La lutte contre le terrorisme en droit international( Télécharger le fichier original )par JEAN-PAUL SIKELI Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006 |
Un traitement largement renouveléL'analyse des données relatives au traitement du terrorisme après le 11 septembre 2001 révèle une évolution notable dans l'approche de la question. Cette évolution réside tant dans l'interprétation des règles gouvernant le recours à la force (A) que dans les moyens d'action du Conseil de sécurité, lesquels ont subi de profondes mutations, des aménagements significatifs (B).
Il a parfois été soutenu que le 11 septembre 2001 marquait le point de départ d'une évolution des règles gouvernant le recours à la force. A la réalité, il s'agit moins d'une mutation de ces règles que d'une interprétation sujette à caution, à questionnement. On note de ce fait que cette date a d'abord ouvert la voie à une acceptation massive de la légitime défense (1), puis à une acceptation extensive et laxiste de la légitime défense (2).
(1)- Une acceptation massive de la légitime défense Contrairement à l' « avant 11 septembre », l' « après 11 septembre » a donné lieu une acceptation massive de la légitime défense. En effet, au lendemain des attentats contre les Twin Towers du World Trade Center de Manathan, le Conseil de sécurité à l'unanimité de ses membres, ainsi que par la communauté internationale des Etats ont condamné de manière énergique les attaques dont étaient victimes les Etats-Unis d'Amérique. Cette condamnation unanime s'est par ailleurs soldée par la reconnaissance du droit naturel de légitime à la victime de ces attaques. Dans les Résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) adoptées respectivement les 12 et 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité a inscrit une référence au droit « naturel » de légitime défense3(*)27. Ainsi, le Président du Comité contre le terrorisme institué par la Résolution 1373 (2001) a précisé que le Conseil de sécurité « (...) authorised, under self-defense provisions of Article 51 of the UN Charter, the use of force in pursing those responsible for attacks »3(*)28. Au-delà de ces résolutions, force est de constater que la communauté internationale a apporté un soutien très large à la riposte anglo-américaine aux attaques du 11 septembre 2001 et à l'argument de légitime défense avancé pour la justifier. Ainsi le Conseil européen a exprimé son soutien sans réserve dans une déclaration du 08 octobre 2001, accompagnée en cela d'un grand nombre d'Etats « associés »3(*)29. De même, les Etats membres de l'OTAN ont déclaré le 6 décembre 2001 qu'ils considèrent « (...) les évènements du 11 septembre comme une attaque armée dirigée non pas contre un seul Allié, mais contre chacun d'entre eux, et c'est pourquoi ils ont invoqué l'article 5 du Traité de Washington3(*)30. En conséquence, ils ont décidé de soutenir, individuellement et collectivement, les opérations militaires actuellement menées, sous la direction des Etats-Unis, contre les terroristes qui ont commis les atrocités du 11 septembre et contre ceux qui leur fournissent un sanctuaire »3(*)31. D'ailleurs les alliés de l'OTAN ont facilité les opérations militaires en autorisant notamment l'accès de leur espace aérien, de même que plusieurs autres Etats3(*)32. L'OEA a aussi rapidement reconnu la situation de légitime défense3(*)33 et le principe d'une offensive militaire en Afghanistan a été accepté par plusieurs organisations régionales dont la Ligue des Etats arabes, le Mouvement des non-alignés, l'OCI et l'OUA. La massivité du soutien est enfin mise en évidence par le débat de novembre 2001 à l'AGNU3(*)34. Au-delà de cet aspect, il apparaît évident que le concept de légitime défense- ainsi qu'on le verra- a fait l'objet d'une extension inédite, laissant entrevoir un nouveau modèle d'action contre le terrorisme. (2)- Une acceptation extensive et laxiste de la légitime défense La référence explicite au droit « naturel » de légitime défense3(*)35 en réponse aux « épouvantables » attaques du World Trade Center ne manque pas de soulever des difficultés majeures en droit international. On note en effet une interprétation extensive des règles gouvernant le recours à la force par invocation de la légitime défense. Cette extension est perceptible à plusieurs points de vue. La première difficulté apparaît dès lors qu'il s'est agi de qualifier ces attaques d'agression armée. Par rapport aux canons admis par le droit international, Classiquement, ainsi que l'on l'a précédemment évoqué3(*)36, l'agression armée est entendue au sens d'attaque militaire de la part de forces armées d'un Etat ou de force effectivement dirigées par un Etat. Si la notion plus vague d'attaque « armée »3(*)37 n'est pas impossible à caractériser dans le contexte du 11 septembre 2001, c'est bien plus principalement sur le terrain de leur imputabilité que se cristallisent les difficultés d'interprétation liées à leur qualification. Faut-il le rappeler- c'est désormais un secret de polichinelle- les attaques du 11 septembre 2001 ont été revendiquées par l'internationale terroriste Al Qaida, c'est-à-dire dire une organisation privée3(*)38. L'imputation suppose alors que l'on considère les Taliban auxquels semble