Connaissance, Développement, division internationale du travail. Quelle place pour les pays émergents? Le cas de la Chine et l'Inde( Télécharger le fichier original )par Erick ATANGANA Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master Economie de l'industrie et des services 2006 |
1.1.1.1 La décomposition internationale des processus productifs- Organisation de la production ou organisation et gestion des compétences et savoirs Le modèle classique de la firme taylorienne est basé essentiellement sur une division technique du travail. Le bureau d'études et des méthodes composé d'ingénieurs et de scientifiques a pour rôle la conception et l'innovation. Alors que dans les ateliers, les ouvriers sont réduits à la réalisation des tâches. Au niveau de l'atelier il existe une parcellisation des tâches définie sur un mode séquentiel, de manière à diminuer les délais d'ajustement. Les tâches sont parcellisées en séries d'opérations prescrites dès le départ, normées, additives et séquentielles. Bien entendu, dans ce modèle le socle de connaissance de l'ouvrier est sollicité au minimum. Sur le plan international, la logique de parcellisation des tâches prime également. Les activités productives sont localisées dans des territoires en fonction des avantages comparatifs qu'ils détiennent. L'objectif principal ici est la minimisation des coûts. Aujourd'hui, les changements structurels de l'environnement des entreprises et les nouveaux défis liés à la globalisation des échanges poussent les entreprises à développer des modèles organisationnels plus en phase avec leur environnement économique. Les faits les plus marquants en rapport avec les changements structurels dans l'environnement des entreprises sont la montée en puissance des nouvelles technologies, l'environnement fortement concurrentiel, l'instabilité de la demande et la volatilité des marchés. L'environnement fortement concurrentiel est basé sur la variété de l'offre, la qualité des produits, et la capacité d'innovation (Veltz, Zarifian, 1994). De ceci découle la naissance d'un nouveau modèle industriel d'organisation de la production qui se manifeste par une transformation du principe de la division du travail qui passerait d'une logique technique à une logique de compétences et d'apprentissages (Moati, Mouhoud 1994). Contrairement à l'entreprise traditionnelle issue de la théorie néoclassique où la compétitivité de l'entreprise réside dans sa capacité à déterminer la combinaison de facteurs de production optimale qui permet de maximiser son profit, l'entreprise confrontée aux nouvelles contraintes citées plus haut recherche plutôt l'efficience qualitative par l'innovation et la qualité, et l'efficience dynamique par la capacité à créer et l'adaptation1(*) (Moati, Mouhoud, 1994) . L'innovation est donc la principale source de compétitivité. Les entreprises mettent en place un contexte favorable à l'innovation et à la R&D. La mise en place d'un contexte favorable à l'innovation va de pair avec la capacité de mobiliser un bloc de compétences et de savoir capable d'apporter une réponse à l'obsolescence rapide des connaissances. Cette obsolescence des connaissances, quant à elle, est liée à l'augmentation à la fois du rythme de l'innovation et de la vitesse de circulation de l'information. Dans ce cadre, la logique de minimisation des coûts, bien que toujours présente devient de moins en moins prépondérante. Mais, laisse plutôt la place à une logique d'utilisation, d'acquisition (par l'apprentissage) et de création de nouvelles connaissances. La pertinence de ces nouvelles connaissances créées réside dans leur efficacité à répondre aux sollicitations du marché. Au total, les évolutions dans les formes organisationnelles mettant en avant une division cognitive du travail plutôt qu'une division technique du travail, peuvent remettre en question les déterminants classiques de décomposition, de fragmentation, et d'internationalisation des processus productifs. La logique pure d'exploitation des différences de coûts comparatifs selon les caractéristiques technologiques des modules ou fragments des processus de production tend à reculer au profit d'une logique d'accès au marché, à des compétences spécifiques et de proximité ou de centralité géographique (Moati et Mouhoud 2005). - DIPP et division cognitive du travail La DIPP peut être assimilée à une extension de la division internationale du travail à l'ensemble des pays selon l'idée d'avantage comparatif. Les firmes multinationales mettent en place une DIPP par la délocalisation de certains segments de la chaîne de valeur pour pouvoir profiter des avantages comparatifs que présentent certains territoires. La décomposition, en plusieurs segments correspond à la production séparée de plusieurs biens intermédiaires qui seront assemblées pour donner naissance au produit final. On appelle « bien intermédiaire » tout bien produit, réintroduit dans le cycle productif et disparaissant au cours de ce dernier (Fontagné et Al., 1996). La fragmentation des processus productifs est déterminée par deux types de facteurs : les facteurs techniques qui correspondent au principe de modularité des produits ou des procédés, et des facteurs économiques liés à la distribution des avantages comparatifs entre les pays ou les avantages de localisation entre les différents sites (Lassudrie-Duchêne, 1985). La DIPP a surtout été pratiquée dans des industries où les procédés techniques présentent une très grande modularité, c'est le cas de l'industrie automobile et des composants électroniques. Dans la DIPP, la modularité des techniques et des produits, permet la production de plusieurs biens intermédiaires, dont la finalité est l'assemblage de ces biens afin d'obtenir un bien final destiné à la consommation ; on parle de « réintégration» (Moati, Mouhoud 1994). La réintégration nécessite la coordination de toutes les parties prenant part à la chaîne de valeur. Coordination qui sera d'autant plus difficile que la DIPP suppose d'une part, un processus de production décomposable en fragments hétérogènes sur le plan des facteurs de production, et d'autre part, des nations caractérisées par des offres d'inputs différenciées ; on parle de « contrainte de différences » (Lassudrie-Duchêne, 1982). Cette contrainte de différences va bien sûr provoquer une dispersion spatiale des différents fragments de processus de production ; mais cette dispersion peut être tempérée par la coordination plus ou moins étroite de l'activité, nécessaire à la recomposition physique des fragments, qui en effet se rapportent à un même processus, on parle de « contrainte d'interdépendances ». La division cognitive du travail dont l'objectif associée est l'optimisation de la capacité d'apprentissage, favorisant le développement des compétences sera effectivement influencée à la fois par cette contrainte de différences et cette contrainte d'interdépendances. On entend par là le fait que la division cognitive du travail est guidée par le principe qui veut que la production de chaque segment tende à se localiser là où résident les compétences et les blocs de savoirs sous-jacents (Moati, Mouhoud 2005). Le processus de réintégration ne consistera donc pas à assembler des pièces, mais plutôt à réintégrer des savoirs hétérogènes. Ce qui nécessite une densité relationnelle entre les différentes parties prenant part aux processus de production. La contrainte d'interdépendance quant à elle, conduit à une coordination resserrée poussant les acteurs à rechercher la proximité. Ce principe de division cognitive du travail réclame une proximité géographique et/ou culturelle des activités de production compte tenu de l'exigence de réintégration et de coordination des fragments de processus de production (Mouhoud, 1995). Pour Mouhoud et Moati (2005), dans le cas des activités de R&D et d'innovation, les activités de recherche qui sont en amont du processus d'innovation nécessite une proximité physique, qui fait qu'elles sont plus concentrées géographiquement. Elles sont plutôt centralisées au sein des pays industrialisés, par contre les activités de développement quant à elles sont souvent plus dispersées géographiquement. Les mécanismes de coordination liés à une division cognitive du travail favorisent plutôt la concentration dans les espaces des acteurs de la DIPP. La division cognitive du travail pourrait être à l'origine des changements concernant les nouveaux déterminants de la localisation des activités intensives en connaissances. * 1 Adaptation facilitée par la capacité d'apprentissage |
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