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Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs?

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par Pheakdey VIN
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Recherche 2007
  

Disponible en mode multipage

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Faculté des Sciences Economiques et de Gestion

Université Lumière Lyon 2

MASTER RECHERCHE

« Economie et Management de l'Emploi et des Ressources Humaines »

LES IMPACTS DES INCITATIONS MONETAIRES SUR L'EFFORT DES SALARIES : POSITIFS OU NEGATIFS ?

VIN Pheakdey

Mémoire de recherche soutenu le 17 septembre 2007

MEMBRES DU JURY :

Bernard BAUDRY, Directeur du mémoire, Professeur de sciences économiques, Université Lumière Lyon 2

Benjamin DUBRION, Maître de Conférence de sciences économiques, Université Lumière Lyon 2

Année universitaire 2006-2007REMERCIEMENTS

Je tiens tout d'abord à remercier vivement mon directeur de mémoire, Bernard Baudry, responsable du Master Recherche EMERH pour avoir su me guider et me diriger dès le début, et pour sa confiance et sa disponibilité tout au long de ce travail.

Mes remerciements vont également à Monsieur Benjamin Dubrion qui a accepté d'être membre du jury pour valider ce travail.

Je remercie aussi Monsieur Emmanuel Blanc pour son soutien et son engagement auprès des étudiants cambodgiens en France.

Je tiens, de plus, à exprimer ma gratitude au Gouvernement Français. Je ne pourrais pas poursuivre mes études en France sans son soutien financier.

Je remercie plus particulièrement Simone You et Bopha You pour leur grande amitié, notamment pour leurs précieuses contributions à la correction du mémoire.

Enfin, je tiens à adresser mes remerciements à ma famille qui a su m'encourager et me soutenir lors de mes études, notamment lors de la recherche pour réaliser ce travail.

SOMMAIRE

Introduction générale 1

Partie I : La relation positive entre les incitations monétaires et l'effort des salariés

Chapitre I : Le cadre théorique de l'effet positif des incitations monétaires 11

Section 1 : La typologie de la rémunération 12

Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la théorie des incitations 15

Chapitre II : L'individualisation de la rémunération 27

Section 1 : Les incitations monétaires avec la performance absolue 28

Section 2 : Les incitations monétaires avec la performance non vérifiable 42

Partie II : La relation négative entre les incitations monétaires et l'effort des salariés

Chapitre III : Le cadre théorique de la motivation 65

Section 1 : Les théories du contenu 66

Section 2 : Le concept de la motivation et la théorie de l'évaluation cognitive 72

Chapitre IV : Les effets pervers des incitations monétaires sur l'effort des salariés 82

Section 1 : Les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort....... 83

Section 2 : La nouvelle perspective de l'interaction entre les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque 99

Conclusion générale 112

Bibliographie 115

Table des matières 129

INTRODUCTION GENERALE

L'économie des organisations est une branche de l'économie qui étudie l'ensemble des arrangements institutionnels permettant la mise en oeuvre de la production et l'échange de biens et de services. L'organisation recouvre alors les différents dispositifs possibles, depuis l'entreprise jusqu'au marché en passant par les modes « hybrides » tels que les réseaux ou les alliances, sans oublier l'Etat et ses agences [Ménard, 2004]. Dans un sens plus restreint, l'économie des organisations consiste dans l'étude de l'organisation comme entité économique spécifique, c'est-à-dire comme lieu de décision unifié en dernier ressort, l'archétype étant l'entreprise. Elle s'intègre également dans le corpus plus large de la théorie des organisations. L'économie des organisations privilégie un ensemble de problèmes que continuent d'ignorer trop d'économistes, par exemple la nature des relations hiérarchiques et leurs relations avec les mécanismes incitatifs pour gérer le comportement des salariés au travail. Elle le fait en ayant recours à des méthodes diverses, dont certaines irritent les théoriciens orthodoxes. Aujourd'hui, le problème d'incitation des salariés, selon la théorie des incitations, est toujours au coeur de la firme et il est nécessaire de le résoudre. La façon de concevoir des institutions qui fournissent de bonnes incitations aux agents économiques est devenue une question centrale en économie [Laffont et Martimort, 2002]. L'un des mécanismes incitatifs les plus discutés et qui reste d'actualité concerne ce que l'on a appelé les incitations monétaires. Ce sont donc les effets provoqués par ces dernières sur l'effort des salariés au travail qui nous intéressent ici. Selon Etchart-Vincent [2006], les incitations monétaires se définissent comme « une technique de rémunération qui fait dépendre cette dernière sur la performance du sujet et incite donc celui-ci à prendre les décisions qui correspondent à ses véritables préférences de façon à maximiser son gain ». Les incitations monétaires sont souvent considérées par des économistes comme un des mécanismes incitatifs efficaces pour résoudre un problème d'aléa moral et de sélection adverse dans la firme, i.e. pour inciter les salariés à l'effort au travail. Les incitations monétaires sont donc mises en place pour amener les salariés à révéler leurs informations privées et à agir en conformité avec les objectifs de la firme [Ménard, 2004]. Par ailleurs, un autre terme que nous devrions définir dans notre étude est l'« effort ». De manière générale, le terme effort englobe « la totalité des activités susceptibles d'être mises en oeuvre et déployées par le salarié : dépense physique, dépense intellectuelle, initiative, diligence, etc. » [Baudry, 2003, p.49]1(*). En France, les modes de rémunération ont beaucoup évolué ces dernières années. Les augmentations de salaire sont de plus en plus individualisées. Cette individualisation des rémunérations a débuté en France en 1986 et a concerné 50 % des entreprises en 1992 [Lemistre, 2000a].

Dans ce qui suit, nous retournerons brièvement dans l'histoire des théories économiques en exposant l'évolution de la recherche sur la firme et de la prise en compte des problèmes d'incitations des salariés au sein des firmes. Nous allons également mettre en lumière le débat actuel entre des chercheurs sur une utilisation des incitations monétaires comme dispositif incitatif dans la firme. Tout d'abord, nous commençons donc par la théorie néoclassique.

Depuis les années 1970, les économistes se concentrent de plus en plus sur la recherche de la firme puisque, d'une part, le modèle de la firme fordiste, qui est dominant pendant la période des trente glorieuses, a été déstabilisé par de nombreuses transformations dans la conjoncture économique à l'époque et d'autre part, la firme de la théorie néoclassique, courant lié à la microéconomie traditionnelle, est appréhendée uniquement en termes technologiques [Baudry, 2003]. La firme, et de manière plus générale les organisations, ont donc pendant longtemps été ignorées par la théorie économique néoclassique. En effet, cette dernière identifie la firme à « une fonction de production spécifiant, en quantités physiques, le maximum possible d'outputs qui peut être obtenu à partir de différentes combinaisons d'inputs » [Gabrié et Jacquier, 1994]. La firme est assimilable à une boîte noire qui transforme efficacement des ressources en produits, sans que l'on sache comment se déroule ni comment s'organise cette transformation [Bouba-Olga, 2003]. De plus, il est supposé dans cette théorie que l'entrepreneur est parfaitement rationnel et possède toutes les informations gratuites lui permettant d'évaluer les conséquences du choix de chacune des alternatives dans le seul but de maximiser le profit. En effet, il n'est pas limité par ses capacités de calcul (homo oeconomicus) ni par celles du matériel utilisé.

Par ailleurs, dans la théorie néoclassique, les facteurs de production sont traités sous deux hypothèses [Gabrié et Jacquier, 1994]. D'une part, les deux facteurs de production (le capital et le travail) sont traités de manière identique. Le travail ne possède donc aucune spécificité, il s'agit d'une marchandise comme les autres. Ainsi, le paradigme néoclassique évacue complètement les problèmes organisationnels, tels que la motivation des employés ou le coût de contrôle de leurs comportements qui sont au coeur du fonctionnement de l'organisation. D'autre part, il s'agit de l'hypothèse de passivité des agents salariés. Elle implique que ces agents concèdent l'entière disposition de leurs aptitudes productives à leur employeur, qui a toute latitude dans les limites fixées par les dispositions du contrat de travail. Les salariés se conforment donc entièrement à leurs engagements contractuels et livrent à leur employeur le maximum d'efforts productifs ; ils sont parfaitement de bonne foi, exempts de tendance à la flânerie. De ce fait, le système de contrôle est inutile et le conflit est aussi absent. Dans ce point de vue, la théorie ignore complètement les problèmes d'incitations et la structure interne de la firme.

En fait, la flânerie, « naturelle »2(*) et « systématique »3(*), est un problème majeur de tout temps pour les entreprises. Il est à l'origine, par exemple, des travaux de Frederic Winslow Taylor qui tente de le résoudre à travers l'organisation scientifique du travail (OST). Taylor, dans son ouvrage traduit en français en 1971 par Luc Maury, « la direction scientifique des entreprises », montre qu'il y a deux causes à la flânerie. En premier lieu, les ouvriers croient à tort que l'augmentation de la production entraîne le chômage. Ils flânent donc pour se défendre contre ce malheur. En second lieu, les ouvriers sont incités à flâner, non seulement par penchant naturel à la paresse, mais surtout parce qu'ils ont constaté que, chaque fois qu'ils augmentaient leur rythme de travail, leurs patrons s'arrangeaient pour ne pas augmenter leurs salaires. Dès lors, pour inciter les ouvriers à l'effort au travail, Taylor propose une rémunération au rendement (ou une rémunération à la pièce) qui met en évidence des intérêts conciliables [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Cette forme de rémunération permet effectivement de récompenser les ouvriers à la hauteur de leur mérite, les incite à accélérer leurs cadences de travail et autorise ainsi une meilleure performance de l'entreprise. En outre, à travers l'histoire, il est généralement attribué à Taylor la paternité de l'idée selon laquelle l'élément le plus motivant est l'argent ou salaire [Roussel, 1996 ; Michel, 1989]. Ainsi, si une incitation financière suffisante est associée à la productivité, l'individu choisit la productivité comme moyen lui permettant d'obtenir cette récompense financière. Par conséquent, le système de la rémunération à la pièce est employé pour régler le problème de flânerie des ouvriers dans l'organisation depuis l'ère de Taylor et est encore développé par quelques industriels contemporains.

Le célèbre article de Ronald Coase, « The Nature of the Firme », publié en 1937, marque la rupture avec l'approche néoclassique standard de l'organisation. Ronald Coase est le fondateur de la théorie moderne de la firme. En effet, cet auteur pose deux questions fondamentales de la nature de la firme dans une économie de marché : l'une porte sur l'existence de la firme et l'autre sur la définition de la firme. Selon Coase [1937], la firme existe parce qu'il y a un coût de fonctionnement du marché4(*). La firme, pour lui, se définit comme un mode d'organisation des activités, alternatif au marché et l'affectation des ressources en son sein s'effectue par l'autorité, représentée par l'entrepreneur-coordinateur. La coordination par la firme repose donc sur l'autorité et, la coordination par le marché repose sur le système de prix. Coase confirme que la relation d'autorité se substitue au système de prix quand les coûts de recours au marché (ou les coûts de transaction) sont supérieurs aux coûts d'organisation à l'intérieur de la firme d'une transaction considérée. Dès lors, pour Coase, le marché et la firme sont conçus comme les deux formes alternatives de coordination et se distinguent dans leur nature. Par contre, compte tenu des dispositifs de gestion des salariés5(*) dans l'approche coasienne, Coase met fortement l'accent sur seulement la dimension autoritaire de la firme, aux dépens d'une autre dimension pourtant fondamentale, la dimension incitative [Dubrion, 2004]. En effet, chez Coase, une fois le contrat de travail conclu entre l'employeur et le salarié, son exécution n'est jamais problématique. Les comportements des travailleurs, l'intensité des efforts qu'ils déploient au travail, leur diligence ne sont pas pris en compte.

Dès lors, dans les années 1970 et 1980, les intuitions coasiennes sont formalisées par les travaux de Williamson au travers de la théorie des coûts de transaction. Williamson commence par donner des fondements microéconomiques à son approche à partir de deux postulats sur le comportement des agents économiques [Bouba-Olga, 2003 ; Baudry, 2003]. D'une part, dans la lignée de Simon, Williamson postule que les agents ne sont dotés que d'une rationalité limitée6(*) et d'autre part, ces mêmes agents sont supposés être opportunistes7(*). Une conséquence majeure de la première hypothèse est que les contrats que les individus vont conclure ensemble sont nécessairement incomplets. Cette incomplétude des contrats ouvre la voie à l'opportunisme. Par conséquent, contrairement à Coase qui pense que l'autorité peut seule coordonner efficacement les membres de la relation d'emploi, Williamson considère qu'elle s'avère efficace pour économiser la rationalité limitée des agents mais elle ne l'est aucunement pour contrôler leurs comportements opportunistes [Dubrion, 2005]. Selon Williamson, la firme dispose d'un « processus administratif » spécifique qui est un processus fondamental pour comprendre comment les comportements opportunistes des agents sont atténués dans l'organisation. Les éléments de ce processus administratif sont : les dispositifs de rémunération, de promotion, d'évaluation des salariés, ceux-ci étant vus comme des moyens collectivement négociés au sein de la firme pour contrôler les comportements opportunistes des salariés. Se limitant aux systèmes de rémunération, pour Williamson, afin d'atténuer les comportements opportunistes des salariés, les salaires devraient être déterminés collectivement à partir des caractéristiques des postes de travail et non des capacités productives individuelles des salariés [Baudry, 1999 ; Dubrion, 2004]. En effet, la dimension collective de l'organisation interne diminue les incitations individuelles des salariés à négocier de manière répétée leur niveau de salaire. Le système de promotion incite également le salarié à l'effort puisqu'il a la possibilité d'augmenter leur salaire en améliorant leur position dans la hiérarchie.

Par ailleurs, de manière plus approfondie, les théoriciens des incitations mettent fortement l'accent sur les problèmes d'incitation au sein de la firme. Les principaux auteurs de ce courant sont Armen Alchian et Harold Demsetz qui ont rédigé leur célèbre article « Production, Information Costs, and Economic Organization », publié en 1972. Ensuite, cet article a été prolongé en 1976 par Michaël Jensen et William Meckling « Theory of the Firm: Managerial Behavior, Agency Costs, and Ownership Structure ». Ce prolongement est à l'origine du modèle du principal-agent. Les auteurs considèrent la firme comme un noeud de contrats et il ne faut donc pas voir dans l'autorité le caractère distinctif de la firme. Dans ce courant, la firme et le marché sont perçus comme des formes contractuelles différentes de rémunération de l'effort. De plus, les auteurs reconnaissent qu'il existe une asymétrie d'information entre agents économiques, ce qui conduit à un problème « principal-agent » au sein de la firme8(*). En d'autres termes, les intérêts de l'employeur et ceux des employés sont souvent divergents ; ces derniers ont toujours tendance à se comporter comme « passager clandestin » en travaillant moins que prévu pour maximiser leur intérêt personnel. En effet, leur effort individuel est difficilement observable et mesurable, notamment dans la production en équipe. La firme est appréhendée donc comme une forme d'organisation visant à trouver la structure de contrats devant permettre de mettre en place les incitations adéquates et à réaliser la coordination des agents en définissant un partage optimal entre les agents des risques et des bénéfices. Ici, les auteurs suggèrent d'utiliser les incitations monétaires pour inciter les employés à agir dans l'intérêt de l'employeur car le système de surveillance est coûteux.

A partir des années 1980, la New Economics of Personnel (NEP) ou Personnel Economics, une branche appliquée de la théorie des incitations, s'est attachée à comprendre comment l'employeur peut concevoir un système de rémunération (un contrat) qui incite l'employé à agir dans son intérêt - c'est-à-dire le plus souvent dans les modèles, la maximisation du profit [Dubrion, 2004 ; 2005]. Le représentant majeur de ce courant est Edward Lazear. Afin de résoudre les problèmes de coordination et d'incitation au sein de la firme, la NEP propose d'utiliser les systèmes de rémunération via les contrats incitatifs explicites (par exemple, les systèmes de rémunération à la pièce [Lazear, 2000]) et implicites (par exemple, les systèmes d'évaluation subjective de la performance [Baker et al., 1994]). En outre, il y a d'autres mécanismes incitatifs tels que le modèle à paiement différé [Lazear, 1995], la pression des pairs [Kandel et Lazear, 1992], le modèle des tournois [Lazear et Rosen, 1981] et le modèle du salaire d'efficience [Shapiro et Stiglitz, 1984]9(*), étant aussi analysés. Soulignons que l'ensemble de ces dispositifs analysés est toujours finalement ramené à un système de rémunération de l'effort, identifié à une forme de paiement particulière. Dès lors, pour les théoriciens des incitations et aussi ceux de la NEP, les incitations monétaires jouent un rôle important pour inciter les salariés à fournir un effort élevé au travail. Outre ces économistes, un psychologue Victor H. Vroom, qui a développé la théorie des attentes en 1964, reconnaît également que les incitations monétaires qui récompensent les efforts et les performances de l'employé, et pour lesquelles il a de l'attrait, peuvent le motiver.

En revanche, depuis les années 30, le courant des relations humaines émerge pour contester l'école classique de l'organisation. En effet, il s'intéresse aux aspects psychosociologiques, à la vie des groupes humains et à la dimension relationnelle au sein de l'organisation [Plane, 2000]. Par opposition à Taylor, Elton Mayo détruit le mythe de l'homo oeconomicus et démontre, à partir de l'étude de Hawthorne dans les années 20, que les stimuli financières ne sont pas un facteur essentiel pour motiver les ouvriers mais le moral a un rôle prépondérant sur le rendement. Ensuite, les autres auteurs dans cette école, notamment Herzberg, dû à son étude empirique, confirme fortement que les incitations monétaires ne sont pas forcément la source de motivation des travailleurs.

Dans les années 1970, une théorie de la psychologie sociale, à savoir la théorie de l'évaluation cognitive, a émergé et elle continue à critiquer les points de vue des économistes au sujet des effets des incitations monétaires sur l'effort des travailleurs. Deci et ses collègues, à travers leurs études expérimentales en psychologie, soutiennent que les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort des sujets parce qu'elles sont perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle qui mine leur perception de compétence et d'autonomie. Constatons que la distinction de motivation a été ignorée par les économistes. Ainsi, nous voyons qu'il y a des points de vue contradictoires entre les économistes, et les psychologues et les sociologues.

Se référant à cette contradiction, l'intérêt de la recherche sur les incitations monétaires est croissant. Non seulement les psychologues mais aussi les économistes ont fait des études empiriques et expérimentales sur ce thème. Ici, nous prenons certains économistes dominants, étudiant cette contradiction : Kreps [1997], Frey et Jegen [2000], Fehr et Gächter [2002], Fehr et Falk [2002], Kunz et Pfaff [2002], Bonner et Sprinkle [2002], Benabou et Tirole [2003] et James, Jr. [2005]. En outre, il y a un article récemment publié en 2006 dans la revue d'économie politique, faisant un bilan sur la question des incitations monétaires. Il s'agit de « Expériences de laboratoire en économie et incitations monétaires » rédigé par Nathalie Etchart-Vincent. Ainsi, la question des incitations monétaires reste d'actualité et c'est la question des impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés au sein de la firme qui fera l'objet de notre étude.

Ce débat actuel nous amène à susciter la problématique de notre recherche autour la question des incitations des employés de type monétaire. La problématique est donc la suivante : Quelle est la relation entre les incitations monétaires et l'effort des salariés : positive ou négative ? Comment ces incitations influent-elles positivement sur l'effort des employés ? Quand et pourquoi, dans certains cas, nuisent-elles à leur effort ?

Ces questions sont actuellement essentielles dans l'économie et les pratiques de la gestion des ressources humaines. Elles permettront aux directeurs de ressources humaines de savoir si les incitations monétaires peuvent être employées efficacement comme un dispositif de gestion des salariés, i.e. pour gérer le comportement de ces derniers dans leurs firmes. Elles leur permettront de savoir également des conditions qui s'imposent dans l'utilisation de ces incitations.

Afin de répondre à ces différentes questions, nous allons effectuer notre étude en nous portant sur une revue de la littérature, en analysant des théories sélectives qui abordent la question des incitations monétaires dans la motivation des individus et en utilisant aussi des données des études empiriques et expérimentales qui sont plus révélatrices de la réalité. Notre étude se compose de deux grandes parties avec quatre chapitres. Dans une première partie, nous nous focaliserons, d'abord, sur des problèmes « principal-agent » qui émergent toujours dans la firme et qui doivent être nécessairement réglés. C'est pourquoi, ensuite, nous essaierons de rassembler, avec des données empiriques et expérimentales, certains principaux modèles considérés comme des mécanismes incitatifs par lesquels les incitations monétaires ont pour fonction de résoudre ces problèmes même si la performance des salariés est absolue ou non vérifiable. Un point de vue contraire sera l'objet de la deuxième partie. Ainsi, dans la dernière partie, nous considérerons l'ensemble des points de vue des chercheurs qui ont travaillé, avec des études empiriques et expérimentales, sur les effets négatifs des incitations monétaires sur l'effort des travailleurs. Mais, suite à une évolution dans la théorie psychologique, nous réexaminerons les impacts des récompenses monétaires qui, dans certaines circonstances, favorisent la motivation intrinsèque et l'effort des salariés. Enfin, nous essaierons de conclure les principaux résultats de notre étude.

PARTIE I : LA RELATION POSITIVE ENTRE LES INCITATIONS MONETAIRES ET L'EFFORT DES SALARIES

INTRODUCTION A LA PREMIERE PARTIE

Un facteur important dans la survie de l'organisation est le contrôle des problèmes « principal-agent » [Fama et Jensen, 1983]. Dès lors, le problème « principal-agent » se situe toujours au coeur de la firme. En effet, les actions (c'est-à-dire les niveaux d'effort) des travailleurs ne sont pas toujours observables aux yeux de l'employeur et ni vérifiables par le tiers. Plus précisément, les employés ne tentent pas souvent d'agir dans l'intérêt de l'employeur, i.e. de fournir un niveau d'effort au travail élevé afin de maximiser les profits de la firme. Ceci se caractérise par la situation d'asymétrie informationnelle. Cette dernière se compose de deux problèmes : le problème d'aléa moral et le problème de sélection adverse.

Les économistes soutiennent que « les incitations sont l'essence de l'économie » [Lazear, 1986, p. 2; Prendergast, 1999, p. 7]. Comme précédemment définies, les incitations sont considérées comme l'ensemble des dispositifs monétaires mis en place pour inciter les agents à révéler leurs informations privées et à agir dans l'intérêt du principal [Ménard, 2004]. Parallèlement, Bonner et Sprinkle [2002] indiquent également que les incitations monétaires sont fréquemment utilisées pour motiver les travailleurs et améliorer leur performance. S'appuyant sur les incitations monétaires, il y a plusieurs mécanismes pour aligner les intérêts des employés avec ceux de l'employeur tels que la rémunération à la performance, le contrat à paiement différé, le modèle des tournois, etc.

Alors, l'objectif de cette partie est tout d'abord d'expliquer le facteur qui a un effet positif sur le processus de la motivation des individus à exercer un effort au travail dans la théorie des attentes, et les problèmes d'incitations des salariés au travail dans la théorie du Principal-Agent (Chapitre I). Ensuite, les dispositifs incitatifs par lesquels les incitations monétaires sont utilisées pour régler les problèmes « principal-agent », même en cas de performance absolue et de performance non vérifiable, seront proposés dans le chapitre II.

CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'EFFET POSITIF DES INCITATIONS MONETAIRES

Introduction au chapitre I

Les économistes se sont de plus en plus intéressés à la théorie de la firme ces dernières années. Ces efforts se sont concentrés sur les relations entre les marchés et les hiérarchies, les systèmes de gouvernement de l'entreprise et les problèmes d'agence provoqués par des conflits d'intérêt parmi les parties contractantes qui composent la firme [Baker et al., 1988]. Selon ces auteurs, un des facteurs les plus importants affectant le comportement d'organisation est la structure incitative interne, qui inclut la gestion des ressources humaines en général et les politiques de compensation en particulier.

Ces dernières années ont été marquées par un renouvellement profond de la façon d'aborder la question des rémunérations. Selon Sire [2006], mettre la politique de rémunération au service de la performance, c'est répondre à la fois au défi économique de l'organisation, condition de la satisfaction de l'actionnaire, et à la recherche d'un équilibre social, condition de la satisfaction du client, via celle des salariés10(*). C'est la raison pour laquelle les économistes supposent largement que les incitations monétaires représentent le stimulant dominant des activités productives humaines [Rydval, 2003]. En fait, il y a plusieurs théories qui supportent ce concept. Par exemple, la théorie des attentes de Vroom est considérée comme l'une des plus pertinentes pour comprendre le comportement de l'individu au travail [Sire, 2006]. Dans cette théorie, dans la mesure où l'individu a des attentes en termes de niveau de revenu et que celles-ci peuvent être satisfaites au moins partiellement par un effort de travail supplémentaire, on peut s'attendre à ce qu'une rémunération conditionnelle basée sur un niveau de résultat l'incite à améliorer ses performances. Cependant, cette théorie ne présente que le processus de motivation des salariés au travail, elle ne précise pas forcément le problème « principal-agent » et surtout celui de l'asymétrie d'information. C'est la raison pour laquelle la théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent vient le compléter. « L'économie des incitations peut être décrite comme l'étude de l'élaboration de règles et d'institutions qui induisent les agents économiques à exercer des niveaux d'effort élevés et à transmettre correctement toute information privée qu'ils possèdent et qui est socialement pertinente »11(*). La théorie des incitations s'attache donc à caractériser les meilleurs contrats qui peuvent être signés entre un principal (l'employeur) et un agent (l'employé) lorsque ce dernier possède une meilleure information que le premier sur des éléments pertinents pour le contrat [Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005].

Alors, l'objectif de ce chapitre est premièrement de présenter la typologie de la rémunération en précisant le rôle de chaque type de rémunération (Section 1) et deuxièmement d'aborder la question des incitations des salariés via deux théories importantes dans notre recherche : la théorie des attentes de Vroom et la théorie des incitations (Section 2).

Section 1 : La typologie de la rémunération

Mesurer l'efficacité des rémunérations sur la motivation ou l'effort au travail nécessite de définir ce qui est entendu par le terme rémunération. Selon Roussel [1996], la rémunération, selon que l'on adopte la vision de l'économiste, du juriste ou du gestionnaire, diffère dans la définition de son contenu. Dans cette recherche, « la rémunération sera définie comme étant l'ensemble des rétributions acquises par le salarié en contrepartie du travail effectué pour l'organisation qui l'emploie » [p. 79]. Le salarié attend de son salaire une source indispensable de revenu afin de satisfaire ses besoins de consommation courante, d'épargne, ou encore pour constituer un patrimoine. Pour simplifier, nous distinguons deux types de rémunérations possibles - fixe et variable - de façon à expliciter la fonction de chacune d'entre elles et le rôle particulier joué par la rémunération variable, autrement appelée incitation monétaire [Etchant-Vincent, 2006]. Nous présentons alors premièrement la rémunération fixe et deuxièmement, la rémunération variable ou l'incitation monétaire.

1- La rémunération fixe

La rémunération fixe se définit comme « l'ensemble des rémunérations dont le montant et le versement sont garantis »12(*). Ce type de rémunération est inconditionnel et proposé au salarié pour le remercier de sa participation à l'entreprise. Cette rémunération est donc forfaitaire et ne dépend pas de la performance productive du salarié. Etchart-Vincent [2006] propose de distinguer deux fonctions à la forme de rémunération fixe. D'une part, la rémunération fixe a pour fonction de dédommager l'individu de son effort, par exemple la désutilité du trajet ou du temps passé et de l'énergie dépensée à faire l'expérience. La rétribution doit donc être proportionnelle à l'effort fourni, à la longueur de la tâche et à sa pénibilité, c'est-à-dire la rémunération fixe à l'input (contrôle du comportement). D'autre part, cette rémunération peut s'attirer ses bonnes grâces en créant chez lui une sorte de dette morale. Cette fonction se conçoit plutôt dans une logique de réciprocité ou de don-contre don [Akerlof, 1984].

La réciprocité est définie comme le désir d'être aimable avec ceux qui sont perçus bienveillants, et de punir ceux qui sont perçus hostiles13(*). Akerlof [1982; 1984] rend compte de la relation entre le salaire et l'effort tout en rejetant l'idée d'un travailleur fondamentalement opportuniste. Il soutient que la relation salariale peut être assimilée à un échange de dons partiels réciproques, introduisant de ce fait la notion d'équité [Grill et Quiquerez, 1998; Baudry, 2003]. La décision des salariés de fournir collectivement un niveau d'effort supérieur à la norme minimale, selon Akerlof, est considérée comme un don fait par l'ensemble de ces salariés à leur employeur. En retour de ce don, les salariés espèrent obtenir un « juste salaire » et une certaine clémence de la part de l'employeur [Baudry, 2003]. De plus, on peut penser que parce qu'ils sont bien rémunérés, les salariés ne vont pas oser « tirer au flanc »14(*), même si la rétribution est indépendante de leur comportement.

Cependant, Etchart-Vincent [2006] considère que la simple rémunération forfaitaire est insuffisante en ne suscitant qu'une adhésion et un effort de façade. C'est la raison pour laquelle on pense à la rémunération à la performance qui influence fortement l'effort des salariés et qui est considérée comme indispensable au sein de la firme par la plupart des économistes.

2- La rémunération variable (l'incitation monétaire)

Dans notre recherche, la rémunération variable ou l'incitation monétaire est celle qui dépend de ce que le salarié produit réellement. Il s'agit de la rémunération variable à l'output ou à la performance. Depuis longtemps, il y avait une controverse concernant l'effet des incitations monétaires (les récompenses contingentes à la performance) sur le comportement des salariés. Tandis que les études en économie psychologique et en psychologie prouvent que les récompenses contingentes à la performance peuvent mener à une réduction d'effort des salariés, en particulier dans le cas des activités qui sont intrinsèquement motivées, les études en économie supposent généralement que de telles incitations monétaires agissent en tant que stimulus positif sur la performance des travailleurs [Gibbons, 1998 ; Holmström et Milgrom, 1994 ; Prendergast, 1999]. Concernant les effets de la rémunération variable (incitation monétaire) du point de vue des psychologues, nous les présenterons en détail dans la partie II de la recherche. Dans cette section, nous en montrons quelques formes et les rôles des incitations monétaires dans la firme.

Les économistes font l'hypothèse que les salariés ne travaillent pas pour rien et que leur effort cognitif est une ressource rare qu'ils cherchent à allouer stratégiquement. Pour Gibbons [1997] et Lazear [2000], dans la vie réelle, l'effort est motivé par la perspective des gains censés en résulter et les incitations sont précisément là pour promouvoir effort et performance. Les incitations monétaires sont censées augmenter la performance en soutenant l'effort de l'individu, par exemple en l'amenant à se fixer des buts plus élevés ou à développer un intérêt accru pour la tâche [Bonner et Sprinkle, 2002]. Si les salariés ne sont pas rémunérés de manière contingente à leur performance ou si cette rémunération est insuffisante, ils risquent fort de ne pas mettre en oeuvre un effort cognitif suffisant pour révéler leurs véritables préférences.

En fait, il y a plusieurs formes de rémunérations variables appliquées dans les entreprises, mais nous n'allons retenir que les deux formes considérés comme les plus pertinents: la rémunération à la pièce et la rémunération au mérite. Premièrement, les systèmes de rémunérations à la pièce ont longtemps servi de mode de rémunérations des personnels ouvriers. Les travailleurs payés à la pièce reçoivent une somme fixe pour chaque pièce produite. Beaucoup d'organisations proposent un plan de rémunération à la pièce aménagé, où l'employé reçoit un salaire de base fixe à l'heure auquel s'ajoute le surplus correspondant au nombre de pièces produites [Robbins, Judge et Gabilliet, 2006 ; Lazear, 2000]. D'ailleurs, Lazear [2000], en se basant sur l'évidence empirique d'une grande entreprise de pare-brise automobile, appelée Safelite Glass Corporation durant 1994 et 1995, soutient l'idée que payer sur la base de l'output incitera les ouvriers à offrir plus d'output.

Deuxièmement, la rémunération sur le mérite est également fonction des performances individuelles. Cependant, contrairement à la rémunération à la pièce qui se base sur des critères objectifs, la rémunération au mérite est basée sur l'appréciation de la performance15(*). Par exemple, si deux personnes sont employées pour exécuter le même travail et l'un exécute à un niveau sensiblement plus élevé que l'autre, il devrait bien évidemment être payé plus pour sa contribution supérieure16(*). Selon Robbins et al. [2006], s'il est conçu de façon adéquate, ce système de rémunération peut être une source de motivation car les employés considèrent qu'il existe une relation forte entre leurs performances et les récompenses qu'ils obtiennent. Actuellement, la plupart des grandes entreprises utilisent la rémunération au mérite, en particulier pour les employés salariés.

Alors, dans l'optique incitative, c'est la perspective d'une récompense qui va inciter l'individu au travail, car il ne la percevra que s'il s'est bien comporté. Contrairement à la rémunération fixe, la rémunération variable est une rétribution ex-post et conditionnelle.

En résumé, ce sont deux types de rémunération qui se dessinent, dont l'objectif est visiblement distinct même s'ils sont tous deux susceptibles d'affecter l'effort fourni par le salarié et donc sa performance. Il s'agit d'une part de la rémunération récompense17(*), dont la perception et le montant sont conditionnels à l'effort fourni, et d'autre part de la rémunération dédommagement18(*), forfaitaire et inconditionnelle [Etchart-Vincent, 2006].