appartenir cette organisation comme un gouvernement de l'Etat afghan, pour être en présence d'attaques constitutives d'une agression armée. Or, là dessus, nous savons à quel point la situation de l'Afghanistan à l'époque des faits était complexe et ambiguë. L'Afghanistan était dans un état de délitement avancé, le gouvernement légal étant en exil bien que représentant toujours le pays dans les instances internationales. Le pouvoir effectif était alors entre les mains de la faction islamiste Taliban à l'exception d'une petite portion du territoire sous le contrôle des opposants de l'Alliance du Nord. Le gouvernement effectif des Taliban n'était alors reconnu que par une poignée d'Etats3(*)39. Les autres Etats, à commencer par les Etats-Unis d'Amérique, refusaient de reconnaître le gouvernement des Taliban en Afghanistan et le Conseil de sécurité a pris le soin de viser dans ses résolutions « la faction afghane dénommée Taliban »3(*)40. L'existence même d'une agression armée attribuable à un Etat apparaît dès lors, ici, plus que douteuse. Cet état de fait a d'ailleurs suscité de nombreuses critiques au sein de la doctrine, donnant lieu à une dénonciation extensive du concept de légitime défense3(*)41. De ce pas, il nous est malaisé et difficile de suivre les explications fournies par le Professeur Pierre Michel EISEMANN qui assimile le soutien des Taliban à Al Qaida à un « cas classique » de légitime défense3(*)42. A supposer même que ce soutien soit réel, on ne serait pas pour autant en présence de faits constitutifs d'une agression armée au sens de l'article 51 de la Charte que la Résolution 3314 a entendu compléter en donnant à cette notion une définition des plus satisfaisantes. A l'inscrire dans une perspective jurisprudentielle, l'agression armée doit concerner l'envoi de bandes armées par un Etat sur le territoire d'un autre Etat, et non simplement la fourniture d'armes ou le soutien apporté à ces bandes armées. Or en l'espèce, les certitudes qu'on avait jusque-là sur le fait que Al-Qaida est un démantèlement du pouvoir de fait- et non légal3(*)43- des Taliban, reposent encore sur de simples présomptions3(*)44. A quoi s'ajoute le fait que la réaction aux attentats du 11 septembre s'est largement éloignée de la logique opérationnelle de la légitime défense. A l'analyse, elle n'apparaissait plus nécessaire puisque le Conseil de sécurité semblait avoir pris les mesures nécessaires3(*)45 . De plus, les Etats-Unis d'Amérique ne se sont nullement soumis à l'obligation minimale d'informer le Conseil de sécurité avant d'entreprendre toute opération militaire. Le Professeur Pierre Marie DUPUY3(*)46 y a d'ailleurs vu la volonté de ce pays de faire échapper l'opération « justice immuable » au contrôle international des Nations Unies en restant dans le cadre d'une référence très générale à un droit « naturel » de légitime défense. On peut tout aussi s'interroger sur les caractères de cette réaction. A-t-elle été immédiate ? Il faut en douter, puisque cette réaction- qui s'est révélée par la suite être une traque assidue de l'organisation terroriste Al Qaida et des Taliban- a été longuement et minutieusement préparée. En effet, les opérations militaires se fondant sur cette « légitime défense » ont effectivement débuté le 7 octobre 2001, soit environ un mois après les attaques. La réaction a-t-elle été proportionnée, bien adaptée ? Les développements ultérieurs3(*)47 nous autorisent à penser le contraire, même si certains auteurs ne veulent pas courir le risque de répondre à pareille interrogation3(*)48. En conclusion, il apparaît évident que si l'on veut affronter le terrorisme contemporain, il faut accepter de prendre en considération le fait qu'il a dépassé le stade, parfois atteint, du terrorisme d'Etat, pour devenir un phénomène de réseaux et que vouloir chercher à tout prix un Etat directeur derrière lui, revient à se condamner à ne pas agir3(*)49. Pour ce faire, la notion même d'agression mérite d'être redéfinie pour lui permettre de mieux répondre au phénomène tel qu'il est vécu aujourd'hui. Pour l'heure, on a assisté jusque-là à une interprétation extensive des règles gouvernant le recours à la force dans le cadre de la lutte conte le terrorisme, ce qui augurait assurément d'une transformation ou du moins d'un aménagement des moyens d'action de l'organe qui en a la charge. B- Des moyens d'action en transformation ou sous aménagement La nécessité de lutter efficacement contre le terrorisme a servi de prétexte au renforcement des pouvoirs du Conseil de sécurité, à l'extension de ceux-ci. Cet organe s'est alors attribué certaines compétences qui ne sont pas originellement les siennes. Dès lors, on a vu ce dernier sortir sans gênes et sans sourciller de son champ de prédilection traditionnel pour s'adjuger et s'arroger d'autres rôles. Cette situation créée- en amont- par une surenchère de qualifications (1) a abouti -en aval- à une concentration de tous les pouvoirs entre les mains du Conseil de sécurité (2), apparaissant ainsi tantôt comme un dictateur ou du moins comme une autorité excédant ses pouvoirs3(*)50, tantôt comme un hors-la loi pour qui les règles internationales devenaient de plus en plus « encombrantes » (?) comme un boulet à ses pieds, devant l'absolue