la gestion des risques de crédit en microfinance par le crédit scoring( Télécharger le fichier original )par MERIAM BELGHITH IHEC Carthage - mastère en finance 2008 |
CHAPITRE II: GESTION DES RISQUES DE CREDIT EN MICROFINANCEINTRODUCTIONMaria Nowak dans son livre « on ne prête pas qu'aux riches » attribue au microcrédit deux faces ; la première se réfère à la justice sociale quant aux choix de la population cible et la deuxième concerne la viabilité de l'institution de microcrédit. En tant que financier je laisse le débat sur la première face aux juristes et autres sociologues pour étudier la deuxième qui est l'essence de ce document. En effet, l'essor qu'a connu le microcrédit en très peu de temps et l'immensité de ses résultats nous imposent d'accorder une attention très particulière et veiller à ce qu'un tel instrument puisse fonctionner correctement et continue à contribuer au soutien des efforts de développement des régions et zones défavorisées de par le monde dans le futur. Il s'agit de ne pas se contenter d'énumérer les impacts du microcrédit et d'en parler en termes de clichés et slogans comme « microcrédit, macro-espoir »21(*), « microcrédit, macro idea »22(*) , « microloans, macro-impact »23(*)....mais il faut plutôt étudier les mécanismes et les outils à mêmes de garantir la pérennité de ce service qui est étroitement liée à la pérennité et la viabilité des systèmes et institutions de microfinance. La pérennité est une conséquence de la viabilité opérationnelle, de la viabilité financière, de l'efficacité productive et allocative, de la gouvernance, du managment et de l'efficacité institutionnelle ; et elle ne sera réalisée, d'après Maria Nowak, que par deux facteurs : un taux d'intérêt élevé et un volume d'opérations suffisant. Nonobstant l'effet de l'importance du nombre d'opérations sur l'abaissement des charges fixes grevant chaque crédit, ce n'est pas, à mon humble avis, le volume d'opérations en lui-même qui importe, car l'opération de crédit est par nature risquée. Un volume important d'opérations qui comportent beaucoup de transactions douteuses serait un facteur d'échec et non de succès. Donc il vaut mieux plutôt parler du nombre de crédits sans problèmes remboursables aux échéances prédéterminées, que de volume important d'opérations tout court. La viabilité des institutions de microcrédit, outre les techniques managériales et institutionnelles, est donc le fruit d'un taux d'intérêt élevé capable de couvrir les charges de l'institution et d'un système de gestion des risques de crédit efficace. Le présent chapitre est consacré à développer les fondements théoriques de cette opinion ; la section première présente les risques de crédit auxquels sont confrontés les institutions de microfinance et les techniques de gestion de ces risques auxquelles elles se référent, tandis que la deuxième section, propose et présente « le crédit scoring » comme méthode efficace pour rationaliser les crédits et optimiser les taux de remboursement afin d'assurer la pérennité de l'institution. SECTION ² : LA GESTION DES RISQUES DE CREDIT EN MICROFINANCE Les institutions de microcrédit, comme tous les intermédiaires financiers sont soumises à différents types de risques qui peuvent être classés en quatre grandes catégories a savoir ; les risques institutionnels, les risques opérationnels, les risques de gestion financière el les risques externes. v Les risques institutionnels sont les risques associés à l'organisation de l'institution et à sa mission, ils peuvent être soit des risques associés à sa mission sociale, soit liés à sa mission commerciale ou bien se référant à sa dépendance des organisations internationales. v Les risques opérationnels sont les risques auxquels sont confrontés les institutions lors de leurs opérations quotidiennes et qui se résument aux risques de crédit, risques de fraude et risques de sécurité. v Les risques de gestion financière sont les risques qui se rapportent au domaine financier et qui englobent les risques de gestion de l'Actif et du Passif souvent traduits par les risques de solvabilité, de change et de taux d'intérêt, les risques d'inefficience ainsi que les risques d'intégrité du système d'information. v Les risques externes sont tous les risques liés à l'environnement externe de l'institution tel que les risques réglementaire, démographique, la concurrence... Nous allons nous contenter dans le présent mémoire d'élucider les risques de crédit auxquels sont confrontés les organisations de microcrédit, ce type de risque est le risque opérationnel le plus connu et le plus important pour les IMF. C'est ce risque qui entraîne la détérioration de la qualité du portefeuille du crédit qui est à l'origine des pertes et des charges énormes conduisant à la faillite. Ce risque, connu aussi comme le risque de défaillance, est lié à l'incapacité du client à respecter les termes du contrat de prêt ou bien à sa volonté de s'abstenir. Une caractéristique principale du microcrédit, et qui est à l'origine de l'exclusion bancaire de la population pauvre, réside dans les risques importants qui y sont associés et qui se rattachent à la nature du client et à sa solvabilité ; ces risques sont nés de la relation d'agence qui relie la banque à l'emprunteur. A. LES RISQUES DU CREDIT Le crédit peut être considéré comme étant un contrat reliant la banque qui est le prêteur au client qui est l'emprunteur, pour lequel la banque loue une part de sa richesse ; en contre partie, le client s'engage à rembourser le montant emprunté et à payer des charges d'intérêt à des échéances et conditions fixées d'avance. Cette relation donne lieu à plusieurs risques que le banquier doit gérer afin de garantir le bon fonctionnement de son activité ; l'asymétrie de l'information, les problèmes de détection, l'absence de garanties, sont donc des causes majeures de l'exclusion bancaire de la population la plus démunie ; je vais procéder dans ce qui suit à expliquer ces différents facteurs et comment ils influencent la décision de crédit. 1. L'asymétrie de l'information : Le marché de crédit est un marché imparfait ;l'accès aux informations est inégal entre les deux contractants, et étant donnée la divergence des préoccupations des deux parties, l'emprunteur, que ce soit de bonne ou de mauvaise foi, peut cacher à son banquier des réalités nécessaires à la transparence exigée. Ce phénomène, appelé sélection averse, biaise la décision d'octroi de crédit et rend difficile l'évaluation de la qualité du demandeur, ce qui ne peut entraîner que la méfiance de la banque pour toute personne contractante et la complication de l'opération de sélection des clients D'autre part, un risque d'aléa moral ou moral hasard peut exister et ce lorsque l'emprunteur cache une réalité qui surgit après la conclusion du contrat et ne la communique pas à son prêteur comme doivent le mentionner les clauses du contrat. Or, la notion même du crédit repose sur un décalage temporel entre l'octroi et le remboursement, ce décalage est perçu comme une source de risque pour l'institution de crédit parce que elle ne peut pas prévoir avec certitude les événements qui peuvent surgir pendant la durée du contrat et qui peuvent influencer sur la capacité de l'emprunteur à liquider sa position dans les conditions négociées. Ce phénomène ne permet pas le bon respect des termes du contrat. Et comme on disait que « la fausse monnaie chasse la bonne », toute la population jugée insolvable ou incontrôlable fût écartée du champ d'application de la banque classique. Pour faire face à cette asymétrie d'information, la banque préfère opérer alors avec des agents exerçant des activités dans le secteur structuré, pour lesquels l'information sera disponible par un simple recours aux bilans comptables, registres de commerce, déclarations de revenus, quitus d'impôt ou tout autre document qui laisse voir clairement la situation du client et son évolution. Ainsi, et en l'absence de ces outils, les agents exerçant des activités informelles, et les chômeurs ne pourront pas recourir au système de crédit classique géré par les banques commerciales. 2. Les problèmes de détection ou screening problems
Avant d'accorder un crédit, le prêteur doit constituer une bonne base de données sur le client contracté qui englobe toutes les informations se rattachant à son activité, à la situation de son ménage, au motif de sa demande, à la rentabilité et viabilité de son projet ainsi que beaucoup d'autres informations nécessaires à la construction d'un pré-avis pour évaluer la qualité du demandeur.