Dans la section suivante, nous verrons l'importance du rôle de l'incitation monétaire dans la résolution des problèmes fréquemment émergés dans l'organisation qui sont présentés dans la théorie des attentes de Vroom et en particulier dans la théorie des incitations avec le modèle du Principal-Agent.

Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la théorie des incitations

Parce que les intérêts des employés et des employeurs ne sont pas toujours alignés, certaines grandes littératures théoriques ont montré comment les firmes concevaient les contrats de compensation pour inciter les employés à agir dans l'intérêt de la firme. Ces littératures ont été appliquées dans plusieurs secteurs de compensation et se sont dirigées vers une multitude de différents mécanismes (salaire à la pièce, bonus discrétionnaires, salaires d'efficience, etc.) qui peuvent être utilisés pour inciter les salariés à agir dans l'intérêt de leurs employeurs, c'est-à-dire la maximisation du profit de la firme. Les incitations monétaires sont fréquemment considérées comme une méthode pour aligner les intérêts des employés avec ceux de leurs employeurs. Théoriquement, les incitations monétaires fonctionnent par l'augmentation de l'effort qui, à tour de rôle, mène aux augmentations de la performance [Bonner et Sprinkle, 2002]. Ainsi, l'objectif de cette section est d'offrir le cadre théorique pour comprendre les effets des incitations monétaires sur l'effort des individus et leur performance. Selon Covin et Boswell [2007], le développement des systèmes de compensation incitative repose sur les deux piliers théoriques importants qui détaillent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont présumées aboutir aux augmentations de l'effort. Ces théories sont la théorie des attentes et la théorie des incitations en particulier le modèle Principal-Agent.

Avant de présenter les deux théories qui sont les médiateurs de la relation incitation - effort et qui vont expliquer comment les incitations monétaires entraînent une augmentation de l'effort, il est utile d'expliquer d'abord la construction de l'effort. Bonner et Sprinkle [2002] ont proposé quatre éléments qui décomposent l'effort : direction, durée, intensité et développement stratégique. En empruntant leurs travaux, nous allons expliquer chaque élément brièvement.

Premièrement, la direction d'effort renvoie à la tâche ou à l'activité dans laquelle l'individu choisit de s'engager (i.e. ce que l'individu fait). Théoriquement, les incitations monétaires devraient conduire à l'effort qui est orienté vers la tâche ou l'activité récompensée quand les avantages prévus fournis par les incitations monétaires sont supérieurs aux coûts de réalisation de cette tâche ou activité.

Deuxièmement, la durée d'effort renvoie à la durée où un individu consacre les ressources cognitives et physiques à une tâche particulière, c'est-à-dire le temps de travail d'une personne. On peut dire que les incitations monétaires peuvent faire augmenter la durée de l'effort, par exemple, les employés peuvent prendre peu de pauses ou travailler des heures supplémentaires.

Troisièmement, l'intensité d'effort renvoie à la qualité d'attention qu'un individu consacre à une tâche pendant une période de temps fixe, c'est-à-dire si une personne travaille, dur ou non. Analogues à la direction et à la durée d'effort, les incitations monétaires ont théoriquement des effets positifs sur l'intensité d'effort si les individus croient qu'une augmentation à court terme des ressources cognitives déployées dans la tâche suscitera un accroissement de mesure de la performance monétairement récompensée.

Enfin, en ce qui concerne le développement stratégique, les incitations monétaires peuvent motiver des individus à faire l'effort d'acquérir les qualifications requises pour accomplir une tâche afin que la performance et les récompenses futures soient plus élevées qu'elles ne le seraient (i.e. l'apprentissage). Cette notion d'effort accru (développement stratégique) consiste en la résolution des problèmes conscients, de la planification, ou de l'innovation de la part de l'individu accomplissant la tâche.

Selon l'explication de construction de l'effort ci-dessus, on peut conclure que la direction, la durée et l'intensité d'effort orientées vers la performance courante peuvent conduire à une augmentation immédiate de la performance alors que l'effort orienté au développement stratégique peut générer une hausse retardée de la performance. Par conséquent, l'augmentation de l'effort orienté au développement stratégique est moins spontanée que la direction, la durée et l'intensité d'effort et exerce probablement un effet négatif sur la performance à court terme, mais un effet positif sur la performance à long terme. Ainsi, lorsque les mécanismes plus spontanés ne sont pas suffisants pour atteindre les niveaux désirés de performance et de récompense, les incitations seront utilisées à favoriser l'effort orienté vers le développement de stratégie.

Dans ce qui suit, nous présenterons les deux théories qui expliquent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires influencent l'effort individuel. Tout d'abord, nous exposerons la théorie des attentes et ensuite la théorie des incitations en précisant le modèle du Principal-Agent.

1- La théorie des attentes de Vroom

Les modèles de motivation développés dans la littérature psychologique d'organisation sont généralement divisés en deux catégories : l'une se concentre sur les attributs internes d'un individu (théories du contenu) et l'autre se focalise sur les interactions de l'individu avec l'environnement (théories du processus) [Sloof et van Praag, 2005]. La théorie des attentes, comme d'abord développée en 1964 par Vroom, est une théorie de processus de motivation. Cette théorie propose que les individus agissent de façon à maximiser la satisfaction attendue avec des résultats. Ainsi, le concept de la théorie des attentes est qu'un individu dépend de l'attente de réussite par rapport aux efforts fournis, du résultat effectif obtenu et de l'attractivité de ce résultat [Robbins et al., 2006]. Cela montre que Vroom met en relation les efforts individuels, la performance à laquelle ils aboutissent, la récompense attachée à cette performance, et le lien entre cette récompense et les attentes individuelles. Cette théorie établit pour principe que la motivation d'un individu dans une situation particulière est une fonction de trois facteurs (Voir Figure 1) :

Le premier de ces facteurs, attente (expectation) effort - performance (E-P), indique la corrélation positive effort-performance que l'individu perçoit. C'est ce que chacun se croit capable de faire, ce qu'il attend comme résultat probable de ses efforts19(*). Par conséquent, plus cette attente E-P est élevée, plus l'individu est motivé à faire des efforts.

Figure 1 : La théorie des attentes de Vroom20(*)

Satisfaction

Valence

Instrumentalité

Perception des rôles

Aptitudes et personnalité

Effort

Performance

Récompenses intrinsèques

Récompenses extrinsèques

Le deuxième facteur est l'attente performance - résultat (P-R), également désigné sous le nom d' « instrumentalité ». Il concerne l'attente ou l'expectation d'un individu de l'attachement étroit entre sa rémunération et son niveau de performance. Il s'agit de la perception de la probabilité que la performance permettra d'accéder à la récompense [Alexandre-Bailley et al., 2006]. Parallèlement, selon Lévy-Leboyer [1993], le travail est « instrumental » lorsqu'il représente clairement, aux yeux de celui qui le fait, un moyen efficace d'obtenir le résultat recherché - par exemple, un salaire.

Le troisième facteur s'appelle la valence (attractivité) des résultats. La valence est une mesure du degré auquel un individu évalue une récompense particulière. Selon les individus, les résultats éventuellement obtenus pour un niveau de performance atteint ont des attraits différents. En effet, la valeur d'un résultat dépend pour un individu de ses besoins et de ses propres perceptions. L'employé considère que les résultats sont attractifs, c'est-à-dire qu'ils ont une valeur positive pour lui. Ainsi, Soof et van Praag [2005] suggèrent que plus ce facteur est élevé, plus l'individu est motivé.

La théorie des attentes se dirige ainsi avec trois instruments que l'employeur peut utiliser pour renforcer la motivation des employés en augmentant les expectations subjectives qu'un effort plus fort produira les niveaux de la performance (E) plus élevés, en renforçant le lien perçu entre la performance et les récompenses (I), et en s'assurant que les employés évaluent les récompenses données pour la performance élevée (V). Ces trois facteurs s'appellent les facteurs de VIE.

Ainsi, Motivation d'un individu = [EP] x [(PR) (V)] ou [Valence x Instrumentalité x Expectation]. Cela fonctionne comme un produit: il suffit qu'un des termes soit nul pour que le produit soit nul.

Prenons un exemple dans un ouvrage de Michel [1989], « si je me sens incapable de suivre un cours de mathématiques appliquées, je ne serai pas motivé à m'inscrire même si ce stage permet d'être promu cadre et que cette promotion représente beaucoup pour moi. Je peux aussi me sentir capable de le suivre mais douter fortement qu'il soit la bonne solution pour être promu. Je peux enfin me sentir capable de le suivre et être persuadé que c'est la bonne manière d'être promu cadre mais cette promotion peut me laisser tellement indifférent que je ne m'inscrirai pas plus que dans les autres cas » [p. 27].

Selon Bonner et Sprinkle [2002], l'effet des incitations monétaires sur l'effort dans une conceptualisation de la théorie des attentes est double. D'abord, le résultat d'intérêt est la récompense financière. L'argent peut avoir la valence pour une variété de raisons. La conception initiale de Vroom de la valence de l'argent est que l'argent est instrumental en permettant d'obtenir des choses que les individus désirent tel que des biens matériels. En outre, l'argent a une valeur symbolique due à son rapport perçu avec le prestige, le statut, et d'autres facteurs. Les incitations monétaires ont clairement une valence plus élevée que le cas sans salaire et peuvent également avoir une valence plus élevée que les incitations non-contingentes. De plus, sous un système de salaire fixe pur, il n'y a aucun lien entre la performance et le résultat [Cadsby et al., 2005]. Deuxièmement, les attentes devraient également être, et se sont avérées, plus élevées sous forme d'incitations monétaires que sous forme d'aucun salaire ou des incitations non-contingentes en raison de liens plus forts parmi l'effort, la performance et le salaire.

En conséquence, selon la théorie des attentes, la motivation d'un individu et l'effort suivant sont sensiblement plus élevés quand la compensation est basée sur la performance, due à une attente accrue au sujet de la relation effort-performance-résultat et à une plus grande valence de résultat. Dans ces circonstances, Cadsby et al. [2005] soutiennent que le salaire élevé contingent à une performance devrait inciter des salariés à travailler dur.

Dans la sous-section suivante, nous décrirons une autre théorie qui présente le concept des incitations des salariés à l'effort dans le travail lorsqu'il y a des problèmes d'asymétrie informationnelle au sein d'une firme. Il s'agit d'une théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent.

2- La théorie des incitations : le modèle du Principal-Agent

Le développement de la théorie des incitations a été une avance importante en économie pendant plus de trente années. Par économie des contrats, nous entendons les trois grandes approches théoriques dans le champ de l'économie contractuelle renvoyant conventionnellement à la théorie des incitations, la théorie des coûts de transaction et la théorie des contrats incomplets [Brousseau et Glachant, 2000].

La théorie des incitations se caractérise par deux hypothèses principales. En premier lieu, dans l'ensemble des théories contractuelles, la théorie des incitations est probablement celle qui se rapproche le plus, dans ses fondements, du modèle néoclassique [Dubrion, 2004], parce que la théorie des incitations suppose que les agents soient dotés d'une rationalité économique substantive identique à celle de l'homo oeconomicus de la théorie néoclassique [Baudry, 2003]. Ils disposent d'une capacité de calcul illimitée, ainsi que d'une information complète qui leur permet de connaître dans tous les cas la structure des problèmes auxquels ils sont confrontés. L'information de ces agents est complète au sens où, même s'ils ne peuvent pas anticiper avec exactitude un avenir qui reste aléatoire, les agents connaissent la structure de tous les problèmes auxquels ils pourraient faire face. Ce qu'ils peuvent ne pas connaître, le cas échéant, c'est la liste des problèmes qui vont effectivement survenir et leur enchaînement. Ils se représentent alors l'avenir à partir de lois de probabilité. Ceci renvoie à un univers probabilisable, les agents imaginent les solutions les plus efficaces en fonction des différents états possibles de la nature et calculent des espérances de résultats. De tels calculs sont réalisables parce que les agents disposent de compétences illimitées en la matière, c'est-à-dire que calculer ne leur coûte rien, ni en temps ni en ressources21(*).

En second lieu, contrairement à la théorie néoclassique, les agents ne partagent pas la même information sur les variables qui déterminent leur choix - hypothèse d'asymétrie d'information. Certains individus, les « principaux », sont sous-informés par rapport à ceux qui vont agir pour eux, les « agents ». Comme chez Williamson, les individus sont supposés opportunistes, c'est-à-dire qu'ils sont prêts à tricher pour satisfaire au mieux leur intérêt personnel. Puisque l'agent est supposé posséder des informations qui ne sont pas connues du principal, le problème à résoudre consiste à expliciter comment le principal (l'employeur) peut concevoir un système de rémunération (un contrat) qui incite un autre individu, son agent (l'employé), à agir dans l'intérêt du principal. Mettant clairement en avant l'importance des incitations entre les agents économiques, cette conceptualisation nous semble directement imprégnée de la conception de l'organisation interne de firme défendue par Alchian et Demsetz [1972].

L'article de 1972 d'Alchian et Demsetz est à l'origine du courant qui considère la firme comme un « noeud de contrats ». Cet article a ensuite été prolongé en 1976 par Jensen et Meckling, véritables fondateurs de la conception de la firme comme noeud de contrats. La théorie des incitations constitue le support théorique principal de cette conception22(*). Selon Jensen et Meckling [1976], la firme abrite l'ensemble des contrats bilatéraux conclus entre elle-même et ses fournisseurs, ses salariés, ses managers, ses investisseurs, ses clients. Mais dans notre recherche, on étudie seulement la relation entre l'employeur et les salariés. En revanche, tous ces contrats prennent la forme d'une relation dite d'agence. Une relation d'agence apparaît chaque fois qu'un individu, le principal (l'employeur) engage une autre personne, l'agent (l'employé) pour exécuter une tâche dans son intérêt, et ce en situation d'asymétrie d'information. La théorie des incitations constitue le cadre adéquat pour traiter de telles relations d'agence. En effet, selon Brousseau et Glachant [2000], cette théorie raisonne à partir d'une situation canonique dans laquelle une partie sous-informée - dénommée le principal - met au point un schéma d'incitation pour conduire la partie informée - l'agent - soit à révéler son information privée (modèle d'anti-sélection ou sélection adverse), soit à adopter un comportement conforme à l'intérêt du principal (modèle du risque moral ou aléa moral), (voir encadré). Le schéma d'incitation repose, pour eux, sur une rémunération conditionnelle à des « signaux » résultant du comportement de l'agent (comme le choix d'une option sur une liste de propositions qualifiée de « menu » de contrats ; ou comme le résultat apparent de son effort lorsque cet effort lui-même n'est pas observable). L'existence d'un tel schéma d'incitation repose sur deux hypothèses importantes23(*).

Premièrement, bien que le principal soit sous-informé, puisqu'il ne sait pas quelle est la valeur réelle de la variable cachée, il connaît à la fois la loi de probabilité qui affecte cette variable et la fonction de préférence de l'agent. Le principal peut donc se mettre à la place de ce dernier pour anticiper ses réactions aux différents schémas de rémunérations concevables, et sélectionner le schéma qu'il préfère parmi les schémas acceptables par l'agent.

Deuxièmement, il existe un cadre institutionnel dissimulé, mais compétent et bienveillant, assurant le respect des engagements pris par le principal. Ainsi toute proposition formulée par le principal est crédible pour l'agent. D'autre part, le schéma de rémunération proposé repose sur une information dite vérifiable, c'est-à-dire observable par un tiers.

L'asymétrie d'information

Asymétrie d'information : cette propriété est caractéristique des situations dans lesquelles plusieurs agents, ayant à conclure un contrat, disposent sur l'objet du contrat d'informations différentes et incomplètes, voire fausses. Ce peut être le cas d'un contrat de travail : l'employeur n'est pas à même de connaître parfaitement la personne qu'il va recruter. Par exemple, un CV ne donnant pas d'information fiable sur le caractère, la capacité de travail ou l'honnêteté d'une personne ; de même les conditions réelles d'exercice du travail ne sont que rarement spécifiées dans le détail. L'asymétrie d'information engendre souvent des comportements opportunistes de la part des individus concernés [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Williamson [1994] définie l'opportunisme comme l'absence d'honnêteté dans les transactions, la recherche de l'intérêt personnel stratégique par le moyen de la tromperie, de la ruse, de la divulgation d'informations incomplètes ou dénaturées. L'opportunisme est responsable des asymétries d'informations qui compliquent le fonctionnement de l'organisation. Williamson distingue deux types d'opportunisme : un opportunisme ex ante correspondant à l'anti-sélection et un opportunisme ex post correspondant à l'aléa moral.

L'anti-sélection : ce phénomène apparaît lorsqu'il est difficile, voire impossible, d'apprécier les caractéristiques exactes des biens ou des services qui font l'objet d'un contrat. En prenant l'exemple de la relation employeur-employé, l'anti-sélection renvoie à l'incertitude d'un employeur sur la compétence de la personne qu'il embauche. C'est ainsi qu'au cours des négociations d'un contrat de travail, les salariés qui désirent être embauchés connaissent mieux que l'employeur leur capacité exacte de travail. Sauf s'il engage des coûts importants de recherche d'informations, l'employeur est incapable de distinguer, parmi les candidats à un emploi, ceux qui ont une productivité élevée de ceux dont la productivité est faible [Koenig, 1998]. S'il fixe un salaire identique pour tous, il n'attire que les agents dont la productivité correspond à cette rémunération ou à un montant inférieur. Il risque ainsi d'engager des salariés ayant une productivité très faible et n'obtenir aucun salarié très productif.

L'aléa moral : ce type de risque se présente lorsque l'un des partenaires se trouve dans l'impossibilité de vérifier le respect des engagements qui ont été pris vis-à-vis de lui lors de la signature du contrat. Ainsi, une fois le contrat de travail signé, un employeur ne peut pas complètement s'assurer que son salarié effectue correctement et en totalité le travail pour lequel il a été engagé. D'une façon générale, on parle d'aléa moral lorsque les agents profitent du fait que le contrôle de leurs comportements soit jugé trop onéreux, pour ne pas respecter leurs engagements contractuels. C'est le cas des contrats de travail non respectés par les salariés qui tirent au flanc. S'il est impossible de mesurer la contribution de chaque agent à la réalisation du gain d'une activité régie par un contrat, il est probable que chaque participant essaie de s'attribuer la part la plus importante possible de ce gain.

Jensen et Meckling [1976] sont les principaux auteurs à avoir développé la notion de relation d'agence. En fait, cette relation d'agence est très générale et couvre l'ensemble des relations entre deux individus, par exemple, la situation de l'un dépend de l'action de l'autre. Dans notre recherche, comme précédemment indiqué, on n'étudie que la relation entre l'employeur et les salariés au sein de la firme. Les deux auteurs ont encore ajouté que si les deux parties s'engageant dans la relation ont tendance à maximiser leurs propres utilités (utility maximizers), il y a de bonne raison de croire que l'agent n'agira pas toujours dans les meilleurs intérêts du principal (Voir Figure 2). En d'autres termes, l'agent en tant que rationaliste de l'intérêt personnel tirera profit de l'incapacité du principal à surveiller tous les aspects de comportement de l'agent, qui pourra se dérober des obligations contractées24(*).

Figure 2 : Modèle Principal-Agent

Intérêt personnel

Asymétrie d'information

P

A

exécute

emploie

Intérêt personnel

P : Principal

A : Agent

D'une manière générale, le conflit d'intérêt entre les deux parties porte sur le niveau d'effort: le principal souhaite que l'agent fournisse un effort important alors que ce dernier, si l'effort est coûteux et qu'il n'est pas récompensé en conséquence, a intérêt à fournir un effort minimal [Raynaud, 2005]. Afin d'éviter le problème de tire-au-flanc, le principal doit soit investir dans la surveillance (monitoring) de comportement, soit créer un contrat qui récompense l'agent en se basant sur des résultats. Comme la surveillance est souvent coûteuse et de plus en plus difficile pour le travail qui implique un degré élevé d'incertitude et de comportement discrétionnaire, le modèle standard principal-agent propose que le principal (c'est-à-dire l'employeur) a généralement intérêt à proposer un contrat qui propose une rémunération variable pour l'agent (l'employé) en fonction du résultat réalisé.

Dans ce modèle, il est difficile pour le principal de prouver aux yeux d'un tiers (en particulier un tribunal) que l'agent n'a pas respecté ses engagements même si initialement le principal est capable de décrire précisément ce qu'il attend de l'agent et que ce dernier a accepté la proposition [Raynaud, 2005]. Il est donc impossible d'inclure le niveau d'effort souhaité par le principal dans un contrat écrit. Puisque l'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat doit inciter l'agent à fournir le niveau d'effort souhaité par le principal (contrainte d'incitation) et doit lui procurer un niveau d'utilité au moins égal à son utilité sans contrat (contrainte de participation)25(*). Si le principal offre un contrat avec une rémunération fixe indépendante de l'état de la nature, l'agent fournira le niveau d'effort le moins coûteux pour lui, en général le niveau d'effort le plus faible. Si le principal souhaite que l'agent fournisse un niveau d'effort plus élevé et plus coûteux pour ce dernier, le contrat proposé à l'agent devra maximiser son utilité espérée lorsqu'il choisit le niveau d'effort souhaité par le principal.

Dans la théorie du principal-agent, il y a certaines hypothèses : le principal est neutre au risque alors que l'agent est averse au risque, le coût de l'effort est croissant, l'information est asymétrique et ainsi de suite. Sous ces hypothèses, on montre qu'à l'optimum les deux contraintes sont saturées [Keser et Willinger, 2000]. Dans la résolution économique standard du problème principal-agent, les systèmes de compensation remplissent la fonction duelle d'assigner des risques et de récompenser le travail productif. Une tension entre ces deux fonctions surgit quand l'agent a de l'aversion au risque. Car cela force souvent l'agent à soutenir le risque non désiré26(*).

La théorie du principal-agent suggère que les incitations monétaires jouent un rôle très fondamental dans la motivation et le contrôle de la performance. Divers mécanismes monétaires peuvent être utilisés pour aligner les intérêts de l'agent avec ceux du principal, tels que le salaire à la performance, le modèle à paiement différé... que nous allons aborder dans le chapitre suivant.

En résumé, la théorie des attentes et la théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent mettent en lumière clairement les problèmes d'incitations des salariés au travail au sein de la firme et puis donnent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont supposées générer l'augmentation de l'effort des salariés. En effet, les incitations monétaires affectent l'attractivité ou l'utilité de divers résultats et l'effort affecte la probabilité de réaliser ces résultats. Ainsi, les incitations monétaires augmentent le désir d'un individu d'accroitre la performance et le salaire concomitant. Alternativement, ce désir motive les individus à exercer l'effort coûteux parce que les augmentations de l'effort sont présumées mener directement aux augmentations de la performance prévue.

Conclusion du chapitre I

L'analyse économique souligne la nécessité de baser les rémunérations sur des mesures de performance, et donc de faire supporter un risque à l'employé, afin d'inciter celui-ci à fournir un effort suffisant [Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005]. Cette idée est conforme à celle de la théorie des attentes et du modèle principal-agent parce que ces théories donnent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont présumées causer une augmentation de l'effort des salariés au travail au moment où il y a une asymétrie d'information au sein de la firme.

En conséquence, la théorie des attentes et la théorie du principal-agent se concentrent sur la façon de motiver l'agent (l'employé) pour poursuivre certains objectifs de comportement [Gerhart et Milkovich, 1992]. Dans ce cas, les incitations monétaires augmentent le désir d'un individu qui l'incite à faire des efforts coûteux parce que l'augmentation de l'effort est présumée aboutir directement à l'accroissement de la performance prévue et donc au salaire concomitant. Dans certains cas, en revanche, la théorie du principal-agent est différente de la théorie des attentes. D'une part, selon Gerhart et Milkovich [1992], la théorie du principal-agent se concentre plus sur le choix spécifique dont le système de gouvernement (souvent la compensation) sera le plus efficace à utiliser, et sur le compromis risque-récompense. Le dernier signifie que, pour obtenir la rémunération variable et incitative, les employés doivent supporter les risques. D'autre part, la théorie du principal-agent identifie explicitement l'importance de processus de l'échange entre les deux parties. En effet, le principal conçoit les contrats incitatifs (les incitations monétaires) pour induire les agents qui ont une aversion pour le risque et pour l'effort à exercer des niveaux d'effort plus élevés et pour sélectionner ces agents basés sur leurs capacités.

Dans le chapitre suivant, nous reviendrons sur la question de principal-agent. Nous proposerons donc certains contrats incitatifs fondés sur des données des études empiriques et expérimentales pour résoudre le problème, même en cas de la performance des individus mesurable ou non vérifiable.

CHAPITRE II : L'INDIVIDUALISATION DE LA REMUNERATION

Introduction au chapitre II

« Pour les économistes, l'individualisation de la rémunération découle naturellement de l'incitation à l'effort des salariés, et implique, pour être efficace, que ceux-ci supportent un risque au niveau de leur salaire » [Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005]. Les formules de rémunération sont très diverses. Outre celles qui font participer les salariés aux bénéfices, on peut relever des modalités de rémunération faisant peser une partie des risques d'entreprise sur les salariés, ce qui est cohérent avec l'analyse économique des incitations.

Comme nous avons déjà exposé dans le chapitre précédent, les économistes considèrent que le problème que pose la motivation des individus ou des organisations est un problème « principal-agent ». Nous rappelons que ce problème consiste au fait que l'agent (l'employé) n'agit pas toujours dans l'intérêt du principal (son employeur) et ce en situation d'asymétrie d'information. « La prise en compte des interactions stratégiques en présence d'asymétrie d'information a donc permis d'ouvrir la boîte noire que représentait la firme, celle-ci pouvant dès lors être conçue comme une organisation »27(*). Dans ce cadre, les relations entre les employeurs et les employés sont marquées à la fois par la détention privée de rentes informationnelles et par des interactions stratégiques. Ainsi, Aubert et Aubert-Monpeyssen [2005] suggèrent que pour inciter le salarié à agir dans l'intérêt de l'employeur, il est indispensable de rémunérer sa bonne performance, c'est-à-dire de rémunérer à la performance. L'individualisation des rémunérations est donc une conséquence logique de cette analyse.

Alors, l'objectif de ce chapitre est de présenter certains contrats incitatifs pour résoudre le problème principal-agent, i.e. pour inciter les agents à maximiser leur effort au travail. Dans la section 1 du chapitre, nous allons montrer les incitations monétaires à la performance absolue, i.e. les contrats explicites portant sur des variables mesurables et observables comme par exemple les systèmes de rémunération à la performance et de rémunération à l'ancienneté. Mais la performance des individus n'est pas toujours facilement quantifiable et vérifiable. Cela pose donc encore des problèmes d'incitation au sein de la firme. Dans la section 2 du chapitre, nous allons donc aborder les incitations monétaires avec la performance non vérifiable en spécifiant d'abord les situations (la production en équipe et la situation multi-tâche) dans lesquelles la performance des individus est difficilement mesurable et vérifiable, et ensuite certaines solutions possibles à ces problèmes seront proposées.

Section 1 : Les incitations monétaires avec la performance absolue

Idéalement, le problème des incitations à mettre en place pour amener les agents à coopérer pourrait être facilement résolu si on pouvait mesurer sans ambiguïté leurs contributions individuelles [Ménard, 2004]. C'est ce que prédit le principe de rémunération des facteurs à la productivité marginale. Dans cette section, nous présentons deux types des incitations monétaires à la performance absolue : la rémunération à la performance et le modèle à paiement différé ou la rémunération à l'ancienneté.

1- La rémunération à la performation et le problème « principal-agent »

Le salaire variable se caractérise simplement à attacher la compensation de salarié à la mesure de la performance basée sur l'output28(*). Dans certains cas, afin de motiver les salariés, il existe un lien contractuel explicite entre le salaire et la mesure de la productivité ou de la performance individuelle [Milgrom et Roberts, 1997]. La rémunération à la performance, dont le salaire aux pièces constitue la modalité la plus pure, est sans doute la méthode la plus connue pour résoudre le problème « principal-agent », i.e. pour inciter les agents à agir dans l'intérêt du principal. Selon Stankiewicz [1999], un tel dispositif n'est convenable que si les résultats du travail (l'output) peuvent être mesurés avec une objectivité suffisante. Lazear [1999 ; 2004] suggère qu'il y a deux grands effets liés au système de la rémunération à la performance sur la productivité de la firme : l'effet des incitations et l'effet de sélection.

1-1- L'effet des incitations

Depuis plusieurs décennies, le recours au salaire variable s'est largement répandu. « Le recours accru au salaire variable est généralement associé au souhait de créer des incitations »29(*).

Le salaire variable est pratiqué dans de nombreux pays, en particulier au Japon, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Italie [Lazear, 2004]. Au Japon, le salaire à la performance fut introduit pour des raisons historiques afin d'accroître le niveau de capital après la seconde guerre mondiale. Au Royaume-Uni, c'est sous le gouvernement de Margaret Thatcher que le salaire à la performance a été expérimenté pour réduire le chômage. En effet, l'utilisation du salaire à la performance est justifiée par la théorie macroéconomique selon laquelle les salaires flexibles permettent d'accroître le niveau de l'emploi en période de récession.

La justification du salaire à la performance qui vient le plus souvent à l'esprit est qu'il génère des incitations pour les travailleurs alors que le salaire au temps génère une productivité faible. Alors, on qualifie souvent de dispositif à fort potentiel incitatif le système de salaire à la performance. Dans ce cas, le salaire à la performance peut inciter les salariés à faire des efforts au travail et puis le problème « principal-agent » sera résolu. Pour Lazear [1986], le problème « principal-agent » est au centre de la littérature de contrat incitatif. Le principal (l'employeur) veut induire son agent (l'employé) à se comporter de la manière qui est avantageuse à l'employeur.

Lazear [1995] suggère que les arrangements optimaux doivent accomplir deux choses. En premier lieu, ils doivent inciter un salarié donné à exercer le niveau de l'effort approprié. En second lieu, ils doivent inciter les bons salariés à travailler pour la firme. Sous la neutralité de risque, l'arrangement optimal de paiement est linéaire, ce qui entraine un niveau de l'effort élevé. Généralement, l'objectif de la firme est de maximiser le profit mais elle doit payer les salariés suffisamment afin de les inciter à travailler pour la firme. Le problème peut être divisé en deux étapes.

- La première étape est l'offre de travail: il est nécessaire de déterminer quel niveau d'effort ou de nombre d'heures de travail qu'un salarié fournira pour une certaine structure de compensation donnée.

- La seconde étape, avec le comportement de l'offre de travail d'un salarié donné, est que la firme doit choisir la formule de compensation qui maximise des bénéfices.

Le modèle simple

On considère toujours deux parties, un principal (l'employeur) et un agent (l'employé) dotés de fonctions de préférence distinctes. On suppose que le principal détient des droits sur un actif, dont il espère tirer parti, par exemple en produisant l'output Q. Pour ce faire, il doit compter sur l'effort e de l'agent qui est inobservable par le principal. On a donc une relation du type :

Q = F (e, è), où è est un état de nature30(*).

Donc, l'output est déterminé à la fois par l'effort de l'agent et de l'état de nature dont on suppose qu'il a une espérance nulle (E (è) = 0). Normaliser la mesure de l'effort de sorte qu'une unité d'effort produit une unité de l'output. Alors,

Q = e + è (1)

Le problème du principal est alors de trouver un contrat capable d'amener l'agent à entreprendre l'action qui va servir au mieux ses intérêts, ici maximiser Q. La difficulté pour le principal, qui propose le contrat, est d'anticiper qu'il ne saura déterminer avec certitude si le résultat observé Q vient de l'action choisie par l'agent ou de l'état de nature. Il tentera donc de formuler ex ante un contrat en fixant une règle de rémunération, minimisant les risques liés à ces « bruits », de manière à pouvoir coordonner et contrôler les actions des agents, approchant ainsi de la valeur maximale de Q. Dans ce qui suit, nous ne traiterons que des incitations monétaires, c'est-à-dire la contrepartie monétaire que reçoit l'agent en récompense de son activité. Le principal possède l'output mais il doit contracter pour le partager avec l'agent en payant un salaire W contingent à cet output. Par rapport à la forme du contrat, nous nous restreindrons à un contrat linéaire W(Q) qui prend la forme suivante :

W(Q) = á + âQ ou W(Q) = á + â(e + è) (2)

Où á est une composante fixe et â un paramètre déterminant la proportion du produit Q qui reviendra à l'agent31(*). Ces deux paramètres sont choisis par la firme. Cela est un type de rémunération aux pièces avec un salaire minimum garanti. La rémunération est donc constituée d'un montant de base á et d'une quantité qui varie en fonction d'output observable Q. â sert à indiquer l'intensité des incitations fournies à l'employé. Ainsi, plus â est élevé, plus le contrat est incitatif, mais il va également imposer plus de risque à l'agent.

L'employeur peut espérer dégager un profit:

Ï = Q - W (3)

Dans l'hypothèse où le principal est neutre par rapport au risque, il cherchera à maximiser son profit, E (Q - W).