nécessité et l'extrême urgence d'éradiquer (est-ce possible sous ce seul angle ?)3(*)51 l'hyper terrorisme. (1)- De la surenchère des qualifications par le Conseil de sécurité : le terrorisme « comme l'une des plus graves contre la paix et la sécurité internationales »3(*)52 ... Du moment où le terrorisme constitue « le premier phénomène de déstabilisation et de structuration des Etats contemporains »3(*)53, on peut convenir qu'il puisse, d'une certaine manière- et non pas dans l'absolu- se rattacher au maintien de la paix et de la sécurité internationales3(*)54. L'importance de l'opération de qualification comme étape préliminaire à la mise en oeuvre par le Conseil de sécurité des pouvoirs que lui confère le Chapitre VII de la Charte est bien connue. Aux brèches ouvertes à l'insécurité internationale, la communauté internationale et son organe sécuritaire, le Conseil de sécurité, ne peut opposer que les sésames à sa disposition pour les refermer. Ces sésames- faut-il le rappeler- sont la menace contre la paix et la sécurité internationales, la rupture de la paix, l'agression. L'on ne saurait toutefois contester la très large marge d'appréciation dont cet organe bénéficie à cet égard, tant en ce qui concerne la décision de qualifier- ou non- telle ou telle situation de menace qu'en ce qui a trait au type de mesure qu'il choisit d'adopter pour y faire face . Le concept de menace contre la paix s'est ainsi avéré évolutif, le Conseil de sécurité qualifiant de la sorte des types de situation très différentes au fil du temps3(*)55. C'est bien plus la manière dont le Conseil de sécurité a exercé son pouvoir de qualification dans ce domaine, que l'inclusion du terrorisme dans cette notion qui est problématique3(*)56. L'Affaire Lockerbie est fréquemment présentée comme le principal point de départ de l'implication du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme. Il n'est pourtant pas sans intérêt de rappeler qu'à cette occasion, ce n'est pas le terrorisme en lui-même, ou des actes de terrorisme spécifiques, que le Conseil de sécurité qualifiait de menace à la paix et à la sécurité, mais bien le refus de la Libye de répondre aux demandes qu'il avait formulées antérieurement, dont celle d'extrader les individus suspectés d'être impliqués dans les attentats en cause3(*)57. Il en est allé de même à l'occasion des mesures prises à l'encontre du Soudan en 19963(*)58 et des Talibans en 19993(*). Durant cette période, le Conseil de sécurité a régulièrement exprimé sa conviction plus générale que « la répression du terrorisme international est essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales », sans pour autant qualifier des actes terroristes spécifiques de menace pour la paix et la sécurité. La Résolution 1368 (2001) adoptée au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, marque l'amorce d'une évolution significative sur ce point. Le Conseil de sécurité y « considère de tels actes, comme tout acte de terrorisme international, comme une menace à la paix et à la sécurité internationales »3(*)59. C'est donc dire que, désormais, tout acte présenté comme relevant du terrorisme international, est une menace à la paix et à la sécurité internationales. Cette extension des qualifications s'est encore accentuée par la suite. Ainsi, à partir de 2003, cet organe a assorti sa condamnation de chacun des actes en cause de la mention du fait « qu'il considère qu'un tel acte, comme tout acte de terrorisme, constitue une menace à la paix et à la sécurité »3(*)60. Dès ce moment, il n'est donc plus nécessaire, aux yeux du Conseil de sécurité, qu'un fait de terrorisme présente un caractère international3(*)61 pour justifier une réaction de sa part, au titre des compétences que lui reconnaît la Charte ou à tout le moins de l'interprétation qu'il en fait. Enfin, une étape supplémentaire a encore été franchie par la suite, puisque le Conseil de sécurité en est venu à affirmer en 2004 que « le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l'une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité »3(*)62. Cette façon bien singulière et incommode de traiter la question du terrorisme est qualifiée tantôt de « surenchère de condamnation »3(*)63, tantôt de « surenchère de qualifications »3(*)64. Le Professeur Pierre KLEIN3(*)65 fait remarquer à ce sujet que l'extension de la qualification de menace contre la paix et la sécurité à des actes de terrorisme qui ne présentent aucun caractère international place cette évolution en porte-à-faux par rapport aux règles conventionnelles existantes dans ce domaine. En effet, dans l'ensemble des conventions « sectorielles » adoptées en vue de prévenir et de réprimer les diverses activités terroristes, un élément d'extranéité est systématiquement exigé pour que les faits en cause tombent sous le coup du régime conventionnel applicable. Ainsi, on assiste, du fait des qualifications extrêmement larges opérées par le Conseil de sécurité, à la création d'une disparité de régime entre réponse- conventionnelle et institutionnelle- au terrorisme. En deuxième lieu, le caractère systématique de cette qualification n'est pas non plus sans poser quelque interrogation. Des doutes très sérieux paraissent pouvoir être exprimés quant au fait que tout acte de terrorisme (international a fortiori non international) puisse- ou doive- être considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales3(*)66. Cette surenchère des qualifications n'annonçait-elle pas déjà une extension sans précédent du domaine d'action du Conseil de sécurité ? Il faut le croire, surtout que- on le verra maintenant- le Conseil de sécurité par un tour de passe et de jeu bien subtil, en est arrivé progressivement à s'arroger tous les pouvoirs.
