La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin( Télécharger le fichier original )par M. Koovy YETE Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007 |
B. Une solution peu satisfaisante.La dépénalisation des seuls délits de presse à la lumière des justifications ci-dessus énumérées paraît peu satisfaisante. Il en est ainsi car, malgré ces justifications, des questions non moins pertinentes restent en suspens. Et comme l'expose Henri BOSLY « cette solution paraît difficilement acceptable. Pourquoi une infraction cesserait-elle d'être punissable parce qu'elle est commise par la voie de la presse ? Ainsi par exemple, l'injure orale est punissable quand elle est publique. La lettre injurieuse publiée tombe également sous le coup de la loi pénale. Pourquoi, cesserait-il de l'être parce qu'elle est reproduite en de nombreux exemplaires ? [...] On ne peut s'empêcher de penser que l'intention de protéger la liberté de la presse serait alors détournée de son but pour couvrir des infractions dont la gravité pourrait être considérable »98(*). Dans cet ordre d'idée, Patrick de FONTBRESSIN fera remarquer que : « dans une société démocratique, l'exercice d'une liberté, fut-elle le pilier de la défense des droits fondamentaux ne peut se justifier par la commission d'infractions, à peine de contester la légitimité des règles d'ordre public, et par là même, du système tout entier »99(*). En d'autres termes, il est difficilement concevable qu'un message, parce qu'il est véhiculé par voie de presse, prenne automatiquement la dimension d'une information qui, au nom de la liberté de presse, devient une valeur fondamentale à l'abri de toute poursuite pénale à l'encontre de celui qui la véhicule. A l'appui d'une telle réflexion, on ajoutera que la seule référence de la presse ne saurait, en aucune manière, justifier l'aveu d'une infraction dans un Etat de droit, et effacer la poursuite pénale qu'il induit. Selon la belle expression de Patrick de FONTBRESSIN, « une démocratie ne peut se satisfaire d'une purification d'infraction par bain de presse, à peine de détruire ses propres fondements »100(*). Au total, il est dans l'intérêt du journaliste d'éviter de se retrancher dans un tel espace pénalement immunisé car cette forme de liberté conduirait à la destruction de la liberté elle-même et partant, du système qui l'a vu naître. A l'opposé de la dépénalisation des seuls délits de presse, ne serait-il pas plus cohérent si l'on tient à faire disparaître le système pénal des délits de presse, d'opter alors pour une dépénalisation totale, c'est-à-dire de l'ensemble des manifestations de la liberté d'expression ? * 98 BOSLY (Henri), Les relations entre la justice et la presse. Aspects de droit pénal et de droit de la procédure pénale, in Justice et Médias, 1995, p. A 28, cité par JONGEN (François), in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit. p. 65. * 99 FONTBRESSIN (Patrick), cité par LEGROS (Pierre), in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit. p. 118. ; Cf. LIBOIS (Boris) et HAARSCHER (Guy), Les médias entre droit et pouvoir, op. Cit., p. 103. * 100 Ibid., p. 119. |
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