E (Q) - (á + âe) ; E (è) = 0

e - (á + âe) (4)

De son côté, l'agent qui accepte le contrat doit fournir un effort qui a un coût, C(e). Le coût d'effort est souvent désigné sous l'appellation « désutilité ». Il peut s'agir en effet d'une perte d'utilité (ou bien-être) due au fait de travailler tard le soir, de ne pas se reposer longuement durant la journée de travail, d'utiliser ses soirées et week-ends à se former, de ne pas utiliser les actifs de l'entreprise pour un bénéfice personnel, etc. [Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005]. On suppose la fonction de coût convexe, de sort que le coût marginal de l'effort va croissant : il est plus fatiguant d'accroître son effort lorsqu'on travaille déjà 50 heures que lorsqu'on travaille 35 heures. Ici, C'(e) et C"(e) sont positifs. Il garantit que la solution implique les niveaux d'effort finis.

L'agent cherche aussi à maximiser son utilité qui dépend à la fois de la rémunération qu'il reçoit mais aussi du coût de l'effort. Son utilité s'écrit de manière suivante:

U = W - C(e) (5)

Pour inciter le salarié à choisir un niveau d'effort élevé, il faut satisfaire une contrainte d'incitation qui spécifie simplement que l'utilité du salarié est plus importante quand il choisit l'effort élevé.

(6)

Comme l'output Q = e + è, (6) devient :

Avec la condition du premier ordre :

[[á + âe] - C(e)] = 0 ; E (è) = 0

â - C'(e) = 0

C'(e) = â (7)

L'équation (7) est la fonction de l'offre de travail du salarié que la firme considère comme donné quand elle maximise des profits en choisissant les paramètres á et â. Le salarié fixe le coût marginal d'effort égal à son gain marginal d'effort. Comme C"(e) > 0 et dans l'hypothèse de neutralité de risque, l'effort augmente en â. Les taux de salaire élevés entrainent plus de l'effort ou d'heures de travail.

Pour déterminer les niveaux de salaires optimaux, il suffit d'ajouter la contrainte de participation du salarié, qui affirme que celui-ci doit obtenir une utilité espérée au moins aussi grande que l'utilité la plus importante qu'il pourrait obtenir hors de cette relation d'emploi ou que sa désutilité dans cette relation d'emploi. La contrainte de participation s'écrit comme suit :

E (W) = C(e)

Comme E (è) = 0, on obtient : á + âe ? C(e) (8)

L'équation (8) nous montre que le salarié doit gagner assez pour couvrir sa désutilité au niveau d'équilibre de l'effort. La substitution de (8) dans (4) rapporte : e - C(e)

Avec la condition du premier ordre :

= [1 - C'(e)] = 0 (9)

(= 0, la seconde condition est donc superflue)

L'équation (9) implique que la firme choisira â afin de provoquer l'efficacité. La firme, dans sa recherche de profit, incite le salarié à fixer le coût marginal d'effort égal à sa valeur sociale marginale d'effort. A partir de l'équation (7) et (9), on obtient: â = 1. Après que â a été choisi, le niveau optimum de l'effort est déterminé par l'équation (7). (8) dicte la taille du á nécessaire pour attirer le salarié à la firme.

Pour Lazear [1995], le fait que â = 1 implique que les employés avec le salaire aux pièces devraient avoir droit au bénéfice résiduel entier. Ainsi, ce type de rémunération est le plus efficient dans ce modèle. Toutefois, la firme doit « charger » le travailleur pour le coût d'utilisation du capital32(*). Pour cela, il y a deux solutions, soit â est réduit en-dessous de 1, soit á est fixé à un nombre négatif. Selon Lazear, la réponse est que á = - (coût de location de capital) et â = 1. La raison est que si la firme réduit â en-dessous de 1, il incite le salarié à réduire son effort au travail. Ainsi, la firme simplement « loue » le travail au salarié à prix -á et le donne alors le plein output.

Lazear [1986] reconnait que les salaires aux pièces linéaires ne sont plus les contrats incitatifs appropriés si les travailleurs ont de l'aversion au risque. Cette reconnaissance est expliquée par Malgrange et al. [2004] que la politique optimale de rémunération de l'employé dépend de son aversion pour le risque : si l'employé est neutre au risque, les incitations sont les plus fortes et sa rémunération dépend totalement de la performance (â = 1), celle-ci dépendant complètement de la variabilité du résultat. En revanche, si l'employé a de l'aversion pour le risque, alors sa rémunération à la performance est plus faible (â < 1) et celle-ci est d'autant plus faible que le coût marginal est élevé et que la variabilité du produit de la relation d'emploi est fort.

Toutefois, l'application la plus directe de l'économie des ressources humaines est à l'offre des incitations, et l'un des arrangements incitatifs les plus propres est le travail à la pièce (â = 1). Lorsque l'on paie les individus sur la base de leur output, leurs incitations sont bien évidemment alignées avec les objectifs de la firme33(*).

L'argument de la rémunération à la performance témoigne du pouvoir des incitations dans la réduction de l'aléa moral. Ce schéma de rémunération se révèle par ailleurs suffisamment puissant pour intégrer d'autres dimensions de la relation d'emploi.

1-2- L'effet de sélection

Le salaire à la performance est aussi un instrument de sélection des meilleurs salariés par les entreprises [Lazear, 1986; 1999; 2000a; 2000b; 2004]. La question du recrutement est en général conçue comme un problème de sélection adverse. Les caractéristiques des candidats à l'embauche ne peuvent qu'être imparfaitement connues et ceci est à l'origine de rentes informationnelles détenues par les candidats opportunistes ou tricheurs. Dans la mesure où l'hétérogénéité des candidats au recrutement peut être forte, cela rend d'autant plus étendue la rédaction du menu de contrats [Malgrange et al., 2004].

Alors que la rémunération à la performance se justifie originellement dans un contexte d'aléa moral, Lazear montre que ce dispositif incitatif peut être aussi mis en oeuvre pour organiser le recrutement par un mécanisme de criblage des employés. Cette capacité de sélection tient au fait que les meilleurs éléments tendent à préférer le salaire à la performance dans la mesure où ils savent que leur performance est plus élevée que celle du reste de la main-d'oeuvre. Les salariés qui ne peuvent pas produire un niveau suffisamment élevé de l'output ne travailleront pas pour la firme qui paye à la performance. Les salaires (ou les salaires horaires) qui paie sur la base d'une mesure imparfaite d'effort encourage les salariés de qualité inférieure à venir à la firme [Lazear, 1986]. Par conséquent, les employés de haute qualité choisissent de travailler aux entreprises qui payent des salaires à la pièce et ceux de basse qualité choisissent des salaires horaires. La différence de la qualité à travers des entreprises pourrait mener à conclure que le mouvement aux contrats incitatifs basés sur l'output augmente l'output total.

L'illustration

Pour illustrer le double effet de la rémunération à la performance : l'incitation et la sélection, nous prenons l'exemple des « chauffeurs de taxi New-Yorkais » de Lazear [1995 ; 2004].

Il y a beaucoup de manières de payer des chauffeurs de taxi. Une possibilité est de leur louer le taxi et leur permettre de garder tout ce qu'ils gagnent pour eux-mêmes après avoir payé la location. C'est l'arrangement qui s'est juste avéré optimal. L'histoire des chauffeurs de taxi compte cependant un certain nombre d'exceptions. Par exemple, une règle de partage répartissait la valeur du kilométrage au compteur entre les chauffeurs et l'entreprise. Ainsi, un chauffeur acquittait un droit fixe restreint, voire nul, à l'entreprise pour la location du taxi, mais il ne conserve que 50% du produit des courses au compteur. Ce schéma crée à la fois de mauvaises incitations et une mauvaise sélection des travailleurs.

Parmi les problèmes les plus évidents est que puisque l'entreprise ne peut pas surveiller la quantité de conduite faite, le chauffeur de taxi et le passager peuvent faire une négociation pour payer seulement 75% de ce que le compteur montrerait et ne pas déclencher le compteur. Le passager et le chauffeur de taxi sont monétairement bénéficiaires aux dépens de l'entreprise, c'est-à-dire que le passager va payer moins et le chauffeur de taxi va obtenir tout ce qu'il gagne même si ce montant est inférieur à celui qui est montré par le compteur (75% par exemple). Ceci prouve qu'il convient de donner un résiduel complet au chauffeur de taxi pour résoudre ce problème.

Le second schéma de rémunération soulève un autre problème d'incitation. Considérons un chauffeur de taxi qui a travaillé pendant onze heures dans un jour particulier et il se demande s'il continue encore une heure (i.e. douzième heure) ou s'il ramène le taxi chez lui pour regarder la télévision. Il raisonne que s'il conduit le taxi, il peut encore gagner 10 dollars en une heure. Supposons qu'il évalue son loisir lié à cette douzième heure de travail à 8 dollars. C'est le salaire de la réservation du chauffeur. S'il partage le gain au compteur avec son entreprise, il ne gardera que 5 dollars (= 10 dollars * 50%) et il décidera donc de rentrer chez lui dans la mesure où cette somme est inférieur aux 8 dollars nécessaires pour le convaincre de continuer à travailler. En revanche, s'il garde la totalité des 10 dollars après avoir loué le taxi pour la journée, il continuera à travailler encore une heure. Par conséquent, rémunérer des travailleurs en totalité en fonction de leur performance les incite à plus d'effort.

En plus des incitations, le mécanisme de sélection fournit une autre raison importante pour louer le taxi aux travailleurs et leur permettre de conserver la totalité de la recette au-delà des coûts de location.

Figure 3 : La sélection des chauffeurs de taxi

Q

Q*

0

Rémunération

Q - á

RQ

- á

En examinant la figure 3, la politique de rémunération à 100% au-delà de la location est représentée par la droite qui commence sous l'origine à -á et a une pente de 1 (taux de bonus = 1). La droite RQ, qui représente la politique de partage des gains au compteur sans droit de location du taxi, commence à l'origine et a une pente inférieure à 1, par exemple 0,5.

Le résultat est la sélection. L'entreprise qui paye (Q - á) attire les travailleurs les plus productifs, alors que l'entreprise qui partage les gains kilométriques attire les travailleurs les moins productifs.

En règle générale, en payant tous les travailleurs RQ, l'entreprise perd de l'argent sur tous ceux qui produisent moins que Q* parce que le taxi tout comme la plaque ont une valeur et un coût. Ainsi, les travailleurs attirés par l'entreprise RQ sont ceux qui ne sont pas rentables. Par conséquent, le schéma de rémunération (Q - á) domine. Même en l'absence d'effet incitatif, il vaudrait mieux pour l'entreprise payer (Q - á), ne serait-ce que pour attirer les travailleurs de meilleure qualité.

Cette illustration montre que la rémunération liée aux résultats a une capacité d'attraction pour les travailleurs les plus habiles et les plus motivés qui peuvent ainsi améliorer leur revenu.

Outre cette illustration, il y a d'autres évidences empiriques qui soutiennent que les incitations monétaires (ici le salaire à la performance) incitent les salariés à offrir leur effort maximal au travail et donc augmentent leur performance, et aussi attirent les salariés les plus productifs.

Les évidences empiriques

Dans notre recherche, nous prenons quelques études empiriques des économistes pour mettre en lumière des effets positifs de la rémunération à la performance sur l'effort des salariés. La première évidence empirique que nous présentons est réalisée par Lazear. Cette étude est basée sur des données de Safelite Glass Corporation, une grande entreprise qui installe des pare-brise à travers tous les Etats-Unis. Un diagramme simple de Lazear illustre des mécanismes et les prédictions de la théorie. Durant 1994 et 1995, Safelite a changé son mode de rémunération en passant d'un salaire horaire à un salaire à la pièce pour les ouvriers. Il existe des données relatives à la performance à la fois avant et après le changement, ainsi que des statistiques sur la performance individuelle. Il est ainsi possible d'isoler les effets incitatifs et les effets de sélection.

Avant le changement, tous les travailleurs étaient payés à un salaire horaire. Ce type de salaire est représenté par la droite horizontale correspondant à W et il y a aussi un seuil Q0 en dessous duquel la rémunération devient nulle, i.e. l'individu est licencié (Voir Figure 4). Ainsi, même si les travailleurs reçoivent un salaire horaire, ils doivent respecter un certain standard minimum s'ils ne veulent pas perdre leur emploi. Face à ce mode de rémunération, un salarié devrait préférer se situer au point A puisque l'effort est coûteux, que les courbes d'indifférence ont une pente positive et que le point A lui offre la meilleure rémunération pour un moindre effort.

Figure 4 : Le schéma de compensation chez Safelite

Rémunération

0

Q*

Q0

B

âQ - á

A

W

- á

Salaire horaire

Output, Q

Quand le nouveau mode de rémunération (ici, le salaire à la pièce) est introduit à Safelite, les travailleurs payés à la pièce sont assurés de ne pas toucher moins qu'avec l'ancien système. Un paiement à la pièce avec une pente indiquée par la droite (âQ - á) offrirait aux travailleurs une rémunération moindre que celle qu'ils obtenaient avec une production inférieure au niveau Q*. Ainsi, tous les travailleurs qui réalisent une production comprise entre Q0 et Q* obtiennent toujours un gain W. En revanche, un travailleur qui produit plus que Q* obtiendra le montant correspondant au salaire à la pièce. L'arrangement utilisé est que : compensation = max [W, âQ - á], où W est le salaire garanti, â est le taux à la pièce basé sur le montant des unités de l'output Q et á est une limite constante pour satisfaire la contrainte de rationalité individuelle.

Dans la figure 4, les travailleurs avec des courbes d'indifférence en pointillés sont les plus ambitieux : ils sont plus enclins à échanger l'effort contre le revenu en n'importe quel point. Ils préféreraient donc le point B plutôt qu'au point A. Par contre, un salarié avec une courbe d'indifférence solide préférerait le point A au point B. Donc, le salaire à la pièce n'aura aucun effet sur les individus avec une courbe d'indifférence solide mais conduira à accroître le produit parmi les individus avec des courbes d'indifférence en pointillés, i.e. les travailleurs plus productifs. Alors, le produit moyen devrait augmenter. En outre, cette étude montre que les travailleurs embauchés sous le nouveau régime sont, en logarithme, 0,24 fois plus productifs que leurs collègues. L'entreprise donc attire les travailleurs les plus productifs.

Le principal résultat du changement de mode de la rémunération est que Safelite a connu une augmentation de sa productivité d'environ 44%. Cette augmentation est imputable pour moitié aux incitations (22%) et pour moitié à la sélection (22%). Donc, l'intérêt du salaire à la pièce est que ce schéma prend en compte à la fois l'hétérogénéité et les incitations des travailleurs.

En résumé, il y a trois implications dans cette étude34(*). En premier lieu, l'effort moyen ne diminue pas et généralement augmente quand l'entreprise passe des salaires horaires aux salaires à la pièce. Par conséquent, l'output moyen augmente. C'est l'effet incitatif. En second lieu, les capacités moyennes de la main-d'oeuvre augmentent parce que les capacités de l'ouvrier moins qualifié ne changent pas en raison du changement dans l'arrangement de compensation, mais les capacités de l'ouvrier plus productif montent. Le changement aux salaires à la pièce a pour effet d'améliorer la conservation et le recrutement des ouvriers les plus productifs. C'est l'effet de sélection. En troisième lieu, la variance de capacité de l'ouvrier et la quantité de l'output augmente après le passage aux salaires à la pièce.

Dans ce qui suit, nous montrons une autre évidence empirique qui supporte un effet incitatif d'une rémunération à la pièce35(*). Autrement dit, le salaire à la pièce incite des travailleurs à faire des efforts dans le travail, et donc la productivité augmente. Cette évidence statistique, réalisée par Paasch et Shearer [2000], est tirée du registre du personnel dans une compagnie qui s'occupe de plantation d'arbres en Colombie-Britannique. Les résultats de cette étude suggèrent que l'augmentation de la productivité résultant du passage d'une rémunération fixe à une rémunération à la pièce soit de 22.6%. Les résultats confirment la présence d'un effet incitatif, c'est-à-dire que les ouvriers payés à la pièce sont plus productifs que ceux avec des salaires fixes.

L'évidence d'une expérience sur le terrain de Shearer [2004] soutient également l'effet incitatif de système des salaires à la pièce. Les données de cette expérience sont utilisées pour estimer le gain dans la productivité qui est réalisée quand les ouvriers sont payés aux salaires à la pièce plutôt qu'aux salaires fixes. L'expérience a été entreprise au sein d'une compagnie qui s'occupe de plantation d'arbres et fournit des observations quotidiennes sur la productivité de chaque ouvrier sous les deux systèmes de compensation. L'analyse sans restriction des données expérimentales estime que le gain de productivité est de 20%.

Les résultats des études de Lazear [2000b], de Paash et Shearer [2000], et de Shearer [2004] semblent compatibles avec l'étude de Gielen et al. [2006] sur un panel de 1166 firmes hollandaises durant 1995-2001. Le résultat montre que l'introduction de système de la rémunération à la performance augmente la productivité du travail de 9%. Cette augmentation provient partiellement de l'effet incitatif et partiellement de l'effet de sélection.

En conséquence, l'exemple des chauffeurs de taxi New-Yorkais et les données des évidences empiriques ci-dessus confortent à la fois le rôle de la sélection et le rôle des incitations dans le choix de la rémunération à la performance. En asymétrie d'information, ce mode de rémunération a pour effet de signaler la qualité des individus. La rémunération à la performance a été donc justifiée comme mécanisme contractuel efficace pour résoudre le problème « principal-agent » parce qu'il aligne les préférences des firmes et ceux des employés.

Outre le système de la rémunération à la performance, il y a un autre système qui est un mécanisme d'incitation très efficace, à savoir le modèle à paiement différé. Analogue à la rémunération à la performance, les salariés avec le contrat à paiement différé sont payés sur la base de leur performance, mais c'est la performance dans le passé, pas la performance courante. C'est pourquoi la rémunération dans ce modèle est croissante avec l'ancienneté des salariés.

2- Le modèle à paiement différé

Le modèle à paiement différé est une explication de la croissance de la rémunération avec l'ancienneté. Toutefois, cette assimilation peut porter à confusion dans le cas français où la rémunération à l'ancienneté est associée à des augmentations de salaires systématiques catégorielles sans liens avec la performance individuelle. Le contrat à paiement différé est interindividuel et consiste à récompenser a posteriori le niveau d'effort consenti par des augmentations de salaires irréversibles36(*). Ce type de contrat permet de pallier les inconvénients d'une relation d'emploi marquée par une asymétrie d'information où le travailleur est susceptible d'adopter l'attitude du tire-au-flanc.

Selon Lazear [1995], le contrat à paiement différé permet également à la firme de motiver les employés qui sont enfermés dans une position particulière et sont pratiquement certains de rester là sans promotion pour le reste de leur carrière. Ce contrat doit rendre les augmentations des salaires futures dépendantes de la performance courante. Par conséquent, même si le poste du travail de salarié ne change pas, il peut encore être récompensé sous forme de salaire croissant.

Ce genre d'arrangement incitatif est très semblable à un salaire à la pièce parce que la performance de salarié est observée et alors il est compensé sur la base de cette performance. Cependant, Lazear [1995] indique deux différences entre ces deux contrats incitatifs.

Premièrement, la période dans laquelle l'évaluation de la performance est faite est habituellement plus longue avec le cas de contrat à paiement différé qu'avec le cas de salaire à la pièce. Quand les travailleurs sont payés à la pièce, ils reçoivent généralement le paiement pour le travail effectué pendant un intervalle très récent comme une période de deux semaines. Par contre, dans le modèle à paiement différé, l'intervalle est habituellement beaucoup plus long, une année ou un certain nombre d'années. Ici, les augmentations de salaires sont données pour la bonne performance dans le passé.

La deuxième différence principale entre la compensation différée et les salaires à la pièce est que le travailleur doit continuer à être employé afin de retirer les avantages d'une augmentation des salaires pour la bonne performance. Avec le salaire à la pièce, la performance passée de travailleur est récompensée sous forme de paiement immédiat qui n'est pas contingent de l'emploi futur. Avec la compensation différée, le travailleur doit rester dans la firme afin de capturer les récompenses pour la bonne performance dans le passé.

Le principe du modèle à paiement différé consiste à exiger du travailleur un niveau d'effort conséquent au cours d'une première période, ce dernier étant récompensé au cours d'une seconde période [Lemistre, 2000b]. Autrement dit, le mécanisme dans ce modèle incite les travailleurs en les payant moins que leur contribution productive quand ils sont jeunes et plus que leur performance quand ils sont âgés. Les travailleurs plus âgés sont bien rémunérés, pas tellement en raison de la performance supérieure lorsqu'ils sont âgés mais plutôt parce que leur compensation élevée sert à les motiver pendant les premières années de leur carrière [Lazear, 1995; 1999; 2000a]. Par conséquent, le salarié qui ne souhaite pas perdre les bénéfices futurs de l'effort fourni en première période est incité à ne pas adopter l'attitude de tire-au-flanc. La rémunération à l'ancienneté apparaît alors comme un mécanisme incitatif, les salariés étant récompensés a posteriori des efforts passés.

Figure 5 : Le paiement différé et la date optimale de départ en retraite

Caution

Rente

W, Pm

W

Pm

temps

T

t*

0

Par ce graphique, le contrat de long terme, établi sur le cycle de vie du salarié, se déroule comme suit. Dans la première période de sa carrière, allant de 0 à t*, le salarié reçoit moins que ce qu'il produit (le salaire W est inférieur à la productivité marginale Pm). Il y a le dépôt progressif d'une caution qui lui sera progressivement restituée au cours de la seconde période de sa carrière (de t* à T, où W excède Pm)37(*).

Le salarié n'a pas intérêt à tricher de 0 à t* parce que, s'il est licencié, il ne récupérera pas sa caution. Dans ce cas, les valeurs actualisées de la rente et de la caution doivent être égales. Dans un tel système de rémunération, le salarié est incité à être productif [Gautié, 2002] car cela permet de garantir un comportement honnête et sérieux des salariés dans le travail [Milgrom et Roberts, 1997]. Selon Dohmen [2004], ce contrat est susceptible non seulement d'inciter les travailleurs à augmenter leur productivité, mais également de réduire le turnover dans l'entreprise.

Pour l'employeur, le souci de ne pas compromettre sa réputation ce qui rendrait difficiles les recrutements à venir, l'incite à se comporter loyalement de t* à T. Le mécanisme de paiement différé n'est donc viable que si l'employeur est en mesure de promettre aux salariés de verser, en fin de carrière, des salaires supérieurs à leur productivité marginale et donc supérieurs à ce qu'ils pourraient gagner ailleurs.

D'ailleurs, le modèle à paiement différé permet également de résoudre le problème de sélection adverse car si le salarié est moins productif que prévu, il est probable que la caution ne lui sera pas restituée. Le travailleur a donc tout intérêt à révéler la valeur exacte de sa productivité s'il veut percevoir la rente de fin de carrière [Lemistre, 2000b].

Ex post en T, la rémunération perçue est encore supérieure à la productivité marginale du salarié dont l'intérêt immédiat est de continuer à travailler. Mais si le travailleur ne quitte pas son poste en T, le total des rémunérations perçues dépasse sa contribution productive pour toute la carrière et le contrat n'est plus un optimum de premier rang. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de définir à l'avance les conditions du départ à la retraite.

Selon Stankiewicz [1999], ce modèle établit les fondements de pratiques, destinées à fidéliser le personnel, telles que la cotisation de l'entreprise à des fonds de pension (Etats-Unis) ou l'octroi d'une prime substantielle lors du départ en retraite du salarié (Japon).

En conséquence, la rémunération croissante avec l'ancienneté permet de régler le problème d'aléa moral (incitation à ne pas tricher et à augmenter le niveau d'effort au travail) et un problème de sélection adverse parce que, d'une part, un salaire de départ faible aboutit à l'auto-sélection des candidats qui ont le projet de rester dans l'entreprise et, d'autre part, si la productivité observée est moins importante que prévue au moment de l'embauche, il risque de perdre sa caution. De plus, ce modèle aboutit à réduire le turnover du personnel dans la firme.

En conclusion, le système de la rémunération à la performance et le contrat à paiement différé sont les incitations monétaires à la performance absolue qui poussent les travailleurs à faire des efforts pour augmenter leur productivité au sein de la firme. Ces deux systèmes peuvent donc régler le problème principal-agent et fonctionnent à condition que la performance des salariés soit mesurable.

Bien que les rémunérations basées sur la performance soient efficaces, au moins dans une certaine mesure, se pose quand même le problème de la mesure de la performance quand celle-ci n'est pas facilement observable ou quantifiable. Dans la section suivante, nous présenterons les situations dans lesquelles la performance individuelle est difficilement mesurable. Et puis, nous proposerons également certaines solutions possibles pour ces situations.

Section 2 : Les incitations monétaires avec la performance non vérifiable

Dans la section précédente, nous avons étudié le problème d'incitation qui commence par l'hypothèse que l'effort de l'agent est inobservable ou invérifiable mais son output ou sa performance peut être observable et mesurable. Par contre, cette section 2 considère l'individualisation de la rémunération lorsque la performance de l'individu n'est pas facilement mesurable, par exemple parce que la performance dépend d'un effort collectif ou parce que l'individu doit effectuer plusieurs tâches et que certaines sont plus faciles à mesurer que d'autres. Nous allons ensuite aborder également les analyses théoriques considérées comme les solutions possibles pour ces situations.

1- Le travail en équipe et la situation multi-tâches

1-1- Le travail en équipe

Supposons que l'organisation considérée est composée d'un ensemble d'agents qui forme une équipe définie par Alchian et Demsetz [1972] comme la production38(*). Selon ces auteurs, avec la production en équipe, il est difficile, en observant seulement l'output total, de définir ou de déterminer la contribution de chaque individu à la production des inputs qui coopèrent. Par définition, l'output total, fruit de la coopération au sein de l'équipe, est produit par une équipe, et ce n'est pas la somme des outputs séparés de chacun des ses membres puisque, par un effet de synergie, la production de l'équipe est supérieure à la somme des contributions individuelles de ses membres. Dans ces conditions, le principe de la rémunération à la productivité marginale pour fournir aux travailleurs la meilleure incitation possible à l'effort productif est inapplicable et, par conséquent, l'intensité maximum du travail n'est pas garantie.

Il y a deux conséquences liées à cet état de fait : d'une part, il faudra rechercher une méthode permettant d'évaluer la contribution individuelle de chacun des membres de l'équipe à la production collective afin de les inciter à travailler efficacement. Mais la détection des performances individuelles comportera nécessairement un coût. D'autre part, l'impossibilité d'observation directe des contributions individuelles incite chaque membre de l'équipe à se comporter en passager clandestin (free-rider) en réduisant son niveau d'effort. La conséquence est une réduction de l'output total, mais les resquilleurs ne supporteront qu'une partie seulement des conséquences d'une moindre activité parce que leur rémunération n'est pas reliée à leur productivité individuelle, mais aux efforts issus de l'ensemble du groupe. Donc, la moindre valeur est à partager pour l'ensemble des membres de l'équipe.

La solution proposée par Alchian et Demsetz [1972] à ce problème consiste à modifier l'organisation de cette production en équipe en introduisant un agent supplémentaire dont la seule fonction est la surveillance (monitoring) des membres de l'équipe. Les efforts individuels ne sont alors plus évalués à partir du résultat global mais à partir du contrôle des comportements. Cette solution n'est pas a priori très pertinente. En effet, qui va se charger d'effectuer le contrôle des inputs ? Et comment s'assurer que cette fonction sera remplie efficacement, c'est-à-dire qui contrôlera le comportement du contrôleur ? Ce problème est résolu par Alchian et Demsetz grâce à l'introduction d'incitations appropriées pour le contrôleur qui est un membre de l'équipe se spécialisant dans cette tâche. Pour inciter le contrôleur à ne pas se dérober, il suffit de le rétribuer par les gains nets de l'équipe, c'est-à-dire nets de la rémunération des autres inputs. En d'autres termes, plus le contrôleur est efficace, plus le résultat de l'équipe sera important, et donc plus le résidu, ce qui reste après paiement des autres membres de l'équipe, sera élevé. Dans ce cas, le contrôleur devient alors le créancier résiduel des résultats de l'équipe. De plus, selon Alchian et Demsetz [1972], le contrôleur doit posséder un certain nombre de droits nécessaires pour rendre crédible sa fonction de surveillance39(*). L'organisation ainsi définie s'apparente à ce qu'ils appellent capitaliste entrepreneuriale.

Par conséquent, grâce au mécanisme d'incitation monétaire, le contrôleur, le créancier résiduel, est incité à ne pas se dérober, il va contrôler efficacement le comportement des membres de l'équipe, et le résultat de l'équipe sera donc important. Cependant, l'attribution de la totalité du résidu au contrôleur est une solution coûteuse. Nous pouvons trouver des alternatives moins coûteuses qui se présenteront dans la sous-section 2 du chapitre.

Dans ce qui suit, nous présentons une autre situation qui pose aussi le problème d'incitation dans la firme. Il s'agit d'une situation multi-tâches.

1-2- Les activités multi-tâches

Quand l'agent a des tâches multiples, ou une tâche a beaucoup de dimensions, un autre problème surgit dans la firme. Dans une situation où l'agent doit effectuer plusieurs tâches, le contrat doit en plus allouer l'attention (limitée) de l'agent entre les différentes tâches. Nous prenons un simple exemple de Holmström et Milgrom [1991], les ouvriers de fabrication peuvent être responsables de la production de l'output avec un volume élevé et de bonne qualité, ou ils peuvent être requis de produire l'output et de prendre soin des machines qu'ils utilisent40(*). Intuitivement, si nous souhaitons que le salarié conduise ces tâches assignées, il faut faire en sorte que le mécanisme d'incitation balance les incitations de ces activités. Holmström et Milgrom [1991] indiquent que les incitations dirigent l'allocation de l'effort entre les tâches, en plus d'attribuer le risque et d'induire l'effort. Les incitations fortes sur une certaine tâche mèneraient à la distorsion dans l'allocation d'effort parmi des tâches. Si une certaine tâche est très difficile à mesurer, la récompense d'autres tâches mène à une concentration d'effort sur la tâche récompensée et aucun effort n'est mis dans l'autre tâche.

Dans le premier cas, s'il est facile à mesurer le volume de l'output mais que la qualité ne l'est pas, le système des salaires à la pièce pour l'output peut mener des agents à augmenter le volume de l'output aux dépens de la qualité. Ou bien, si la qualité peut être assurée par un système de la surveillance, les salaires à la pièce peuvent mener des agents à abuser de l'équipement partagé. En général, quand il y a des tâches multiples, la rémunération incitative sert non seulement à assigner des risques et à motiver les salariés à travailler dur, il sert également à diriger l'attribution de l'attention des agents parmi leurs diverses fonctions. Ceci distingue donc la théorie multi-dimensionnelle de modèle principal-agent de la dimension unique41(*). Afin d'induire l'agent à attribuer le temps à toutes les tâches assignées, les mêmes incitations doivent être offertes sur toutes les tâches. Les agents réattribuent des efforts entre les activités quand les efforts sur des tâches sont substituts ou compléments. Par exemple, si le temps est limité, plus de temps sur une tâche mène probablement à moins sur d'autres. De telles opportunités de substitution contraignent la capacité de la firme à offrir le salaire à la pièce42(*). Si le principal souhaite que l'agent alloue un montant strictement positif de son temps aux tâches assignées, il doit égaliser les bénéfices marginaux; autrement dits les bonus devront être égaux [Holmström et Milgrom, 1991]. Dans le cas contraire, l'allocation du temps disponible de l'agent va en priorité à la tâche qui a le rendement marginal le plus important.

Selon Holmström et Milgrom [1991], il est parfois optimal de fournir des incitations nulles pour toutes les tâches qui sont en concurrence alors même que l'on dispose de mesures de performance pour certaines tâches. Alors, lorsque plusieurs activités entrent en compétition dans l'allocation de l'effort de l'agent, qu'il est impossible ou très coûteux de mesurer la performance pour une des tâches, il est optimal de ne pas fournir d'incitation pour l'ensemble des tâches. L'agent sera alors payé à une rémunération fixe. Plus généralement, les auteurs suggèrent que si le principal souhaite récompenser une activité, il peut le faire de deux manières : soit en augmentant la rémunération qui récompense un effort plus important pour cette activité, soit en réduisant le coût marginal d'opportunité de l'effort pour la tâche qu'il souhaite encourager par la suppression ou réduction des incitations pour l'ensemble des activités qui lui sont concurrentes.

Il y a d'autres auteurs comme Baker, Gibbons et Murphy [1994] qui proposent d'utiliser les évaluations subjectives pour résoudre le problème de mesure de la performance dans la situation multi-tâches. Nous allons revenir sur ce point en détail dans la sous-section suivante. D'ailleurs, Fehr et Schmidt [2004] ont réalisé une expérimentation qui confirme que les incitations explicites fortes sur seulement quelques tâches dont la performance est facilement mesurée peuvent être nuisibles dans un environnement de multi-tâches. Une solution possible à ce problème est un contrat de bonus discrétionnaire où le principal peut récompenser l'agent en basant son évaluation sur des performances subjectives qui offre une image plus holistique des efforts de l'agent. Avec cette solution dans l'expérience, de nombreux agents choisissent l'effort élevé sur toutes les tâches.