(2)-... A la confusion des pouvoirs : le Conseil de sécurité en tant que détenteur des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif Dans le système de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a été conçu comme un organe doté de compétences de nature essentiellement « exécutive ». Il lui revient principalement d'oeuvrer en faveur du règlement des différends internationaux, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte, ou d'agir pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris par le biais de l'imposition de mesures coercitives, en vertu du Chapitre VII. Dans ce dernier contexte, les pouvoirs qui lui sont reconnus ont vocation à être mis en oeuvre pour une période limitée à l'égard de situations particulières où la paix et la sécurité internationales se trouvent en danger, en vue d'empêcher leur aggravation et de permettre le règlement de la crise, soit par les parties elles-mêmes, soit à l'intervention d'un organe tiers, en particulier la CIJ. Il s'agit donc d'interventions ponctuelles, par rapport à des situations de crise précisément identifiées. Cette conception traditionnelle des pouvoirs du Conseil de sécurité s'est profondément remise en question à partir des années 1990, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, qui a fourni l'occasion à celui-ci de mettre en oeuvre- à côté de sa compétence naturelle et classique d'exécution- des compétences de nature judiciaire, puis législative. L'Affaire Lockerbie constitue le point de départ de ce mouvement d'extension. En réaction à l'implication présumée d'agents des services secrets libyens dans deux attentats visant des avions de ligne français et américain, le Conseil de sécurité a relayé, par sa Résolution 732 (1992), la demande de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique visant à ce que la Libye leur fournisse un certain nombre d'informations susceptibles de les assister dans leurs enquêtes sur ces attentats. En l'absence de réponse de la part des autorités libyennes, le Conseil de sécurité a adopté peu de temps après une deuxième résolution beaucoup plus contraignante3(*)67. Il y exige de la Libye qu'elle satisfasse aux demandes d'extradition présentées par les trois Etats occidentaux et impose à l'Etat libyen des mesures coercitives non armées en vue de le contraindre à accepter cette solution. La Libye, estimant que les exigences occidentales portaient atteinte aux droits qu'elle détenait en vertu de la Convention de Montréal de 1971 sur les actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile internationale, dont elle affirmait qu'elle lui donnait le droit de juger elle-même les suspects en cause, avait entre-temps saisi la CIJ d'une demande en indication de mesures conservatoires en vue de faire protéger ses droits. Comme l'a affirmé un auteur, alors que la Libye demandait l'application de la règle classique Aut dedere aut judicare contenue dans la Convention de 1971, le Conseil de sécurité exigeait pour sa part le respect d'un « principe » à l'autorité nettement moins établie : « extradite or extradite ». En l'occurrence, la CIJ n'a pu que conclure à l'impossibilité d'indiquer les mesures conservatoires demandées en raison de la primauté, en vertu de l'article 103 de la Charte3(*)68, des exigences formulées dans la Résolution 748 (1992) sur les dispositions de Montréal. Le Conseil de sécurité a donc agi en l'espèce comme un juge3(*)69 en tranchant le différend juridique opposant les Etats, privant ainsi la Libye de la possibilité d'invoquer les droits qu'elle tirait d'une convention internationale applicable à la situation. Le Conseil s'est ainsi substitué indirectement à la Cour internationale de justice ou a, à tout le moins, significativement interféré dans l'exercice des compétences de cette dernière. Qui plus est, il a cumulé en l'espèce ce pouvoir de nature judiciaire avec son rôle « exécutif » traditionnel, puisqu'il a assorti sa décision de mesures de contrainte visant à en assurer la mise en oeuvre forcée. L'adoption de la Résolution 1373 (2002) précédemment évoquée3(*)70 marque le franchissement d'un autre seuil par le Conseil de sécurité à cet égard. Elle impose aux Etats membres des Nations Unies un ensemble d'obligations en vue de lutter efficacement contre le terrorisme. Elle transforme en normes de portée générale des obligations conventionnelles3(*)71. En adoptant de la sorte des énoncés obligatoires, généraux, permanents et abstraits - puisque que leur application n'est en rien limitée, ni dans le temps, ni à une situation particulière3(*)72- le Conseil de sécurité se pose, pour la première fois de son histoire, en créateur de normes générales, exerçant sur la scène internationale un pouvoir en tous points semblables à celui du législateur3(*)73 