Or, la procédure de collecte d'informations sur le client, qui est la première étape du processus de sélection, est lourde à mettre en oeuvre que ce soit en terme de coût, de temps ou de disponibilité des données. En effet, si le client se trouve incapable pour une cause ou une autre de présenter des documents légaux fournissant les informations exigées, il se trouve mis en marge du système classique avant même l'étude de sa solvabilité. La banque ne sera prête à collecter elle-même les informations nécessaires et à procéder à des visites des lieux par des experts que lorsqu'elle se trouve face à un client potentiel très important et un projet dont la rentabilité escomptée est très élevée. 3. L'absence de garantie En contre partie du risque supporté par la banque du fait du non remboursement d'une partie ou de l'intégralité du prêt, elle exige de son client une garantie. Plus le risque couru est élevé, plus la garantie demandée est importante pour être saisie en cas de défaillance du client ; or la population démunie ne dispose pas de quoi offrir comme garanties. Et pourtant, la performance de la plupart des IMF consiste en leur réussite à réaliser des taux de remboursement des microcrédit qui dépassent dans beaucoup des cas le taux de remboursement des banques classiques bien que celles-ci opèrent avec des clients moins risqués que les catégories démunies. Cela s'explique par le succès des IMF dans leur gestion des risques de crédit. B. LES TECHNIQUES DE GESTION DES RISQUES UTILISEES PAR LES IMF
Craig Churchill24(*) et Dan Coster25(*) définissent le processus de gestion des risques comme étant ; « la prévention des problèmes potentiels et la détection anticipée des problèmes réels quand ceux-ci arrivent ». La réussite du microcrédit s'explique entre autres par la capacité de ses Institutions et ses programmes tendant à surmonter les obstacles excluant les pauvres du système bancaire, et notamment la mise en place d'emblée des procédures de gestion de risques de crédit efficaces. Ces procédures de gestion ont permis à Muhammad Yunus de gagner le pari de la solvabilité de la population démunie. Le prêteur rationnel ne peut être prêt à s'engager dans un processus d'octroi de crédit que s'il dispose de pratiques lui permettant de réduire les problèmes d'incertitude et d'asymétrie d'information relatifs au prêt ; or les opérations de collecte d'informations et de surveillance sont très difficiles et très coûteuses dans le domaines du microcrédit, à cause des faibles montants des crédits. Les moyens mis en place par les IMF pour réduire les risques de crédit depuis leur engagement dans l'expérience de microcrédit sont : « l'approche du crédit collectif » et « l'approche incitative pour le crédit individuel » qui substituent les incitations des emprunteurs pour rembourser aux procédures de collecte d'informations et au suivi. 1. l'approche du prêt collectif
Le principe du prêt collectif se base sur la responsabilité conjointe des emprunteurs, il s'agit d'une véritable innovation dans le monde de la Finance puisqu'il permet, malgré la simplicité de sa mise en place à des coûts réduits, de pouvoir pallier les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les intermédiaires financiers à savoir le problème d'asymétrie d'information, la collecte des donnés et le contrôle du bon déroulement. La Banque Mondiale distingue deux types d'approches collectives : une première fondée sur le principe des groupes de caution solidaires et une deuxième basée sur le principe des banques villageoises.
La technique du groupe solidaire a vu le jour avec les premières expériences du microcrédit ; en effet, et comme mentionné dans le chapitre précédent, la Grammen Bank et son fondateur Muhammad Yunus ont recouru à cette approche dès le départ pour garantir le remboursement des prêts.
Le principe de fonctionnement de ce type de prêt , intitulé « caution de groupe solidaire », est très simple ; les emprunteurs pour solliciter un crédit s'organisent en groupes de 4 à 10 personnes, et les différents membres se portent mutuellement caution. Aucune garantie ni épargne préalable n'est exigée, l'institution financière s'appuie sur l'autocontrôle interne du groupe pour réduire les risques de défaillance par le biais de la procédure (two-two-one). Ladite procédure consiste en l'attribution des crédits à tour de rôle; Les deux premiers membres du groupe bénéficient d'un prêt , et ce n'est que si ces deux emprunteurs remboursent dans les délais fixées dès le départ, que les deux membres suivants peuvent bénéficier à leur tour d'un prêt. Lorsqu'ils remboursent, la cinquième personne, qui joue généralement le rôle du chef de groupe, obtient un crédit. Dans les groupes de caution solidaire où les mécanismes de pression sociale sont suffisamment forts pour exercer un rôle de menace, le prêteur délègue au groupe la gestion de l'information à la fois ex-ante (sélection des emprunteurs solvables), et ex-post (surveillance et contrôle des comportements de remboursement). L'approche collective apparaît ainsi comme un instrument de gestion des risques d'asymétrie d'information. b) Les banques villageoises Cette seconde technique de prêt collectif intitulée « banque villageoise » (village banking) ou encore « groupe d'auto assistance » a est développée notamment par la fondation FICA (Foundation for International Community Assistance). Elle s'appuie sur des groupes dont le nombre des membres est plus grand que celui des groupes de caution solidaire (l'effectif du groupe varie entre 10 et 50 personnes).
Avec cette approche, c'est le groupe entier qui bénéficie du crédit, et c'est au sein du groupe que la redistribution prend lieu entre les différents membres, selon des modalités et des règles qui sont propre au groupe.
Outre l'accès au crédit, cette technique est pionnière dans la mesure où elle vise l'amélioration des capacités d'auto-organisation des groupes de pauvres « l'empowerment» afin d'assurer leur autonomie financière. La méthode a été lancée en Amérique Latine au cours des années quatre-vingt, et a été imitée et reproduite dans plus de 25 pays, aussi bien en Amérique qu'en Afrique. Etant donné que les règles internes sont spécifiques aux groupes, les résultats sur l'autonomisation dépendent des contextes et des moyens développés dans chaque groupe.