En résumé, dans le modèle de travail en équipe où les employés (les membres de l'équipe) choisissent simultanément leurs niveaux d'effort, chacun aura tendance à exercer un effort trop faible (le comportement de passager clandestin) en comptant sur les contributions des autres puisque les contributions individuelles à l'output total ne peuvent pas être facilement identifiables. En outre, dans la situation multi-tâches, lorsque les mesures observables de performance existantes ne reflètent que l'effort dans une des tâches à effectuer, l'employé dont la rémunération est incitative exercera un effort trop important pour cette tâche au détriment des autres. L'allocation de l'effort présentera une distorsion. Pour régler ces deux problèmes importants, outre la solution proposée par les auteurs au-dessus, il y a d'autres solutions des analyses théoriques en s'appuyant sur les incitations monétaires.

2- Les solutions possibles des problèmes de travail en équipe et de situation multi-tâches

Dans la sous-section précédente, nous avons présenté le problème posé par la théorie des incitations standard à savoir la difficulté à obtenir des mesures objectives de la performance de l'employé. Cela pose encore le problème d'incitation au sein de la firme : le problème de passager clandestin dans le cas de production en équipe et celui de l'allocation de l'effort de l'employé dans le cas de situation multi-tâches. Dans cette sous-section, nous avons quatre modèles pertinents pour résoudre efficacement ces problèmes. Ils sont la pression du groupe, le modèle des tournois, le modèle du salaire d'efficience et l'évaluation subjective de la performance.

2-1- La pression des pairs

La pression des pairs (peer pressure) se définit comme l'ensemble des mécanismes de contrôle mais aussi de sanction mis en place par les membres de l'équipe eux-mêmes afin de discipliner leurs pairs [Masclet, 2003 ; 2004; Prendergast, 1999]. Le modèle de la pression des pairs a été modélisé initialement par Kandel et Lazear [1992]. Selon Masclet [2004], lorsque le travail est organisé en équipe de production et que les performances sont interdépendantes, il devient de plus en plus difficile de contrôler les performances individuelles. Comme la mesure de la contribution individuelle est difficile, voire impossible, si une incitation financière est envisagée, elle ne peut l'être que sur la base du groupe [Milgrom et Roberts, 1997; Prendergast, 1999]. L'augmentation de l'intensité incitative dans la récompense du groupe accroît l'effort des membres du groupe, et donc la performance globale est également élevée [Zenger et Marshall, 2000]. Néanmoins, ce caractère incitatif est souvent remis en cause dans la mesure où chaque salarié doit partager le rendement de son effort avec tous les autres salariés de l'entreprise. Chaque salarié est alors incité à se comporter comme un resquilleur en se reposant sur les efforts de ses collègues. En effet, les pratiques de partage des profits peuvent conduire les membres du groupe à tirer avantage de leur appartenance au groupe sans toutefois participer totalement à la génération du profit. Alors, comment résoudre le problème de passager clandestin au sein d'une équipe de production avec partage de profits ?

Toutefois, si un schéma de rémunération, fondé sur le partage des profits, fournit aux agents des incitations fortes à adopter un comportement opportuniste, il peut également les inciter à se contrôler mutuellement dans la mesure où un tel comportement affecte l'ensemble de l'équipe. En effet, si un agent adopte un comportement opportuniste, il réduit la rémunération des autres membres de l'équipe puisque la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de celui des autres membres de l'équipe [Masclet, 2003 ; 2004]. Dès lors, les membres de l'équipe peuvent être incités sous certaines conditions à exercer une pression sur leurs pairs afin de les inciter à coopérer davantage, à encourager chacun à fournir des efforts, à se comporter convenablement et donc à accroître la rémunération de chaque membre du groupe. Ces mécanismes sont alors, du point de vue de l'incitation des salariés à l'effort, toujours aussi efficaces que ceux basés sur une rémunération de la performance individuelle [Richard, 2001]. Dans ce cas, la présence d'un agent spécialisé dans la fonction de contrôle n'est plus nécessaire lorsque les agents se contrôlent mutuellement et sont incités à le faire du fait de l'existence d'un système de partage des profits.

Masclet [2003] suggère que la pression des pairs doit reposer sur trois conditions essentielles pour être efficace. Premièrement, la pression des pairs doit reposer sur un système de partage des profits. Quand les profits sont partagés entre les membres de l'équipe, la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de l'effort des autres membres de l'équipe. De ce fait, ce système de rémunération incitative incite les agents à se contrôler mutuellement. Le partage des profits, un mécanisme incitatif monétaire43(*), est donc une condition nécessaire de la pression des pairs. Deuxièmement, pour que la pression des pairs soit efficace, il faut également que les sanctions imposées par les pairs affectent suffisamment les comportements des membres. Kandel et Lazear [1992] indiquent que l'efficacité de la pression des pairs est étroitement liée à la notion d'empathie. En effet, lorsque les membres du groupe sont des amis ou des parents, l'empathie est forte et toute déviation suscite alors des sentiments de honte et de culpabilité plus forts que si le groupe était constitué d'individus ne se connaissant pas. Les cercles de qualité japonais s'appuient également sur cette notion d'empathie [Masclet, 2003]. Les entreprises japonaises n'hésitent alors pas à investir des sommes colossales afin de créer un esprit d'équipe reposant sur l'empathie. Cet esprit d'équipe canalise les comportements et peut réduire les comportements opportunistes puisque chaque membre de l'équipe doit être loyal envers l'autre et ne pas se comporter comme passager clandestin. Troisièmement, l'efficacité de la pression des pairs dépend étroitement de la taille de l'équipe. Lorsque la taille de l'équipe s'accroît, les relations deviennent plus impersonnelles et il devient dès lors plus difficile de contrôler les autres membres de l'équipe [Kandel et Lazear, 1992; Zenger et Marshall, 2000]. L'efficacité de contrôle mutuel devrait donc demeurer étroitement liée à la taille du groupe. En outre, à mesure que la taille du groupe augmente, les gains inhérents à l'exercice de la pression des pairs, en termes d'augmentation de l'output, se diluent également, ce qui risque de faire émerger un problème de passager clandestin et donc le niveau d'effort diminue. On peut dire, dans ce cas, que la diminution des incitations monétaires entraîne une baisse du niveau d'effort des membres de l'équipe. Il existerait donc une taille optimale du groupe au-delà de laquelle la pression des pairs est moins efficace et où les sanctions sont difficiles à mettre en place44(*).

Dans l'article de Masclet [2004], les résultats expérimentaux montrent que les membres de l'équipe n'hésitent pas à sanctionner les comportements opportunistes et que l'exercice de la pression des pairs accroît considérablement le niveau de coopération au sein des équipes de travail. Enfin, on peut conclure que les incitations monétaires jouent un rôle vital dans la mise en oeuvre de la pression des pairs. En effet, grâce à la rémunération incitative (ici, le partage des profits), les agents se contrôlent mutuellement au sein du groupe car si un agent adopte un comportement opportuniste, il va réduire la rémunération des autres membres de l'équipe. Par conséquent, les agents vont augmenter leur effort au travail, ce qui entraîne une augmentation de la rémunération de l'ensemble de groupe, et donc la rémunération individuelle va également accroître.

Dans ce qui suit, nous étudierons la mesure de la performance relative, qui est une solution alternative au problème d'incitation dans la situation où la performance absolue des individus est difficile, voire impossible, à mesurer ou quantifier. Il s'agit du modèle des tournois.

2-2- Le modèle des tournois

La littérature sur le problème « principal-agent » s'est penchée sur la nature des contrats optimaux quand il y a difficulté à contrôler tous les aspects de la performance d'un agent [Malcomson, 1984]. Le modèle de base, qui correspond à un mécanisme incitatif simple souvent utilisé dans la réalité, supposait la capacité de mesurer les contributions des agents, par exemple le nombre de pièces produites. Lorsque la mesure de la performance absolue est impossible, ou trop coûteuse, une alternative consiste à se reporter sur une mesure relative, fondée sur la comparaison. Dans le cas de la production en équipe d'Alchian et Demsetz [1972], un arrangement de paiement basé directement sur une mesure de la performance individuelle est inapplicable, et si un autre genre d'arrangement incitatif n'est pas disponible, le principal ne pourra pas obtenir la performance minimum attendue de l'agent dans sa tâche. Dans un article où le contexte d'un principal employant beaucoup d'agents était décrit, se présentait la solution d'un contrat avec le paiement basé sur le rang de la performance des employés. Il s'agit tout simplement de l'esprit des tournois de Lazear et Rosen en 1981. Ce contrat peut être utilisé en tant que moyen d'incitations de la performance même sous l'asymétrie informationnelle [Malcomson, 1984].

Le premier rapport des incitations basées sur la performance relative, appelé la théorie des tournois, est réalisé par Lazear et Rosen [1981] qui indique l'existence d'une relation positive entre la dispersion salariale intra-firme et le niveau d'effort fourni par les travailleurs. L'idée directrice de modèle des tournois est de payer certains agents plus que d'autres en raison de leurs performances relatives. Les concurrents sont classés selon un ordre de mérite et c'est uniquement leur rang dans ce classement qui va déterminer l'obtention ou non des récompenses mises en jeu45(*). Celui qui a la meilleure performance reçoit un salaire supérieur ou une prime, alors que celui qui a une performance moindre reçoit un salaire moindre. Par conséquent, l'essentiel de la théorie des tournois est que des individus peuvent être motivés simplement par comparaison avec leurs pairs ou par comparaison à une certaine norme, et la compensation (le bonus ou la promotion) dans ce cas est fixée à l'avance et dépend de la position relative de quelqu'un dans la firme. Le résultat expérimental de van Dijk et al. [2000] montre que les arrangements de paiement relatif (ou les tournois) génère un effort élevé en moyenne. En principe, l'accroissement de l'écart entre le prix de gagnant et de perdant devrait augmenter la puissance du mécanisme incitatif des travailleurs [Lazear, 1986; 2000a; Ménard, 2004]. Supposons que le prix en argent se compose de 500 000 dollars. Les prix peuvent être dédoublés également de sorte que le gagnant obtienne 250 000 dollars et le perdant obtienne 250 000 dollars. Dans ces circonstances, ni l'un ni l'autre joueur ne sera particulièrement tenté de remporter, et pas beaucoup d'effort sera consacré à l'activité. Si, cependant, le gagnant touche 500 000 dollars, et le perdant obtient zéro, beaucoup d'efforts de la part des salariés seront mis dans l'activité46(*). Ainsi, plus l'écart est important, plus les incitations des agents au travail sont grandes pour remporter le prix dans le tournoi. L'écart optimal incite les travailleurs à se déplacer au point où le coût marginal d'effort est exactement égal à son bénéfice marginal [Lazear, 1986].

Comme dans les tournois de golf ou de tennis, le montant qu'une personne reçoit pour une victoire dépend seulement du niveau de ses adversaires et non d'une mesure absolue de performance [Milgrom et Roberts, 1997] et est tenté d'inciter les agents à exercer l'effort productif [Harbring et Irlenbusch, 2003; 2004]. Ce dispositif présente évidemment un intérêt particulier lorsqu'on ne peut obtenir une mesure absolue des performances, ou bien lorsque la mesure de ces performances serait trop coûteuse alors que le simple classement suffit ; ou encore lorsqu'une incertitude forte affecte les résultats, de sorte qu'on ne peut en faire dépendre la récompense47(*).

D'après Lazear [1986], il y a deux avantages à l'utilisation de la théorie des tournois. En premier lieu, les tournois requièrent seulement la comparaison relative. La seule information relative à la performance nécessaire dans un tournoi est donc l'information ordinale concernant celui qui a fait le mieux et non l'information absolue, cardinale, concernant l'écart entre la performance du salarié et un quelconque standard absolu. En beaucoup de circonstances, seule une information relative est disponible à un coût raisonnable [Milgrom et Roberts, 1997]. Il peut être tout à fait facile de déterminer qui, dans un groupe, accomplit le meilleur travail. Alors, les tournois peuvent être une méthode efficace pour fournir des incitations aux salariés dont la performance est difficile à mesurer de manière absolue. En second lieu, la compensation par le rang fait disparaître les éléments communs à l'incertitude (un état de nature) qui affecte la relation entre le choix du niveau d'effort des individus et leur performance mesurée [Lazear, 1986; Milgrom et Roberts, 1997]. Par exemple, les ventes peuvent être faibles puisque l'économie est en crise, ce qui interrompt la relation entre l'effort des travailleurs et leur performance. Cet évènement aléatoire échappe au contrôle des individus. En revanche, comme cet effondrement affecte également tous les agents en compétition, les comparaisons relatives ne sont pas affectées. Observer la performance relative peut permettre de mieux apprécier qui a le mieux travaillé. Ceci permet en retour d'offrir les mêmes incitations avec un moindre risque à ceux qui sont motivés. Le meilleur travailleur produit toujours davantage même si tous les individus produisent un peu.

En fait, le modèle des tournois est souvent appliqué dans une firme afin de fournir des incitations en promouvant les plus performants vers des postes mieux rémunérés par l'évaluation sur la base de la performance comparative par rapport à ses collègues [Milgrom et Roberts, 1997; Lazear, 2000a]. Intuitivement, la perspective d'une promotion à un poste situé à un échelon hiérarchique supérieur, assorti d'un salaire supérieur, peut avoir les mêmes capacités d'incitation qu'un niveau de rémunération, et donc avoir les caractéristiques d'une récompense dans un système fondé sur l'évaluation ordinale de la performance.

Par conséquent, le modèle des tournois qui est un type de formalisation fondée sur la récompense des plus méritants fonctionne comme un système d'incitation efficace dans le cadre d'un contrat liant employeur et employés sur la base de la rémunération de la performance relative48(*). Alors, grâce aux incitations monétaires qui sont fixées à l'avance pour le gagnant et le perdant, les salariés entrent en compétition et offrent l'effort maximalement productif au travail. Même en cas de promotion, les salariés font le tournoi pour être promus puisque quand le vainqueur est promu, il va être mieux rémunéré et avoir le statut supérieur. Ainsi, les incitations monétaires ont encore pour fonction essentielle de pousser les salariés à augmenter leur effort productif afin d'accroître leur productivité.

Toutefois, le modèle des tournois apportent aussi certains désavantages. Un inconvénient potentiel de ce modèle apparaît lorsqu'il y a des opportunités de collusion entre employés. Si les primes dépendent seulement de la performance relative, alors les profits attendus de chaque individus sont les mêmes si tout le monde tire au flanc ou si tout le monde travaille dur. Bien sûr, tirer au flanc épargne aux travailleurs le coût de l'effort et représente une possibilité tentante [Milgrom et Roberts, 1997; Harbring et Irlenbusch, 2003]. Le deuxième inconvénient est que les travailleurs augmentent la probabilité de victoire, non seulement en faisant bien eux-mêmes, mais également en sabotant la performance de leurs opposants par des activités destructives [Lazear, 1986; 1995; Milgrom et Roberts, 1997; Winter-Ebmer et Zweimüller, 1999; van Dijk et al., 2000; Harbring et Irlenbusch, 2003; 2004; Grund et Westergaard-Nielsen, 2005]. Dans les organisations, une telle activité de sabotage peut prendre n'importe quelle forme pour bloquer la coopération telle que conserver activement l'information viable, transférer l'information fausse ou dégrader les outils de travail utilisés par d'autres. Ceci génère évidemment de l'inefficience.

Il existe trois solutions possibles pour atténuer les activités de sabotage dans le modèle des tournois. La première solution pour réduire la motivation au sabotage est de baisser l'incitation de tournoi en diminuant la différence entre le paiement obtenu par les gagnants et le paiement reçu par les perdants [Lazear, 1986; 1995; Harbring et Irlenbusch, 2004]. Malheureusement, la compression des salaires abaisse également l'incitation de l'employé pour exercer des activités productives49(*). Alternativement, le renforcement des activités de contrôle peut diminuer des activités de sabotage mais ceci peut générer des coûts potentiellement élevés. Toutefois, selon l'équité réciproque, la dernière solution, peut également diminuer des activités de sabotage. Si nous supposons que des employés sont motivés par une préférence pour la justice réciproque, des activités de sabotage sont susceptibles d'être réduites par une action amicale50(*) de l'employeur [Harbring et Irlenbusch, 2004]. Une intention qui est perçue comme amicale peut être répondue par une action aimable en retour. L'offre d'un employeur de salaires élevés pourrait être perçue comme amical et on pourrait supposer que les employés répondent à un tel comportement avec un effort productif élevé et que les activités de sabotage se réduisent ou soient éliminées. Par conséquent, les incitations à réduire le sabotage résulte vraisemblablement de l'équité réciproque, ce qui ouvre bien la voie à la coopération des salariés. Alors, cette dernière solution correspond bien à la théorie du salaire d'efficience qui peut aussi régler les problèmes d'incitation en cas de difficulté pour mesurer la performance individuelle comme dans la situation de la production en équipe et multi-tâches.

2-3- La théorie du salaire d'efficience

Le salaire peut avoir un effet positif sur la productivité du travail lorsque la rémunération influence positivement l'effort productif consenti par le travailleur51(*). La théorie du salaire d'efficience (efficiency wage) prédit que les employeurs peuvent avoir intérêt à accroître les salaires au-delà de leur niveau concurrentiel pour améliorer la productivité du travail [Cahuc, 2001]. Dans cette théorie, le résultat de production dépend du niveau de salaire qui conditionne le niveau d'effort individuel [Leclercq, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. Si l'entreprise tente de diminuer le salaire, dans l'optique soit d'être plus profitable, soit d'embaucher plus, l'effort des travailleurs déjà en place se dégradera et leur productivité diminuera52(*).

Dans le modèle du salaire d'efficience formalisé par Shapiro et Stiglitz [1984], on suppose que la performance n'est pas vérifiable et qu'aucun contrat incitatif n'est possible. Le salaire est alors le même pour tous les employés ayant les mêmes qualifications, et est fixe. La seule solution pour l'employeur est d'offrir un salaire supérieur au niveau de réservation de l'individu pour que le poste soit attractif et précieux, ce qui ne l'incite pas à tirer au flanc puisque si les travailleurs sont aperçus à tirer au flanc, ils risquent de perdre leur emploi, c'est-à-dire qu'ils seront mis au chômage [Prendergast, 1999; Redor, 1999; Leclercq, 1999; Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005].

A la fin de chaque période, la firme contrôle les résultats de l'effort de chaque salarié. Les travailleurs qui n'ont pas été contrôlés, ou ceux qui n'ont effectivement pas tiré au flanc, sont maintenus dans l'entreprise. En revanche, les individus tire-au-flanc, qui ont été contrôlés, sont licenciés, tout en recevant cependant leur salaire sur la période où ils ont été employés [Redor, 1999]. L'incitation à l'effort provient donc de la perspective de conserver son emploi, avec un salaire élevé, et la pénalité en cas d'échec est la mise au chômage. Si les incitations sont restaurées, malgré un salaire fixe, par l'aspect dynamique de la relation, il est à noter que le degré de risque est généralement plus élevé que dans un contrat qui spécifie des différentiels de rémunération en fonction de la performance, puisque c'est ici un risque de chômage qui doit être supporté par l'employé. Le problème de risque moral est donc traité.

Par ailleurs, il convient de mentionner brièvement une version sociologique de justification du salaire d'efficience : celles qui ont été proposées par Akerlof en 1982 et qui relèvent d'une logique différente, faisant place à des considérations d'ordre collectif. Il s'agit d'une idée de don contre-don qui met en évidence le rôle central joué dans certaines entreprises par des obligations croisées entre donner, recevoir et donner en échange53(*). La firme fait ici un don au salarié en versant un salaire supérieur à celui du marché et en fixant une norme d'effort faible, et en échange, les travailleurs se sentant bien traités fournissent un effort au dessus de la norme de travail en vigueur54(*) [Gazier, 1992; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. La norme est fixée en fonction de la performance moyenne du groupe et des compensations s'opèrent entre les plus performants et les autres. De plus, chaque agent ayant le sentiment d'être bien traité adoptera une stratégie coopérative, ce qui peut réduire ou éliminer les activités de sabotage entre les concurrents présentées dans le modèle des tournois précédemment étudié.

La théorie du salaire d'efficience peut résoudre non seulement le problème du risque moral, mais également le problème de sélection adverse. Lorsqu'un employeur a une connaissance imparfaite des capacités productives des personnes qui se présentent à l'embauche, il risque de faire une erreur en embauchant des personnes dont les capacités sont relativement faibles. Pour éviter une mauvaise sélection, l'employeur peut avoir intérêt à accroître le salaire de façon à attirer les individus qui ont les meilleures capacités [Cahuc et Zylberberg, 1996; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. L'argument est que, avant d'être embauché, les salariés ont un salaire de réservation au dessous duquel ils ne souhaitent pas travailler. Ce niveau de salaire est une fonction croissante des compétences individuelles. Ainsi, les salariés les plus performants auront également les salaires de réservation les plus élevés et l'employeur ne sera pas incité à embaucher les moins performants [Lemistre et Tahar, 2004].

En résumé, dans le modèle du salaire d'efficience, le niveau des salaires supérieur à celui de marché du travail peut inciter les travailleurs à faire des efforts dans le travail puisque si un individu est découvert à se dérober, il risque de perdre son emploi avec un salaire très élevé. Alors, le tire-au-flanc est très coûteux pour les travailleurs lorsqu'un tel comportement est détecté. Dans le sens sociologique, ce salaire élevé offert par l'employeur est considéré comme un don, et en retour de ce don, les travailleurs décident collectivement de travailler dur pour augmenter les productivités globales de la firme. En outre, le problème d'anti-sélection peut être également résolu par ce modèle dans lequel le versement de salaires relativement élevés permet de trier les individus.

Cependant, même si le modèle du salaire d'efficience permet d'inciter les travailleurs à offrir l'effort productif au travail, il présente néanmoins un risque très élevé pour les travailleurs déloyaux, qui peuvent être mis au chômage. Une individualisation des rémunérations en fonction d'une certaine variable de performance vérifiable aurait permis d'éviter ce risque important. Mais si cette variable de performance vérifiable n'existe pas, outre la théorie du salaire d'efficience, l'employeur peut choisir une rémunération basée sur une évaluation subjective de la performance. Nous considérons cette dernière solution ci-dessous.

2-4- L'évaluation subjective de la performance

Dans le modèle du Principal-Agent, si le niveau d'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat optimal doit dépendre de mesure vérifiable de la performance, à savoir l'output du travail exécuté par l'agent. Alors, le salaire de l'agent va être en fonction croissante de son output. Les contrats qui attachent la compensation à la performance peuvent atténuer le problème d'incitation55(*). En fait, le système de paiement à la performance peut être basé sur des mesures objectives comme des ventes ou des mesures subjectives telles que la valeur estimée de l'employé à l'organisation56(*). Tandis que certains emplois, tels que des ventes, se prêtent à la mesure objective, la performance dans la plupart des emplois ne peut pas être mesurée objectivement en raison de la production en équipe et des activités multi-tâches. Ainsi, les firmes préfèrent employer des mesures subjectives, où le salaire est à la discrétion des impressions d'un supérieur57(*), c'est-à-dire que le bonus des employés dépend d'une évaluation subjective de leur performance par le principal (leur employeur). L'attraction de tels modes de paiement est qu'ils offrent une vue plus holistique de la performance. Lincoln Electric, le fabricant dominant d'équipements de soudure à l'arc voltaïque et de fonderie, est bien connu pour pratiquer depuis longtemps des formes de salaires à la pièce qui attachent le salaire de travailleur à son output, mais environ la moitié de la compensation d'un ouvrier est un bonus basé sur l'évaluation subjective du supérieur sur la coopération, l'innovation, la fiabilité, et d'autres aspects subjectifs de la performance de l'ouvrier [Baker et al., 1994; Gibbons, 1998].

Par conséquent, bien que la contribution des employés à la valeur de la firme ne soit pas typiquement et objectivement mesurable, il peut être souvent évalué subjectivement par les managers ou les surveillants qui sont bien placés pour observer les subtilités du comportement et des occasions des employés. Même si de telles évaluations subjectives de la contribution des employés à la valeur de la firme sont imparfaites, elles peuvent compléter ou améliorer les mesures objectives disponibles. Ainsi, un contrat implicite basé sur des évaluations subjectives de la performance peut augmenter ou remplacer un contrat explicite basé sur des mesures objectives de la performance [Baker et al., 1994].

Cependant, les psychologues et les behavioristes ont fourni une explication pour le manque de systèmes d'évaluation subjective de la performance dans la pratique. Ils concluent que les plans de salaire basés sur des critères subjectifs ont peu de chance de succès parce que les employés ne font pas confiance58(*) (trust) à leurs supérieurs pour évaluer correctement leur performance59(*). Plus la mesure est subjective, plus le degré de confiance demandé est haut, parce que, sans confiance élevée, il y a peu de chance pour l'employé de croire que son salaire soit vraiment et équitablement basé sur la performance. Il est conforme à l'idée de MacLeod [2003] sur le fait que la possibilité pour le principal de récompenser l'agent en fonction d'une évaluation subjective dépende du degré d'acceptation de l'agent sur ces évaluations. Quand les évaluations subjectives du principal et de l'agent s'entendent, alors on peut mettre en application le contrat optimal, exactement comme si les évaluations étaient objectives et vérifiables60(*). Par conséquent, la confiance entre les employés et les surveillants ou les supérieurs est essentielle dans l'application efficace des systèmes d'évaluations subjectives de la performance.

Pour que l'employeur puisse utiliser une mesure subjective de façon crédible, il est nécessaire d'introduire un objectif de réputation : l'employeur ne doit pas avoir intérêt à renier ses engagements implicites, sachant que s'il le fait, sa réputation sera modifiée et les employés ne fourniront aucun effort en cas de contrat implicite dans le futur [Baker et al., 1994; Gibbons, 1998; Kambe, 2005]. Dans ce modèle, la capacité de s'engager peut provenir à la fois de la répétition de la relation [Levin, 2003], et d'un souci de réputation de l'employeur. D'abord, le principal et l'agent avouent un contrat qui indique les salaires en fonction des classements du principal à l'évaluation. À l'évaluation, les différents « principaux » peuvent donner différents classements et l'agent met à jour ainsi sa croyance basée sur le classement reçu. Après que le classement ait été donné, il y a une autre transaction entre eux. Lorsque l'agent pense que le niveau d'honnêteté et de fidélité du principal sur le système d'évaluation, est élevé, l'agent exerce plus d'effort dans la deuxième transaction et l'avantage du principal est ainsi plus élevé. Au contraire, si l'agent perçoit que le principal n'est pas fidèle, c'est-à-dire que l'évaluation subjective du principal sur la performance de l'agent tombe au-dessous d'un seuil pour éviter le salaire élevé, l'agent effectuera les actions inefficaces pendant plusieurs périodes, ce qui punit en effet le principal. En raison de ces effets, le principal sera incité à donner un juste jugement sur la performance de l'agent. Ainsi, la réputation est un dispositif à induire l'évaluation honnête du principal et à rendre le modèle d'évaluation subjective de la performance efficace [Kambe, 2005]. Dans ce cas, le contrat implicite devient un contrat auto-exécutoire (self-enforcing) car le respect de ce contrat n'est pas obligé par un tiers (le tribunal), mais par le souci de la firme pour sa réputation sur le marché du travail [Baker et al. 1994].

D'après Van den Steen [2005], la mesure subjective de la performance peut être une solution optimale au problème « principal-agent » lorsque l'agent refuse d'obéir au principal. En effet, si le bonus de l'agent est accordé en fonction d'une mesure subjective, l'agent devra évaluer ses actions et ses résultats conformément à la volonté du principal. Cet alignement de croyance incitera l'agent à faire ce que le principal veut qu'il fasse, en éliminant des inversions coûteuses. D'ailleurs, le résultat de son étude prouve également que l'évaluation subjective de la performance peut être réellement optimale, même quand la vraie performance est parfaitement mesurable.

Tant que l'évaluation n'est pas purement aléatoire, elle contient de l'information sur l'effort du salarié, malgré sa subjectivité, et peut donc être utilisée pour inciter à l'effort. La corrélation entre l'évaluation subjective du supérieur et l'effort fourni par l'employé permet toujours d'obtenir une amélioration par rapport à un salaire fixe. Si cette corrélation est parfaite, l'évaluation subjective de la performance fonctionne exactement comme la mesure objective de la performance et donc peut résoudre le problème « principal-agent » en incitant les employés à offrir l'effort maximal au travail.

En conclusion, afin de régler le problème de passager clandestin dans la production en équipe, Alchian et Demsetz proposent d'introduire un contrôleur pour contrôler le comportement des individus dans l'équipe en lui offrant un revenu résiduel et certains droits pour l'inciter à ne pas se dérober comme les membres de l'équipe. En outre, dans la situation multi-tâches, il y a une distorsion dans l'allocation d'effort parmi les tâches. Holmström et Milgrom proposent d'égaliser les incitations pour toutes les tâches, ou bien de fournir des incitations nulles pour toutes les tâches. Outre les solutions proposées par Alchian et Demsetz, et Holmström et Milgrom, il y a d'autres solutions que des analyses théoriques proposent, en s'appuyant encore sur les incitations monétaires. Celles-ci sont la pression des pairs dans laquelle le système de partage des profits incite les individus à se contrôler mutuellement; le modèle des tournois dans lequel les incitations sont basées sur la performance relative ; la théorie du salaire d'efficience dans laquelle la firme offre un salaire très supérieur à celui de marché du travail pour inciter les salariés à travailler dur ; et enfin l'évaluation subjective de la performance dans laquelle les récompenses sont payées à la performance qui est évaluée subjectivement par le supérieur et qui peut atténuer le problème d'incitation.

Conclusion du chapitre II

L'analyse économique souligne la nécessité de baser les rémunérations sur des mesures de performance, et donc de faire supporter un risque à l'employé, afin d'inciter celui-ci à fournir un effort suffisant. Dans le cas où la performance est facilement mesurable et observable, les incitations monétaires, dans le système de la rémunération à la performance incitent les salariés à ne pas tirer au flanc, et donc à augmenter le niveau de leur effort au travail. Il y a aussi certaines évidences empiriques, telles que Lazear [2000b], Paasch et Shearer [2000], Gielen et al. [2006], et l'expérience sur le terrain de Shearer [2004], qui soutiennent un effet positif des incitations monétaires sur l'effort des salariés. Cependant, dans le monde réel, la performance des individus dans la plupart des tâches est difficilement mesurable comme dans la situation de travail en équipe et multi-tâches. Toutefois, il n'en demeure pas moins que les incitations monétaires dans certaines analyses théoriques, comme le modèle de pression du groupe, le modèle des tournois, la théorie du salaire d'efficience et l'évaluation subjective de la performance, même si la performance n'est pas facilement mesurable ou quantifiable, jouent un rôle crucial pour inciter les salariés à fournir l'effort maximalement productif au travail. Dans ce cas, il y a aussi certaines évidences exposées dans la section 2 supportant cette idée. D'après les analyses des modèles dans les deux sections, on peut conclure que, dans toutes les circonstances, les incitations monétaires peuvent résoudre le problème « principal-agent » au sein de la firme, et donc inciter les salariés à agir dans l'intérêt de l'employeur en fournissant un niveau d'effort productif élevé pour augmenter la productivité globale de la firme.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Après avoir exposé les deux grandes littératures théoriques dans le chapitre I (la théorie des attentes et la théorie des incitations avec le modèle du principal-agent) et analysé certains modèles, dans le chapitre 2, nous pouvons parfaitement comprendre la question de la compensation, qui permet de répondre à une des questions de la problématique du mémoire: « comment les incitations monétaires influent-elles positivement sur l'effort des employés ? ». En fait, les incitations monétaires sont mises en place pour amener les agents à révéler l'information qu'ils détiennent et à agir dans l'intérêt du principal. Elles impliquent donc deux problèmes : la révélation de l'information, et la conformité de l'action par rapport à l'information révélée. Ainsi, les incitations monétaires jouent un rôle essentiel dans l'organisation, elles constituent une pièce majeure des dispositifs qui visent à amener les agents à fournir un niveau d'effort élevé au travail. Par exemple, les incitations centrées sur la rémunération de l'effort peuvent prendre appuis sur les heures de présence, mais doivent aussi tenir compte des heures effectivement passées à la tâche prévue, du degré d'intensité de l'effort fourni pendant ce temps, etc. Les incitations monétaires peuvent régler non seulement le problème du risque moral, mais également celui de l'anti-sélection. Elles permettent à la firme d'attirer et de trier les individus très productifs. S'appuyant sur les incitations monétaires, la firme peut, alternativement, utiliser plusieurs méthodes pour résoudre le problème principal-agent en cas d'asymétrie informationnelle, que nous résumons ci-dessous.

- La rémunération des salariés est basée sur la mesure objective de leur performance. Plus les salariés produisent, plus ils gagnent.

- La rémunération des salariés peut s'accroître avec l'ancienneté, c'est-à-dire qu'ils acceptent d'être payés moins sur leur productivité marginale en première période (quand ils sont jeunes) et plus que leur performance en deuxième période (lorsqu'ils sont âgés). Le salarié n'a pas donc intérêt à tricher en première période car, s'il est licencié, il ne récupérera pas sa caution.

- Dans la situation de la production en équipe, les salariés sont rémunérés à l'input, indépendamment de leur performance productive, mais sous la surveillance d'un agent. On doit offrir les incitations monétaires (ici, un revenu résiduel) au contrôleur pour l'inciter à ne pas se dérober comme les membres de l'équipe.

- Dans la situation multi-tâches, il convient d'égaliser les incitations monétaires sur toutes les tâches afin d'induire les individus à allouer leur effort dans toutes les activités assignées.

- Le système de partage des profits peut être également mis en place pour encourager les individus à se contrôler mutuellement, ce qui pousse chacun à fournir des efforts productifs, à se comporter convenablement pour augmenter la productivité globale de l'équipe, et donc la rémunération de chaque membre sera élevée.

