Paragraphe 2 : Les
préalables liés aux organes de régulation et
d'autorégulation
Dans le système mixte d'encadrement de la
liberté de presse qui est le nôtre, le rôle attendu des
instances de régulation et d'autorégulation dans les
médias est capital. Pour une dépénalisation
conséquente, des réformes et des initiatives sont attendues aussi
bien de l'ODEM que de la HACC.
A. L'ODEM, pour plus de
déontologie dans les médias
Dans une société démocratique et
pluraliste où s'impose la règle de droit, l'éthique et la
déontologie du journalisme permettent de s'opposer avec un certain
succès à une presse irrespectueuse des droits et libertés
des citoyens.
Au Bénin, la responsabilité sociale de la presse
a motivé la création de l'Observatoire de la Déontologie
et de l'Ethique dans les Médias (ODEM) qui a démarré ses
activités le 3 mai 1999. Dans cette dynamique, il est apparu
nécessaire d'élaborer des règles de conduites
professionnelles qui agiront en quelque sorte comme normes inhibitrices des
égarements et dérapages médiatiques, sources d'injustices
profondes pour ceux qui sont mis en cause.
En septembre 1999, les professionnels béninois des
médias ont conçu un Code de déontologie en vingt-six (26)
articles, qui énonce les devoirs et les droits du journaliste dans
l'exercice de sa profession. Pour faire respecter ces dispositions, l'ODEM, qui
apparaît comme la police interne de la corporation, agit par
communiqués. Mais, il y a encore énormément de chemin a
parcourir par l'ODEM dans cet environnement où les règles que
l'Observatoire est appelé à garantir sont trop souvent
foulées au pied.
Aujourd'hui, normes professionnelles et pratiques
professionnelles sont en conflit presque permanent. Mais, toute la
difficulté de l'ODEM réside en fait dans l'absence de contrainte
qui caractérise ses communiqués. Il est vrai que la
déontologie est une morale professionnelle dont les règles,
à l'inverse du droit, ne sont contraignantes que volontairement.
Toutefois, la sanction morale que vise l'ODEM, à
travers ses prises de position, devrait tout de même contribuer à
asseoir au sein de la corporation, un code moral fondé sur des valeurs
comprises, acceptées et respectées par la majorité de ses
membres. Ce qui aujourd'hui n'est pas encore le cas.
L'autre difficulté réside dans son
incapacité matérielle à suivre de près et à
rappeler à l'ordre sur les nombreux manquements à la
déontologie couramment enregistrés. Cela aurait été
d'une grande utilité même si les décisions prises ne
revêtent que le sceau de la sanction morale.
A la base de cette difficulté se trouve la charge
financière insupportable qu'induirait cette activité pour l'ODEM.
Cette instance se contente de faire vérifier le respect de la
déontologie par quelques journalistes qu'il emploie souvent sur une
période d'un mois au taux forfaitaire de cinq mille francs CFA par jour.
On se demande, au regard de l'élan qui a
présidé à la création de l'ODEM, si dans cette
même foulée il ne pouvait pas être institué au sein
de la corporation, une forme de participation financière de chaque
journaliste au budget de fonctionnement de l'ODEM ? Cette participation
pourrait permettre à l'ODEM d'assurer un contrôle plus
régulier. Cette suggestion s'explique par la nécessité de
doter cette instance de plus de moyens financiers.
Par ailleurs, le retard accusé par cette instance
d'autorégulation dans l'examen de certaines plaintes à elle
adressées est également une difficulté à surmonter.
Il est vrai que le citoyen béninois n'est pas plaideur de nature, de
sorte que de nombreux manquements passent sous silence. Mais ce retard dans
l'étude des plaintes frustre le citoyen diligent qui, parfois,
soupçonne une forme pernicieuse de collusion entre l'Observatoire et les
journalistes qu'il est appelé à contrôler.
En effet, le sentiment de protection outrancière des
journalistes que ressent le citoyen vis-à-vis d'un tel silence
jugé éloquent conduit ce dernier à saisir le juge. En
attendant de résoudre ces préalables, l'ODEM pourrait
déjà proposer la suppression de l'interdiction faite au
journaliste de prouver la vérité des faits diffamatoires lorsque
ces faits remontent à plus de dix ans. Cette interdiction prescrite par
l'alinéa b de l'article 32 de la loi 60-12 nous paraît arbitraire.
Il en est ainsi car, dans certaines hypothèses, malgré la
véracité des faits allégués, le journaliste sera
condamné pour diffamation motif pris de l'écoulement d'un certain
délai.
Par ailleurs, la loi 97-032 du 20 août 1997 portant
libéralisation de l'espace audiovisuel et dispositions pénales
spéciales relatives aux délits en matière de presse et de
communication audiovisuelle en république du Bénin réalise
une avancée notable par rapport à la loi 60-12 sur la
liberté de presse. Face à l'hésitation de la loi 60-12,
qui énonce en son article 50 qu' « en matière
de presse, la détention préventive est en principe
interdite », la loi 97-032, plus affirmative, dispose en son
article 107 que « la détention préventive en
matière de presse est interdite ». Dans cette dynamique,
on pourrait suggérer que l'interdiction énoncée à
l'article 107 de cette loi soit étendue à la garde à
vue.
Tout comme l'ODEM, la HAAC également n'est pas à
l'abri des améliorations recherchées.
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