2001 : Un traitement restrictif
et mesuré
Le recours à la force armée avant
le 11 septembre a fait l'objet d'un traitement restrictif, un traitement
mesuré que reflète la pratique antérieure des Etats (A).
Cette pratique s'est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence (B).
A- Un traitement restrictif et
mesuré reflétant la pratique
Depuis la fin des années 1970, un petit
nombre d'Etats a tenté de justifier des recours à la force
opérés contre d'autres Etats par le fait qu'il s'agissait
d'actions menées en légitime défense, en réponse
à des actes de terrorisme dont ces Etats ou leurs ressortissants avaient
été victimes. Ce fut, en particulier, le cas de l'Afrique du Sud,
d'Israël et des Etats-Unis d'Amérique. Il est frappant de constater
que ces différentes actions ont fait l'objet de condamnations quasiment
systématiques, et que l'argument de la légitime défense en
réponse à des actes de terrorisme n'a pas été
accueilli. Ainsi les actions militaires menées contre le Liban en 1972
et contre la Tunisie en 1985, qu'Israël a tenté de justifier sur
cette base, ont été clairement condamnées par le Conseil
de sécurité3(*)16. Il en est allé de même des actions
entreprises par l'Afrique du Sud à l'encontre de certains Etats
voisins3(*)17. Le
bombardement de la capitale libyenne, Tripoli, par l'aviation
américaine, en 1986, a lui aussi été justifié par
l'exercice du droit de légitime défense des Etats-Unis
d'Amérique, à la suite d'un attentat attribué à la
Libye - survenu quelque temps plutôt à Berlin, où un soldat
américain avait trouvé la mort. L'argument de la légitime
défense fut cependant écarté, et le bombardement de
Tripoli condamné, par l'Assemblée générale cette
fois-ci3(*)18. En
réalité, dans ces différentes situations, les autres Etats
ont analysé les actions militaires justifiées par la
nécessité de répondre à des actes de terrorisme non
comme des actions de légitime défense, mais plutôt comme
des actes de représailles armées3(*)19, clairement interdits par le droit international
contemporain3(*)20. Il
est vrai que la pratique a connu une certaine inflexion à cet
égard après la fin de la guerre froide. A un certain nombre de
reprises, au cours des années 1990, les Etats-Unis d'Amérique ont
mené des actions militaires qu'ils ont justifiées au titre de la
légitime défense, en réponse à des attentats ou
à des tentatives d'attentats dont ils ont été victimes.
Ainsi, on se souvient que les Etats-Unis avaient bombardé Bagdad en
1993, en riposte à une tentative d'assassinat visant l'ancien
président George BUSH3(*)21. De la même façon, en 1998, les
Etats-Unis d'Amérique ont frappé des cibles en Afghanistan ( des
camps d'entraînement de groupes terroristes) et au Soudan (une usine
pharmaceutique suspectée de contribuer à la production d'armes
chimiques), en riposte aux attentats qui avaient détruits les ambassades
américaines à Nairobi et Dar es Salam. Les deux pays visés
par ces frappes étaient en l'occurrence accusés d'avoir
toléré la présence sur leur territoire de groupes ou de
personnes impliqués dans ces attentats. A l'opposé des situations
évoquées plus haut, ces dernières actions militaires n'ont
fait l'objet d'aucune condamnation formelle de la part d'organes de l'ONU. Le
bombardement, en 1998, d'objectifs situés en territoire soudanais a
cependant été condamné par d'autres organisations dont la
Ligue des Etats arabes3(*)22. Pour autant, la manière dont les autres
Etats y ont réagi est loin de manifester une approbation claire de tels
actes, et moins encore des justifications juridiques qui avaient
été avancées à leur appui. Un nombre
appréciable d'Etats ont, au contraire, exprimé leur
désapprobation de ces actes. Nombre d'autres Etats se sont
limités à affirmer qu'ils « comprenaient »
les actions militaires menées par les Etats-Unis d'Amérique, sans
pour autant endosser l'argumentaire juridique qui avait été
développé pour les justifier3(*)23. Il paraît donc difficile de voir, dans
ces derniers précédents des signes convaincants d'une
évolution des normes internationales sur ce point. En conclusion, on
note avec le Professeur Pierre KLEIN que rien dans cette pratique ne
paraît de nature à remettre en cause la définition de
l'agression , telle qu'elle avait été élaborée au
sein de l'Assemblée générale des Nations Unies et
confirmée par la Cour internationale de justice.
* 316 Voir respectivement les
Résolutions 313 (1972) du 28 février 1972 ; 508 (1982) et
509 (1982) des 5 et 6 juin
1982 ; 573(1985) du 4 octobre 1985.
317 Voir entre autres les Résolutions 527
(1982) du 15 décembre 1982 et 546(1984) du 6 janvier 1984.
*
* 318 Voir Résolution
41/38 du 20 novembre 1986.
* 319 Voir les positions des
Etats clairement reprises sur le site Internet du Centre de droit international
de
l'Université libre de Bruxelles
(http://www.ulb.ac.be/droit/cdi)
* 320 Sur ce point, voir
entre autres Pierre KLEIN, « Vers la reconnaissance progressive d'un
droit à des représailles
armées ? », in Karine BANNELIER et
al.(dir. pub), op.cit., pp 249-257.
* 321 Voir notamment sur ce
précédent, Olivier CORTEN et François DUBUISSON,
« Opération liberté immuable : une extension
abusive du concept de légitime défense »,
RGDIP, 2002, p. 57.
* 322 Lettre du 21
août 1998 adressée au président du Conseil de
sécurité, S/1998/789, reproduite à l'adresse
suivante :
http://www. ulb.ac.be/droit/
* 323 Voir notamment,
à propos de l'action menée contre l'Irak en 1993, les positions
de la France (S/PV. 3245, p.
13) ; du Japon (ibid., p. 16) ; du Brésil
(ibid., p. 18), de l'Espagne (ibid., p. 24)
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