dans l'ordre juridique interne des Etats, bien qu'une partie de la doctrine rechigne à le reconnaître3(*)74. Dès lors, on s'éloigne une nouvelle fois considérablement de la figure « classique » du Conseil en tant qu'organe « de police », chargé de faire face à des situations particulières de menace pour la paix et la sécurité internationales en adoptant des mesures ponctuelles pour juguler les crises. Pour autant, ici encore, le Conseil de sécurité ne se départit pas de sa fonction « exécutive ». A l'instar de ce qu'il avait fait dans le cadre de l'Affaire Lockerbie, il cumule plutôt cette fonction traditionnelle avec les pouvoirs nouveaux qu'il s'est arrogés, comme le montre la mise en place par la Résolution 1373 (2001) d'un mécanisme de contrôle - le Comité de lutte contre le terrorisme (CCT)3(*)75- chargé de la surveillance de l'exécution par les Etats membres des obligations que cette résolution met à leur charge. Rarement le Conseil de sécurité s'est-il autant préoccupé du suivi de ses décisions qu'en ce qui concerne la Résolution 1373. Cette incursion du Conseil de sécurité dans le champ législatif s'est répétée en 2004, avec l'adoption de la Résolution 1540 (2004), dans laquelle cet organe énonce de nouvelles obligations de portée générale pour l'ensemble des Etats en vue de prévenir l'utilisation par des groupes terroristes d'armes de destruction massive. Ici encore, ce sont les impératifs de la lutte contre le terrorisme qui paraissent justifier l'exercice de pareils pouvoirs exceptionnels. Ces différents précédents mettent donc pleinement en évidence la tendance du Conseil de sécurité à cumuler les fonctions « exécutives » ou de « police » qui sont les siennes selon la Charte des Nations Unies- mais aussi « judiciaires » et « législatives » qu'il n'a jamais été question de lui reconnaître dans le système de la Charte. Ils posent de très sérieuses questions quant à l'équilibre des pouvoirs au sein des Nations Unies ou, plus globalement, quant à la notion d'un Etat de droit sur la scène internationale. Cette concentration des pouvoirs entre les mains du Conseil de sécurité s'avère d'autant plus préoccupante qu'elle intervient en l'absence de tout mécanisme de contrôle de leur exercice, que ce soit au plan politique ou judiciaire3(*)76. En particulier, l'idée d'un contrôle de légalité des actes du Conseil de sécurité par la CIJ, évoquée de manière répétée au moment de l'Affaire Lockerbie, paraît actuellement bien loin de recevoir une quelconque concrétisation. Ce faisant, le Conseil de sécurité s'est mis, à plusieurs reprises, en marge du droit de la Charte, plus encore du droit international. En effet, alors que jusque-là, cet organe avait assorti un nombre significatif de ces résolutions de l'exigence du respect du droit international et du droit de la Charte3(*)77, l'immédiat post-11 septembre 2001, a donné lieu à une « éclipse » 3(*)78 de la prise en considération des règles internationales dans la lutte contre le terrorisme. Ce piétinement du droit international s'empirant- cette fois-ci- dans le cadre unilatéral de lutte contre le terrorisme. * 327 La Résolution 1368 (2001) utilise l'expression « droit inhérent », traduction de la langue anglaise de l'article 51 de la Charte. La Résolution 1373 emploie plutôt l'expression plus compréhensible en français de « droit naturel ». * 328 Voir J. GREENSTOCK, combating international terrorism : The contribution of the United Nations, contribution au symposium tenu à Venise les 3-4 juin 2002, site internat des Nations Unies : http://www.un.org/french/docs/committees/1373. * 329 Déclaration sur les actions contre les Taliban. Voir aussi la déclaration de Gand du 19 octobre 2001 sur La lutte contre le terrorisme, DAI, n° 23, 1er déc. 2001, p.920. * 330 Bien entendu, cet article est relatif à une clause de solidarité qui veut que les autres Etats du traité de l'OTAN interviennent même militairement pour venir à bout d'une attaque dont l'un des Membres de cette organisation serait la victime. * 331 Voir Déclaration : la réponse de l'OTAN au terrorisme, DAI, n° 3, 1er février 2002, pp. 118-119. Cette déclaration fait par ailleurs état du soutien de nombreux autres Etats. * 332 Citons la Georgie , Oman, le Pakistan, les Philippines, le Qatar, l'Arabie Saoudite, le Tadjikistan , la Turquie et l'Ouzbékistan. * 333 Resolution Strengthening Hemispheric Cooperation to Prevent, Combat, and eliminate Terrorism et Terrorist Threat to the America, 21 septembre 2001, ILM, 2001, vol. XL, pp. 1270 et 1273 * 334 Voir Procès verbaux des réunions de l'AGNU, A/56/ PV.44 et s. Les seuls Etats ayant condamné ou critiqué l'action militaire en Afghanistan sont : l'Irak, l'Iran, la Corée du Nord, Cuba, et la Malaisie. Voir Luigi CONDORELLI, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? », op.cit, p. 840, note 7. * 335 Voir les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) précitées. 