Une enquête a été réalisée par la Banque Mondiale en 1997 dans les pays en développement, dans le cadre de son programme Sustainable banking with the poor, afin d'étudier ces deux techniques de prêt collectif (voir le tableau 1ci-dessous) Cette étude prouve que ce type de crédit est plus orienté vers les femmes que le crédit individuel (le pourcentage des femmes adhérentes à ces programmes dépasse celui des femmes qui ont contracté des crédits individuels), et plus concentré dans les zones rurales. Ces deux caractéristiques rejoignent l'idée que les prêts de groupe sont plus conçus pour servir la population exclue du système bancaire traditionnel, en particulier les femmes et les habitants des régions rurales et isolées Tableau 1. Comparaison des institutions accordant des prêts individuels et des prêts collectifs
Source: Banque Mondiale 26(*) Ce tableau montre aussi que les taux d'impayés déclarés sont plus élevés pour les prêts collectifs et notamment chez les groupes solidaires de 11-50 personnes. Plus le groupe s'élargit plus le taux d'impayés augmente, car plus le nombre de membres du groupe augmente plus la responsabilité est diffuse. c) Quelques exemples d'extension des modèles S'inspirant de ces deux programmes de crédits et s'inscrivant dans la même optique de prêt collectif, plusieurs programmes de microcrédit on vu le jour. En fait, il s'agit de l'application de l'une des deux techniques de groupe solidaire et de banque villageoise si ce n'est pas la combinaison des deux dans des contextes particuliers suivant des stratégies différentes. On cite à titre d'exemple, d'après Isabelle Guérin : · Le crédit à responsabilité conjointe et sectorielle Le principe de base de fonctionnement est celui de la Grameen Bank, à savoir une responsabilité conjointe au sein d'un groupe d'emprunteurs (généralement au nombre de 5 personnes) qui est doublée d'une responsabilité conjointe sectorielle parceque ces groupes solidaires sont regroupés en quartiers, qui à leur tour sont regroupés en villages. Au sein de chaque village, tous les groupes sont mutuellement responsables : si l'un des groupes ne rembourse pas, c'est l'ensemble du village qui est privé d'un nouveau prêt. L'objectif de l'instauration d'un tel système pyramidal sévère, consiste à profiter de la forte pression sociale villageoise. Cette technique a été imposée au Burkina Faso par Le PPCR27(*) qui s'est chargé d'adapter l'idée de la Grammen Bank dans un contexte risqué du fait des sécheresses régulières, d'une clientèle dispersée et d'un contexte économique défavorable. · La convention « crédits rotatifs »: responsabilité sectorielle et fonds de garantie L'idée de base du Crédits rotatifs du Crédit Mutuel au Sénégal combine les deux principes des groupes solidaires et des banques villageoises Il repose sur la technique suivante ; un crédit, d'un montant de 420$US, est octroyé à un groupe de femmes, dont la taille varie entre 10 et 250 personnes. La gestion du crédit est entièrement déléguée au groupe qui décide lui-même des conditions d'attribution et du choix des bénéficiaires, et qui se charge de surveiller les remboursements. Deux types de garanties sont exigées, à savoir le partage et la mutualisation des risques ; Le partage des risques se fait par le bais d'un fonds de garantie, alimenté à la fois par les groupements emprunteurs et par un bailleur de fonds, et la mutualisation des risques reprend le principe de la responsabilité conjointe sectorielle du fait que les groupes sont responsables les uns des autres à l'échelle du quartier. · La pression sociale par la responsabilité conjointe : les caisses villageoises autogérées L'objectif de ces caisses consiste à favoriser l'octroi de crédit et non pas la mobilisation de l'épargne. Elles sont gérées par un comité de gestion composé de 6 à 12 personnes, des deux sexes, appartenant aux différents quartiers du village. L'élection des membres se fait par les villageois qui basent leurs choix sur des critères d'honnêteté, de sérieux et de dévouement ; le rôle du comité consiste à analyser les demandes de crédit, à décider des octrois et à contrôler la bonne gestion. Pour cette catégorie de crédit, une garantie matérielle est exigée pour tout prêt demandé, mais l'originalité réside dans les objets offerts en garantie et qui ne représentent pas de valeur comptable mais qui servent de gage à cause de leur rareté ; en effet, un fusil, une charrue, une radio ou même une bicyclette peuvent composer le fonds de gage d'une caisse villageoise autogérée. Ce type de caisse a été mis en place par une organisation française (le Centre International de recherche et de développement, CIDR)28(*) au Mali, en Burkina Faso, en Gambie, à Madagascar, au Cameroun, à Sao Tomé, et en Ethiopie. L'approche de prêt collectif sous les différentes formes qu'elle prend permet donc au prêteur de réduire les coûts de transaction liés à l'octroi d'un crédit puisqu'elle regroupe les clients et délègue vers ceux-ci une partie importante de la sélection qui représente le risque ex-ante et du contrôle qui représente le risque ex-post (Gomez Vaquero, 199229(*) ; Berenbach, Guzman, 199330(*)). Cela se traduit par une économie d'échelle et une réduction du risque dont une partie est transférée aux emprunteurs. Par le recours aux prêts de groupe, l'IMF peut bénéficier de l'avantage de diversification qui lui permet de réduire ces risques (Berenbach, Guzman, 1994)31(*). Avec ce type de crédit, le fait que les membres d'un groupe exercent des activités différentes est considéré comme un facteur positif pour le prêteur (Albert, 1997)32(*). d) Les limites de l'approche du prêt collectif Personne ne peut nier les avantages que peut rapporter la technique du prêt de groupe, mais il n'empêche qu'une telle méthode ait des limites. En effet, D'une part, le regroupement en cinq membres où plus peut être artificiel, c'est-à-dire que les personnes concernées, en se trouvant contraintes d'être organisés en groupe pour pouvoir accéder au crédit, vont se rassembler rien que pour former un groupe ; de cette façon il n' y aurait pas d'auto-sélection puisque les membres ne se connaissent pas bien, et la pression sociale ne jouera pas son rôle. Jonathan Morduch33(*) (1999) pense que le rôle du prêt collectif a été exagéré par les économistes qui y voient l'outil efficace combinant accessibilité et viabilité, et ce parce que l'efficacité de cette technique en terme d'incitation des emprunteurs au remboursement dépend du degré de cohésion sociale. D'autre part, c'est dans les zones rurales, que cette approche fonctionne mieux, car dans ces milieu l'approche mutualiste est plus privilégiée et la cohésion sociale est plus importante que dans les milieu urbains, où on assiste de plus en plus à la disparition du sentiment d'appartenance à une communauté, ce qui fait que l'application du principe de pression sociale s'y trouve de portée limitée. Une autre limite réside dans le fait, qu'un mauvais élément insolvable dans le groupe peut exclure du champ d'intervention de l'institution beaucoup d'autres clients qui sont des bons emprunteurs. Cette exclusion est autant nuisible aux clients qu'à