1.1.2 SPECIALISATION ET DIVISION INTERNATIONALE DU
TRAVAIL : LA MARGINALISATION DES PAYS DU SUD DANS LES ACTIVITES INTENSIVES
EN CONNAISSANCE
1.1.2.1 Spécialisations : Pays du Nord moteurs
de l'innovation et pays du Sud suiveurs ou imitateurs
Le développement de la DIPP, a facilité la
montée en puissance du commerce en biens intermédiaires. On peut
considérer que le commerce en biens intermédiaires est soit la
conséquence ou la cause de la segmentation internationale des processus
productifs. Elle est à l'origine des spécialisations. Les pays
peuvent se spécialiser dans le ou les secteurs dans lesquels ils
détiennent un avantage comparatif.
Comme le montre le modèle HOS (Hicks, Ohlin,
Samuelson), il est avantageux pour un pays de se spécialiser dans la
production du bien utilisant le facteur dont il est relativement le mieux
doté. Un pays se positionne sur un segment de la chaîne de valeur,
dans lequel il détient un avantage comparatif. Cet avantage peut
être soit une dotation factorielle intensive en capital (pays
développés) soit une dotation intensive en travail (pays en voie
de développement).
Les différents stades de production d'un produit
correspondent à différentes fonctions de production, de sorte
qu'un pays peut avoir un avantage comparatif dans certains stades de
fabrication d'un produit et des désavantages dans d'autres. On peut
ainsi distinguer deux types de spécialisation : une
spécialisation horizontale, quand un pays a un avantage comparatif sur
l'ensemble du processus de production depuis les stades amont jusqu'aux stades
avals ; et une spécialisation verticale quand un pays a un
avantage seulement dans un (ou des) stades de fabrication d'un produit et des
désavantages comparatifs dans les autres stades.
La spécialisation verticale concerne essentiellement
les pays émergents dotés d'une intensité factorielle riche
en travail. Ils se spécialisent généralement dans les
activités avals, c'est-à-dire les activités de finitions
et d'assemblages qui sont devenues une phase cruciale de la segmentation
internationale des processus productifs. Ils demeurent ainsi positionnés
sur les stades intensifs en travail alors que les pays avancés
fournissent les produits à fort contenu en capital et technologie. Ce
qui amène Lemoine (2002) à penser que l'handicap des pays
à fort contenu en travail réside surtout au niveau de leur
positionnement sur la chaîne de valeur. En effet leur participation aux
stades intensifs en travail ne produit pas les externalités
technologiques nécessaires à améliorer rapidement leurs
capacités technologiques. C'est la question du mode de transfert de
technologie.
Traditionnellement les pays du Nord jouent le rôle de
meneur dans l'innovation et les pays du Sud, celui de suiveur ou imitateur. Les
grands pays industriels disposent d'un avantage comparatif soutenu dans le
domaine technologique (subventions publiques à recherche, ressources
cognitives, DPI ...). Les transferts de technologie du Nord vers le sud,
s'effectuent le plus souvent par les IDE ou les accords de partenariats,
entraînant une diffusion internationale des savoirs et des
compétences technologiques. Cette diffusion internationale banalise les
innovations, et donc pour garder son avantage comparatif le pays innovateur est
obligé de renouveler chaque fois sa capacité d'innovation par des
dépenses de R&D.
Mais ces investissements en R&D sont avant tout
justifiés par l'existence d'un système de protection efficace de
la rente d'innovation (Fontagné, 1990).
Fontagné (1990) fait la différence entre
services technologiques et biens technologiques. Pour cet auteur, les pays
innovateurs se spécialisent sur des paquets technologiques ou plus
simplement sur une technologie particulière dans laquelle ils
détiennent un avantage comparatif, du fait de leur richesse en
ressources cognitives. Et les pays suiveurs se spécialisent
plutôt dans la production du bien technologique final (production
intensive en travail) et non pas sur une technologie particulière. Ils
disposent d'un avantage comparatif à cause de la main d'oeuvre
abondante.
Dans le long terme, on assiste à une croissance des
dépenses de R&D du pays innovant dans le but de protéger son
avantage comparatif. On arrive à une situation où
l'économie innovante continue à exporter le paquet technologique
et à importer le bien final.
Cette analyse des spécialisations Nord-Sud rejoint le
constat effectué par Lemoine (2005) au sujet de la chine :
« Les échanges de haute technologie de la Chine
reflètent sa position dans la segmentation internationale des processus
productifs. En effet, plus de la moitié de la haute technologie
importée est incorporée dans des pièces et composants
et/ou dans des inputs destinés aux opérations d'assemblage. Les
quatre cinquièmes des exportations de produits de haute technologie sont
issus des opérations d'assemblage et sous-traitance. L'intensité
technologique des exportations chinoises résulte du contenu high-tech
des inputs importés plus qu'elle ne reflète la capacité
interne d'innovation ».
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