336 Voir supra, pp. 52 et s. 337 Certains auteurs soutiennent qu'il ne serait pas réaliste de rechercher dans les attaques du 11 septembre une arme par nature, mais il faudrait plutôt considérer les avions qui ont explosé comme une arme létale par destination. Voir Pierre-Marie DUPUY, « La communauté internationale et le terrorisme », in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Paris, Pedone, 2004, p. 65 338 Il faut souligner au passage que dans son récent avis (en date du 9 juillet 2004) relatif aux Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, la CIJ a récusé le recours à la notion de légitime défense et donc aussi à la notion d'agression contre les actes d'un groupe non étatique : « L'article 51 de la Charte reconnaît ainsi l'existence d'un droit naturel de légitime défense en cas d'agression armée par un Etat contre un autre Etat. Toutefois, Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un Etat étranger ». (paragraphe 139). * 339 Il s'agit notamment de l'Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis et du Pakistan. * 340 Voir par exemple la Résolution 1267 (1999). * 341 Voir entre autres auteurs, Josiane TERCINET « Le Conseil de sécurité et le terrorisme », in Stanislav KIRSCHBAUM (dir. pub.), Terrorisme et sécurité internationale, Association Franco-canadienne d'études stratégiques, Bruylant, Bruxelles, 2004 pp. 49 et s. Voir également Pierre- Marie DUPUY, « La communauté internationale et le terrorisme », in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Paris, Pedone, 2004, pp. 37 et s. ; et Brigitte STERN, « Le contexte juridique de l'après 11 septembre 2001 », in Karine BANNELIER et al.(dir. pub.), op.cit., pp. 17 et s. ; Voir enfin James Mouangue KOBILA, « Le processus d'intervention du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme international », in Recueil des travaux du centre d'études de l'Académie du droit international de la Haye », 2007. * 342 Voir Pierre Michel EISEMANN, « Attaques du 11 septembre et exercice d'un droit naturel de légitime défense », in Karine BANNELIER, Théodore CHRISTAKIS, Olivier CORTEN, Barbara DELCOURT (dir.pub.), Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre, Pedone, Paris, 2001, pp. 239 et s, précisément, p. 242. Le Professeur Pierre Michel EISEMANN admet une adaptation mutatis mutandis de la légitime défense dans le contexte des évènements du 11 septembre. Par là, l'on peut bien voir que son analyse s'accommode mal d'une certaine ambiguïté. En effet, on ne peut évoquer- en ce qui concerne les attentats du 11 septembre - un « cas classique » de légitime défense, et tenter de faire comprendre dans le même temps le fait que ces attaques aient ouvert la voie à une adaptation mutatis mutandis de la légitime défense. Des deux choses l'une et non les deux à la fois. On comprend d'ailleurs difficilement que cette conviction qui souffre d'un manque de cohérence, soit partagée par un autre auteur. Pour une opinion convergente, voir Jean-Marc THOUVENIN, « Conclusions générales » in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, op.cit. pp. 11 et 12. Cet auteur, citant, l'avis de la CIJ sur la licéité de la menace et l'emploi de l'arme nucléaire du 8 juillet 1996, (« la Cour ne saurait au demeurant perdre de vue le droit fondamental qu'à tout Etat à la survie, et donc le droit qu'il a de recourir à la légitime défense, conformément à l'article 51 de la Charte, lorsque cette survie est en cause », CIJ, Avis cons. du 8 juillet, 1996, §. 96), avoue peiner à croire qu'un Etat agressé par une organisation privée, ne puisse pas intervenir, alors que son droit « naturel » à la légitime défense que lui commande sa survie, l'y prédispose. Pour lui donc, il n'est pas interdit de penser qu'une entreprise terroriste puisse porter atteinte à la survie d'un Etat par une agression armée, en particulier si elle mettait en oeuvre des moyens de destruction massive. A suivre mécaniquement sa logique, ne courrait-on pas le risque de s'écarter du droit en versant dans du sentimentalisme ? 343 Le rapport du pouvoir de facto au pouvoir de jure renvoie au rapport de l'effectivité à la légalité et par ricochet de la légitimité à la légalité. Il s'agit d'une question qui semble à première vue inextricable en droit. Dans la présente espèce, c'est bien le pouvoir légal- quoiqu'en exil- qui semble avoir été reconnu par la communauté internationale, ( nouveau sujet de droit international ?). * 344 On savait seulement jusque-là que Ben LADEN et son organisation Al-Qaida étaient simplement les hôtes des Taliban. Bien plus, la composition hétéroclite de l'organisation Al-Qaida au sein de laquelle collaborent des personnes de diverses nationalités en dit long sur le caractère international de la nébuleuse terroriste, dont les revendications excèdent celles d'une simple organisation terroriste de type séparatiste comme l'ETA basque ou de type nationaliste comme le FNL algérien. Al Qaida projette de vaincre par tous les moyens les Etats-Unis d'Amérique qu'elle considère comme le « grand Satan » pour faire éclore un « nouvel ordre mondial » plus juste. 345 Sur ce point précis de la question, se référer aux analyses de MM. François DUBUISSON et de Olivier CORTEN, « Lutte contre le terrorisme et droit de la paix : une conciliation délicate », in Emmanuelle BRIBOSIA et Anne WEYEMBERGH (dir. Pub.), Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, éd. Bruylant, Bruxelles, 2002, pp 59 et s. Ces auteurs notent que la Résolution 1368 adoptée au lendemain des évènements, soit le 12 septembre 2001 traduit en tout cas la volonté des Nations Unies à se saisir du dossier, à traiter elles-mêmes le problème. Cette conviction est davantage renforcée par l'adoption ultérieure de d'autres résolutions (1373 (28 septembre 2001) ; 1377 (12 novembre 2001); 1386 (6 décembre 2001). * 346 Voir Pierre Marie DUPUY « La communauté internationale et le terrorisme », in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Paris, Pedone, 2004, pp. 37 et s. * 347 Voir infra, Section 2 : « La violation des normes internationales ». 