l'IMF en terme de manque à gagner, car le prêteur, en sanctionnant tout le groupe parce qu'un élément s'est abstenu de rembourser, voit se réduire le nombre de ses clients potentiels. Timothy Besley et Stephen Coate (1995), à travers un jeu qu'ils intitulent « jeu du remboursement »34(*) montrent que deux équilibres sont possibles pour ce marché de prêt collectif. Dans le premier, tous les emprunteurs acceptent de rembourser car ils anticipent que les autres vont rembourser. La responsabilité conjointe joue bien son rôle de mutualisation des risques. Toutefois, un second équilibre est également envisageable et stable, il suffit qu'un des membres anticipe la défaillance d'un de ses partenaires, pour que le défaut de remboursement soit collectif. Il est alors plus avantageux pour chacun de ne pas rembourser dans ce cas. Huppi et Feder, (1990) parlent « d'effet domino »35(*) pour cette approche de prêt collectif à logique pyramidale, dans la mesure où la défaillance de quelques emprunteurs peut avoir pour conséquence l'effondrement progressif de tout le système de crédit. En effet, Lorsque le système est pyramidal, cette ambivalence est d'autant plus marquée, et dispose d'un effet de levier, Il est plus avantageux pour un groupe de ne pas rembourser lorsque la défaillance d'un des groupes bloque l'ensemble du système. Et plus le nombre des membres ou des groupes défaillants augmente, plus l'incitation à ne pas rembourser est forte puisque les chances d'octroi d'un autre crédit diminuent. On assiste alors à un effet « domino ». Du fait du rôle déterminant des anticipations croisées, une simple rumeur suffit à déclencher un processus en chaîne. 2. L'approche du crédit progressif Cette technique se distingue de l'approche de groupe par sa souplesse ; l'emprunteur n'est pas obligé de faire partie d'un groupe et d'obéir à ses règles internes pour pouvoir solliciter un prêt, il n'est pas obligé de se porter garant des autres membres du groupe, et n'a pas à être sanctionné lui aussi si quelqu'un d'autre n'a pas respecté ses engagements. Cette approche est plus équitable que la procédure de prêt de groupe, car avec cette méthode, chacun assume ses responsabilités, les crédits sont personnels et individuels, et le prêteur traite chaque client en fonction de sa solvabilité à lui et non pas en fonction de la solvabilité de tout un groupe. L'incitation au remboursement pour cette technique ne réside pas dans la pression sociale exercée par les membres d'un groupe, mais dans la motivation de l'emprunteur, il s'agit d'une simple procédure d'approbation et de renouvellement, du fait que chaque client qui rembourse dans les termes du contrat a droit à solliciter un crédit d'un montant plus élevé. Donc partant de cette logique, l'emprunteur est contraint d'être régulier dans ses remboursements afin de ne pas être pénalisé et privé d'un second prêt. 3. La formation et le suivi : La cible du microcrédit, étant la population démunie, majoritairement féminine, caractérisée par un taux d'alphabétisation faible, les programmes y afférents sont donc souvent accompagnés de programmes de formation dans les techniques de gestion, de suivi et contrôle des projets bénéficiaires de financement. Ces programmes revêtent une importance capitale dans la mesure où ils contribuent à accompagner les petits promoteurs et à les assister notamment dans les phases de démarrage. En effet, la cause essentielle de l'incapacité des emprunteurs à rembourser réside dans l'échec des activités entreprises, ou le détournement de l'affectation du microcrédit vers des dépenses non génératrices de revenus. Le suivi et l'accompagnement des bénéficiaires permettent de diminuer les risques de détournement des crédits et d'échec des projets. D'autres techniques de gestion de risques sont envisageables pour les institutions de microcrédit, ces méthodes se basent sur l'évaluation de la solvabilité des clients afin de sélectionner ceux que l'institution juge capables de ne pas présenter des défauts de remboursement. « Le crédit scoring », est une méthode statistique d'évaluation des clients qui s'est révélée comme un outil efficace de gestion des risques dans les banques commerciales, peut s'étendre au champ d'intervention des IMF, et s'adapter à ses caractéristiques. SECTION ²² : LE CREDIT SCORINGLe principe général de fonctionnement des IMF consiste à déléguer une partie de la décision d'octroi des prêts aux agents de crédit ; En effet, toute personne souhaitant contracter un prêt se présente à l'agent de crédit, ce dernier en fonction des données collectées sur le demandeur évalue sa solvabilité pour décider si la demande de l'intéressé peut être présentée au comité de crédit, s'il s'agit d'un bon client, sinon il refuse la demande d'emblée. Ce jugement se base sur l'opinion de l'agent qui, en fonction de son expérience et des historiques de remboursement des prêts octroyés auparavant, parvient à se doter d'une certaine intuition qui le guide dans son évaluation. Cette évaluation subjective, quoiqu'elle dispose d'un bon pouvoir prédictif prouvé par le taux de remboursement élevé, généralement réalisé en microcrédit, peut comporter certains biais personnel. En effet, et comme le pense Mark Schreiner36(*), d'une part, les agents de crédit doivent prendre leurs temps pour tirer de leurs expériences « un sixième sens » pour pouvoir distinguer entre un bon et un mauvais emprunteur. D'autre part, l'humeur du jour de l'agent de crédit, son degré d'aversion au risque, peut biaiser sa décision ainsi que la sélection des caractéristiques inappropriées. Les méthodes statistiques sont les meilleures solutions aux biais personnels de sélection, et c'est dans cette perspective que Schreiner envisage d'appuyer l'évaluation subjective par une évaluation statistique appelée « le crédit scoring ». A. LA TECHNIQUE « CREDIT SCORING » Le risque est indispensable pour la bonne marche des activités de microcrédit mais il est très important de prendre plutôt des risques calculés. Le crédit scoring se présente comme une technique de quantification du risque par l'évaluation du risque de défaut d'une personne donnée. 1. définition du concept : « Le terme Crédit Scoring désigne un ensemble d'outils d'aide à la décision utilisés par les organismes financiers pour évaluer le risque de non remboursement des prêts. Un score est une note de risque, ou une probabilité de défaut »37(*) « Scoring est l'utilisation des connaissances des résultats de remboursement et des caractéristiques des prêts remboursés dans le passé pour pronostiquer les résultats de futurs prêts »38(*)
Le crédit scoring, souvent désigné « Le crédit par point » dans certains ouvrages, constitue une tentative de rationalisation de l'exploitation de la base de données qu'a pu construire le prêteur sur ses clients afin d'apprécier leur solvabilité. Il consiste à attribuer à chaque information collectée une note ; une fois comparé à une grille préétablie, le total des notes de toutes les informations pour chaque client, commande la décision de l'agent de crédit. La grille et le nombre de points attribués à chaque réponse se basent sur l'expérience statistique.