- Les économistes suggèrent aussi de rémunérer les salariés en tenant en compte de la performance relative plutôt que la performance absolue. Celui qui gagne dans la compétition recevra un salaire supérieur.

- Rémunérer les salariés au-delà du niveau de salaire sur le marché du travail peut aussi les inciter à fournir un effort élevé.

- Enfin, le problème « principal-agent » peut être résolu par le paiement à la performance basée sur la mesure subjective du supérieur.

En revanche, les psychologues ne partagent pas le point de vue des économistes qui estiment que les incitations monétaires soient un stimulant dominant au niveau des activités productives humaines, i.e. qui stimulent l'effort des travailleurs. Pour eux, les incitations monétaires ont des effets pervers sur l'effort des salariés. En d'autres termes, elles nuisent à la motivation intrinsèque des salariés, et donc leur effort va, en même temps, baisser. Nous aborderons donc cette conception dans la partie suivante.

PARTIE II : LA RELATION NEGATIVE ENTRE LES INCITATIONS MONETAIRES ET L'EFFORT DES SALARIES

INTRODUCTION A LA DEUXIEME PARTIE

La motivation appartient à la plupart des sciences humaines : l'histoire, la psychologie, la psychanalyse, le management, la sociologie, la gestion des ressources humaine, etc. La plupart des dirigeants d'entreprises sont d'accord aujourd'hui pour considérer que c'est le facteur humain qui fait la différence entre des concurrents très proches, et donc la motivation devient un thème permanent chez la plupart des cadres dirigeants. Pourquoi les gens travaillent-ils ? La question de la motivation se situe au carrefour des attentes individuelles et des propositions de l'organisation, tant en termes de contenu et de conditions de travail que de récompenses ou de sanctions motivantes. L'effet des incitations financières sur le comportement humain a reçue l'attention très répandue en économie et psychologie expérimentales, ainsi que dans la littérature sur la provision d'incitations dans les organisations. Contrairement à la première partie qui considère que les incitations monétaires sont les facteurs motivants des salariés, dans cette partie 2, nous étudions les effets négatifs des incitations monétaires sur l'effort des salariés au travail. Ainsi, en particulier pour les psychologues, ces incitations sont considérées comme contreproductives et nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort des salariés.

Cette partie se divise en deux chapitres. Le chapitre III développera le cadre théorique de la motivation de travail en prenant les théories du contenu et une littérature psychologique, à savoir la théorie de l'évaluation cognitive. Dans le cadre des théories du contenu, nous étudierons, compte tenu des effets des incitations monétaires, la théorie des besoins de Maslow et la théorie bi-factorielle d'Herzberg. Ces théories considèrent que les besoins sont les sources de motivation des salariés, mais elles ont différents aspects en termes d'effets des incitations monétaires sur l'effort ou la motivation des salariés. Dans la théorie de l'évaluation cognitive, nous allons montrer les raisons pour lesquelles les incitations extrinsèques en général et les incitations monétaires en particulier évincent la motivation intrinsèque et l'effort des employés. Le chapitre IV exposera, premièrement, les évidences expérimentales et empiriques des psychologues et des économistes, et un modèle économique du principal-agent tenant compte de la motivation intrinsèque, pour soutenir l'idée que les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort des employés, et deuxièmement, la nouvelle perspective de l'interaction entre la motivation intrinsèque et les récompenses extrinsèques, qui se présentera dans la théorie de l'autodétermination. Dans cette dernière, nous allons étudier l'internalisation et l'intégration de la motivation extrinsèque dans le continuum de l'autodétermination, et les incitations monétaires, qui dans ce cas, ne sont pas forcément nuisibles à la motivation intrinsèque, mais peuvent l'augmenter lorsqu'elles sont correctement administrées dans un climat de travail supportant l'autonomie.

CHAPITRE III : LE CADRE THEORIQUE DE LA MOTIVATION

Introduction au chapitre III

Qu'est-ce que la motivation ? La motivation est définie comme « le processus par lequel un individu confère à son action une intensité, une direction et une persistance, en vue d'atteindre un objectif donné »61(*) [Robbins et al., 2006]. Nous rappelons que ces éléments (une intensité, une direction et une persistance ou une durée de l'effort) constituent un effort que nous avons exposé dans le chapitre I. Donc, la manifestation la plus proche de la motivation est l'ensemble des efforts déployés dans le travail dirigés avec intensité et de manière persistante vers des objectifs attendus. La motivation est donc une clé du succès aussi bien des entreprises que des individus. Un individu motivé est promis à une belle réussite, de même qu'une organisation qui sait gérer la motivation des salariés a des chances d'être plus performante que ses concurrentes. Cette conception suppose qu'il existe un lien de causalité entre motivation et réussite [Alexandre-Bailley et al., 2006].

Parmi plusieurs types de théories de la motivation, nous n'allons aborder d'abord dans ce chapitre que les théories dites de contenu qui proposent une analyse des différents besoins des individus, qui vont les pousser à agir de façon à satisfaire leurs attentes. Ensuite, nous allons présenter la notion de la motivation qui se distingue en deux types : la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. Dans ce point, nous étudierons également les interactions entre ces deux types de motivation, surtout les effets négatifs des incitations monétaires sur la motivation intrinsèque des salariés. Ceci se situe la théorie de l'évaluation cognitive (Coginitive evaluation theory) qui est initialement développée par Deci et Ryan dans les années 1970.

Section 1 : Les théories du contenu

Une façon d'aborder la motivation consiste à explorer les différents besoins et de désirs qui vont pousser l'employé à agir pour les satisfaire. C'est ce dont traitent les théories du contenu. Une des questions de base qui a animé les recherches sur la motivation, est celle de son contenu. Les théories dites de contenu permettent de répondre aux questions principales de la motivation : Qu'est-ce qui motive les individus à travailler? Pourquoi sont-ils motivés? Dans cette section, nous allons étudier deux grands modèles dans le cadre des théories du contenu : le modèle de Maslow et le modèle d'Herzberg.

1- Le modèle de Maslow

La réponse classique qui a été faite à cette question du contenu est celle du besoin62(*) [Michel, 1989]. Dans le prolongement des travaux de Mayo, Maslow, l'un des premiers psychologues, met l'accent sur l'analyse des besoins de l'homme dans l'organisation et il propose une théorie de hiérarchie des besoins à partir d'observations cliniques dans les années 1940 [Maslow, 1943]. Il formule l'idée directrice selon laquelle le comportement humain au travail est d'autant plus coopératif et productif qu'il trouve dans l'organisation une occasion de réalisation de soi et d'épanouissement personnel [Plane, 2000]. Selon Maslow, la motivation de tout individu serait suscitée par la volonté de satisfaire des besoins (force interne). Dès lors que l'individu a cette volonté, il agit, il est motivé. Les besoins déclenchent les comportements adaptés et l'assouvissement des besoins est au coeur de toute action motivée. Alors, la notion de besoin place la source des motivations à l'intérieur de l'homme.

Dans le modèle de Maslow, on retiendra deux idées essentielles63(*). En premier lieu, Maslow tente de hiérarchiser les besoins en une théorie des besoins souvent dite théorie de la motivation. Les besoins sont organisés en niveaux et ces niveaux peuvent être représentés par une pyramide. Constatons que la pyramide des besoins de Maslow demeure très certainement la plus connue des théories de la motivation [Robbins et al., 2006]. D'après Maslow, une personne est motivée par cinq types de besoins (Voir Figure 6). Au bas de la pyramide se trouvent les besoins physiologiques (ce sont les besoins de manger, de boire, de respirer, de se détendre, de se reproduire,...), puis les besoins de sécurité64(*) (sécurité matérielle, se protéger contre les aléas naturels, stabilité de l'emploi, avantages sociaux,...), puis les besoins sociaux (ce sont des besoins de rapports sociaux, de donner et de recevoir de l'affection, de se sentir accepté et appartenir à un groupe, d'avoir une bonne relation avec les collègues et avec les supérieurs,...), et enfin les deux derniers niveaux concernent les besoins d'estime (ce sont des besoins de confiance en soi, de recevoir une attention, une reconnaissance et une appréciation des autres,...) et de réalisation de soi (ce sont des besoins de créativité, de développement personnel, de s'épanouir, de devenir tout ce qu'on est capable d'être, ...). Cette hiérarchie des besoins, selon Maslow, est la même pour tous les hommes et les femmes qui travaillent, quelles que soient leur culture et leurs qualifications [Lévy-Leboyer, 1993]. Maslow invente le concept de hiérarchie des besoins, des plus élémentaires aux plus complexes, pour définir les origines de la motivation humaine.

Figure 6 : La pyramide des besoins de Maslow

Besoins de réalisation de soi

Besoins d'estime

Besoins sociaux

Besoins de sécurité

Besoins physiologiques

En deuxième lieu, il faut que les besoins d'un niveau soient satisfaits pour que l'individu soit motivé par les besoins du niveau supérieur. Une fois les besoins de premier niveau assouvis, ils ne constituent plus un facteur de motivation et la personne passe aux besoins de second niveau, et ainsi de suite. Ainsi, la motivation qui le pousse à l'effort s'éteindra dès qu'il aura trouvé ce qu'il cherche. Rares sont les individus qui peuvent parvenir à satisfaire le besoin de réalisation de soi.

Maslow différencie encore ces cinq besoins en besoins de niveau inférieur65(*) et besoins de niveau supérieur66(*) [Schermerhorn et al., 2002]. Les besoins physiologiques, de sécurité et sociaux appartiennent au premier niveau, tandis que les besoins d'estime et de réalisation de soi sont des besoins appartenant au niveau supérieur.

Une telle théorie permet de défendre l'idée que l'organisation doit non seulement satisfaire les besoins « de base », mais aussi fournir à ses membres la possibilité de se réaliser. Le succès de l'organisation résiderait dans sa capacité à assurer la réalisation de ses membres [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Dans cette théorie, la motivation est donc totalement liée à la satisfaction des besoins. Ici, le besoin est comme une source essentielle de la motivation car l'homme a des besoins qu'il doit satisfaire et qui le pousse à agir, sous peine de tension pénible.

Par conséquent, la grande leçon que nous pouvons retenir de Maslow est la nécessité de répondre d'abord à des besoins de salaires minimum, de conditions de travail, et de sécurité dans l'emploi avant de se lancer dans de grands discours sur la motivation [Michel, 1989]. Ainsi, nous pouvons conclure, dans le sens de Maslow, que les incitations externes en général et les incitations monétaires67(*) en particulier sont les besoins inférieurs qui poussent les salariés à fournir un effort au travail élevé afin encore de satisfaire le niveau des besoins supérieur qui correspond à la motivation intrinsèque68(*).

Cependant, la théorie de Maslow comporte certaines grandes limites69(*).

Tout d'abord, le principe même d'une hiérarchie universelle des besoins postule que tout le monde fonctionne de la même façon. Comment alors expliquer le comportement d'hommes manquant du minimum et revendiquant pour leur dignité ? Comment analyser l'enthousiasme des créateurs d'entreprise qui démarrent sans sécurité, sans moyen matériel ? Comment comprendre les revendications salariales de cadres ayant largement de quoi vivre et des emplois stimulants ? Il est donc peu raisonnable de supposer que tout le monde a la même hiérarchie de besoins, quelles que soient l'histoire personnelle, la culture d'appartenance ou la structure organisationnelle. De plus, un besoin ne disparaît pas quand il est assouvi, il continue à agir.

Ensuite, le principe du passage successif d'un niveau à un autre est discutable : il est tout à fait possible d'être motivé par le fait d'être reconnu, même lorsque l'on n'a pas assuré les besoins des premiers niveaux. Cela signifie que les incitations externes ou les incitations monétaires en spécifique ne sont pas forcément nécessaires pour motiver les salariés dans la firme.

Enfin, cette théorie ne permet pas d'expliquer la démotivation puisque le dernier niveau est par définition infini. A partir de la pyramide, comment alors expliquer que des gens qui n'ont pas répondu à leurs besoins d'estime ou de réalisation de soi ne soient pas motivés et n'adoptent pas des comportements de recherche de satisfaction ?

Ces questions sont sans doute aussi dues au fait que l'ensemble de cette théorie est basé sur l'analyse des besoins, concept qui nous semble décevant si l'on veut comprendre ce qu'est la motivation au-delà de la physiologie. Le second grand théoricien de ce courant centré sur le contenu est Frederick Herzberg.

2- Le modèle d'Herzberg

Reprenant les travaux de Maslow, Frederick Herzberg, psychologue clinicien, a développé une autre théorie populaire de la motivation, appelée la théorie bi-factorielle. Ses travaux portent pour l'essentiel sur la question de la motivation humaine au travail. D'après Roussel [2000], la théorie bi-factorielle d'Herzberg affirme également que la motivation est suscitée par la recherche d'une satisfaction optimale de certains besoins. Le sentiment de satisfaction va dépendre de ce que l'individu veut retirer de son travail et de ce qu'il pense que le travail va lui offrir.

L'idée principale de cette théorie est que les circonstances qui conduisent à la satisfaction et à la motivation au travail ne sont pas de même nature que celles qui conduisent à l'insatisfaction et au mécontentement [Filleau et Marques-Ripoull, 1999; Plane, 2000]. Grâce à une étude statistique, Herzberg découvre qu'il y a deux catégories de facteurs dans le milieu de travail qui interviennent de manière très différente dans le mécanisme de la motivation (Voir Figure 7). La première catégorie regroupe des facteurs extrinsèques (les facteurs d'hygiène ou d'insatisfaction) dont l'absence procure de l'insatisfaction mais qui, lorsqu'ils sont présents, sont considérés comme normaux et ne produisent aucune satisfaction particulière. Ils poussent l'individu à agir sans véritable motivation. Ils sont nécessaires pour empêcher l'insatisfaction au travail, mais ils ne sont pas capables de générer soit la satisfaction au travail, soit le comportement motivé. Les facteurs extrinsèques correspondent à des données objectives et concrètes.

Figure 7 : La théorie bi-factorielle d'Herzberg70(*)

Facteurs d'insatisfaction

Facteurs de satisfaction

· Ordre croissant

Politique et administration d'entreprise

· Possibilité de développement

· Avancement ou promotion

· Responsabilité

· Travail proprement dit (objet du travail)

· Reconnaissance

· Accomplissement

 

La deuxième catégorie rassemble les facteurs intrinsèques (les facteurs de satisfaction ou de motivation) qui auraient la capacité à apporter de la satisfaction aux employés en lien avec le travail lui-même ou les résultats qui en découlent directement. Ces facteurs inciteraient l'individu à faire des efforts pour satisfaire les besoins auxquels ils correspondent. Alors, les facteurs intrinsèques se situent à l'intérieur71(*) de l'individu, ils sont liés à la façon dont l'expérience est ressentie et au plaisir subjectif qui en est retiré [Michel, 1989]. Par exemple, le salaire ou l'incitation monétaire est la récompense extrinsèque alors que la fierté d'avoir accompli tel effort, d'avoir réussi dans telle tâche, le plaisir de bien faire son métier sont des récompenses intrinsèques.

Ainsi, ce n'est pas parce qu'on a un salaire correct que le travail procure de la satisfaction72(*). En revanche, un salaire insuffisant est une source d'insatisfaction, et doit être rangé parmi les facteurs d'hygiène. Ce qui contribue à la motivation, ce sont les facteurs de motivation, autrement dit ceux qui sont liés essentiellement au contenu du travail car ils tendent à susciter des sentiments de développement personnel, et non pas aux conditions qui l'entourent, ce qui se rapporte au contexte du travail [Roussel, 1996; 2000; Alexandre-Bailley et al., 2006]. Alors, Herzberg conclut que les causes de satisfaction et d'insatisfaction ne sont pas du même ordre. Les facteurs de motivation peuvent produire de la satisfaction, ou, dans le pire des cas, de la non satisfaction ; ils ne sont pas à l'origine de l'insatisfaction. Autrement dit, l'opposé de « satisfaction » n'est pas « insatisfaction » et l'opposé d' « insatisfaction » n'est pas « satisfaction » [Robbins et al., 2006]. Par exemple, le fait que l'insatisfaction diminue ne signifie pas que la satisfaction augmente.

Par conséquent, Herzberg distingue deux catégories de besoins : les besoins physiologiques, associés aux facteurs extrinsèques, et les besoins psychologiques, associés aux facteurs intrinsèques (ou facteurs de motivation)73(*) [Roussel, 2000]. Il tire comme conclusion que les directions d'entreprises doivent individuellement élargir et enrichir le travail de chacun (l'enrichissement du travail). Pour motiver un employé dans son travail, il faut modifier la répartition des tâches. L'enrichissement des tâches consiste à restructurer le travail de façon à ce qu'il retrouve un sens pour celui qui le fait. Cela passe par le développement de l'autonomie, des responsabilités et l'augmentation des compétences de l'individu [Rojot et Bergmann, 1989; Filleau et Marques-Ripoull, 1999; Plane, 2000]. Il s'agit de l'importance de la tâche elle-même, du contenu du travail comme source de motivation, ce qui pousse des salariés à faire des efforts au travail [Michel, 1989].

En bref, ces deux théories du contenu ont en commun de donner quelques idées aux managers sur les éléments susceptibles de constituer des sources de motivation. Elles induisent alors la nécessité de détecter la présence ou l'absence de ces éléments chez les salariés. Plus précisément, notamment dans la théorie bi-factorielle, les incitations monétaires ne sont pas considérées comme un facteur de motivation pour pousser les individus à offrir l'effort élevé dans le travail, mais elles sont seulement un facteur pour éliminer l'insatisfaction des salariés. Ainsi, lorsqu'elles sont présentes, les salariés sont indifférents ou normaux et leur absence apporte de l'insatisfaction.

Un ensemble de théories développées au cours des années 1970-1980 postule que le déclenchement de la motivation est suscité par la volonté de satisfaire essentiellement des besoins psychologiques ou d'ordre supérieur. Partant de ce principe de base, ces théories tentent d'identifier quelles sont les forces internes et externes qui agissent sur la décision individuelle d'agir de façon motivée. Cette idée est conforme au concept de la théorie de l'évaluation cognitive [Roussel, 2000]. Cependant, il y a des différences importantes entre la théorie de l'évaluation cognitive et les théories du contenu. Tandis que les théories du contenu se concentrent principalement sur les énergisants de l'action motivée, la théorie de l'évaluation cognitive étudie aussi les besoins psychologiques de base qui doivent être satisfaits pour le fonctionnement et le bien-être optimaux et de plus, les influences des récompenses externes, en particulier les incitations monétaires sur la motivation intrinsèque.

Alors, dans la section suivante, avant d'exposer la théorie de l'évaluation cognitive qui aborde notamment les interactions entre les incitations extrinsèques en général ou les incitations monétaires en particulier et la motivation intrinsèque que l'on considère comme une source d'augmentation du niveau d'effort des salariés dans le travail, il est utile de bien connaître le concept de la motivation intrinsèque et extrinsèque.

Section 2 : Le concept de la motivation et la théorie de l'évaluation cognitive

La motivation humaine au travail est le coeur du champ de comportement de l'organisation. Depuis longtemps, la littérature a examiné les effets de divers efforts sur la motivation et le comportement, en vue de l'obtention d'un gain ou d'une récompense. Le résultat commun de ces recherches est que toute motivation et comportement sont influencés par l'espérance d'un gain [Meyer-Waarden et Benavent, 2006]. Cependant, selon la théorie de l'évaluation cognitive, l'expectation d'une augmentation du salaire pour la performance élevée réduira la motivation intrinsèque, et donc l'effort des salariés au travail [Deci et Ryan, 1985]. La recherche sur la motivation a fréquemment dessiné une distinction entre la motivation intrinsèque et extrinsèque. Dès lors, l'objectif de cette section est, d'abord, de présenter la notion de ces deux types de motivation des employés au sein de la firme, et ensuite d'étudier les interactions entre les incitations monétaires et la motivation intrinsèque par la théorie de l'évaluation cognitive.

1- Le concept de la motivation

1-1- La motivation extrinsèque

Dans le modèle standard de la théorie du principal-agent, l'introduction des incitations extrinsèques (les incitations monétaire, en particulier) ne peut pas abaisser des niveaux d'effort des salariés; sans incitation extrinsèque, l'effort des salariés est nécessairement au niveau le plus bas possible74(*). La théorie des attentes suggère également que l'attache des incitations monétaires à la performance augmente la motivation extrinsèque des employés pour dépenser l'effort et par conséquent, la performance augmente [Phillips et Lord, 1980]. La motivation extrinsèque relève des incitations extérieures qui peuvent amener l'individu à se motiver pour obtenir un élément extérieur au travail lui-même [Alexandre-Bailley et al., 2006; Meyer-Waarden et Benavent, 2006]. Ces éléments relèvent soit de la carotte (rémunération, délégation, promesses), soit du bâton (surveillance, menace, sanction) [Bénabou et Tirole, 2003]. Par conséquent, les employés sont extrinsèquement motivés s'ils peuvent satisfaire leurs besoins indirectement, particulièrement par la compensation monétaire75(*) [Osterloh et Frey, 1999; Orsterloh et al., 2001]. L'argent est un but qui fournit la satisfaction indépendante de l'activité lui-même [Calder et Staw, 1975]. Ainsi, la coordination extrinsèquement motivée dans les firmes est réalisée en liant les motifs monétaires des employés aux buts de la firme; et le système incitatif idéal est la rémunération à la performance.

En outre, selon Orsterloh et Frey [1999], ou Orsterloh et al. [2001], la motivation extrinsèque est parfois nécessaire quand la motivation intrinsèque peut avoir un contenu indésirable, comme l'envie ou la vengeance. Les passions non contrôlées peuvent être donc disciplinées par les récompenses extrinsèques. Par conséquent, dans la situation où aucune motivation intrinsèque n'existe en premier lieu, les récompenses monétaires peuvent augmenter l'effort des employés et alors leur performance sera élevée.

Cependant, dans la recherche sur la motivation intrinsèque, Deci [1971; 1972] a trouvé l'évidence que les récompenses monétaires rendues contingentes à la performance de la tâche peuvent réduire la motivation intrinsèque pour exécuter cette tâche, et alors l'effort des employés sera également inférieur.

Dans ce qui suit, nous aborderons le deuxième type de la motivation, à savoir la motivation intrinsèque qui est considérée comme un facteur important de l'augmentation de l'effort des salariés dans le travail.

1-2- La motivation intrinsèque

Les chercheurs ont commencé la première fois à explorer le concept de la motivation intrinsèque dans les années 1970 [Deci et Ryan, 2000]. Dans le cadre de la motivation intrinsèque, les comportements sont uniquement motivés en vertu de l'intérêt, la curiosité et le plaisir que l'employé éprouve dans la pratique de l'activité, sans attendre de récompense extrinsèque, notamment les récompenses monétaires à l'activité, c'est-à-dire qu'une fois intrinsèquement motivée, une personne est poussée à agir pour l'amusement ou le défi plutôt qu'en raison des poussées, des pressions ou des récompenses externes [Ryan et Deci, 2000b; Meyer-Waarden et Benavent, 2006]. Deci et Ryan [1985] suggèrent que la motivation est intrinsèque si une activité est entreprise pour sa propre satisfaction immédiate du besoin. Alors, la motivation intrinsèque est évaluée quand le comportement est effectué pour son propre amour plutôt que pour obtenir les renforcements matériels [Calder et Staw, 1975; Kunz et Pfaff, 2002]. Par conséquent, la motivation intrinsèque, dérivant à l'intérieur de la personne ou de l'activité elle-même, affecte positivement le comportement, la performance et le bien-être. L'incitation idéale, dans ce cas, est dans le contenu de travail lui-même, qui doit être satisfaisant et accomplissant pour les employés. De nombreuses expériences prouvent que la motivation intrinsèque renforce des efforts76(*) [Weibel et al., 2007]. De plus, ce type de motivation améliore l'exécution des tâches simples quand ces tâches exigent l'effort soutenu et le discipline [Koestner et Losier, 2002].

En bref, dans un sens, la motivation intrinsèque existe à l'intérieur des individus, et dans un autre sens, la motivation intrinsèque existe dans la relation entre les individus et les activités. Puisque la motivation intrinsèque existe dans la connexion entre une personne et une tâche, certains auteurs ont défini d'intéressante la motivation intrinsèque liée à la tâche, c'est-à-dire que les employés exécutent la tâche sans exiger opérationnellement des conséquences séparables parce que l'exécution d'une activité intéressante elle-même récompense intrinsèquement, alors que d'autres auteurs l'ont définie en termes de satisfactions, c'est-à-dire que des employés profitent de l'engagement d'une tâche intrinsèquement motivée77(*). Selon Deci and Ryan [1985; 2000], la motivation intrinsèque est basée dans les besoins de personnes d'être compétent et autodéterminant. Cela correspond bien à la théorie de l'évaluation cognitive.

Par ailleurs, Osterloh et Frey [1999] ont cité certains avantages de la motivation intrinsèque qui est supérieure à la motivation extrinsèque dans la firme. Premièrement, la motivation intrinsèque est nécessaire pour les tâches qui exigent la créativité. Par contre, les personnes extrinsèquement motivées tendent à produire la répétition stéréotypée de ce qui fonctionne déjà. Deuxièmement, la motivation intrinsèque aide également à surmonter le problème multi-tâches où les contrats ne peuvent pas complètement indiquer tous les aspects appropriés du comportement des employés et de ses résultats désirés. Dans ce cas, en se basant sur les incitations monétaires, les agents se concentrent seulement sur les aspects du travail pour lesquels des récompenses sont prévues et négligent le travail sans récompense. L'évidence empirique suggère que les résultats des contrats incomplets (les problèmes multi-tâches) ne sont pas normalement évalués par la rémunération variable à la performance. En fait, les firmes comptent considérablement sur la motivation intrinsèque. Enfin, la motivation intrinsèque permet la génération et le transfert de la connaissance tacite dans les conditions où la motivation extrinsèque échoue.

2- La théorie de l'évaluation cognitive

« C'est étrange, dit Marie, j'ai commencé à travailler dans cette association de protection des animaux comme volontaire. Je consacrais 15 heures par semaine à faire adopter des animaux. Et j'adorais cela. Puis, il y a 3 mois, j'ai été engagée à temps plein, pour 9 euros de l'heure. Je fais le même travail qu'auparavant, mais je n'y trouve plus autant de plaisir »78(*).

Selon la théorie de l'évaluation cognitive, l'introduction de récompenses extérieures, notamment les incitations monétaires, dans le travail qui était jusqu'à présent gratifiant pour le seul plaisir, tend à amoindrir la motivation.

Historiquement, surtout dans la théorie bi-factorielle, il était admis que les facteurs de motivation intrinsèque, tels que la réalisation de soi, les responsabilités et la compétence étaient indépendantes des mobiles extrinsèques comme une forte rémunération, les avancements, de bonnes relations avec les supérieurs et de bonnes conditions de travail. Mais, la théorie de l'évaluation cognitive, due aux travaux de Deci et Ryan depuis des années 1970, dit autre chose. Elle prétend que le recours à une récompense extérieure, comme le salaire contre une performance accrue, dans les entreprises, réduit les récompenses intrinsèques, qui découlent simplement de ce que l'employé aime faire ce qu'il fait. Autrement dit, accorder une incitation monétaire à un employé qui aime son travail fait diminuer l'intérêt intrinsèque qu'il porte à la tâche [Robbins et al., 2006], et donc son effort au travail diminue.

La théorie de l'évaluation cognitive argumente que la motivation intrinsèque est suscitée par des besoins que chaque individu développe plus ou moins, ceux de se sentir compétent et autodéterminé [Reeve et Deci, 1996; Roussel, 2000; Ryan et Deci, 2000a; 2000b; Deci et Ryan, 2000; Gagné et Deci, 2005; Cameron et al., 2005].

La motivation intrinsèque est affectée par des changements des sentiments de la compétence et de l'autodétermination (l'autonomie). On assume que des événements qui augmentent des perceptions de la compétence et de l'autodétermination augmentent la motivation intrinsèque. En revanche, les événements qui diminuent des perceptions de la compétence et de l'autodétermination diminueront la motivation intrinsèque79(*).

2-1- La motivation intrinsèque et l'autonomie

Le besoin d'autonomie concerne le fait d'éprouver le choix et de se sentir comme l'initiateur de ses propres actions [Baar et al., 2004]. Les expériences initiales ont prouvé que les récompenses monétaires ont miné la motivation intrinsèque des personnes [Deci, 1971; 1972]. Ces expériences ont soutenu la vue qu'une compréhension de motivation humaine exige une considération des processus de motivation autre que juste le renforcement matériel. En discutant de la signification psychologique de la motivation intrinsèque et son sapement par les récompenses extrinsèques, Deci a suggéré que les comportements intrinsèquement motivés représentent le prototype des activités autodéterminées. Les activités autodéterminées sont les tâches que les employés exécutent naturellement et spontanément quand ils se sentent libres pour suivre leurs intérêts intérieurs. Ces activités sont rapportées à un locus perçu interne de la causalité [Ryan et Deci, 2000a; 2000b].

Comme les études par Deci l'ont suggéré, les récompenses qui sont étroitement attachées aux normes de performance, dans l'activité intrinsèquement intéressante, seraient perçues comme un moyen de contrôle (controlling). L'offre des récompenses pour atteindre des normes de performance mènera des individus à se sentir sous pression et provoquera un changement dans le locus perçu de la causalité pour le comportement d'interne à externe. Ces récompenses saperont donc des perceptions d'autodétermination, ce qui mène à une réduction de la motivation intrinsèque et également à abaisser leur effort80(*) dans les activités81(*). Ce résultat est conforme également à la proposition de Frey [1994]. Une méta-analyse récente de 128 études, enjambant 3 décennies, a confirmé que non seulement les incitations monétaires, mais également toutes les récompenses tangibles contingentes ont miné de manière significative la motivation intrinsèque [Deci et al., 1999a].

Par conséquent, les stratégies de motivation telles que les incitations monétaires sapent le sentiment de l'autonomie des employés et mènent ainsi aux résultats non optimaux tels que la diminution de la motivation intrinsèque, la baisse de la créativité et une faiblesse de la résolution des problèmes [Deci et Ryan, 1985]. En revanche, fournir des choix et des sentiments de reconnaissance peut augmenter le sens de l'auto-initiation, et donc ceci fournit la satisfaction au niveau du besoin de l'autonomie et produit des résultats plus positifs.

Les études sur le terrain dans des organisations du travail [Deci et al., 1989] ont complété les expériences de laboratoire en prouvant, dans les arrangements du monde réel, que fournir l'autonomie a été associé à des résultats plus positifs, dont notamment une plus grande motivation intrinsèque, la satisfaction accrue et un bien-être élevé.

2-2- La motivation intrinsèque et la compétence

La motivation intrinsèque dans les besoins des individus est d'être compétent et autodéterminant. La recherche s'est penchée jusqu'ici sur les manipulations expérimentales impliquées qui affectent l'autodétermination des individus avec un changement résultant dans un locus perçu de la causalité et dans la motivation intrinsèque. Nous nous tournons maintenant vers des études liées à la compétence.

Chaque individu, à des degrés divers, cherche à satisfaire des besoins de compétence, c'est-à-dire, à développer ses capacités à interagir efficacement avec son environnement (de travail, relationnel, etc.) [Roussel, 2000]. Cette capacité se développe par l'accumulation de connaissances et d'expérimentations lors des interactions avec son environnement mais aussi par la force de ce besoin qui l'incite à chercher à le maîtriser. Le besoin de compétence concerne, en fait, le fait de réussir aux tâches de challenge de façon optimale et le fait de pouvoir atteindre des résultats désirés [Baard et al., 2004].

La relation entre la compétence perçue et la motivation intrinsèque nécessite deux conditions82(*). Premièrement, l'activité doit être parfaitement stimulante. On ne peut pas s'attendre à ce que les activités qui sont insignifiantes ou simples et ne fournissent donc aucun défi soient intrinsèquement intéressantes même si l'individu se percevait extrêmement compétent. Frey [1994] propose que « plus une tâche est intéressante pour les agents, plus leur motivation intrinsèque à bien exécuter la tâche est élevée, et plus une intervention externe diminue l'autodétermination et l'auto-évaluation perçues » [p. 342]. Deuxièmement, pour que la compétence perçue affecte la motivation intrinsèque, la compétence perçue doit sortir dans le contexte d'une certaine autodétermination perçue.

D'après Ryan and Deci [2000a; 2000b], la théorie de l'évaluation cognitive argue que les événements et les structures interpersonnels (par exemple, les récompenses, la communication, le feed-back), qui induisent vers des sentiments de la compétence pendant l'action, peuvent augmenter la motivation intrinsèque pour cette action parce qu'ils permettent la satisfaction du besoin psychologique de base de compétence. En conséquence, des défis optimaux, le lancement de feed-back, et l'absence des évaluations avilies se sont tous avérés faciliter la motivation intrinsèque. Les études initiales ont également prouvé que le feed-back positif de la performance a augmenté la motivation intrinsèque [Deci, 1971], tandis que le feed-back négatif de la performance qui implique l'incompétence l'a diminuée [Deci et Ryan, 1985].

