La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin( Télécharger le fichier original )par M. Koovy YETE Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007 |
Paragraphe 2 : Dépénalisation de l'ensemble des manifestations de la libertéd'expression.Cette demande tirée du caractère fondamental de la liberté d'expression en démocratie satisfait à un souci de cohérence dans la démarche (A). Mais, elle reste une solution difficile en pratique pour plusieurs raisons aussi importantes les unes que les autres (B). A. Un souci de cohérenceOn pourrait évoquer une dépénalisation de l'ensemble des manifestations de la liberté d'expression. C'est l'article 10, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui, dans son énoncé, donne une composition détaillée de cette liberté101(*). En effet, aux termes du paragraphe 1 de cet article, le droit à la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. La dépénalisation totale aurait le mérite de la clarté puisqu'elle lèverait tout débat autour de la question même de l'intérêt de la dépénalisation des seuls délits de presse. La cohérence proviendrait elle-même de l'importance de la valeur évoquée et non de la qualité de journaliste ou du statut de la personne qui en jouit. La défense de cette réclamation est assise sur la liberté d'expression elle-même en tant que fondement essentiel d'une société démocratique. L'ensemble des citoyens, toutes catégories confondues, devrait pouvoir profiter de cette mesure en tant qu'acteurs de la société démocratique, elle-même comprise comme la société de l'expression plurielle. On garde toutefois à l'esprit qu'une dépénalisation n'aura pas pour effet de faire disparaître les actes actuellement constitutifs d'infractions pénales, mais seulement de les transférer purement et simplement dans la sphère civile. On assisterait en quelque sorte à un mouvement similaire à celui enregistré en 1997 en Belgique avec l'abrogation des articles 387 et 390 du Code pénal. L'adultère constituait une infraction pénale parce que la loi belge le considérait comme une atteinte non seulement au devoir de fidélité mais aussi, plus largement, à l'ordre moral. Par l'abrogation de ces dispositions, l'adultère cessa alors d'être une infraction pénale, mais resta (en tant que violation du devoir de fidélité consacré par l'article 213 du Code Civil) un cas d'injure grave pouvant justifier que le divorce soit prononcé aux torts de celui qui s'en était rendu coupable. En somme, l'injure, la diffamation, seront toujours maintenus mais, leur sanction au pénal, du moins pour ce qui est du prononcé des peines privatives de liberté, ne sera plus possible. Mais, en réalité, la dépénalisation totale des manifestations d'opinion est-elle admissible dans le contexte béninois actuel ? Peut-on valablement transférer la solution retenue pour l'adultère aux infractions découlant de l'usage de la liberté d'expression ? * 101 CEDH, art. 10 : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises radiophoniques, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations ». |
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