Le Crédit Scoring est une technique jeune; son apparition remonte à soixante huit ans. En poursuivant les recherches de Fischer sur l'analyse discriminante, Durand (1941) est le premier à reconnaître la possibilité d'utiliser les techniques statistiques pour analyser le défaut de remboursement des clients et pour discriminer entre bons et mauvais emprunteurs. Même si le recours au Crédit Scoring pour l'évaluation des risques d'un emprunteur n'est pas nouveau, il convient de signaler que le concept est relativement jeune pour la microfinance notamment dans les pays en développement (Schreiner, 2004)39(*). 2. fonctionnement du crédit scoring La principale hypothèse sur la quelle se fonde les théories du crédit scoring consiste à penser que le passé est le meilleur estimateur du futur.
A partir de la base de données qui comporte un bon nombre d'historiques de clients ainsi qu'une multitudes de leurs caractéristiques, l'explorateur doit identifier les caractéristiques qui seront incluses comme variables dans le modèle, c'est-à-dire les facteurs qui influent sur le risque à prédire ( dans notre exemple d'évaluation de risque de crédit, ces variables sont les caractéristiques de l'emprunteur déterminantes de son comportement de remboursement), ainsi que le lien et la corrélation entre chaque variable et le facteur de risque. Des définitions précises de la variable à expliquer fournissent les meilleurs modèles en termes de précision et de pouvoir prédictif. Pour les modèles statistiques, cette étape nécessite des analyses statistiques rigoureuses, des logiciels de programmation tel que SPSS, STATA, SAS, qui facilitent l'utilisation des techniques statistiques, surtout qu'un bon modèle se base sur beaucoup de clients et de variables observés.
La fiche de notation est le fruit de l'exploitation des données de l'échantillon de construction, elle fournit les liens escomptés entre le risque prévu et les caractéristiques de l'emprunteur. Elle peut avoir plusieurs types suivant la manière d'exploitation des données ; Elle peut être statistique, établie à partir de l'évaluation statistique des informations et des crédits passés. Ce type de fiche comporte un ensemble de règles ou des formules mathématiques qui prédisent le risque de crédit précis de chaque emprunteur en fonction de ses caractéristiques. La fiche peut être subjective établie à partir des jugements des experts et de l'expérience de l'institution, elle comporte des directives explicites d'évaluation que les agents combinent avec leurs évaluations implicites. Comme elle peut être hybride combinant les techniques statistiques et le jugement des experts. Pour valider la fiabilité prédictive d'une fiche de notation, il conviendrait de vérifier que cette fonction donne également des résultats satisfaisants sur la même période à partir d'au moins un autre échantillon. Après avoir élaboré la fiche de notation, un test historique sur son pouvoir de prédiction est indispensable avant sa mise en application ; ce test consiste à utiliser la fiche pour prévoir le risque associé aux prêts d'un échantillon historique de test, différent de l'échantillon de construction et comparer ce risque prévu avec le risque réalisé. Ce pouvoir prédictif peut être évalué selon trois critères ; la précision absolue qui indique l'écart absolu entre le risque prévu et le risque réalisé, la précision relative qui indique dans quelle mesure le risque réalisé varie dans les mêmes proportions que le risque prévu, et la précision en queue de distribution qui examine la précision absolue et la précision relative pour les segment extrêmes, à savoir les catégories « les trop risqués » et « les très peu risqués ». Une fois validée par les tests historiques, la fiche de notation peut être mise en application pour évaluer les clients et guider le choix de décision. Le pouvoir prédictif d'une fiche de notation se dégrade avec le temps ; une fonction score garde son pouvoir prédictif au moins pendant les quelques années suivant la période au titre de laquelle elle a été élaborée. Il est donc nécessaire de vérifier périodiquement que ces résultats sont encore valides lorsqu'on s'éloigne de la période de référence.
Le scoring permet de prédire le risque, il ne revendique pas cependant à son utilisateur la manière de le gérer, l'institution doit établir sa politique en matière de gestion de ces risques quantifiés, et ce par la classification et la fixation des seuils. Les clients peuvent être classés en des segments suivant leurs risques respectifs ; le nombre des segments dépend de la politique de l'institution. la classification peut porter sur deux segments, à savoir un segment des « prêts risqués » pour lequel le scoring affecte les demandes à rejeter, et un segment des « prêts pas trop risqués » pour lequel seront affectés les demandes qui ne présentent pas trop de risques d'après le scoring.. Les classes de risques peuvent être en nombre de quatre ; la classe de « risque excellent » qui englobe les prêts qui se caractérisent par un niveau de risque très faible, la classe de « risque normal », la classe de « risque limite » et la classe de « risque problématique ». Le scoring permet à l'institution d'adopter des politiques différentes pour chaque niveau de risque prévu ; par exemple les demandes classées dans le segment très problématique seront rejetées automatiquement, les demandes du segment excellent seront approuvées immédiatement, et l'institution peut envisager des politiques d'incitation et de fidélisation des clients à risque excellent ; pour les cas à risque normal, le scoring confirme l'acceptation provisoire de ces prêts. Par contre, pour la classe limite, le comité doit examiner les différentes demandes avec beaucoup de soin pour décider soit du rejet soit de la modification des caractéristiques du prêt par l'exigence de garantie supplémentaire ou bien par la réduction du montant à décaisser. Les seuils de risque qui déterminent les limites de chaque classe sont déterminés par les dirigeants de l'institution suivant leur politique, leur aversion au risque, leur objectif, et le type de clients qu'ils veulent cibler, sachant que ces seuils peuvent être changés facilement par la fixation d'autres seuils. 3. les avantages du scoring La réussite du crédit scoring et son utilisation de plus en plus fréquente sont une conséquence inéluctable des avantages qu'il procure à ses utilisateurs notamment dans le domaine du crédit et dont il convient de citer particulièrement : § L'organisation du processus du crédit : Le recourt au crédit scoring permet d'augmenter la robustesse du processus d'évaluation, par une meilleure évaluation du risque prévu pour les différentes classes de risque des emprunteurs. § La réduction du biais humain : Le principal inconvénient du jugement personnel étant le biais humain d'évaluation. Que ce soit de bonne ou de mauvaise fois, le décideur de crédit peut ne pas prendre la bonne décision, le crédit scoring vient donc pour remédier à ce biais , en privilégiant l'évaluation objective. § L'amélioration de la productivité des analyses des demandes de crédit : Les demandes à risque extrême (soit trop risqué ou bien très faiblement risqués) sont détectées rapidement, les réponses soit d'accord ou de refus de ces types de demandes sont automatiques ; le temps gagné sur leur étude peut être utilisé pour se concentrer d'avantage à l'exploitation des dossiers à score moyen, ce qui se traduit par une amélioration de l'efficience des agents de crédit. § La réduction des impayés et du temps consacré au recouvrement : Le scoring permet de détecter les prêts très problématiques. Le rejet automatique de ce type de prêt se traduit par un gain en termes de coût et de temps, par moins d'arriérés de crédit à recouvrir par l'agent de crédit, Quand on sait combien l'opération de recouvrement des impayés est onéreuse et combien de temps et d'efforts elle demande, on réalise l'importance des gains qui pourraient être réinvestis dans la prospection et l'évaluation des autres demandes. § La délégation de la décision de crédit : Ce type d'évaluation entraîne la standardisation de la procédure d'octroi de crédit ; elle permet de placer objectivement chaque client suivant son risque de remboursement, par rapport à un seuil que la direction détermine ; l'objectivité de la procédure permet à la direction de déléguer la décision d'octroi de crédit à ses agents et peut y impliquer mêmes ceux