De même, en soulignant sur des incitations monétaires, selon Deci et al. [1999a], les récompenses contingentes à la performance peuvent également transmettre aux employés l'information positive substantielle de compétence dans les cas où les gens exécutent bien pour obtenir un niveau de la récompense qui signifie la performance excellente. Quand les employés réussissent à atteindre une norme de la performance, les récompenses monétaires donnent des informations sur la performance qui est positivement évaluée par l'individu. Cette évaluation mène à une plus grande compétence perçue et peut compenser une partie d'effet négatif de la perception du contrôle, menant de ce fait à augmenter la motivation intrinsèque.

Ainsi, pour la théorie de l'évaluation cognitive, les incitations monétaires réduisent l'autonomie mais augmentent la compétence perçue. Selon cette théorie, une plus grande compétence perçue mènera à une motivation intrinsèque plus élevée quand les récompenses monétaires sont perçues comme informationnelles. En revanche, les perceptions diminuées de l'autonomie conduiront à abaisser la motivation intrinsèque quand les récompenses monétaires sont perçues comme un moyen de contrôle (controlling). Ainsi, ce sont les perceptions de la compétence ou de contrôle des incitations monétaires qui déterminent leurs effets sur la motivation intrinsèque et l'effort des salariés.

D'après Ryan and Deci [2000a; 2000b], le sentiment de la compétence n'augmentera pas la motivation intrinsèque à moins qu'il ne soit accompagné par un sens d'autonomie ou un locus perçu interne de la causalité83(*). Ainsi, la théorie de l'évaluation cognitive indique que les employés doivent non seulement éprouver la compétence ou l'efficacité, mais ils doivent également éprouver leur comportement comme autodéterminé pour que la motivation intrinsèque soit en vue. Par cet argument, les incitations monétaires peuvent augmenter la motivation intrinsèque par la compétence perçue à condition qu'elles ne soient pas perçues comme un moyen de contrôle. A l'inverse de la théorie du principal-agent, le principal peut être moins avantageux en fournissant un contrat incitatif à son agent que le cas sans tel contrat [Grepperud et Pedersen, 2001; Kunz et Pfaff, 2002].

En résumé, la motivation intrinsèque fait participer des personnes s'engageant librement dans les activités qu'elles trouvent intéressantes, ce qui fournit la nouveauté et le défi optimal. La recherche sur la motivation intrinsèque pour des activités initialement intéressantes a montré sérieusement que :

- Les événements tels que les récompenses monétaires qui stimulent un locus perçu externe de la causalité tendent à miner la motivation intrinsèque, tandis que les événements tels que le choix qui stimulent un locus perçu interne de la causalité tendent à augmenter la motivation intrinsèque.

- Les événements tels que le feed-back négatif qui stimulent l'incompétence perçue tendent à miner la motivation intrinsèque, tandis que des événements tels que le feed-back positif qui poussent la compétence perçue tendent à augmenter la motivation intrinsèque.

Selon la théorie de l'évaluation cognitive, l'introduction des incitations monétaires diminuera la motivation intrinsèque, et par conséquent, l'effort des employés dans les activités intéressantes. En effet, elles augmentent le sentiment de compétence mais elles détruisent le sentiment d'autodétermination des salariés au sein de la firme. Par ailleurs, lorsque les employés se voient promettre une récompense matérielle (ou récompense monétaire), ils en viennent à compter dessus et à davantage se concentrer sur la récompense que sur la tâche ou la mission à accomplir [Robbins et al., 2006]. Une telle diminution de l'attention à la tâche, avec le désir d'obtenir la récompense monétaire avec le moindre effort, réduira la spontanéité et la flexibilité de la performance [Eisenberger et Armeli, 1997].

Conclusion du chapitre III

En conclusion, ce chapitre rassemble certaines grandes théories de la motivation, comme la théorie des besoins de Maslow, la théorie bi-factorielle et aussi une grande littérature psychologique de théorie de l'évaluation cognitive, qui cherchent à comprendre ce qui motive les individus à travailler en précisant notamment les effets des incitations monétaires sur l'effort des salariés au sein de la firme. La théorie des besoins de Maslow expliquent qu'il y a cinq besoins étant les facteurs de la motivation au travail, ils sont à l'origine du déclenchement des comportements des salariés. Selon la hiérarchie des besoins de Maslow, les incitations monétaires se situent dans les besoins de niveau inférieur. Elles ne constituent plus un facteur de motivation quand elles sont satisfaites, et les salariés vont passer aux besoins de niveau supérieur. Alors, chez Maslow, la motivation, par moyen des incitations monétaires, qui pousse les salariés à l'effort s'éteindra dès qu'elle est assouvie. Ensuite, les besoins de niveau supérieur comme les besoins d'estime et de réalisation de soi sont à leur tour un facteur de motivation qui pousse les travailleurs à faire des efforts au travail.

Quant à Herzberg, les incitations monétaires ne sont pas un facteur de motivation, mais elles ne sont qu'un facteur extrinsèque dont le manque ou le dysfonctionnement rendent les salariés insatisfaits, donc poussent les salariés à réclamer en leur faveur. Par contre, leur présence apaise sans vraiment stimuler. Les incitations monétaires sont donc utilisées pour seulement éliminer l'insatisfaction des salariés, pas pour les inciter à offrir un effort élevé au travail.

Dans le cadre de la théorie de l'évaluation cognitive, elle met en évidence la responsabilité des directions des ressources humaines, par l'orientation de leurs décisions et les pratiques qu'elles instaurent. Le déterminant essentiel est la configuration des emplois. Les emplois qui laissent une autonomie de décisions, des possibilités de choisir, d'exercer ses compétences, de les développer, qui offrent des possibilités de feed-back sur les compétences, sur l'origine du comportement de l'employé détiendraient les plus forts potentiels de motivation. Dans cette théorie, les incitations monétaires ne sont pas un facteur qui pousse les salariés à l'effort puisqu'elles nuisent à leur motivation intrinsèque, notamment dans les activités intrinsèquement intéressantes. En effet, les incitations offertes renforcent le sentiment de compétence mais minent le sentiment d'autonomie des salariés. Dans ce cadre, les incitations monétaires sont non seulement un facteur qui n'incite pas les salariés à l'effort au travail, mais également un facteur extrinsèque qui réduit le niveau d'effort des salariés.

Dans le chapitre suivant, nous allons donc aborder les effets négatifs des incitations monétaires sur l'effort des employés, en étudiant la question de l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations monétaires supportée par les évidences expérimentales et empiriques des psychologues et des économistes, et en étudiant aussi la nouvelle perspective de l'interaction entre les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque des salariés.

CHAPITRE IV : LES EFFETS PERVERS DES INCITATIONS MONETAIRES SUR L'EFFORT DES SALARIES

Introduction au chapitre IV

Comme la théorie de l'évaluation cognitive a précédemment indiqué, les incitations monétaires nuisent à la motivation intrinsèque et donc à l'effort des salariés lorsqu'elles sont perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle, c'est-à-dire qu'elles ne satisfont pas les besoins psychologiques des salariés tels que le besoin de compétence et le besoin d'autonomie ou d'autodétermination dans une exécution des tâches intrinsèquement intéressantes. Au contraire, si elles ne sont pas perçues comme un moyen de contrôle, non seulement elles ne nuisent pas à la motivation intrinsèque, mais aussi elles la favorisent. Depuis longtemps, il y a une controverse entre les points de vue des psychologues et des économistes au sujet des effets des incitations monétaires sur le comportement des salariés au sein de la firme. Les approches économiques standard des incitations généralement assument que les incitations monétaires comme les récompenses contingentes à la performance peuvent augmenter l'effort des salariés et donc leur performance alors que les études des psychologues montent que ces incitations peuvent conduire à la réduction d'effort des salariés, en particulier dans les activités intrinsèquement motivantes. Même s'il y a ces points de vue contradictoires, les études d'expériences récentes des économistes partagent également le point de vue des psychologues qui estiment que les incitations monétaires évincent la motivation intrinsèque, et donc l'effort des salariés.

Dans la section 1 du chapitre, nous allons montrer les études expérimentales et empiriques des psychologues et des économistes, ainsi que le modèle principal-agent étudiant la motivation intrinsèque, pour constituer le support de l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations monétaires. Cependant, les travaux récents sur la motivation intrinsèque indiquent que la dichotomie traditionnelle entre la motivation intrinsèque et extrinsèque semble moins évidente - les récompenses extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais peuvent plutôt jouer un rôle complémentaire à la motivation intrinsèque parce que ces récompenses peuvent être internalisées et intégrées par les salariés. Dans la section 2, nous allons donc exposer la nouvelle perspective de l'interaction entre la motivation intrinsèque et les récompenses extrinsèques en général ou les récompenses monétaires en particulier dans le cadre théorique psychologique de l'autodétermination - nous étudierons comment et dans quelles conditions les salariés internalisent et intègrent leur motivation extrinsèque et puis nous réexaminerons les effets des récompenses monétaires.

Section 1 : Les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort

Dans cette section, nous allons présenter non seulement les évidences expérimentales réalisées par les psychologues, mais également par les économistes, ainsi qu'un modèle économique, pour supporter l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque et de l'effort par les incitations extrinsèques, spécifiquement les incitations monétaires.

1- L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque

L'argument que nous évoquons ici considère que les incitations monétaires peuvent réduire la motivation intrinsèque à accomplir une activité [Deci et Ryan, 1985; Kreps, 1997], et donc nuire à l'effort. A partir de l'explication dans la section 2 du chapitre précédent, l'idée sous-jacente est que la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque sont chacun source d'effort mais que leur introduction simultanée est contreproductive, les incitations monétaires - et les incitations extrinsèques en général - exerçant un effet d'éviction (Crowding out effect) à l'encontre de la motivation intrinsèque [Deci et al., 1999a]. De plus, en psychologie expérimentale, l'effet négatif des récompenses monétaires sur la motivation intrinsèque est connu sous le vocable de coûts dissimulés ou coûts cachés de la récompense (Hidden cost of rewards).

Selon la théorie de l'évaluation cognitive [Deci et Ryan, 1985] précédemment étudiée, les incitations monétaires sont susceptibles de démotiver l'individu si elles sont perçues comme un moyen de contrôle puisqu'elles affectent alors négativement le besoin d'autonomie et le sentiment de compétence des salariés. Le sens de l'autodétermination des agents peut être altéré lorsque l'intervention des incitations monétaires est perçue comme une restriction de leur autonomie. De même, si cette intervention se traduit par un renforcement du contrôle, elle sera perçue comme une non reconnaissance de leur compétence et donc les incitations monétaires évincent la motivation intrinsèque des individus. En outre, le contrôle subi dans les entreprises sous la forme d'incitations financières est vécu par les salariés comme aliénant et déshumanisant [Etchart-Vincent, 2006]. Le modèle principal-agent84(*) proposé par James Jr. [2005] établit ainsi que la motivation intrinsèque est évincée par la rémunération extrinsèque lorsque cette dernière est perçue par l'agent comme un moyen de contrôle dans son activité.

Une autre approche intéressante est celle liée à la théorie de l'auto-perception (Self-perception). Les individus parfois ne connaissent pas parfaitement les raisons de leurs comportements, plus précisément dans quelle mesure les caractéristiques inhérentes à la tâche (motivation intrinsèque) déterminent leurs comportements [Fehr et Falk, 2002; Sliwka, 2003; Moussaoui, 2004]. Par conséquent, ils vont inférer les motifs de leurs comportements à partir des circonstances qui ont conduit à l'accomplissement de la tâche. Selon cette théorie, les individus ont tendance à attribuer les motifs de leurs actions aux stimuli les plus dominants. En l'absence d'incitations externes, notamment d'incitations monétaires, les individus attribueront leurs raisons d'agir aux caractéristiques inhérentes à la tâche. Si des incitations monétaires sont mises en oeuvre pour une activité, alors un individu conclut qu'il exécute cette activité en raison de ces incitations, en développant une désutilité de l'effort [Kreps, 1997; James Jr., 2005]. Ceci correspond à l'économie standard de motivation qui confirme que seules les incitations externes de type monétaire sont mises en avant, ce qui pousse les agents à croire que la raison d'accomplir une tâche revient à ce type d'incitation. Ainsi, la conception de la motivation de la personne pour le travail se trouve également modifiée. Par contre, si les incitations externes sont réduites ou arrêtées, les agents cesseront d'accomplir la tâche en question puisque la source commanditaire de l'action s'est déplacée de l'intérieur à l'extérieur.

Cependant, cet effet d'éviction n'est pas automatique [Moussaoui, 2004; Osterloh et Frey, 1999]. En effet, chaque intervention des incitations monétaires comporte deux aspects pour les individus : (i) l'aspect contrôleur qui renforce l'impression du contrôle externe et le sentiment d'être dirigé de l'extérieur ; (ii) l'aspect informateur sur l'appréciation par les autres, de leur compétence et leur performance, ce qui renforce leur sens de contrôle interne. Suivant que le premier aspect est dominant ou le second aspect qu'il l'est, la motivation intrinsèque est évincée ou renforcée.

Les résultats de méta-analyse de 128 expériences de Deci et al. [1999a; 1999b] indiquent que les récompenses tangibles tendent à avoir un effet essentiellement négatif sur la motivation intrinsèque. Même lorsque des récompenses tangibles sont offertes comme indicateurs de bonne performance, elles diminuent typiquement la motivation intrinsèque pour des activités intéressantes. En outre, quand les organisations optent pour l'utilisation des récompenses pour contrôler le comportement, les récompenses sont susceptibles d'être accompagnées par une plus grande surveillance, évaluation et compétition, qui se sont également avérées miner la motivation intrinsèque [Deci et Ryan, 1985]. Ce sapement est particulièrement vrai pour les compensations monétaires qui ont été perçues par les sujets d'expérience comme un moyen de contrôle et ont donc tendu à évincer la motivation intrinsèque [Osterloh et Frey, 1999]. Selon Deci et al. [1999a], l'effet d'éviction est plus fort avec les récompenses monétaires qu'avec les récompenses symboliques. Deci et al. [1999a] concluent également que l'effet d'éviction est également plus grand avec les récompenses attendues qu'avec les récompenses inattendues. De plus, pour eux, les récompenses inattendues et les récompenses non-contingentes à la tâche (Task-noncontingent rewards) n'ont pas un effet néfaste sur la motivation intrinsèque parce que les individus n'exécutent pas la tâche afin d'obtenir ces récompenses, ainsi ils ne se sentent pas contrôlés par ces récompenses. Ces auteurs indiquent également que les récompenses ne minent pas la motivation intrinsèque pour une activité qui n'est pas intrinsèquement motivante (c'est-à-dire, une tâche simple et inintéressante). Par conséquent, aucun effet d'éviction ne peut avoir lieu s'il n'y a aucune motivation intrinsèque en premier lieu [Osterloh et Frey, 1999]. Cette condition tient pour les tâches simples. Dans ce cas, selon ces auteurs, l'évidence empirique prouve que l'effet des prix augmente l'effort et la performance des individus. Lazear [2000] fournit un exemple empirique, dans une compagnie de pare-brise, que nous avons présenté dans la partie précédente ; les tâches d'installation de pare-brise sont considérées simples.

Bien que reconnue par les psychologues sociaux [Deci et Ryan, 1985], l'idée que « fournir des incitations extrinsèques pour des employés peut être contreproductif parce qu'il peut détruire la motivation intrinsèque de l'employé, ce qui conduit à diminuer le niveau d'effort et les bénéfices nets pour l'employeur » est juste un fait stylisé en économie85(*). Néanmoins, les économistes accumulent l'évidence pour cet effet, connu sous le nom de l'éviction de la motivation [Frey et Jegen, 2000]86(*). Ces auteurs ont expliqué l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque des salariés par le graphique ci-dessous.

Figure 8: L'interaction entre l'effet d'éviction et l'effet du prix87(*)

Effort

Récompense

S'

S

A

A"

A'

B

C

R

O

Cette figure illustre la relation entre la récompense monétaire et l'effort des individus. La courbe (S) représente l'offre de l'effort du travail basé sur l'effet relatif des prix. Si une récompense (R) est payée pour effectuer le travail, l'effet des prix augmente l'effort du travail de A à A'. Lorsqu'une certaine motivation intrinsèque du travail est assumée exister, la quantité d'effort du travail (OA) est assurée même si aucune compensation monétaire n'est payée. Si la motivation intrinsèque du travail est minée, la courbe d'offre du travail est décalée vers l'arrière à S'. Ainsi, une augmentation de la récompense de O à R conduit à déplacer l'effort du travail de point B à C. La figure est dessinée de telle manière que l'effet de motivation domine l'effet des prix : l'augmentation de la récompense réduit l'effort du travail de A à A"88(*). Cependant, les auteurs ajoutent que quand la motivation intrinsèque a été complètement évincée, une augmentation de la récompense accroît l'effort du travail (mouvement le long de S').

Gneezy et Rustichini [2000] dans son étude expérimentale corroborent la relation présentée sur la figure 8 au dessus. Ils ont constaté que les incitations monétaires plus élevées induisent un plus grand effort, et puis un rendement élevé. Mais ce rendement ou performance peut être inférieur(e) par rapport au cas de la nulle compensation, en raison de l'introduction de la compensation monétaire. En conséquence, les auteurs ont considéré que des agents sont motivés par des facteurs extrinsèques et intrinsèques et que l'introduction des incitations monétaires sape la motivation intrinsèque. Fehr et Gächter [2002] ont rapporté les résultats semblables d'une expérience dans laquelle un principal a offert un contrat aux agents pour fournir l'effort en échange du paiement. Dans certains contrats, le principal a offert seulement les salaires fixes. Les résultats confirment que des contrats incitatifs évincent la réciprocité ou la coopération volontaire qui peut être considérée comme un type spécial de motivation intrinsèque, c'est-à-dire que les contrats incitatifs, en moyenne, ont obtenu des niveaux d'effort plus bas des agents par rapport aux contrats de salaire fixe. Ils ont montré que le groupe d'individus à qui l'on a proposé des contrats basés sur des incitations explicites a fourni moins d'effort que le groupe d'individus pour qui l'on fait appel à la norme de réciprocité pour les inciter à produire les efforts désirés. Ce qu'il faut souligner au passage c'est que, malgré le fait que le recours à des incitations monétaires engendre un surplus total plus faible que celui obtenu par les incitations basées sur la réciprocité, les « principal » préfèrent le premier mécanisme incitatif, puisqu'ils ont la possibilité de s'approprier la plus grande part du surplus. Fehr et Falk [2002] soulignent également l'existence de motivations sociales non monétaires, comme le désir de réciprocité ou celui d'éviter la désapprobation sociale et le désir de travailler dans les tâches intéressantes, qui sont puissamment incitatives en soi et peuvent être détruites par les incitations monétaires.

Gächter et Falk [2000] étudient expérimentalement les effets pervers des contrats incitatifs explicites sur la réciprocité. Leur résultat prouve que les contrats incitatifs ont évincé la réciprocité89(*) et ont mené à un degré élevé de comportement opportuniste des individus. Ils voient ceci comme une évidence que l'introduction des incitations pécuniaires dans un rapport réciproque supporte des coûts cachés dans le sens où elle peut affaiblir des incitations totales pour la provision d'effort.

D'après Freeman [1997], le travail volontaire est une illustration typique de la motivation intrinsèque dans le sens où les individus accomplissent des tâches pour leur intérêt et non pas pour une récompense monétaire. Frey et Goette [1999] ont essayé de tester l'hypothèse de l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque en utilisant une approche économétrique. Ils utilisent un ensemble de données de Suisse pour évaluer comment les récompenses financières affectent l'effort des volontaires mis dans le travail volontaire. Leurs résultats montrent que, d'une part, la taille des incitations financières poussent les volontaires à fournir plus d'effort, et d'autre part, le fait d'être payé pour son volontariat baisse significativement le niveau d'effort fourni d'environ quatre heures en dessous de la moyenne. Par conséquent, les résultats de Frey et Goette sont en conformité avec l'évidence expérimentale en psychologie sociale, indiquant que les récompenses financières peuvent réduire la motivation intrinsèque et l'effort des individus pour une activité.

Une autre confirmation du désintérêt des employés pour une tâche lorsqu'elle est régulée par des incitations financières ou par du monitoring est le travail de Bewley [1995]. Celui-ci avait collecté 344 interviews avec 372 décideurs sur le marché du travail, car il y avait plus d'un répondant à certaines interviews. Cette interview a été faite de 1992 à 1994. Particulièrement, les praticiens semblent conscients des pièges possibles des arrangements de paiement à la performance. Ils se rendent compte que l'intervention externe via des incitations monétaires ne devrait pas être utilisée en tant que moyen de contrôle, car elle peut miner les réalités intrinsèques comme un moral ou la créativité du travail. Alors, Bewley ressort de cette étude que les employés ont plusieurs opportunités pour tricher et exploiter les employeurs. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas compter uniquement sur les incitations financières et la coercition pour les motiver. Il faut faire appel à d'autres moyens en renforcement dont l'effet est complémentaire. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que la nature de la tâche accomplie par un employé procure de la satisfaction (estime de soi, autonomie, reconnaissance de sa compétence, etc.) en dehors du revenu qui lui est associé. Par conséquent, des employés qui ne se sentent pas reconnus, qui ne peuvent pas prendre des initiatives ne donneront pas le meilleur d'eux-mêmes, même si l'on augmente les incitations financières et/ou l'on renforce les contrôles.

L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations monétaires est aussi confirmé par le résultat dans l'expérience du laboratoire d'Irlenbusch et Sliwka [2005]. Ils conçoivent une expérience pour explorer une nouvelle explication possible sur la question : pourquoi les incitations extrinsèques peuvent évincer l'effort ? Ils se sont intéressés en particulier par l'influence que l'arrangement de rémunération à la pièce peut avoir sur la perception cognitive des agents de la situation. En comparant les niveaux d'effort dans leurs deux traitements, ils trouvent un effet d'éviction étonnamment clair, c'est-à-dire que l'effort s'avère être considérablement inférieur dans le traitement où les incitations explicites sont introduites. Les bénéfices et le bien-être sont également plus élevés dans le cas où seulement des salaires fixes sont introduits. En outre, l'effort moyen et l'efficacité globale sont sensiblement plus élevés sous des salaires purement fixes si les agents n'ont pas antérieurement éprouvé le salaire variable. En revanche, une fois que des salaires à la pièce ont été éprouvés, il peut mener à de plus mauvais résultats (effort des individus inférieur) bien que le système de compensation ait été changé en salaires fixes dans la deuxième période. Ainsi, l'utilisation des salaires à la pièce change considérablement la perception des agents de la situation et évince leur motivation intrinsèque.

Selon James Jr. [2005], la clef pour comprendre l'éviction de la motivation se conçoit par un modèle dans lequel l'utilité d'un agent reflète (a) soit des facteurs extrinsèques et intrinsèques si les récompenses extrinsèques ne sont pas perçues comme un moyen de contrôle, (b) soit des facteurs extrinsèques seulement si les récompenses extrinsèques sont perçues comme un moyen de contrôle. Il y a beaucoup d'évidences en psychologie et en économie soutenant cet effet d'éviction. Les récompenses extrinsèques peuvent être perçues comme un moyen de contrôle dans deux conditions. La première condition est quand la taille de la récompense est grande. L'évidence empirique suggère également que la taille de récompense est négativement liée à la motivation intrinsèque. La raison est que les processus par lesquels un agent rationalise son comportement peut devenir ainsi accablé par le « salience » des récompenses extrinsèques qu'il est rationnellement obligé d'attribuer son comportement à la compensation plutôt qu'à ses préférences intrinsèques. Cette idée a été également reconnue par Kreps [1997] qui a dit que lorsque l'individu entreprend une tâche sans être soutenu par des incitations monétaires, il rationalise l'effort mis en oeuvre, ce dernier étant perçu comme le reflet du plaisir trouvé dans l'accomplissement de la tâche - ce plaisir stimulant à son tour l'effort. Mais si les incitations extrinsèques sont mises en place, alors l'individu attribue son effort aux seules incitations et développe une désutilité de l'effort. En d'autres termes, selon Deci et al. [1999b], les grandes récompenses peuvent contraindre un agent à reconnaître que le locus de la causalité est externe plutôt qu'interne, et ce qui est perçu comme un moyen de contrôle. Ceci minera le besoin inhérent de l'agent de l'autonomie, et par conséquent, ne fournit aucune satisfaction intrinsèque pour s'engager dans le comportement contrôlé.

La deuxième condition est que l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est également la source des récompenses. Par exemple, si un agent est initialement intrinsèquement motivé à agir dans l'intérêt d'un principal qui paye également les salaires aux ouvriers, alors l'introduction des incitations par le principal pourrait être perçue par l'agent comme tentative de manipulation. Cette perception minera le besoin de l'agent de l'autonomie, ce qui entraîne un effet d'éviction de la motivation. Cependant, si l'agent est motivé par les normes généralisées comme « provide an honest day's work for an honest day's pay » qui par la nature sont externes aux intérêts plus étroits du principal, alors les incitations extrinsèques présentées par le principal ne pourrait pas être perçu comme un moyen de contrôle mais plutôt comme affirmation de la compétence. Ainsi, cela va supporter plutôt qu'évincer la motivation intrinsèque des agents.

Dans ce qui suit, nous allons montrer, en empruntant les travaux de James Jr. [2005], un simple modèle principal-agent dont l'objectif est de démontrer comment la taille de la compensation monétaire et l'objet sur lequel la motivation intrinsèque de l'agent est placée interagissent afin d'induire un agent, maximisant l'utilité comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques, à se comporter comme si la motivation intrinsèque est évincée.

2- Le modèle principal-agent avec la motivation intrinsèque90(*)

Initialement, on suppose que l'objet de la motivation intrinsèque de l'agent est également la source de sa compensation, c'est-à-dire que l'agent est intrinsèquement motivé à produire des bénéfices pour le principal. Ce modèle est utilisé pour montrer comment l'introduction des incitations monétaires peut entraîner une réduction discontinue d'effort des salariés si les incitations explicites minent leur motivation intrinsèque. Mais ce modèle permet aussi de montrer l'importance de la taille de la compensation incitative afin de comprendre pourquoi un agent intrinsèquement motivé à agir dans l'intérêt d'un principal se comporte comme s'il est motivé par des facteurs extrinsèques seulement. Le modèle est ensuite révisé pour refléter la motivation intrinsèque d'un agent qui est attachée à une norme généralisée du comportement plutôt qu'aux intérêts d'un principal. Cette révision illustre pourquoi l'objet auquel la motivation intrinsèque est attachée est important pour comprendre pourquoi l'éviction de la motivation a lieu.

Les incitations extrinsèques et la réduction discontinue de l'effort

Comment expliquons-nous l'évidence que l'introduction d'incitations a pour résultat une réduction discontinue d'effort des salariés?

Pour répondre à cette question, on exige un modèle de l'utilité qui contient des sources extrinsèques et intrinsèques d'utilité. Alors, dans ce modèle, l'utilité d'un agent incorpore les éléments extrinsèques et intrinsèques. Supposons qu'un principal emploie un agent à offrir un effort e en échange de la compensation, w. Si p est le revenu produit par unité d'effort, alors les bénéfices du principal sont de pe - w.

Si la désutilité d'effort du travailleur est e2, alors son utilité extrinsèque est de w - e2. D'une manière optimale, le travailleur devrait fournir l'effort91(*) e* = p/2, qui maximise le bien-être social (les bénéfices plus l'utilité).

Ainsi, l'agent choisit l'effort e pour maximiser la fonction suivante comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques:

U = + re - e2 + Iäs (1)

La motivation extrinsèque de l'agent est + re - e2, qui se compose de salaire fixe, le paiement incitatif r, net de coût d'effort e2. Iäs représente la motivation intrinsèque de l'agent. La variable I est un indicateur de la présence ou de l'absence de la motivation intrinsèque de l'agent. On suppose que I = 1 si l'agent est intrinsèquement motivé et I = 0 si cette motivation intrinsèque est évincée. Le paramètre ä représente une intensité de la motivation intrinsèque de l'agent pour un certain objet s, où un agent avec un haut ä aura une motivation plus forte vers s qu'un agent avec un bas ä.

Pour la simplicité, supposons que p > r (de sorte que les incitations soient marginalement profitables au principal) et ä > 0 (de sorte que l'agent soit motivé pour être productif plutôt que destructif). D'ailleurs, le cadre de ce modèle est divisé en deux périodes :

Dans la première période, le principal offre un contrat d'emploi à un agent aléatoirement tiré de la population se composant des travailleurs dont le salaire de réservation est zéro et qui sont identiques pour leurs capacités, mais sont différents pour la taille de ä définissant la force de la motivation intrinsèque qu'ils se sentent; les agents avec äs plus élevé sont plus intrinsèquement motivés que des agents avec äs inférieur, toutes choses égales par ailleurs. En outre, supposons que le niveau du ä est une information privée et non bien informé du principal à n'importe quel coût. Enfin, supposons que ä, l'intensité de la motivation intrinsèque de l'agent est fixe parce que la question d'intérêt est seulement si l'agent se comporte comme si intrinsèquement motivé, i.e. si I = 1 ou I = 0, et non comment il est intrinsèquement motivé, i.e. si ä est grand ou petit. Le contrat offert à l'agent se compose d'un salaire fixe, et de taux incitatif, r = 0, en échange de l'effort e choisi par l'agent.

Dans la deuxième période, l'agent fait le choix d'effort et le principal compense l'agent, qui se produit simultanément.

Initialement, nous supposons que l'objet de la motivation intrinsèque de l'agent est le principal. Autrement dit, l'agent est motivé à produire des bénéfices pour le principal pour que s = pe - (+ re) ou s = pe - - re. Nous assumons également que le principal est intéressé à assurer des bénéfices maximisés. Alors, l'équation (1) devient:

U = + re - e2 + Iä(pe - - re) (2)

En maximisant la fonction d'utilité de l'agent (2) avec le respect à l'effort e, on obtient son choix optimal de l'effort ê92(*) :

(3a)

Considérons maintenant deux scénarios stylisés différents.

En premier lieu, l'agent se voit offrir seulement des salaires fixes pour la participation, mais il est également intrinsèquement motivé à offrir l'effort. Dans ce cas, r = 0 et I = 1 de sorte que l'agent assure l'effort ê = äp/2 = ê1.

En second lieu, l'agent se voit offrir des salaires fixes et une incitation r pour l'effort mais il n'a aucune motivation intrinsèque pour fournir l'effort au delà de ce que l'incitation offre. Dans ce cas, r >0 and I = 0 de sorte que l'agent assure l'effort ê = r/2 = ê2. Notons que dans ce deuxième cas, l'effort augmente à mesure que le salaire à la pièce augmente.

Ces deux scénarios se conforment à la stylisation de problème d'éviction de la motivation dans la littérature parce que les ouvriers sont souvent intrinsèquement motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (r = 0 et I = 1) mais ne sont pas intrinsèquement motivés quand des incitations sont offertes (r > 0 et I = 0). On peut résumer le choix d'effort de l'agent dans chaque scenario.

(3b)

Selon une évidence expérimentale, l'effort fourni dans le cadre d'un contrat de salaire fixe avec un agent intrinsèquement motivé sera souvent égal à ou excèdera l'effort assuré par un agent non intrinsèquement motivé une fois qu'il est contrôlé par un contrat incitatif (ê1 = ê2)93(*). ä = r/p suggère que la motivation intrinsèque de l'agent doit être suffisamment forte. Si les incitations sont, par la suite, introduites et minent la motivation intrinsèque de l'agent (I = 0), alors le choix d'effort de l'agent diminue de manière discontinue de ê1 à ê2. Ensuite, l'augmentation des salaires à la pièce a pour conséquence un effort accru, c'est-à-dire, à mesure que r augmente, ê2 augmente sans interruption94(*). Cela est illustré dans la figure 9.

Figure 9 : L'effet des incitations monétaires sur l'effort

ä > r/p

ä < r/p

0

ê1 = äp/2

Effort, e

Salaire aux pièces, r

ê2 = r/2

L'éviction de la motivation quand l'objet est orienté vers un principal

Pourquoi les incitations positives (r > 0) peuvent-elles être associées avec les agents se comportant comme si la motivation intrinsèque est évincée (I = 0)? Afin de comprendre pourquoi un agent avec l'utilité comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques choisissent l'effort comme si la motivation intrinsèque ont été minée, nous devons examiner l'utilité de l'agent quand I = 0 (la motivation intrinsèque évincée) et I = 1 (la motivation intrinsèque positive) sous les deux cas de r = 0 (aucune compensation incitative) et r > 0 (la compensation incitative positive).

a- Cas n° 1: r = 0 et I = 0

D'abord, considérons le cas dans lequel aucune compensation incitative n'est offerte (r = 0). Si la motivation intrinsèque de l'agent est sapée (I = 0), alors son utilité sera95(*):

U (ê|r = 0, I = 0) = (4a)

Comme r = 0 et I = 0, par l'équation (3a), l'agent va offrir l'effort ê = 0.

b- Cas n° 2: r = 0 et I = 1

Si l'agent est intrinsèquement motivé au moment où aucune compensation incitative n'est offerte, son utilité sera96(*) :

U (ê|r = 0, I = 1) = (ä2p2 - 4 ä + 4)/4 (4b)

Cela correspond à l'effort choisi par l'agent de ê1 = äp/2 (voir l'équation (3b)). L'agent aura une plus grande utilité quand intrinsèquement motivé, c'est-à-dire quand l'équation (4b) n'est pas moins que (4a), ou quand97(*):

ä = 4/p2 = äSF (5)

L'équation (5) définit le seuil déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement motivé pour fournir l'effort pour un principal quand on lui offre seulement un contrat du salaire fixe (SF), i.e. quand r = 0. Quand ä ? äSF, ou quand la motivation intrinsèque d'un agent à agir dans l'intérêt du principal est relativement élevé, alors il aura une utilité plus élevée que lorsqu'intrinsèquement motivé. Cependant, quand ä < äSF, ou quand la motivation intrinsèque de l'agent est relativement faible, alors il aura une utilité plus élevée en choisissant l'effort comme si non intrinsèquement motivé, i.e. I = 0 ; c'est-à-dire que la motivation intrinsèque est minée. Nous observons que le seuil äSF augmente en fonction du montant du salaire fixe, mais diminue avec une augmentation du revenu produit par unité d'effort. En d'autres termes, toutes choses égales par ailleurs, plus le salaire fixe offert à l'agent est grand, plus la motivation intrinsèque innée de l'agent devrait être élevée afin de l'induire à fournir l'effort.

