La lutte contre le terrorisme en droit international( Télécharger le fichier original )par JEAN-PAUL SIKELI Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006 |
B- Les effets contre-productifs des mesures de contrainte nonarméesMalgré les dérogations humanitaires, les mesures de coercition non armée, par leur aspect afflictif (leurs conséquences matérielles et psychologiques pour la population), peuvent avoir des effets contre-productifs qui ne sauraient être minorés : une pauvreté accrue, le repli aggravé de la population derrière son gouvernement, un profond sentiment d'injustice, etc. Ainsi que l'explique un auteur, « (...) les sanctions peuvent si elles sont appliquées sans discernement se solder par une déstructuration de la société, ajoutant ainsi aux problèmes de santé ceux liés à un profond sentiment de désespérance »4(*)62. Les Taliban ont ainsi essayé d'en tirer parti en conduisant une campagne de désinformation dans les zones sous leur contrôle, une propagande contre les mesures de coercition onusiennes, ce qui a conduit le Secrétaire général à envisager à l'avenir une campagne de diffusion auprès de la population touchée d'informations objectives sur la nature exacte de telles mesures4(*)63. Les mesures prises à l'encontre de la Libye ont aussi provoqué un repli des Libyens derrière leur chef4(*)64. Au-delà de ces quelques aspects réels, il faut toutefois avouer- ainsi qu'on l'annonçait déjà- qu'il est concrètement difficile d'apprécier avec justesse l'impact des mesures coercitives pour la population. Ainsi, si on a pu constater une nette détérioration des conditions de vie des Libyens4(*)65, les mesures ciblées contre la Jamahiriya n'en sont, de l'avis de certains4(*)66, la cause directe. L'appréciation de l'impact des mesures de coercition sur la population afghane est aussi très incertaine devant la précarité de la situation au début de ces mesures4(*)67 et la multiplication des facteurs déstabilisants : sécheresse depuis plusieurs années, violations massives des droits des l'homme, épidémies, invasions de parasites. Les rapports de l'ONU sur les répercussions humanitaires des mesures de contrainte contre les Taliban qualifient l'impact de ces dernières de « tangible mais limité »4(*)68. Le secrétaire général Koffi ANNAN a ainsi constaté que les mesures en question « n'ont eu que des répercussions limitées sur la situation humanitaire »4(*)69.Au total, l'analyse de l'efficacité des « sanctions » décidées dans les deux cas d'étude permet d'établir un bilan peu reluisant. De ce fait, l'application des mesures de contraintes non armées prévues par le droit international sont vite apparues insuffisantes et la justice contemporaine démontre davantage tout le malaise éprouvé par le droit international face au terrorisme.* 462 Cf. Rostane MEHDI, cité par Jean Christophe MARTIN, op.cit., p. 524 463 Voir Rapport du secrétaire général sur les répercussions humanitaires des sanctions contre les Taliban, S/2001/1215, p.2, § 8. 464 Voir L. MARTINEZ, « Libye : transformations socio-économiques et mutations politiques sous l'embargo », in Annuaire de l'Afrique du Nord, 1998, p. 211 * 465 Résolution n° 15/29-P, adoptée à la session des 25-27 juin 2002 par la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'OCI. * 466 Il ne faut pas perdre de vue le fait que l'Afghanistan était déchirée par plusieurs décennies de guerre. En effet ce pays qui a acquis son indépendance en 1921 vivait jusque-là dans une instabilité chronique, la guerre contre les forces étrangères et les guerres intestines internes rendant impossible la réalisation d'une paix durable. * 467 Rapport S/2001/241, p. 3, § 16. Voir les §§ 36-39. 468 Voir Rapport sur les répercussions humanitaires des sanctions contre les Taliban, S/2001/1215, p. 2 § 5 469 Voir Tim NIBLOCK, « Irak, Libye, Soudan : efficacité des sanctions? » in politique étrangère, 2000, p. 106 |
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