qui ne sont pas trop expérimentés. § L'homogénéité des décisions et le sentiment de sécurité des agents de crédit : Guidé dans leurs prises de décisions par un manuel de fonctionnement, des règles de décisions préétablies et par une évaluation objective, les décisions des différents agents et différents antennes ne peuvent être qu'homogènes et comparables ce qui est de nature à sécuriser le décideur. Il ne culpabilisera pas d'avoir jugé injustement un client, ni d'avoir pris beaucoup de risque que l'institution peut ne pas tolérer. Cette homogénéité des décisions apparaît comme un gage et une preuve de l'objectivité et de la crédibilité de l'institution et de ses agents. § Possibilité d'adapter la tarification au risque encouru : Une politique de prix fondée sur le niveau de risque peut être envisagée ; ainsi les demandes ayant un risque inférieur au seuil le plus faible peuvent être fidélisé par exemple par une réduction de la commission de prêt, tandis que pour ceux de la classe de risque limite, l'institution peut augmenter la valeur de la commission, du taux d'intérêt, ou bien exiger une garantie supplémentaire. § Meilleure allocation des fonds : Le classement des clients, permet à l'institution d'optimiser ses choix quant à l'allocation de ses fonds, par la sélection des clients les plus crédibles. § Ajustement de la politique de l'institution en déplaçant le seuil d'acceptation : La direction de l'institution peut à tout moment changer le seuil d'acceptation de crédit pour une raison ou une autre ; par exemple si elle veut prendre moins de risque que d'habitude parce qu'il s'est avéré qu'elle a beaucoup d'arriérés pour l'exercice précédent, il suffit qu'elle fixe le nouveau niveau de risque tolérable et de le communiquer aux agents de crédit. § Le crédit scoring tient compte de beaucoup de facteurs de risques : L'évaluation statistique par la méthode du crédit scoring prend en considération une multitude de facteurs de risques ; elle permet par une simple procédure d'exploiter beaucoup de variables déterminantes du comportement de remboursement du client pour prédire et estimer son niveau de risque de défaut de remboursement.
Le scoring n'apportera ses fruits que dans les institutions dotées d'une importante base de données historiques sur ses clients. Le crédit scoring en microfinance est utilisé en conjointement avec le processus de jugement personnel des agent de crédit et non pas comme outil de décision indépendant, puisque le scoring n'évalue que les caractéristiques quantitatives. Le recours à l'évaluation subjective des agents de crédit, qui évaluent les caractéristiques qualitatives qui sont statistiquement ignorées, reste toujours nécessaire.
De ce fait la notation ne va pas se substituer à l'expertise et au jugement personnel de part l'importance des caractéristiques qualitatives des demandeurs de crédit, mais elle va plutôt le compléter. Avant la mise en place d'un projet scoring, Schreiner40(*) suggère de commencer par la préparation de la culture organisationnelle, la collecte des données et le choix du modèle.
1. préparer la culture organisationnelle pour la mise en place du crédit scoring Schreiner pense que la difficulté dans la mise en oeuvre d'un projet de crédit scoring ne réside pas dans les procédures techniques, elle relève plutôt de la qualité humaine et organisationnelle. Il suffit d'exploiter la base de données pour pouvoir tirer une formule mathématique, mais, le problème consiste à savoir comment changer la culture organisationnelle pour pouvoir mettre en place l'application de cette formule. Les agents de crédit peuvent être réticents envers le scoring, et n'y voire qu'un travail supplémentaire à effectuer, comme ils peuvent s'y méfier du fait que ceux qui préparent le modèle qui guidera leurs choix soient des personnes qui n'ont jamais accordé des crédits, ni rencontré un de leurs clients. Ils ne les considèrent donc pas aptes pour prédire et évaluer leurs propres clients. Les gestionnaires de l'organisation doivent préparer l'installation du modèle de scoring, pour qu'il ne reste pas non exploité et surtout pour qu'il ne soit pas mal exploité ; une sensibilisation préalable et une formation de plusieurs mois sont indispensables pour les parties prenantes de l'évaluation. Toutefois, la connaissance théorique de son mode de fonctionnement n'est pas suffisante, il faut que ses utilisateurs soient convaincus que c'est une pratique qui marche, et qu'ils aient la ferme volonté de l'appliquer et de l'utiliser. L'acceptation de ce nouveau mode de fonctionnement serait le fruit de la simplicité de son utilisation grâce notamment à une bonne formation, d'une conviction des avantages qui lui sont associés, et de l'implication des directeurs et agents de crédit dans la préparation de la « formule magique ». a) la facilité d'utilisation Il faut veiller à ce que le nouveau système d'évaluation ne coupe pas court, et subitement, avec l'ancien système. Les agents de crédit ne vont pas accepter facilement un changement radical de leurs procédures et méthodes de travail. La nouvelle procédure doit donc se rapprocher du système de gestion des informations déjà existantes, et n'exiger que peu de nouvelles données à inclure en plus de celles qu'ils ont déjà pris l'habitude d'utiliser dans le cadre du système classique. La nouvelle procédure ne devrait pas être perçue par les agents de crédit comme un substitut à leurs jugements subjectifs. Ils ne devraient être appelés à appliquer le scoring que sur les demandes qui ont déjà bénéficié d'une approbation subjective quant à ses caractéristiques qualitatives. Une politique écrite et un manuel de procédures doivent être mise en place, non seulement pour empêcher le recours aux méthodes traditionnelles et la mauvaise exploitation des données, mais aussi, pour indiquer les seuils de risques et les marches à suivre pour chaque seuil. Ce manuel devra déterminer, par exemple, le niveau de risque au-dessous du quel le prêt est considéré excellent, et comment le récompenser. b) l'implication des responsables de crédit dans l'élaboration du modèle Mettre en place une méthode de scoring appropriée à la microfinance nécessite une combinaison des outils techniques de modélisation et un savoir pratique des risques de crédit des emprunteurs. Le projet de scoring doit donc prendre en compte l'expérience du personnel de crédit. L'implication des agents et directeurs de crédit dans la phase de modélisation ne peut être que bénéfique, puisqu'elle diminue leur réticence envers cette technique qui va s'imposer dans leur domaine « réservé », et contribue à dissiper leur méfiance envers sa fiabilité quand elle n'apparaîtra plus à leurs yeux comme parachutée étant donné qu'ils ont participé à sa modélisation. Par ailleurs, l'expérience qu'ils ont acquise lors de leur participation à la modélisation ne peut qu'améliorer la crédibilité du modèle. Le responsable du projet scoring doit faire comprendre aux décideurs de crédit que le processus ne va pas se passer de leurs évaluations subjectives, et qu'au contraire il va les aider à mieux évaluer les caractéristiques quantitatives. Il doit encourager le personnel à proposer leurs commentaires et suggestions, et leur poser des questions quant aux caractéristiques qu'ils jugent déterminants du risque et aux obstacles au bon fonctionnement du scoring. c) Preuve de performance du modèle Avant la mise en place officielle du projet, un test historique de son pouvoir prédictif doit être effectué. Cette phase est très intéressante pour s'assurer que la technique est fiable, et pour en convaincre les directeurs de crédit et faire en sorte qu'ils l'acceptent, et l'adoptent. Le fait de prouver aux responsables de crédit que la fiche de notation produit les mêmes effets sur un autre échantillon de test qui n'était pas pris en compte dans l'échantillon de construction et que le risque prévu par le scoring se rapproche du risque réalisé, ne peut que les convaincre que les résultats peuvent être généralisés pour tous les clients. 2. Les données à collecter Pour pouvoir élaborer une fiche de notation, l'institution doit commencer, des années avant de la mise en place du projet, par la collecte des données qui peuvent influer sur le risque de remboursement : ces données se rapportent soit aux caractéristiques de l'emprunteur, soit à celles du prêt, comme elle peuvent être en rapport avec les caractéristiques de l'agent de crédit.
