale d'un choix d'effort
peut être motivée par la motivation intrinsèque de la
réciprocité bien que ce soit une tâche artificielle qui
soit la plus susceptible de ne pas être exécutée par la
satisfaction intrinsèque.
* 90 Nous empruntons les
travaux de James Jr. [2005].
* 91 Le salarié
maximise son effort au point où son bénéfice marginal est
égal au coût marginal de son effort.
* 92 La solution est que ou [ + re - e2 + Iä (pe - - re)]/ e = 0. A partir de cette dérivation, on obtient l'effort
optimal choisi par l'agent : r - 2e + Iä (p - r) = 0 ou bien
.
* 93 ê1
= ê2 puisque äp/2 = r/2, ou bien
ä = r/p , avec la condition p > r et ä > 0.
* 94 Ce résultat est
similaire à celui de Frey et Jegen [2000] présenté dans la
sous-section 1.
* 95 Par l'équation
(2) qui est la fonction d'utilité de l'agent, comme r = 0 et
I = 0 ainsi que ê = 0, alors on obtient U
=.
* 96 A partir de
l'équation (2), quand r = 0, I = 1 et l'effort choisi par l'agent est de
ê1 = äp/2, alors U = - e2 + ä(pe -) = - (äp/2)2 + ä[p(äp/2) -] ou bien U = (ä2p2 - 4 ä + 4)/4.
* 97 Si l'équation
(4b) = (4a), alors, (ä2p2 - 4 ä + 4)/4 = ou ä = 4/p2.
* 98 Par l'équation
(2), comme r > 0, I = 0 et e = ê2 = r/2,
l'utilité de l'agent devient : U = + r(r/2) - r2/4 ou bien U = (r2 +
4)/4.
* 99 On calcule cette
utilité de l'agent en remplaçant r > 0, I = 1 et
e = dans l'équation (2): U = + re - e2 + Iä(pe - - re).
* 100 On calcule
l'inéquation (6b) = (6a).
* 101 Nous soulignons.
* 102
« L'empowerment [est] promu par Peter F. Drucker, ce terme
désigne le management qui consiste à substituer la confiance
a priori au contrôle, de manière à favoriser la
confiance entre niveaux hiérarchiques. Ce concept que l'on croit
volontiers récent est en réalité très proche de
l'idée de « pouvoir coactif » (capacité de
faire les choses en commun), [...] » [Filleau et Marques-Ripoull,
1999, p. 73].
* 103 Deci, E. L. et al.
[1989], « Self-Determination in a Work Organization »,
Journal of Applied Psychology, vol. 74, n° 4, p. 580.
* 104 Puisque les
comportements extrinsèquement motivés ne sont pas en
général intéressants, la raison primaire que les personnes
effectuent initialement de telles actions est parce que les comportements sont
incités, modelés, ou évalués par les autres
significatifs à qui ils se sentent attachés ou reliés.
Ceci suggère que le relatedness, le besoin de sentir
d'appartenance et de connexion avec d'autres, est centralement important pour
l'internalisation de la motivation extrinsèque [Ryan et Deci, 2000a].
* 105 Les résultats
de l'expérience de Deci et al. [1981] soutiennent le point de vue que
chercher à remporter - c'est-à-dire, chercher à battre une
autre partie - est extrinsèque en nature et tend à diminuer la
motivation intrinsèque des individus pour l'activité de cible.
Ainsi, la compétition semble fonctionner comme beaucoup d'autres
récompenses extrinsèques car, dans certaines circonstances, elle
tend à être perçue comme un moyen de contrôle et tend
à diminuer la motivation intrinsèque.
* 106 Le support
managérial d'autonomie est défini comme le fait que les managers
reconnaissent les perspectives de leurs subordonnés en fournissant des
informations appropriées de manière non contrôlée,
en offrant le choix, et en encourageant l'auto-initiation plutôt qu'en
forçant les subordonnés à agir dans les manières
indiquées. Plus spécifiquement, il s'est focalisé sur le
degré auquel les orientations interpersonnelles des managers tendent
à supporter l'autodétermination des subordonnés [Deci et
al., 1989]. Selon les résultats de l'étude de ces auteurs, le
support d'autonomie des managers a été associé aux
employés qui sont davantage satisfaits dans leur travail, qui ont un
niveau de confiance plus élevé dans la gestion d'entreprise, et
qui montrent d'autres positives attitudes relatives au travail.
* 107 Les incitations
monétaires sont « les récompenses contingentes à
la performance » dans leur contexte.
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