348 Voir, Pierre- Marie DUPUY, ibid. p. 61 : « Qui répondra sans hésiter à cette interrogation ? » « Qui sait comment réagir à bon escient contre un acte terroriste ? » 349 Ibid., p. 60. * 350 Madame Evelyne LAGRANGE et Monsieur Pierre Michel EISEMANN relèvent en ce sens « la propension du Conseil de sécurité à l'excès de pouvoir ». Voir Evelyne LAGRANGE et Pierre Michel EISEMANN, « Article 41 », in Jean Pierre COT et al., La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, 3ème éd., Tome 1, Économisa, 2005, p. 1225. 351 Nous y reviendrons dans la conclusion de notre exposé. 352 Voir Rés. CS 1535, Doc. Off. CS. NU, 2004, 49 36ème séance, Doc. NU S/RES/ 1535 au 2ème considérant du préambule. 353 Voir Yves JEANCLOS, « Terrorisme et sécurité internationale », in Stanislav J. KIRSCBAUM (dir. pub.), Terrorisme et sécurité internationale, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 13-45. 354 Voir James MOUANGUE KOBILA, op.cit. p. 3 * 355 Voir à ce sujet Jean-Pierre QUENEUDEC, « Conclusion », in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, op.cit., p. 288. Pour cet auteur, dire qu'il existe une menace contre la paix et la sécurité internationales a longtemps signifié avant tout qu'il y avait un risque de déclenchement d'un conflit armé entre deux ou plusieurs Etats, - pour autant, bien entendu, que la paix puisse se définir comme étant essentiellement l'absence d'état de guerre entre Etats. Evoquer une menace contre la sécurité internationale, c'est faire référence, semble -t-il, à une situation présentant un risque d'atteinte soit à l'inviolabilité ou à l'intégrité territoriale, soit à l'indépendance politique d'un ou plusieurs Etats... ce qui peut aussi apparaître comme une menace pour la paix. La sécurité internationale peut être définie comme un état de tranquillité, du moins comme une situation de stabilité existant au sein d'un groupe d'Etats et résultant de l'absence de véritables menaces contre la paix. L'auteur note donc que la conception de la menace contre la paix et la sécurité internationales a subi un élargissement depuis 1945 356 Voir Pierre KLEIN, « Le Conseil de sécurité et la lutte contre le terrorisme : dans l'exercice de pouvoirs toujours plus grands ? », in Revue québécoise de droit international, Hors série , Québec 2007 Voir sur ce point, Jean-Marc SOREL, « L'élargissement de la notion de menace contre la paix », in SFDI, Le Chapitre VII de la Charte des Nations, Paris, Pedone 1995, p. 52 cité par Pierre Klein * 357 Voir Rés. CS 1054, 10ème considérant du préambule * 358 Voir Rés. CS 1267, 8ème considérant du préambule * 359 Cf. Rés. CS 1368, Doc.off.CS NU, 2001, 4370ème séance, Doc NU S/RES/ 1368, art. 1er. ( Italiques ajoutés). 360 Cf. Rés. CS 1465, Doc. Off. CS. NU, 2003, 4706ème séance, Doc. NU S/RES/1465, art . 1er (Italiques * 361 Mais, on peut se demander à bon droit, à partir de quel stade le terrorisme s'internationalise, les résolutions, toutes les résolutions gardant un mutisme froid sur cet autre aspect du problème. Par les victimes ? Par les auteurs ? Par ses répercussions inadmissibles au plan humain ou humanitaire ? * 362 Cf. Rés. CS. 1535, 2ème considérant du préambule ; voir aussi Rés. CS 1566, Doc. Off. CS. NU, 2004, 5053ème séance, Doc. NU S/RES/1566 au 7ème considérant du préambule. * 363 Voir James MOUANGUE KOBILA, op.cit. p. 7 364 Voir Pierre KLEIN, ibid. p. 141 365 Voir Pierre KLEIN, loc.cit. p. 141 * 366 Sur ce point précis, MM. Alain PELLET et Vladimir TZANKOV sont d'avis que « même lorsqu'il s'agit de terrorisme international, on pouvait fortement douter qu'il constituât toujours (...) » une menace à la paix et à la sécurité internationales. Voir Alain PELLET et Vladimir TZANKOV, « L'Etat victime d'un acte terroriste peut-il recourir à la force armée ? », in SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales Paris, Pedone, 2004, pp.95-107. Dès lors, on peut tout aussi raisonnablement s'imaginer combien de fois des actes de terrorisme de dimension interne, isolés et localisés peuvent s'éloigner de pareille qualification. Pour illustration, l'attentat qui a conduit à la mort récente de l'ex-premier ministre pakistanaise Benhazir BUTHO peut-il être considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales ? * 367 Il s'agit en l'occurrence de la Résolution CS 748, Doc. Off. CS. NU, 1992, 3063ème séance, Doc. NU S/RES/748 368 L'article 103 mentionne expressis verbis : « en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. » 369 Situation contre laquelle Mme Josiane TERCINET a vite fait de s'insurger : « Le Conseil de sécurité n'est pas un juge. Son rôle n'est pas de dire le droit ; il est de maintenir la paix et la sécurité internationales (...) », Josiane TERCINET « Le Conseil de sécurité et le terrorisme », in Stanislav KIRSCHBAUM (dir. pub.), Terrorisme et sécurité internationale, Association Franco-canadienne d'études stratégiques, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 50 * 370 Voir en supra, pp.36 et s. * 371 C'est précisément le cas de la Convention de 1999 sur la répression du financement du terrorisme qui n'avait jusque-là pu produire d'effet juridique, puisque cette dernière n'est pas encore entrée en vigueur en raison d'un nombre particulièrement réduit de ratifications. 