Par conséquent, lorsqu'un salaire fixe est offert mais sans compensation incitative, la plupart des individus semblent être disposés à travailler comme si intrinsèquement motivé (I = 1), en suggérant que ä = äSF avec l'effort correspondant au ê1.

c- Cas n° 3: r > 0 et I = 0

Maintenant, nous considérons le troisième cas dans lequel la compensation incitative est offerte (r > 0). Si la motivation intrinsèque de l'agent est évincée (I = 0), alors son utilité sera98(*) :

U (ê|r >0, I = 0) = (r2 + 4)/4 (6a)

Dans ce cas, l'agent va choisir l'effort ê2 = r/2.

d- Cas n° 4: r > 0 et I = 1

Si la compensation monétaire incitative est introduite (r > 0) et l'agent est intrinsèquement motivé (I = 1), son utilité sera99(*) :

U (ê|r >0, I = 1) = [ä2(p - r)2 + 2ä(pr - r2 - 2) + r2+ 4]/4 (6b)

Dans ce cas, le niveau d'effort choisi par l'agent est de . L'agent, quand intrinsèquement motivé, aura une plus grande utilité quand l'équation (6b) n'est pas moins que (6a), ou quand100(*) :

ä = [4- 2r(p - r)]/(p - r)2 = äCI (7)

Cette équation définit le seuil déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement motivé quand on lui offre un contrat de la compensation incitative (CI) (r > 0). Si ä = äCI, ou si la motivation intrinsèque innée de l'agent vers le principal est suffisamment forte, puis même lorsque la compensation incitative est offerte, il sera plus utile pour l'agent d'être intrinsèquement motivé en choisissant le niveau de l'effort à offrir pour le principal. Si, cependant, la motivation intrinsèque innée de l'agent est trop faible dans le sens où ä < äCI, alors l'agent aura une faible satisfaction lorsque sa motivation intrinsèque est sapée puisqu'il choisit l'effort en se basant seulement sur la taille de l'incitation extrinsèque, r. En effet, la compensation incitative a pour conséquence une désactivation rationnelle de la motivation intrinsèque de l'agent. Comme dans le cas où aucune compensation incitative n'est offerte, le seuil äCI a une corrélation positive avec le montant du salaire fixe.

En conséquence, l'évidence expérimentale suggère que les agents se comportent généralement comme si intrinsèquement motivé quand un salaire fixe est offert mais aucune compensation incitative n'est offerte (quand ä = äSF). Dans ce cas, l'agent choisit le niveau d'effort à ê1 = äp/2. L'évidence expérimentale suggère également que quand les travailleurs sont offerts la compensation incitative, beaucoup de ceux qui étaient déjà intrinsèquement motivés quand aucune incitation monétaire n'a été payée par la suite agissent comme s'ils ne sont pas intrinsèquement motivés, en suggérant ä < äCI plutôt que ä = äCI.

Pourquoi l'introduction de la compensation incitative impliquerait-elle que l'effort soit observé dans le cas n° 3 et non dans le cas n° 4 ? Pourquoi l'introduction d'une incitation impliquerait-elle que ä < äCI plutôt que ä = äCI?

Pour répondre à ces questions, nous devons déterminer si et quand il est possible que äSF = ä < äCI. Cette expression est vraie lorsque 4/p2 < [4- 2r (p - r)]/ (p - r)2, ou lorsque:

r > [p (p2 - 4)]/ (p2 - 2) = (8)

Cette équation démontre que si le taux incitatif offert par le principal est trop élevé, certains agents intrinsèquement motivés à fournir l'effort en l'absence de la compensation incitative (i.e., avec ä = äSF) ne le seraient plus lorsque la compensation incitative est offerte (i.e., ä < äCI). Autrement dit, leur motivation intrinsèque serait évincée par les incitations extrinsèques. En revanche, si r = , alors äSF = äCI. Par conséquent, les agents qui seraient intrinsèquement motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (ä = äSF) le seraient également quand les incitations sont offertes, car le ä = äSF et äSF = äCI implique ä > äCI dans ce cas. En d'autres termes, pour certains agents, la question du pourquoi l'introduction des compensations extrinsèques mine la motivation intrinsèque, ce qui a donc pour résultat un niveau d'effort plus bas, dépend en partie de la taille de la compensation incitative offerte.

Comme expliqué ci-dessus, une raison pour laquelle les grandes récompenses sapent la motivation intrinsèque est qu'elles peuvent être perçues par les agents comme un moyen de contrôle et donc elles ne fournissent aucune satisfaction intrinsèque à l'agent. Dans ce cas, le comportement de l'agent refléterait probablement la satisfaction extrinsèque seulement.

L'auteur James Jr. continue à prouver que même les petites incitations monétaires induisent les agents à se comporter comme si non intrinsèquement motivés en relation avec l'estimation de la valeur de l'effort réalisé par l'agent aux yeux du pincipal, la taille du salaire fixe, l'intensité de motivation intrinsèque innée de l'agent et d'autres facteurs. Il observe encore que diminue dans le montant des salaires fixes, car:

2p3 / (p2 - 2)2 < 0 (9)

Par conséquent, quand on paie aux agents les salaires fixes très grands, où même lorsqu'ils bénéficient d'incitations monétaires modestes, il se produit inévitablement un effet d'éviction de la motivation.

D'ailleurs, l'auteur continue à démontrer que quand l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est une norme sociale généralisée, comme « provide an honest day's work for an honest day's pay » ou « honor your contractual obligations », les agents croient qu'ils devraient fournir au moins un certain niveau d'effort lorsqu'ils sont employés par le principal. Dans ce cas, le niveau de la motivation intrinsèque innée nécessaire à induire la motivation intrinsèque lorsque les incitations sont offertes sera toujours inférieur au niveau requis quand seule la compensation fixe est offerte (äCI < äSF). Ainsi, si l'agent est déjà intrinsèquement motivé à travailler lorsqu'il n'y a pas d'incitations extrinsèques, alors la motivation intrinsèque ne serait pas évincée quand la compensation incitative est offerte.

En conséquence, ce modèle illustre comment et pourquoi l'introduction des incitations monétaires peut avoir pour effet l'éviction de la motivation intrinsèque des travailleurs. Le modèle utilise des perspicacités de théorie de l'évaluation cognitive qui établit pour principe que les événements perçus en tant que moyen de contrôle induisent des agents à ne pas être intrinsèquement motivés puisque le comportement contrôlé ne fournit pas la satisfaction intrinsèque. Le modèle prouve que deux facteurs sont importants pour comprendre comment un agent pourrait percevoir l'introduction d'une incitation explicite comme moyen de contrôle : l'objet auquel la motivation intrinsèque est attachée et la taille de la compensation incitative et fixe.

Bonner et Sprinkle [2002] soutiennent également que, sur un plan théorique, des incitations monétaires élevées ne sont pas nécessairement plus efficaces. En effet, la perspective d'une richesse accrue peut dissuader l'effort au lieu de le stimuler et, si l'individu souffre d'un manque d'estime de soi, le sentiment de ne pas arriver à atteindre le niveau de performance requis peut définitivement le décourager.

L'argument dans cette section est vraiment contraire à celui dans la partie précédente. Dans la partie 1, les économistes ont émis un argument de taille soutenus par des preuves empiriques que les incitations monétaires influencent positivement l'effort des salariés. Mais les chercheurs dans cette section, s'appuyant sur des études expérimentales des psychologues et des économistes, clament le contraire, c'est-à-dire que les incitations monétaires nuisent à la motivation intrinsèques des salariés et donc à leur effort. Les psychologues reconnaissent aussi que les incitations monétaires peuvent booster la motivation intrinsèque et aussi l'effort des salariés si elles ne sont pas perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle, i.e., si elles incitent en eux un sentiment de compétence et d'autodétermination.

Cependant, la recherche récente sur la motivation intrinsèque indique que bien que la motivation intrinsèque et extrinsèque aient été initialement conçues comme dichotomie, beaucoup de chercheurs, actuellement, ne tiennent plus compte de cette notion [Kunz et Pfaff, 2002]. Plusieurs études ont prouvé que les récompenses extrinsèques augmentent la motivation intrinsèque [Ryan, 1982; Ryan et al., 1983]. Par conséquent, il est apparu de plus en plus clairement que les récompenses extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais plutôt peuvent jouer un rôle complémentaire à la motivation intrinsèque.

Gagné et Deci [2005] exposent certains problèmes de la théorie de l'évaluation cognitive. Premièrement, la plupart des études qui ont testé cette théorie étaient des expériences de laboratoire plutôt que des études d'organisation. Deuxièmement, il était difficile d'incorporer des propositions de la théorie de l'évaluation cognitive aux approches répandues comportementales et d'attente-valence. Troisièmement, de nombreuses activités dans les organisations du travail ne sont pas intrinsèquement intéressantes et l'utilisation des stratégies telles que la participation à l'augmentation de la motivation intrinsèque n'est pas toujours réalisable. Quatrièmement, la plupart des personnes qui travaillent doivent gagner de l'argent, ainsi utiliser les récompenses monétaires101(*) comme une stratégie de motivation centrale semble pratique et attrayante. Cinquièmement, la théorie de l'évaluation cognitive a semblé impliquer que les managers et les théoriciens de management devraient se concentrer sur l'un ou l'autre - c'est-à-dire, soit sur une augmentation de la motivation intrinsèque par la participation et l'empowerment 102(*) en minimisant l'utilisation des facteurs extrinsèques, soit sur l'utilisation des récompenses et d'autres contingences extrinsèques pour maximiser la motivation extrinsèque en ignorant l'importance de la motivation intrinsèque.

Par conséquent, Deci et ses collègues se sont clairement dissociés de l'ancienne dichotomie fallacieuse de la motivation intrinsèque et extrinsèque [Kunz et Pfaff, 2002]. Ils ont présenté une analyse différenciée de la motivation extrinsèque en utilisant les concepts de l'internalisation, qui adresse directement les critiques formulées ci-dessus au sujet de la théorie de l'évaluation cognitive. Dans leur concept, ils supposent que les individus tendent à internaliser et intégrer les régulations du comportement extrinsèquement motivé afin de faire face efficacement à leur monde social. Par conséquent, la dichotomie traditionnelle est remplacée par une conceptualisation de la motivation extrinsèque comme un continuum d'internalisation et d'intégration. Cela correspond à la théorie de l'autodétermination qui incorpore la théorie de l'évaluation cognitive, mais elle est beaucoup plus large que cette dernière dans la portée.

Dans la section suivante, nous allons donc aborder une analyse de l'autorégulation qui explique comment les gens incluent des valeurs sociales et des contingences extrinsèques et progressivement les transforment en valeurs personnelles et auto-motivations. Dans la discussion, nous exposerons sommairement les différentes formes de motivation internalisée, en adressant leurs corrélations comportementales et d'expériences et les conditions qui sont susceptibles de favoriser ces différentes motivations et également en réexaminant les effets des incitations monétaires.

Section 2 : La nouvelle perspective de l'interaction entre les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque

La théorie de l'autodétermination a fortement évolué au cours des 30 dernières années de recherche psychologique faite par Deci, Ryan et leurs collaborateurs de partout dans le monde. La théorie de l'autodétermination est une approche de la motivation humaine et de la personnalité qui utilise des méthodes empiriques traditionnelles en se basant sur une métathéorie organismique qui accentue l'importance des ressources intérieures évoluées des humains pour le développement de la personnalité et l'autorégulation comportementale [Ryan et Deci, 2000a].

Si le besoin d'autodétermination est vraiment une base importante de la motivation intrinsèque, on s'attendrait à ce que des individus soient plus intrinsèquement motivés envers les activités dans lesquelles ils ont une plus grande autodétermination. Cette supposition est largement acceptée [Zuckerman et al., 1978]. Les concepts liés à l'autodétermination ont été vigoureusement recherchés et discutés dans la littérature d'organisation depuis longtemps. En psychologie de l'organisation, par exemple, les secteurs du management participatif et de l'enrichissement au travail se sont fondés solidement sur l'hypothèse qu'une plus grande autodétermination conduit à des niveaux de motivation plus élevés et à une meilleure performance103(*).

La théorie de l'autodétermination distingue l'amotivation (i.e., le manque de motivation) de la motivation. L'amotivation implique un manque d'intention d'agir tandis que la motivation implique une intention d'agir. Lorsque les individus sont amotivés, ils n'agissent pas ou sans intention - ils passent juste par les mouvements. L'amotivation résulte de la non évaluation d'une activité, du sentiment d'incompétence ou de ne pas s'attendre à ce qu'il rapporte des résultats désirés [Ryan et Deci, 2000a]. Selon cette théorie, les individus deviennent vraisemblablement des êtres amotivés quand ils manquent d'un sens d'efficacité ou d'un sens de contrôle, en ce qui concerne le résultat désiré - c'est-à-dire, quand ils ne peuvent pas adopter le comportement adéquat. Dans la figure 10, l'amotivation est indiquée au bout du continuum. Toutes les formes de la régulation extrinsèque, même la plus contrôlée, impliquent l'intention et la motivation. Mais, l'amotivation se tient à l'opposé de la motivation intrinsèque et extrinsèque, parce qu'elle représente le manque des deux types de motivation ainsi qu'un manque complet d'autodétermination concernant le comportement de cible.

Dans la motivation, élément central à la théorie de l'autodétermination est la distinction entre la motivation autonome et la motivation contrôlée [Gagné et Deci, 2005] (Voir Figure 10).

Figure 10: Le continuum de l'autodétermination

Extrinsic Motivation

Intrinsic Motivation

Integrated Regulation

External Regulation

Introjected Regulation

Identified Regulation

Amotivation

Contingencies of reward and punishment

Moderately Controlled Motivation

Moderately Autonomous Motivation

Autonomous Motivation

Inherently Autonomous Motivation

Interest, enjoyment and inherent satisfaction of the task

Importance of goals, values, and regulations

Coherence among goals, values, and regulations

Self-worth contingent on performance; ego-involvement

Controlled Motivation

Absence of intentional regulation

Lack of Motivation

Non-Regulation

Intrinsic Regulation

Nonself-Determined Self-Determined

(Gagné et Deci [2005], p. 336 et Ryan et Deci [2000a], p. 72)

L'autonomie implique le fait d'agir avec un sens de la volonté et une sensation de choix. La motivation intrinsèque est un exemple de la motivation autonome. Quand les individus s'engagent dans une activité parce qu'ils la trouvent intéressante, ils l'exécutent de manière complètement volitive. Au contraire, le fait d'être contrôlé implique le fait d'agir avec un sentiment de pression, un sentiment de devoir s'engager dans les actions. L'utilisation des récompenses extrinsèques dans les premières expériences a eu pour conséquence l'introduction de la motivation contrôlée [Deci, 1971]. La théorie de l'autodétermination démontre que les motivations autonomes et contrôlées diffèrent en termes de leurs processus régulateurs fondamentaux et de leurs expériences d'accompagnement, et elle suggère que les comportements peuvent être caractérisés en termes de degré (autonomes versus contrôlés).

Selon Deci et Ryan [2000], la théorie de l'autodétermination, avec sa métathéorie dialectique organismique, propose que, comme pour la motivation intrinsèque, l'internalisation est un processus actif et naturel dans lequel les individus essayent de transformer les moeurs ou les demandes socialement sanctionnés en valeurs et autorégulations personnellement approuvées. C'est un moyen par lequel les individus assimilent et reconstituent autrefois des régulations externes, les individus peuvent être donc autodéterminés en les décrétant. Lorsque le processus d'internalisation fonctionne de façon optimale, les individus identifieront avec importance des régulations sociales, les assimileront et donc les accepteront entièrement comme propres à eux mêmes.

A la droite du continuum dans le schéma 10, la motivation est fortement autonome et représente un exemple prototypique de l'autodétermination. Les comportements extrinsèquement motivés, en revanche, couvrent le continuum entre l'amotivation et la motivation intrinsèque, en changeant dans le point dans lequel leur régulation est autonome. Alors, nous considérons chacun des types de régulation ci-dessous.

1- L'internalisation de la motivation extrinsèque

1-1- La régulation externe

Les activités qui ne sont pas intéressantes (c'est-à-dire, qui ne sont pas intrinsèquement motivantes) exigent la motivation extrinsèque; leur établissement initial dépend donc de la perception d'une contingence entre le comportement et une conséquence désirée telle que l'approbation implicite ou les récompenses tangibles. Dans la théorie de l'autodétermination, les comportements extrinsèquement motivés qui sont les moins autonomes sont considérés comme extérieurement régulés - c'est-à-dire, initiés et maintenus par des contingences externes à l'individu. Ceci est le type classique de la motivation extrinsèque qui a été intensivement examinée et avérée à miner la motivation intrinsèque dans les anciennes études de laboratoire et sur le terrain [Deci et al., 1999a], et aussi est un prototype de la motivation contrôlée [Gagné et Deci, 2005]. Une fois extérieurement régulés, les individus agissent avec une intention d'obtenir une conséquence désirée ou d'éviter une conséquence non désirée, ils activent dans l'action seulement quand l'action est instrumentale à ces extrémités.

D'autres types de la motivation extrinsèque résultent d'une régulation comportementale et de la valeur associée qui ont été internalisées. Encore une fois, l'internalisation est le processus dans lequel les individus incluent (take in) les valeurs, les attitudes ou les structures régulatrices, telles que la régulation externe d'un comportement transformée en régulation interne.

1-2- La régulation introjectée

Un deuxième type de motivation extrinsèque est marqué la régulation introjectée. C'est une régulation qui a été incluse par l'individu, mais qui n'a pas été proprement acceptée [Deci et al., 1994; Ryan et Deci, 2000a; Gagné et Deci, 2005]. La régulation introjectée est particulièrement intéressante parce que la régulation est à l'intérieure de la personne mais elle est une forme relativement contrôlée de la motivation extrinsèque internalisée (par exemple, je travaille parce que cela me fait me sentir comme une digne personne). Les exemples de régulation introjecté incluent l'amour-propre contingent qui fait pression sur les individus à agir afin de se sentir dignes, et l'ego involvement qui fait pression sur les individus à agir pour démontrer des capacités [Ryan, 1982]. Bien qu'intérieurement conduits, les comportements introjectés ont toujours un locus perçu externe de la causalité et ne sont pas vraiment ressentis comme un élément de soi. Puisque les régulations introjectées n'ont pas été assimilées à soi, les comportements résultants ne sont pas autodéterminés. Ainsi, dans certaines études, la régulation externe (étant inter-personnellement contrôlée) et la régulation introjectée (étant intra-personnellement contrôlée) ont été combinées pour former un composé de la motivation contrôlée [Ryan et Deci, 2000a].

1-3- La régulation par identification

Une forme plus autonome ou autodéterminée de la motivation extrinsèque est la régulation par identification. Cette régulation est un processus par lequel les individus identifient et acceptent la valeur fondamentale d'un comportement. En identifiant la valeur d'un comportement, les individus ont plus internalisé sa régulation; ils l'ont plus acceptée comme leurs propres [Deci et Ryan, 2000]. Par conséquent, avec la régulation identifiée, les individus ressentent une plus grande liberté et volonté parce que le comportement est plus conforme à leurs buts et identités personnels. Ils perçoivent la cause de leurs comportements comme un locus perçu interne de la causalité - c'est-à-dire, le reflet un aspect d'eux-mêmes [Gagné et Deci, 2005]. Par exemple, si les infirmières évaluent fortement le confort et la santé de leurs patients et comprennent l'importance de faire leur part de tâches désagréables pour le bien-être de leurs patients, les infirmières se sentiraient relativement autonomes tout en exécutant de telles tâches (par exemple, laver des patients), même si les activités ne sont pas intrinsèquement intéressantes. Dans ce cas, l'internalisation est plus complète qu'avec l'introjection, et le comportement serait plus devenu une partie de leur identité. Le comportement résultant serait plus autonome, bien qu'il serait toujours extrinsèquement motivé (parce que le comportement est toujours instrumental). On s'attend à ce que les régulations basées sur les identifications soient mieux maintenues et associées à un engagement et à une performance plus élevés.

1-4- La régulation intégrée

La forme la plus autonome de motivation extrinsèque est la régulation intégrée. L'intégration se produit quand les régulations identifiées sont entièrement assimilées à soi. Cela signifie que les individus les évaluent et les acceptent complètement en conformité avec les autres aspects de leurs valeurs et leurs besoins. Par exemple, si la régulation est intégrée, les infirmières accorderont non seulement de l'importance aux activités liées au confort et à la santé de leurs patients, mais la régulation sera également intégrée dans d'autres aspects de leurs tâches et de leurs vies. La régulation intégrée est théorisée pour représenter la forme la plus avancée de motivation extrinsèque, et elle partage certaines qualités avec l'autre type de motivation autonome, à savoir la motivation intrinsèque, bien que les activités soient encore considérées extrinsèques parce qu'elles sont exécutées pour atteindre des résultats pour des buts personnels plutôt que pour leur plaisir inhérent [Ryan et Deci, 2000a ; Gagné et Deci, 2005]. Dans certaines études, les formes identifiées, intégrées et intrinsèques de régulation ont été combinées pour former un composé de la motivation autonome [Ryan et Deci, 2000a].

Lorsque les individus internalisent des régulations et les assimilent à soi, ils éprouvent une plus grande autonomie dans l'action. Cependant, il est important de remarquer que même si ce processus se déroule par étapes, avec le temps, les auteurs comme Ryan et Deci [2000a] et Gagné et Deci [2005] ne suggèrent pas que les individus doivent passer constamment par ces étapes, surtout en ce qui concerne les comportements particuliers. Ils peuvent plutôt relativement et aisément internaliser une nouvelle régulation comportementale à un point quelconque le long de ce continuum selon des expériences antérieures et des facteurs situationnels courants.

En résumé, la théorie de l'autodétermination établit un continuum d'autodétermination. Il s'étend de l'amotivation, qui exprime un manque complet d'autodétermination, à la motivation intrinsèque, qui est autodéterminée. Entre l'amotivation et la motivation intrinsèque, le long de ce continuum descriptif, il y a quatre types de motivation extrinsèque, avec la régulation externe (la moins autodéterminée), le type le plus contrôlé de la motivation extrinsèque, et introjectée, identifiée, et intégrée étant progressivement plus autodéterminée.

Après avoir étudié le processus d'internalisation de la motivation extrinsèque, nous pourrions nous poser une question : comment peut-on faciliter cette internalisation dans une organisation du travail ? Ainsi, dans ce qui suit, nous allons répondre à cette question et aussi réexaminer les effets des récompenses monétaires sur la motivation intrinsèque et l'effort des salariés dans ces conditions.

2- La facilitation d'internalisation de la motivation extrinsèque

Etant donné la signification de l'internalisation pour une expérience personnelle et les résultats comportementaux, la question cruciale est à savoir comment favoriser la régulation autonome pour des comportements extrinsèquement motivés.

Beaucoup d'études indiquent que la motivation autonome (i.e., la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque intégrée) maximise la performance heuristique, la confiance, l'engagement, la satisfaction et le bien-être [Gagné et Deci, 2005]. La recherche de ces auteurs suggère que la motivation autonome au travail est facilitée par les environnements dans lesquels les tâches sont intéressantes, stimulantes et permettent le choix, et dans lesquels le climat de travail est support d'autonomie (autonomy supportive), ainsi que par des employés ayant un degré élevé sur l'échelle d'orientation autonome de causalité. En se basant sur de nombreuses études passées en revue en ceci, il semble probable que plusieurs des facteurs qui sont la cause de l'augmentation de motivation intrinsèque faciliteraient également une internalisation de la motivation extrinsèque. En effet, ces facteurs facilitent la satisfaction des besoins de compétence et d'autonomie qui ont régulièrement été désignées comme vitales pour la motivation extrinsèque intégrée ainsi que pour la motivation intrinsèque.

Plusieurs théoriciens de management ont émis la suggestion que les postes de travail horizontalement et verticalement élargis peuvent rendre le travail plus intéressant et stimulant, ce qui, alternativement, devrait mener à une motivation intrinsèque élevée [Lawler et Hall, 1970]. Cependant, tous les deux (c'est-à-dire, l'élargissement horizontal et vertical du travail) devraient également donner une importance du travail qui est cruciale pour internaliser la motivation extrinsèque. Les tâches horizontalement élargies donnent aux employés une dimension plus profonde à leur travail parce que ces derniers peuvent voir comment les diverses parties des tâches adaptées se réunissent ensemble dans une unité significative. De plus, l'élargissement vertical, qui confère aux individus une plus grande voix quant à leurs commentaires et à leurs doléances, donne également une importance à leurs efforts. Ainsi, parce que l'importance plutôt que l'intérêt est une base pour la motivation extrinsèque autonome, l'élargissement des tâches peut augmenter les deux types de motivation autonome et la dépense d'effort. La motivation extrinsèque bien-internalisée semble favoriser une performance élevée pour les aspects du travail qui ne sont pas intéressants.

Les climats de travail qui supportent l'autonomie sont ceux dans lesquels les managers peuvent offrir des perspectives aux employés, fournir un plus grand choix et encourager l'auto-initiation [Gagné et Deci, 2005]. Une preuve suggère que cela favorise la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque autonome. Trois facteurs additionnels de climat du travail sont cités pour faciliter l'internalisation. Premièrement, parce que l'internalisation implique le fait d'inclure une valeur, une limite, une contingence ou une régulation, il doit y avoir certains moyens, implicites ou explicites, par lesquels la structure ou la valeur à internaliser est présentée dans les situations. Deci et al. [1994] ont constaté que fournir un raisonnement significatif (meaningful rationale) pour un comportement inintéressant avec les supports d'autonomie et de relatedness a mené des individus à internaliser la valeur et la régulation du comportement. Deuxièmement, les individus tendent à montrer de la résistance à exécuter une tâche inintéressante, et une recherche a prouvé que le fait de connaître leurs perspectives et leurs sentiments au sujet de la tâche favorise l'internalisation et la régulation autonome [Deci et al., 1994]. Par exemple, Deci et al. [1994] ont trouvé que le fait de refléter les sentiments des individus dans la recherche d'une activité importante mais jugée inintéressante a facilité l'intégration de sa valeur et de sa régulation. Troisièmement, le besoin de relatedness104(*) joue un rôle central dans l'internalisation des valeurs et des régulations. Ainsi, le fait de structurer le travail pour permettre une interdépendance parmi les employés et une identification avec des groupes de travail, ainsi que le fait d'être respectueux et intéressé au sujet de chaque employé, peut avoir un effet positif sur l'internalisation de la motivation autonome et sur les résultats du travail [Gagné et Deci, 2005]. Il y a une preuve montrant que le fait de s'identifier avec un groupe, qui facilite l'internalisation des valeurs de groupe, a entraîné une performance élevée.

Favoriser la motivation extrinsèque autonome dans le lieu de travail permettra sans doute aux employés d'éprouver la signification, la compétence et l'autodétermination dans le travail.

Bien que le comportement extrinsèquement motivé demeure instrumental par définition, les régulations externes peuvent être perçues comme competence-enhancing et auto-déterminantes une fois qu'elles sont intégrées. Ainsi, contrairement à l'ancienne théorisation, les incitations extrinsèques ne sont pas forcément nuisibles à la motivation intrinsèque [Kunz et Pfaff, 2002]. Plutôt, elles représentent des occasions d'augmenter la motivation intrinsèque une fois qu'elles sont administrées correctement. Alors, dans un contexte du travail qui supporte l'autonomie, nous pouvons réexaminer les effets des récompenses monétaires.

3- Le réexamen des effets des récompenses monétaires

Les psychologues d'organisation ont longtemps identifié l'importance de la motivation intrinsèque dans des organisations du travail et ont également identifié la puissance des récompenses extrinsèques tangibles contingentes pour motiver le comportement au travail. Cependant, comme remarqué plus tôt dans l'article de Deci et al. [1999a], leur méta-analyse des effets de récompense a mis en avant un effet négatif des récompenses tangibles sur la motivation intrinsèque, en soulevant des inquiétudes concernant la façon dont la motivation intrinsèque et extrinsèque fonctionnerait ensemble positivement.

Un des résultats les plus importants de ces études examinant les effets des récompenses sur la motivation intrinsèque est que le climat interpersonnel dans lequel des récompenses sont administrées a une influence significative sur les effets des récompenses. Spécifiquement, quand les récompenses sont administrées dans un climat supportant l'autonomie, elles ont moins tendance à miner la motivation intrinsèque et, dans certains cas, peuvent même l'augmenter. Par exemple, Ryan et al. [1983] ont trouvé que les récompenses monétaires contingentes à la performance qui sont administrées dans un contexte supportant l'autonomie (autonomy-supportive context) ont fait augmenter la motivation intrinsèque par rapport au groupe sans récompense et au groupe de contrôle sans feed-back tandis que ces récompenses administrées dans un contexte de contrôle (controlling context) ont miné la motivation intrinsèque. Par conséquent, la recherche a indiqué que les récompenses employées pour reconnaître l'effort au travail peuvent avoir un effet positif si le climat est support d'autonomie (autonomy suppotive). De plus, la recherche a prouvé que les récompenses doivent être perçues comme équitables pour ne pas avoir des effets négatifs. Ces résultats suggèrent donc que les programmes incitatifs doivent être conçus de façon à être équitables et à reconnaître la performance efficace sans incorporer les éléments de contrôle (controlling elements) tels que la compétition105(*) parmi les membres de l'équipe ou la pression pour atteindre les objectifs. Alors, les récompenses devraient être administrées par les managers qui supportent l'autonomie (autonomy-supportive managers)106(*). En fait, l'idée de support d'autodétermination des managers est conceptuellement et philosophiquement conformée au management participatif et à l'élargissement vertical des tâches, bien qu'elle diffère d'eux en se concentrant sur l'orientation interpersonnelle des managers plutôt que sur le processus de la prise de décision ou le poste de travail (job design) [Deci et al., 1989].

Par conséquent, la vue différenciée de la motivation extrinsèque présentée par la théorie de l'autodétermination fournit une base pour examiner les effets des récompenses tangibles sur la motivation d'une manière plus rigoureuse et plus appliquée, et qui inclut une considération des effets des récompenses et des climats de travail sur l'internalisation ainsi que sur la motivation intrinsèque. La recherche clarifie les façons dont les récompenses tangibles peuvent être utilisées pour ne pas être nuisibles à la motivation intrinsèque. Cependant, peu de recherches ont examiné des effets de récompense concernant l'internalisation de la motivation extrinsèque. En outre, la théorie de l'autodétermination a détaillé les processus par lesquels la motivation extrinsèque peut devenir autonome et la recherche suggère que la motivation intrinsèque (basée dans l'intérêt) et la motivation extrinsèque autonome (basée dans l'importance) sont liées à la performance, à la satisfaction, à la confiance et au bien-être dans le lieu du travail.

Conclusion du chapitre IV

Dans la section 1 du chapitre, nous rassemblons les études expérimentales et empiriques des psychologues ainsi que celles des économistes pour confirmer l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque et l'effort par les incitations extrinsèques ou les incitations monétaires en particulier. Les résultats de méta-analyse de 128 expériences de Deci et al. [1999a; 1999b] concluent que l'effet d'éviction est plus grand avec les récompenses attendues qu'avec les récompenses inattendues et de plus, ces dernières n'ont pas un effet pervers sur la motivation intrinsèque. En outre, cet effet ne concerne pas les activités qui ne sont pas intrinsèquement intéressantes (les activités simples). Frey et Jegen ont étudié la relation entre les incitations monétaires et l'effort des individus. Ils indiquent que l'augmentation de la récompense monétaire réduit l'effort du travail. Cependant, après que la motivation intrinsèque ait été évincée complètement, les auteurs ont ajouté que, l'effort du travail va augmenter à mesure que la récompense monétaire s'accroît. Mais pour Greezy et Rustichini [2000], cet effort élevé est encore inférieur par rapport à la situation d'absence d'incitations monétaires. Par ailleurs, les autres auteurs, Fehr et Gächter [2002], Fehr et Falk [2002], Gächter et Falk [2000], Frey et Goette [1999], Irlenbusch et Sliwka [2005], ont confirmé que les incitations monétaires changent considérablement la perception des individus et minent la coopération volontaire, la réciprocité, ce qui est considéré comme la motivation intrinsèque, et donc l'effort des individus diminue. D'après Bewley [1995], il ne faut pas compter uniquement sur les incitations monétaires qui sapent la motivation intrinsèque, mais plutôt sur les autres moyens comme la nature de la tâche exécutée par les salariés qui peut procurer de la satisfaction (telle que l'estime de soi, l'autonomie, la reconnaissance de leur compétence). James Jr. [2005] a conçu un modèle principal-agent tenant compte de la motivation intrinsèque. Son résultat a montré que les récompenses monétaires évincent la motivation intrinsèque car ces récompenses sont perçues comme un moyen de contrôle dans deux conditions : d'une part, lorsque la taille de la récompense monétaire est grande, et d'autre part, lorsque l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est aussi la source des récompenses. Généralement, ces études supportent la théorie de l'évaluation cognitive dont l'idée est que les incitations monétaires nuisent à la motivation intrinsèque.