Les caractéristiques de l'emprunteur sont les facteurs les plus déterminants de son comportement de remboursement. Un maximum de donnés sur le client permet de mieux prédire son comportement ; en effet, ces données peuvent se référer à ses caractèristiques démographiques ou celles relatives à son ménage, ses coordonnées, les avoirs de sa famille, son activité professionnelle, ses flux financiers, son historique de remboursement, ses traits de caractères.
C'est le type de données le plus important en terme de pouvoir prédictif ; ces caractéristiques sont relatifs à l'âge du client, son sexe, sa situation familiale, son niveau d'étude.
D'autres informations sur le client : numéros de téléphone au domicile et au travail pour le contacter, ou bien la distance séparant son domicile de l'agence la plus proche sont nécessaires pour pouvoir déterminer le coût des transactions et la difficulté du travail de suivi des agents.
Le nombre des membres du ménage et leurs âges, le régime d'occupation du foyer et son type, les biens de propriété de la famille, la possession de véhicules et d'appareils ménagers, sont des indicateurs du niveau de pauvreté du demandeur de crédit, qui doivent être collectés pour prédire la solvabilité du client.
Le secteur d'activité, le type d'activité, le nombre d'années d'expérience, le type du local et l'enregistrement officiel sont toutes des informations que l'institution doit savoir sur son emprunteur et qui lui servent pour évaluer son risque de défaut.
Connaître les différents revenus de la famille ainsi que ses différentes dépenses et la régularité de ces flux est indispensable pour bien cerner la situation financière de l'emprunteur et sa stabilité.
Les remboursements passés étant les meilleurs indicateurs du remboursement futur, l'institution doit être en mesure de déterminer les performances de remboursement de chaque prêt antécédent, ainsi que les détails de tout retard.
Les institutions de microcrédit qui veulent investir plus dans la qualité de leurs modèles de crédit scoring, peuvent collecter des données qui sont des indicateurs indirects des traits de caractère de l'emprunteur. Ces données sont en relation avec la consommation du client des cigarettes et des boisons alcoolisés, l'aversion de l'emprunteur au risque et sa préférence pour les jeux d'hasard, son appartenance aux comités....
Le montant du crédit décaissé, le montant demandé, le taux d'intérêt pratiqué, la période de grâce si elle existe, l'objet du prêt, le type de garantie et sa valeur si elle a lieu, le nombre des versements et la période de prêt, sont toutes des informations relatives à chaque client, elles doivent figurer sur la base de données de l'institution pour que le projet de scoring peut en tenir compte lors de l'élaboration.
Les caractéristiques de l'agent de crédit qui a pris la décision quant à l'octroi peuvent influencer le risque ; l'institution doit avoir enregistré, pour chaque crédit déboursé, l'agent qui a effectue l'opération. Lors de l'exploitation et l'extrapolation des données, son sexe, son âge, sa situation familiale, son niveau d'études et sa spécialité seront pris en compte. 3. Le choix du modèle de scoring Le choix du modèle de scoring repose sur le choix du type de la fiche de notation ainsi que le choix de la variable à prédire par l'évaluation. a) Le type et la méthode du scoring Schreiner41(*) distingue trois modèles du scoring selon la technique d'évaluation et de classification utilisées.
Pour nous faire comprendre le principe de prédiction du risque par l'arbre , Schreiner recourt à un exemple d'arbre très simplifié, il s'agit d'un arbre à quatre feuilles que je reprends( voir figure 1); Figure 1 : arbre à quatre feuille (arborescence) Prêts à problèmes/ prêts soldés Cet arbre comporte deux niveau, le premier étant le type de prêt (nouveau ou bien renouvellement) et le second étant le sexe, et malgré sa simplicité, il indique plusieurs éléments à l'institution sujet d'évaluation :
Le principe de fonctionnement de cet arbre dans la prédiction du risque suppose que le risque historique associé à un segment représente le risque prévu pour ce segment, donc toute demande représentant certaines caractéristiques est identiques au risque historique des prêts passés présentant les mêmes caractéristiques. Partant de cette logique, le risque prévu d'une première demande de crédit d'un homme vaut 22,3%. Ce type d'évaluation nous rappelle l'évaluation subjective qui repose sur le même principe, mais elle mesure les relations historiques en terme qualitatifs et implicites, tandisque l'arbre mesure les relations en termes explicites et quantitatifs. Nous avons étudié un arbre à deux niveau et quatre feuilles pour faciliter la compréhension de la procédure, mais la logique est la même quelque soit le nombre de niveaux et de feuilles qui représentent les différents segments des clients.
Une fiche de notation par régression est une formule mathématique qui procure la probabilité personnelle de réalisation de l'événement source de risque pour l'institution et qui est dans notre cas le défaut de remboursement. Cette formule comporte les indicateurs explicatifs du comportement (les facteurs influençant le comportement de remboursement) sous forme de variables qui dépendent de l'emprunteur ; ces variables sont pondérées par des coefficients traduisant la relation entre chaque facteur de risque et le risque encouru. Les coefficients de pondérations ainsi que les variables retenues dans la formule mathématique sont le fruit d'études statistiques complexes comparativement aux analyses des arbres. Les fiches de notation par régression ont le meilleur pouvoir prédictif, elles indiquent clairement le lien entre chaque caractéristique et le risque quant au sens ou la part de sensibilité du comportement de remboursement pour chaque variation de chaque variable explicative du modèle.