372 Voir sur ce point Josiane TERCINET, loc.cit.p.50 : Pour cet auteur, la Résolution 1373 du 28 septembre 2001 apparaît comme une assertion de pouvoir normatif ou législatif sans précédent du Conseil de sécurité. Elle poserait en effet des règles générales de lutte contre le terrorisme international, qui s'imposent en vertu de l'article 25 : (« Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ») à tous les Etats membres de l'ONU, et qui l'emportent en vertu de l'article 103 susmentionné sur toutes obligations bilatérales ou multilatérales relatives au terrorisme qui pourraient être en contradiction avec elles. 373 Madame Brigitte STERN croit pouvoir trouver les causes de la naissance de ce pouvoir législatif dans le fait que l'ONU qui a vu ces dernières années ses pouvoirs de coercition militaire se réduire comme peau de chagrin, du fait de la volonté unilatérale hégémonique des Etats-Unis de faire « cavalier seul » dans la campagne antiterroriste- pour parler comme René PASSET et Jean LIBERMANN-, et du fait du recours intempestif au veto, a voulu compenser cette faiblesse en s'assignant d'autres rôles. Voir Brigitte STERN, « Le contexte juridique de l' après 11 septembre 2001 », in Karine BANNELIER et al. (dir. pub. ) , op.cit., p. 29. * 374 Pour un son de cloche discordant ou dissonnant, voir Olivier CORTEN, « La participation du Conseil de sécurité à l'élaboration, à la cristallisation ou à la consolidation de règles coutumières », in RBDI, 2004, notes 44, p. 562. L'auteur y opine que « les résolutions à vocation généraliste édictées par le Conseil dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (les résolutions 1373(2001) et 1540(2004) se présentent comme des décisions de type réglementaire, et non comme l'expression de règles générales », dans la mesure où « ces résolutions s'appuient sur un droit international général (...) incidemment rappelé dans les considérants ». Pour James MOUANGUE KOBILA, le Conseil serait plutôt matériellement resté dans les frontières du « pouvoir législatif limité » aux circonstances de crise que lui reconnaît Hans KELSEN, en le redimensionnant toutefois au caractère également permanent de la crise. Voir James MOUANGUE KOBILA, op.cit., p.21. 375 Pour aller plus loin sur le Comité de lutte contre le terrorisme, voir James MOUANGUE KOBILA, « La gestion de la lutte contre le terrorisme par le Conseil de sécurité », in Annuaire français de Relations internationales, 2007. * 376 Le juge Mohamed BEDJAOUI qualifie ce contrôle de la CIJ de « zéphyrien », à l'image de ce vent doux et léger qu'est le zéphyr, comme pour traduire l'idée d'un contrôle à la fois modeste et modéré exercé à l'occasion par exemple de l'Affaire Certaines dépenses des Nations Unies, 20 juillet 1962. Voir Mohamed BEDJAOUI, « Du contrôle de légalité des actes du Conseil de sécurité », in International Law at a time of perplexity, Essays in Honour of Shabtai ROSENNE, Editor, Professor Yoram DISTEIN, Associate Editor, Dr Mala TABORY, published by Martinus Nijohff publishers, P.0 BOX 163, 3300 AD Dordrecht, The Netherlands, pp. 89-90. G. CAHIN va jusqu'à qualifier ce contrôle de « contrôle d'une intensité proche de zéro ». Voir, G. CAHIN, « La notion de pouvoir discrétionnaire appliquée aux organisations internationales », RGDIP, 2003, p. 597, cité par Pierre D'Argent et al., « Article 39 », in Jean Pierre COT et al., op.cit., pp. 1131-1170 (note) et 1143-1144 377 Alors que par exemple dans sa Résolution 579 ( 1985), le Conseil demande instamment aux Etats « la mise au point et (...) l'adoption de mesures efficaces, conformes aux règles du droit international, destinées à faciliter la prévention et la répression des actes de prise d'otages et des enlèvements de toutes sortes » ( Italiques ajoutés)., la Résolution 1269 ( 1999) relatives à diverses mesures générales de lutte contre le terrorisme inclut quant à elle la compatibilité des actes du Conseil, cette fois-ci, non plus avec le droit international, mais avec le droit de la Charte. On voit dès lors - pour paraphraser un auteur- poindre la zone grise de chevauchement du droit international et du droit de la Charte. Voir James MOUANGUE KOBILA, op.cit., p. 23. Tout ceci est d'ailleurs stigmatisé par Evelyne LAGRANGE et Pierre Michel EISEMANN, qui parlent de « l'application parfois brouillonne » de la Charte par le Conseil, dans nombre de ces résolutions. Voir Evelyne LAGRANGE et Pierre Michel EISEMANN, ibid., note 50, p. 1205. * 378 Pour aller plus loin, voir James MOUANGUE KOBILA, op., pp. 22 et s, précisément p. 22. Cet auteur évoque à ce sujet une inconstance de la prise en compte du droit international par le Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme. |
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