En revanche, la recherche récente indique qu'il n'y a plus de dichotomie entre la motivation extrinsèque et intrinsèque, et donc les récompenses extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais plutôt peuvent jouer un rôle complémentaire à la motivation intrinsèque. Dans ce cas, la motivation extrinsèque, même dans les activités intrinsèquement inintéressantes, peut être internalisée et intégrée dans le continuum de l'autodétermination. Alors, lorsque les individus internalisent et intègrent des régulations et les assimilent à soi, ils éprouvent une plus grande autonomie dans l'action. Favoriser la motivation extrinsèque autonome dans le lieu du travail permet aux salariés de se sentir compétents et auto-déterminants. Le résultat d'une étude a démontré que les climats de travail supportant l'autonomie, qui permet l'augmentation de la motivation intrinsèque et de la motivation extrinsèque autonome, joue un rôle important dans une administration des récompenses monétaires. Par conséquent, lorsque les récompenses monétaires sont administrées dans un climat du travail qui supporte l'autonomie, elles auront moins tendance à évincer la motivation intrinsèque et, dans certains cas, peuvent même l'augmenter. De plus, les récompenses monétaires devraient être administrées par les managers qui soutiennent l'autonomie. Ainsi, les incitations monétaires représentent des opportunités d'augmentation de la motivation intrinsèque et de l'effort des salariés si elles sont correctement administrées.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Après avoir étudié les deux chapitres dans la deuxième partie, en considérant certaines théories de la motivation au travail telles que la théorie des besoins de Maslow, la théorie bi-factorielle d'Herzberg, la théorie d'évaluation cognitive et la théorie de l'autodétermination, nous pouvons comprendre les effets des incitations monétaires sur l'effort des salariés au travail. Cette étude nous permet de répondre à une des questions de la problématique du mémoire « Quand et pourquoi les incitations monétaires nuisent-elles à l'effort des salariés ? ».

Dans le chapitre 1, notamment en théorie de l'évaluation cognitive, les incitations monétaires sont considérées comme nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort des salariés lorsqu'elles minent leur sentiment de compétence et leur sentiment d'autonomie puisque ces incitations sont perçues par les salariés comme un moyen de contrôle plutôt que d'information. De plus, il y a plusieurs études expérimentales et empiriques des psychologues et des économistes exposés dans la section 1 du chapitre IV qui appuient également cet effet d'éviction de la motivation intrinsèque et de l'effort des salariés. Plus précisément, il y a un auteur, James Jr. [2005] qui a étudié, en détail dans son modèle, les raisons pour lesquelles les salariés perçoivent les incitations monétaires comme un moyen de contrôle. Ces raisons sont que la taille des incitations monétaires est grande et l'objet de la motivation intrinsèque de l'agent est aussi la source des récompenses. Il convient de remarquer que cet effet concerne surtout les activités intrinsèquement intéressantes, et non les activités inintéressantes ou simples.

En revanche, la recherche récente indique que les incitations extrinsèques, ou les incitations monétaires en particulier, ne sont pas forcément nuisibles à la motivation intrinsèque et peuvent même l'augmenter lorsqu'elles sont bien administrées et dans un climat du travail supportant l'autonomie. En effet, dans la théorie de l'autodétermination, la motivation extrinsèque peut être internalisée et donc deviendra plus autonome, et on peut ainsi rendre les activités inintéressantes plus valorisantes aux yeux des individus. Ces derniers peuvent transformer les moeurs ou les demandes socialement sanctionnées en valeurs et autorégulations personnellement approuvées. Quand le processus d'internalisation fonctionne de manière optimale, les individus accorderont de l'importance aux régulations sociales, les assimileront, et donc les accepteront complètement. La motivation extrinsèque bien internalisée semble augmenter l'effort et la performance des salariés car les régulations externes peuvent être perçues comme un moyen de valorisation du sentiment de compétence et d'auto-détermination. Ainsi, les récompenses monétaires, qui sont correctement administrées dans un climat supportant l'autonomie, ont moins tendance à évincer la motivation intrinsèque voire peuvent l'augmenter, et donc l'effort des salariés sera élevé. De plus, ces récompenses incitatives doivent être offertes équitablement et de façon à reconnaître la performance efficace des salariés sans incorporer les éléments de contrôle comme la compétition parmi les membres d'équipe.

CONCLUSION GENERALE

Dans la conclusion générale de notre mémoire de recherche, nous rappellerons, d'abord, la problématique de notre étude, ensuite les principaux résultats qui répondent à la problématique.

Après avoir effectué la recherche, notre mémoire permet de répondre à la problématique suivante : Quelle est la relation entre les incitations monétaires et l'effort des salariés : positive ou négative ? Comment influent-elles positivement sur leur effort ? Quand et pourquoi, dans certains cas, nuisent-elles à leur effort ?

Le résultat de la partie I du mémoire montre que les incitations monétaires conduisent les salariés à fournir un effort suffisant au travail, et donc la performance augmente grâce à deux effets : l'effet d'incitations et l'effet de sélection. Alors, les incitations monétaires peuvent résoudre le problème du risque moral et le problème d'anti-sélection de la part des employés. Il y a certaines études empiriques et expérimentales des économistes soutenant fortement ce résultat, surtout pour une efficacité de système de rémunération à la performance. Il y a aussi d'autres mécanismes incitatifs tels que le modèle à paiement différé, la surveillance par le superviseur en lui offrant le revenu résiduel, la pression des pairs, le modèle des tournois, le modèle du salaire d'efficience et le modèle d'évaluation subjective de la performance, qui peuvent inciter monétairement les employés à l'effort dans les différentes situations du travail : le travail individuel, le travail en équipe et la situation multi-tâches. Ainsi, sur le plan théorique et empirique, les économistes considèrent que les incitations monétaires jouent un rôle essentiel dans des organisations.

Pourtant, dans la partie II, les psychologues initialement disent autre chose. Pour eux, les incitations monétaires ne sont pas un facteur de motivation des salariés au travail, mais elles nuisent plutôt à leur motivation intrinsèque et à leur effort, notamment lorsque ces incitations monétaires107(*) sont perçues par les salariés comme un moyen de contrôle, qui mine leur perception de compétence et d'autonomie dans les activités intrinsèquement intéressantes. De ce fait, les performances des salariés et des entreprises vont diminuer. Il y a de nombreuses études empiriques et expérimentales réalisées par des psychologues et des économistes appuyant cette idée. Une étude montre que plus la taille des récompenses monétaires est grande, plus ces dernières sont perçues par les salariés comme un moyen de contrôle, et plus leur motivation intrinsèque est évincée. De plus, les résultats de certaines études des psychologues montrent aussi que les incitations monétaires n'ont pas d'effet sur la motivation intrinsèque des salariés dans les activités inintéressantes ou simples. C'est la raison pour laquelle, via une analyse des économistes, les incitations monétaires peuvent augmenter l'effort (ou la motivation extrinsèque) des ouvriers dans l'étude de Lazear [2000] puisque les activités d'installation des pare-brise sont considérées inintéressantes ou simples.

Cependant, selon une évolution de la recherche des psychologues, la notion de la dichotomie entre la motivation intrinsèque et extrinsèque n'est pas prise en compte. Cette recherche soutient que les incitations monétaires peuvent augmenter la motivation intrinsèque et l'effort des salariés par le processus d'internalisation et d'intégration de leur motivation extrinsèque dans le continuum de l'autodétermination. Dans ce processus, la motivation extrinsèque devient de plus en plus autonome et les activités inintéressantes peuvent être rendues plus valorisantes aux yeux des salariés. En effet, les régulations externes peuvent être perçues comme un moyen de l'augmentation du sentiment de compétence et d'autodétermination. De ce fait, la motivation extrinsèque bien internalisée semble favoriser l'effort et la performance des employés.

Par conséquent, nous pouvons conclure le principal résultat de notre recherche que les incitations monétaires ont moins tendance à saper la motivation intrinsèque. Elles peuvent même augmenter cette dernière et l'effort des salariés si elles sont correctement administrées dans un climat du travail supportant l'autonomie, qui permet de faciliter l'internalisation de la motivation extrinsèque dans le continuum de l'autodétermination. En outre, les résultats de recherche suggèrent également que l'on doit offrir les récompenses incitatives équitablement et de façon à reconnaître la performance efficace sans incorporer les éléments de contrôle comme la compétition parmi les membres d'équipe. Les incitations monétaires devraient être donc administrées par les managers qui favorisent l'autonomie, c'est-à-dire, qui fournissent des perspectives d'avenir aux subordonnés et qui encouragent l'auto-initiation. Ainsi, utiliser les mécanismes incitatifs de type monétaire pour gérer le comportement des salariés devrait aller de pair avec le support d'autonomie dans le contexte de travail. Dans le cas contraire, ces dispositifs incitatifs ne pourraient pas être efficaces dans la gestion des salariés au sein d'une firme puisque la motivation extrinsèque de ces derniers ne pourrait pas être bien internalisée et intégrée, et que ces dispositifs pourraient être perçus par les salariés comme un moyen de contrôle plutôt d'information ou de reconnaissance.

Le résultat de notre étude met donc en évidence les conditions dans lesquelles les incitations monétaires peuvent être utilisées pour inciter des salariés à agir dans l'intérêt de la firme. Cela permet aux chercheurs et aux responsables dans le domaine de l'économie et des pratiques de la gestion des ressources humaines de mieux comprendre les effets positifs des incitations monétaires dans certaines conditions sur le comportement des individus au travail et de les choisir comme un mécanisme incitatif, alternatif au système de contrôle qui est considéré comme coûteux pour l'employeur. Mais actuellement, les recherches des psychologues avec des études tant expérimentales qu'empiriques sur des effets de récompense monétaire concernant l'internalisation de la motivation extrinsèque dans la firme restent encore limitées. Auparavant, beaucoup de leurs études expérimentales qui supportent leur argument contre les économistes se sont faites en psychologie sociale (par exemple, dans le domaine scolaire ; les sujets dans les expériences sont enfants, élèves,...). Ainsi, le résultat de notre étude permet d'ouvrir la voie à la recherche plus approfondie sur ce concept au sein de la firme et spécifiquement dans le domaine de l'économie et des pratiques de la gestion des ressources humaines.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements i

Sommaire ii

Introduction générale 1

Partie I : La relation positive entre les incitations monétaires et l'effort des salariés

Chapitre I : Le cadre théorique de l'effet positif des incitations monétaires 11

Section 1 : La typologie de la rémunération 12

1- La rémunération fixe 13

2- La rémunération variable 14

Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la théorie des incitations 15

1- La théorie des attentes de Vroom 17

2- La théorie des incitations : le modèle du Principal-Agent 20

Chapitre II : L'individualisation de la rémunération 27

Section 1 : Les incitations monétaires avec la performance absolue 28

1- La rémunération à la performance et le problème « principal-agent » 28

2- Le modèle à paiement différé 39

Section 2 : Les incitations monétaires avec la performance non vérifiable 42

1- Le travail en équipe et la situation multi-tâches 43

2- Les solutions possibles des problèmes de travail en équipe et de situation mulit-tâches 46

Partie II : La relation négative entre les incitations monétaires et l'effort des salariés

Chapitre III : Le cadre théorique de la motivation 65

Section 1 : Les théories du contenu 66

1- Le modèle de Maslow 66

2- Le modèle d'Herzberg 69

Section 2 : Le concept de la motivation et la théorie de l'évaluation cognitive 72

1- Le concept de la motivation 72

2- La théorie de l'évaluation cognitive 75

Chapitre IV : Les effets pervers des incitations monétaires sur l'effort des salariés 82

Section 1 : Les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort....... 83

1- L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque 83

2- Le modèle Principal-Agent avec la motivation intrinsèque 90

Section 2 : La nouvelle perspective de l'interaction entre les récompenses monétaires et la motivation intrinsèque 99

1- L'internalisation de la motivation extrinsèque 101

2- La facilitation d'internalisation de la motivation extrinsèque 104

3- Le réexamen des effets des récompenses monétaires 106

Conclusion générale 112

Bibliographie 115

Table des matières 129

Résumé

La question des effets des incitations monétaires sur le comportement des individus est un débat actuel entre les économistes et les psychologues. La plupart des recherches des psychologues sur ce thème s'orientent plutôt vers la vie sociale. Mais actuellement, leurs travaux autour de ce concept dans des firmes sont augmentés. La question essentielle dans notre étude est : quelle est la relation entre les incitations monétaires et l'effort des salariés? Nous cherchons à découvrir comment ces incitations monétaires influencent positivement l'effort des salariés. Enfin, nous essayons de trouver quand et pourquoi, dans certains cas, elles nuisent à leurs efforts.

Dans des firmes, il existe inévitablement un problème d'incitation des salariés car leurs efforts sont généralement inobservables et dans certaines situations, leurs performances sont également difficilement quantifiables et non vérifiables. Afin de régler ce problème, des économistes proposent plusieurs dispositifs incitatifs dans lesquels les incitations monétaires ont pour principale fonction d'inciter des salariés à fournir l'effort maximal au travail.

Le point de vue des psychologues sur cette question est contraire à celui des économistes ci-dessus. Pour les psychologues et certains économistes, les incitations monétaires ne sont pas un stimulant dominant aux niveaux des activités productives humaines. De plus, elles ont des effets pervers sur la motivation intrinsèque et l'effort des salariés lorsqu'elles sapent leur perception de compétence et d'autonomie dans les activités intrinsèquement intéressantes. En effet, à travers plusieurs études expérimentales et empiriques, ces incitations monétaires sont souvent perçues par les salariés comme un moyen de contrôle plutôt que d'information.

En revanche, la recherche récente des psychologues a indiqué que les incitations monétaires ne sont pas forcément nuisibles à la motivation intrinsèque et de plus, peuvent l'augmenter lorsqu'elles sont bien administrées dans le climat du travail supportant l'autonomie. Ainsi, les employeurs devraient fournir des perspectives d'avenir aux subordonnés et encourager l'auto-initiation. Cela favorise les effets positifs des incitations monétaires utilisées sur l'effort des employés au sein d'une firme. De plus, les résultats de recherche suggèrent également que les récompenses monétaires doivent être offertes de façon équitable et de façon à reconnaître la performance efficace des salariés sans incorporer les éléments de contrôle comme la compétition.

Mots clés : incitations monétaires, effort, problème « principal-agent », asymétrie d'information, motivation extrinsèque, motivation intrinsèque, firme

* 1 Nous aborderons des éléments de la construction de l'effort dans le chapitre I.

* 2 Il s'agit de l'instinct naturel et de la tendance de tous les hommes à « se la couler douce ». Il est certain que l'homme moyen dans tous les actes de la vie a tendance à travailler à une allure lente et facile et que ce n'est qu'après de nombreuses réflexions de sa part ou à cause de l'exemple des autres, de sa conscience, ou d'une pression extérieure, qu'il se décide à adopter une allure un peu plus rapide [Taylor, 1971].

* 3 Il s'agit de réflexions plus complexes émanant de leurs relations avec les autres hommes. On pose une question comme un exemple de ce type de flânerie, « pourquoi travaillerais-je dur pour gagner la même paie que mon paresseux de voisin qui ne produit que moitié moins que moi ? » [Taylor, 1971].

* 4 Ces coûts d'utilisation du marché peuvent être classés en trois catégories : les coûts de recherche et d'information, les coûts de négociation et de décision, et les coûts de surveillance et d'exécution [Bouba-Olga, 2003].

* 5 Les dispositifs de gestion des salariés se définissent comme l'ensemble des formalisations qui, sous la forme de règles, caractérisent d'une part le fonctionnement de la firme dans sa manière de gérer sa main-d'oeuvre, et offre d'autre part la possibilité d'orienter les actions des agents membres de l'organisation productive [Dubrion, 2003, p. 126].

* 6 La rationalité limitée signifie que bien que les agents soient rationnels, ils ont limités sur le plan cognitif de telle sorte qu'ils ne peuvent pas calculer tous les états de la nature envisageables avant d'agir.

* 7 L'opportunisme caractérise l'absence d'honnêteté dans les transactions, la recherche de l'intérêt personnel par la ruse [Baudry, 2003]. Williamson s'appuie sur la distinction entre opportunisme ex ante et opportunisme ex post qui débouchent respectivement sur les problèmes de sélection adverse et d'aléa moral (voir aussi l'encadré dans le chapitre I du mémoire).

* 8 L'asymétrie d'information est une des hypothèses de la théorie des incitations. Cette hypothèse peut distinguer la théorie des incitations de la théorie néoclassique. Le point de départ de la théorie des incitations est un problème de délégation d'une tâche à un agent avec une information privée. Cette dernière implique que, d'une part, un agent peut entreprendre une action inobservée par le principal (i.e. une action d'aléa moral) et d'autre part, un agent a certaine connaissance privée sur son coût ou capacité qui est ignoré(e) par le principal (i.e. une action d'anti-sélection) [Laffont et Martimort, 2002]. Nous reviendrons sur ce point en détail dans le chapitre I du mémoire.

* 9 Shapiro et Stiglitz ne sont pas auteurs de courant de la NEP, mais leur modèle est aussi analysé dans notre étude et considéré comme un mécanisme incitatif des salariés à l'effort au travail.

* 10 Nous soulignons.

* 11 Laffont, J.-J. [2006], « A propos de l'émergence de la théorie des incitations », Revue française de gestion, n° 160, p. 177.

* 12 Roussel, P. [1996], Rémunération, Motivation et Satisfaction au Travail, Economica, Paris, Coll. Recherche en Gestion, p. 87.

* 13 Frey, B.S. et Meier, S. [2002], « Pro-Social Behavior, Reciprocity or Both? », CESifo working paper n° 750, University of Zurich, p. 7.

* 14 Dans le modèle de tire-au-flanc, présenté dans un ouvrage de Redor [1999, p. 201-202], l'employeur ne peut observer parfaitement les résultats de l'activité de leurs salariés, il est donc confronté à un problème d'aléa moral. Dans cette situation, le salarié a tendance à tirer au flanc et l'employeur doit rechercher un niveau de rémunération qui l'incite à maximiser son effort, et donc qui le dissuade d'adopter ce comportement.

* 15 Robbins, S., Judge, T. et Gabilliet, P. [2006], Comportements Organisationnels, 12e édition, Pearson Education France, Paris, p. 249.

* 16 Meye, H. H. [1975], « The Pay-For-Performance Dilemma », Compensation and Benefits Review, vol. 7, n° 55, p. 55.

* 17 L'auteur souligne.

* 18 L'auteur souligne.

* 19 Lévy-Leboyer, C. [1993], La crise des motivations, 3e édition, Presses Universitaires de France, Paris, p. 59.

* 20 Ce schéma de Vroom a été complété par Porter et Lawer. Il donne une vision globale du processus de motivation. Ce schéma est tiré à partir d'un ouvrage d'Allexandre-Bailley et al. [2006], Comportements humains et management, 2e édition, Pearson Education France, Paris, p. 166.

* 21 Brousseau, E. et Glachant, J,-M [2000], « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 28

* 22 Baudry, B. [2003], Economie de la firme, La Découverte, Paris, p. 14 - 15.

* 23 Ces deux hypothèses sont tirées de l'article de Brousseau et Blachant [2000], intitulé « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », publié dans la revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p.29.

* 24 Colvin, A. J. S. et Boswell, W. R. [2007], « The Problem of Action and Interest Alignment: Beyond Job Requirements and Incentive Compensation », Human Resource Management Review, vol. 17, n° 1, p. 44.

* 25 Keser, C. et Willinger, M. [2000], « La théorie des contrats dans un contexte expérimental: un survol des expériences sur les relations « principal-agent » », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 237.

* 26 Holmström, B. et Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law, Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 24.

* 27 Malgrange, P., Rullière, J.-L. et Villeval, M.-C. [2004], « L'économie des ressources humaines: pouvoir et limites des incitations. Aperçu théorique et présentation générale », Economie & prévision, n° 164-165, p. 1.

* 28 Lazear, E. P. [1995], Personnel Economics, The MIT Press, Cambridge, p. 13.

* 29 Lazear, E. P. [2004], « Salaire à la performance : incitation ou sélection ? », Economie & prévision, n° 164-165, p. 17.

* 30 Il s'agit d'indicateurs qui donnent des informations sur e mais dépendent d'événements aléatoires qui échappent au contrôle des agents. Prenons l'exemple de la mesure de la production : cet indicateur variera en fonction des efforts fournis par l'employé, mais aussi en fonction de facteurs sur lesquels l'employé n'a aucune prise et qui peuvent affecter la production.

* 31 â est appelé le taux de bonus selon Gibbon [1998].

* 32 Lazear, E. P. [1986], « Incentive Contracts », NBER Working Paper N° 1917, p. 8.

* 33 Lazear, E. P. [1999], « Personnel Economics: Past Lessons and Future Directions », NBER Working Paper N° 6957, p. 22.

* 34 Lazear, E. P. [2000a], « The Future of Personnel Economics », Economic Journal, vol. 110, n° 467, p. F621-F622.

* 35 Cette évidence empirique existe dans l'article de Paasch, H. J. et Shearer, B. [2000], « Piece Rates, Fixed Wages, and Incentive Effects: Statistical Evidence from Payroll Records», International Economic Review, vol. 41, n°1.

* 36 Lemistre, P. [2000b], « Modèle à paiement différé, effort individuel et évolution des préférences intertemporelles », La note du LIRHE n° 327, Université de Toulouse I, p. 2.

* 37 Stankiewicz, F. [1999], Economie des ressources humaines, La Découverte, Paris, Coll. Repère, p. 36.

* 38 La production en équipe, selon Alchian et Demsetz [1972, p. 779], est une forme de production dans laquelle « (i) plusieurs types de ressources sont utilisés, (ii) le produit n'est pas la somme des outputs séparables de chaque ressource participant à la coopération [...], (iii) toutes les ressources utilisées dans la production en équipe n'appartiennent pas à la même personne ».

* 39 Ces droits sont au nombre de cinq : (i) le droit de s'approprier le résidu de l'équipe, (ii) le droit d'observer le comportement des membres de l'équipe, (iii) le droit d'être la partie centrale commune à l'ensemble des contrats passés avec les différents inputs, (iv) le droit de modifier la composition de l'équipe, (v) le droit de vendre les quatre droits précédents.

* 40 Les auteurs soulignent.

* 41 Homström, B. et Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law, Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 25.

* 42 Prendergast, C. [1999], « The Provision of Incentives in Firms », Journal of Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 23.

* 43 Nous soulignons.

* 44 Kandel, E. et Lazear, E. P. [1992], « Peer Pressure and Partnerships », Journal of Political Economy, vol. 100, n° 4, p. 815.

* 45 Lanfranchi, J. [1992], « Tournois et carrières », Travail et emploi, n° 54, p. 73.

* 46 C'est un exemple de Lazear, E. P [1995], Personnel Economics, The MIT Press, Cambridge, p. 26 - 27.

* 47 Ménard, C. [2004], Economie des organisations, Editions La Découverte, Paris, Coll. Repères, p. 64.

* 48 Lanfranchi, J. [1992], « Tournois et carrières », Travail et emploi, n° 54, p. 73.

* 49 Le résultat de l'étude de Winter-Ebmer et Zweimüller [1999], utilisant un panel d'entreprises autrichiennes durant 1975-1991, supporte cette idée, surtout pour les cols bleus.

* 50 Les auteurs soulignent.

* 51 Mouime, M. [2001], « Salaire d'efficience et alignement des salaires sur les prix », Document de travail n° 66, Direction de la Politique Economique Générale, p. 1.

* 52 Salais, R. [1989], « L'analyse économique des conventions du travail », Revue économique, vol. 40, n° 2, p. 211.

* 53 Gazier, B. [1992], Economie du travail et de l'emploi, 2e édition, Editions Dalloz, Paris, p. 241.

* 54 Le résultat de l'expérience réalisée par Falk et al. [1999] supporte également cette idée.

* 55 Levin, J. [2003], « Relational Incentive Contracts », American Economic Review, vol. 93, n° 3, p. 835.

* 56 Baker, G et al. [1988], « Compensation and Incentives: Practice vs. Theory », Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 597.

* 57 Prendergast, C. [1999], « The Provision of Incentives in Firms », Journal of Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 29.

* 58 Les auteurs soulignent.

* 59 Baker, G et al. [1988], « Compensation and Incentives: Practice vs. Theory », Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 598.

* 60 MacLeod, W. B. [2003], « Optimal Contracting with Subjective Evaluation », American Economic Review, vol. 93, n° 1, p. 216. Selon Lemistre [2000a], un contrat incitatif explicite ou implicite n'est efficace que si les salaries concernés reconnaiseent comme légitime les modes d'évaluation. Dans le cas contraire, l'évaluation est évidemment jugée trop subjective.

* 61 L'intensité renvoie à la vigueur avec laquelle la personne se met à la tâche. Cependant, une forte intensité a peu de chances de conduire à un résultat optimal en termes de performance à moins que l'effort ne soit canalisé dans une direction précise. Il faut donc prendre en compte la qualité de l'effort tout autant que son intensité. La notion de persistance concerne la durée de l'effort des salariés. Les salariés motivés sont capables de consacrer tout le temps nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches.

* 62 L'auteur souligne.

* 63 Michel, S. [1989], Peut-on gérer les motivations ?, 1er édition, Presses Universitaires de France, Paris, p. 20.

* 64 Dans la vie quotidienne du travailleur, ces besoins se manifestent par le respect des lois et des règlements, par l'adhésion à des mouvements syndicaux, par le paiement de contributions à un régime de retraite et par le paiement de primes d'assurance de toutes sortes [Roussel, 1996]. De plus, les besoins physiologiques et de sécurité sont supposés être satisfaits plus efficacement par l'argent [Rynes et al., 2005].

* 65 Ces besoins trouvent essentiellement satisfaction de façon externe (au travers du salaire, du syndicalisme, de la titularisation à un poste, ...). Ceci correspond à la motivation extrinsèque.

* 66 Ces besoins sont satisfaits au niveau interne (par la personne elle-même). Ceci correspond à la motivation intrinsèque.

* 67 Nous soulignons.

* 68 Nous allons aborder la motivation intrinsèque et extrinsèque en détail dans la section suivante.

* 69 Ces limites sont repérées par Michel [1989], Bruno et David [1993] et Alexandre-Bailley et al. [2006].

* 70 Ces facteurs sont cités par Francès [1995], Roussel [2000], Plane [2000], Louart [2002], Robbins et al. [2006], Alexandre-Bailley et al. [2006], et Latham et Ernst [2006].

* 71 L'auteur souligne.

* 72 Nous soulignons.

* 73 Nous soulignons.

* 74 Kreps, D. M. [1997], « Intrinsic Motivation and Extrinsic Incentives », American Economics Review, vol. 87, n° 2, p. 360.

* 75 Nous soulignons.

* 76 Nous soulignons.

* 77 Ryan, R. M. et Deci, E. L. [2000b], « Intrinsic and Extrinsic Motivations: Classic Definitions and New Directions », Contemporary Educational Psychology, vol. 25, n° 1, p. 56.

* 78 C'est un exemple de Robbins et al. [2006], Comportements organisationnels, 12e édition, Pearson Education France, Paris, p. 206.

* 79 Eisenberger, R. et Cameron, J. [1996], « Detrimental Effects of Reward: Reality or Myth? », American Psychologist, vol. 51, n° 11, p. 1155.

* 80 Nous soulignons.

* 81 Cameron et al. [2005], « Achievement-Based Rewards and Intrinsic Motivation: A Test of Cognitive Mediators », Journal of Educational Psychology, vol. 97, n° 4, p. 642.

* 82 Deci, E. L. et Ryan, R. M. [1985], Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human Behavior, Plenum Press, New York, p. 58-59.

* 83 Nous soulignons.

* 84 Nous allons démontrer ce type de modèle principal-agent qui est proposé par James Jr. [2005] dans la sous-section 2. Selon cet auteur, l'effet d'éviction se produira davantage lorsque les intérêts du principal et ceux de l'agent se confondent que lorsque l'agent est intrinsèquement motivé par des valeurs générales, distinctes du principal.

* 85 Kreps, D. M. [1997], « Intrinsic Motivation and Extrinsic Incentives », American Economic Review, vol. 87, n° 2, p. 360.

* 86 Frey et Jegen [2000] passe en revue les résultats des expériences psychologiques en perspective économique.

* 87 Frey, B. S. et Jegen, R. [2000], « Motivation Crowding Theory: A Survey of Empirical Evidence », Working Paper N° 49, Institute for Empirical Research in Economics, University of Zurich, p. 8.

* 88 Nous soulignons.

* 89 Dans leur contexte, ils se réfèrent à la réciprocité comme motivation intrinsèque parce qu'ils la voient comme une bonne volonté psychique innée de répondre en nature. Dans leurs expériences, la tâche expérimentale d'un choix d'effort peut être motivée par la motivation intrinsèque de la réciprocité bien que ce soit une tâche artificielle qui soit la plus susceptible de ne pas être exécutée par la satisfaction intrinsèque.

* 90 Nous empruntons les travaux de James Jr. [2005].

* 91 Le salarié maximise son effort au point où son bénéfice marginal est égal au coût marginal de son effort.

* 92 La solution est que ou [ + re - e2 + Iä (pe - - re)]/ e = 0. A partir de cette dérivation, on obtient l'effort optimal choisi par l'agent : r - 2e + Iä (p - r) = 0 ou bien .

* 93 ê1 = ê2 puisque äp/2 = r/2, ou bien ä = r/p , avec la condition p > r et ä > 0.

* 94 Ce résultat est similaire à celui de Frey et Jegen [2000] présenté dans la sous-section 1.

* 95 Par l'équation (2) qui est la fonction d'utilité de l'agent, comme r = 0 et I = 0 ainsi que ê = 0, alors on obtient U =.

* 96 A partir de l'équation (2), quand r = 0, I = 1 et l'effort choisi par l'agent est de ê1 = äp/2, alors U = - e2 + ä(pe -) = - (äp/2)2 + ä[p(äp/2) -] ou bien U = (ä2p2 - 4 ä + 4)/4.

* 97 Si l'équation (4b) = (4a), alors, (ä2p2 - 4 ä + 4)/4 = ou ä = 4/p2.

* 98 Par l'équation (2), comme r > 0, I = 0 et e = ê2 = r/2, l'utilité de l'agent devient : U = + r(r/2) - r2/4 ou bien U = (r2 + 4)/4.

* 99 On calcule cette utilité de l'agent en remplaçant r > 0, I = 1 et e = dans l'équation (2): U = + re - e2 + Iä(pe - - re).

* 100 On calcule l'inéquation (6b) = (6a).

* 101 Nous soulignons.

* 102 « L'empowerment [est] promu par Peter F. Drucker, ce terme désigne le management qui consiste à substituer la confiance a priori au contrôle, de manière à favoriser la confiance entre niveaux hiérarchiques. Ce concept que l'on croit volontiers récent est en réalité très proche de l'idée de « pouvoir coactif » (capacité de faire les choses en commun), [...] » [Filleau et Marques-Ripoull, 1999, p. 73].

* 103 Deci, E. L. et al. [1989], « Self-Determination in a Work Organization », Journal of Applied Psychology, vol. 74, n° 4, p. 580.

* 104 Puisque les comportements extrinsèquement motivés ne sont pas en général intéressants, la raison primaire que les personnes effectuent initialement de telles actions est parce que les comportements sont incités, modelés, ou évalués par les autres significatifs à qui ils se sentent attachés ou reliés. Ceci suggère que le relatedness, le besoin de sentir d'appartenance et de connexion avec d'autres, est centralement important pour l'internalisation de la motivation extrinsèque [Ryan et Deci, 2000a].

* 105 Les résultats de l'expérience de Deci et al. [1981] soutiennent le point de vue que chercher à remporter - c'est-à-dire, chercher à battre une autre partie - est extrinsèque en nature et tend à diminuer la motivation intrinsèque des individus pour l'activité de cible. Ainsi, la compétition semble fonctionner comme beaucoup d'autres récompenses extrinsèques car, dans certaines circonstances, elle tend à être perçue comme un moyen de contrôle et tend à diminuer la motivation intrinsèque.

* 106 Le support managérial d'autonomie est défini comme le fait que les managers reconnaissent les perspectives de leurs subordonnés en fournissant des informations appropriées de manière non contrôlée, en offrant le choix, et en encourageant l'auto-initiation plutôt qu'en forçant les subordonnés à agir dans les manières indiquées. Plus spécifiquement, il s'est focalisé sur le degré auquel les orientations interpersonnelles des managers tendent à supporter l'autodétermination des subordonnés [Deci et al., 1989]. Selon les résultats de l'étude de ces auteurs, le support d'autonomie des managers a été associé aux employés qui sont davantage satisfaits dans leur travail, qui ont un niveau de confiance plus élevé dans la gestion d'entreprise, et qui montrent d'autres positives attitudes relatives au travail.

* 107 Les incitations monétaires sont « les récompenses contingentes à la performance » dans leur contexte.






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