Ce type de fiche se base non pas sur l'évaluation statistique des données, mais plutôt sur l'expérience et le jugement des responsables. Les systèmes experts reposent sur des règles explicites ou bien des formules mathématiques et non pas sur des jugements implicites comme l'évaluation subjective, et ils ne peuvent pas établir la corrélation entre le risque et les facteurs, comme peut le faire la régression. Ils disposent du pouvoir prédictif le plus faible parmi les autres types de fiche, du fait qu'ils ne se basent pas sur des évaluations objectives, même s'il reposent sur des formules mathématiques ; les coefficients de pondération et les variables ne sont pas tirés des données, ils sont plutôt choisis par les dirigeants. La plupart des IMF prétendant travailler avec le crédit scoring ont plutôt recours aux systèmes experts. b) Le type de risque à prévoir L'institution doit choisir entre différents type de scoring à mettre en place, qui différent selon le risque que l'IMF se propose de prévoir comme elle peut utiliser plusieurs à la fois;
il permet d'évaluer le risque de défaut de remboursement du client, pour décider d'octroyer le crédit ou bien rejeter le demande. Le risque que cherche à prédire l'institution peut être le non remboursement ou bien le retard des remboursement. C'est le type de scoring le plus répondu et le plus utile à mon avis, car il permet de distinguer d'emblée entre les bons et les mauvais clients.
Il évalue le risque de retard du versement prochain pour un prêt déjà en cours. Si le client se trouve risqué par l'évaluation, il est présumé « coupable », l'institution peut alors exercer sur lui des incitations au remboursement régulier, tel que les visites de courtoisie pour le rappeler indirectement, par la simple présence, de ses obligations.
Il calcule la probabilité de présenter encore du retard pour un prêt présentant déjà un arriéré. Sur la base de cette évaluation, l'agent de crédit décide de rendre visite à l'emprunteur ou non, comme il décide de la pratique qu'il va exercer sur lui pour le relancer (soit la manière douce, soit la manière forte)
Le scoring du risque de départ se propose de prédire si le client demandera un autre crédit une fois son prêt arrive à terme, cette évaluation permet de distinguer entre la politique à utiliser pour l'inciter à demander un autre crédit ; pour les mauvais emprunteurs et même si leur risque de départ est faible, l'institution ne cherche pas à fidéliser. Mais pour les clients fiables pour lesquels le risque de départ n'est pas important, le prêteur doit mettre en place des procédures d'incitation pour la demande d'autres crédits.
Avant la visite du terrain, le scoring de visite calcule la probabilité de rejet après la visite, il permet de rejeter donc les clients sans leur rendre visite. CONCLUSION Le risque de crédit est l'un des risques les plus importants auxquels est exposée l'institution de microcrédit. Ce risque s'il n'est pas géré de manière efficace aura des répercussions néfastes sur la qualité du portefeuille de l'institution et sur sa rentabilité ce qui influe à long terme sur ses équilibres et sa perennité. En conséquence, les IMF doivent accorder beaucoup d'importance à leurs politiques de gestion du risque de crédit ; outres les techniques traditionnelles utilisées par les institutions pour réduire ce risque, le crédit scoring se présente comme une méthode de gestion des risques de crédit qui peut s'étendre aux organismes de microcrédit. Le scoring qui quantifie le risque de crédit de chaque emprunteur et qui établit le lien entre ce risque et les caractéristiques de la personne peut s'étendre au champ d'application de la microfinance. En microcrédit, l'évaluation par le crédit scoring ne remplace pas l'évaluation subjective des agents de crédit mais elle la complète pour fournir une évaluation objective, complète qui prend en considération toutes les caractéristiques quantitatives et qualitatives qui peuvent influencer le comportement de remboursement de l'emprunteur. Après avoir exposé théoriquement dans ce chapitre, les étapes de mise en place d'un projet de crédit scoring dans une institution de microcrédit, je vais essayer dans la suite de ce mémoire de passer à l'application empirique de ce concept dans une IMF tunisienne à savoir : Enda InterArabe. * 21 - Le titre d'un article publié à la une du « Nouvel Observateur » n°2263 par Natacha Tatu, journaliste au service économie * 22 - Slogan énoncé par Hillary Clinton à l'occasion du sommet mondial du microcrédit en février 1997 à Washington * 23 - Titre d'un article publié par Betsy Rakocy membre d'Oxfam America ; an international relief and development organization * 24 Il préside le groupe de travail du CGAP sur la micro-assurance et participe au comité éditorial du Bulletin MicroBanking. Il a écrit et supervisé plus de 40 articles, documents de travail, monographies et manuels de formation sur des sujets divers couvrant la microfinance et la micro-assurance * 25 Manuel de gestion des risques en microfinance, 2001 * 26 « Inventaire mondial des institutions de microfinance, Sustainable banking with the poor » janvier 1997. * 27 PPPCR au Burkina Faso (Projet de Promotion du Petit Crédit Rural) * 28 Depuis 1961, le CIDR est une ONG qui étudie, formule et met en oeuvre des programmes de développement local et régional basés sur la création et / ou l'appui à des activités économiques et financières. * 29 Gomez Vaquero E., (1992). "Evaluación Actuar Bogotá", Instituto de Estudios Superiores de la Empresa (IESE), Barcelona * 30 Berenbach S., Guzman D., (1993). "La experiencia mundial de los grupos solidarios", Serie de monografías, Acción International, Cambridge (Ma). * 31 Berenbach S, Guzman D, (1994). "The Solidarity Group Experience Worldwide", in RHYNE, OTERO (eds), "The New World of Microenterprise Finance", Kumarian Press, West Hartford. * 32 Albert L., (1997). "Les mécanismes collectifs de crédit : une nouvelle solution-miracle?", Cahiers de la Faculté des Sciences Economiques, Sociales et de Gestion, 195, FNDP, Namur. * 33 Jonathan morduch est un professeur des politiques économiques et publiques à New York University's Wagner Graduate School of Public Service, chercheur sur le développement international, la pauvreté et l réinsertion financière. * 34 Timothy Besley and Stephen Coate,(1995) «Group lending, repayment incentives and social collateral»,Journal of Development Economics, vol 46(1) * 35 Huppi Monika and Feder Gershon, (1990), «The Role of Groups and Credit Cooperatives in Rural Lending » * 36 Mark Schreiner est consultant pour le cabinet «Microfinance Risk Management ». Il est intervenant (Senior Scholar) du Center for Social Development de l'Université de Washington. St louis. ,expert dans les domaines suivant : (Microfinance, Credit scoring and risk management, Poverty scoring Individual, Development Accounts and saving services for the poor, Evaluation of microfinance organizations, Impact assessment) * 37 Gilbert Saporta, « Credit scoring, statistique et apprentissage », Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris * 38 Schreiner, M (2003) « Les Vertus et Faiblesses de L'évaluation Statistique (Credit Scoring) en Microfinance » * 39 Schreiner, M. (2004) «Scoring Arrears at a Microlender in Bolivia», Journal of Microfinance, Vol. 6, No. 2 * 40 Schreiner, M, 2000, « credit scoring for microfinance: can it work? » * 41 Schreiner, M, 2003, « scoring : un grand pas en avant pour le microcrédit ? », etude spéciale, CGAP |
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