Impact environnemental du déplacement des populations en situation de conflit armé: Cas des réfugiés dans l'EST de la République Démocratique du Congo( Télécharger le fichier original )par Bob CHECHABO BALOKO Limoges / Faculté de Droit et des Sciences économiques - Master pro (M2) en Droit International et Comparé de l'Environnement 2007 |
Section II : Protection de l'environnement et opérations humanitairesOn ne le dira jamais assez, l'environnement ne peut pas être la préoccupation principale quand des vies humaines sont en danger ou que des valeurs humaines fondamentales doivent être défendues. Les considérations environnementales sont parfois ignorées au profit d'intervention d'urgence (§1). Et pourtant, une assistance «in situ » de populations et de personnes déplacées pourrait s'avérer comme un instrument privilégié de prévention de l'environnement (§2). §1. Défaut d'une prise en compte des aspects environnementaux lors des opérations humanitaires Il convient de noter que les organisations humanitaires sont parfois appelées à intervenir sur une grande échelle lors de la phase critique de conflit armé. Leur préoccupation dominante est d'assurer la survie immédiate des populations touchées par le conflit. Toutefois, ces organisations peuvent avoir des effets néfastes sur l'environnement en tentant de réaliser cet objectif. Deux exemples provenant de l'étude du cas des Virunga illustrent bien le problème51(*). En premier lieu en effet, pendant la phase critique d'une urgence médicale, une organisation médicale importante dut jeter, dans le parc national, une quantité importante de déchets humains solides et seringues utilisées. Dans un autre cas, une ONG mit sur pied un programme de production de revenus en enseignant à des réfugiés comment fabriquer des meubles en bambou. Il devint vite évident que le bambou était prélevé au parc protégé avoisinant. Par ailleurs, en termes de pollution ; les réfugiés et les personnes déplacées constituent une véritable menace puisqu'ils sont souvent regroupés en grand nombre dans des conditions précaires. Ils peuvent polluer les eaux de surface en cherchant à survivre et propager des maladies infectieuses au cours de leur fuite. Cette dernière préoccupation constitue une menace non seulement pour la santé publique des populations humaines mais aussi pour la faune indigène. Ainsi, lorsque des latrines sont installées dans un habitat dans un habitat sauvage, de manière planifiée ou impromptue, les déchets produits représentent un facteur de risque important et susceptible de n'être confirmé qu'une fois la contamination survenue. Certains germes infectieux présents dans les déchets humains de meurent virulents même après plusieurs années enfouis dans le sol. Le risque de propager ainsi des maladies à la faune est particulièrement inquiétant dans le cas de grands singes tels les chimpanzés et les gorilles52(*). Dans le même ordre d'idées, il faut souligner que la présence de bétail domestique dans les habitats naturels, souvent associée aux mouvements de masse des populations en situation d'urgence, peut avoir un impact qui dépasse largement les effets du surpâturage, du piétinement de la végétation et de la concurrence écologique avec les ongulés sauvages. Le bétail domestique et leurs propriétaires humains présentent aussi un risque de transmission de maladies aux animaux sauvages. Des affections telles que la maladie du charbon, la maladie de Carré et la tuberculose bovine peuvent être transmises aux animaux sauvages avec des conséquences souvent disproportionnées53(*). Ces exemples, comme tant d'autres, prouvent à suffisance que les opérations d'assistance humanitaire, bien qu'indispensables, augmentent les besoins et les dégâts environnementaux. Dans l'urgence, les drames humains, les atrocités de la guerre et les mouvements de populations font apparaitre la protection et la restauration de l'environnement comme secondaire. Or, les conditions de la paix sont intimement liées à un environnement préservé. Protéger la nature c'est aussi protéger l'homme et notre humanité54(*). §2. Assistance et protection humanitaires « in situ » : instrument privilégié de prévention de l'environnement En 1994, afin d'empêcher un exode imminent vers le Sud-Kivu en RDC, les NU organisèrent une vaste opération humanitaire pour maintenir des populations en fuite à l'intérieur du Rwanda. Les distributions d'aide restaient délibérément derrière le train migratoire pour en ralentir le mouvement. En parallèle, de nouveaux camps furent ouverts près des frontières congolaises pour rassurer les déplacés. Plusieurs centaine de milliers de rwandais ont donc été stabilisés par une utilisation stratégique de l'assistance humanitaire dont ils dépendaient pour survivre. Lorsqu'en septembre de la même année, il fut décidé que des déplacés devaient retourner chez eux, un système d'encouragement au retour fut mis en place (transport, kit de reconstruction, etc.), en même temps qu'un système de sanctions quand l'incitation au retour n'avaient pas les résultats escomptés. Pour disperser les camps, il fut ainsi décidé que le flux d'aide s'arrêterait en mars et avril 1995, y compris les livraisons d'eau55(*). La décision des NU de couper tout vivre à des personnes qui en dépendaient entièrement, ne laisse aucun doute sur la collusion, dans ce cas, entre logique humanitaire et système de contrôle des personnes déplacées. Partant, elle prête le flanc à la critique et ouvre la voie aux abus de toute nature sur l'environnement (ensemble des écosystèmes comprenant l'eau, l'air, le sol, la faune et la flore) auxquels ces populations se sont livrées. En clair, le système de protection de déplacés mis en place par les NU a montré ses limites. Depuis, malheureusement, les événements au Darfour qui sont d'une actualité brûlante, montrent que l'approche des NU vis-à-vis des déplacés n'a pas tiré les leçons des corrélations entre guerres et état de l'environnement dans la partie orientale de la RDC. Une réflexion critique s'impose, dès lors.
SECONDE PARTIE : EVALUATION ENVIRONNEMENTALE EN CONTEXTE POST- CONFLIT L'évaluation environnementale est un outil d'aide à la décision apparu dans les années 70 aux Etats-Unis, puis en France à l'échelle des projets et sous la forme d'EIE. Au départ utilisée comme outil d'évaluation des impacts des projets de développement sur l'environnement, la procédure d'EE s'est constamment élargie, pour inclure les composantes économiques et sociales, ainsi que des plans et programmes56(*). Aujourd'hui, l'EE peut être définie comme un outil de prévention qui s'appuie sur le processus d'identification, de prévision et d'atténuation des impacts biophysiques et sociaux des projets, des plans et de programmes de développement. L'étude d'impact s'appuie donc sur un certain nombre de méthodes, qualitatives ou quantitatives, qui prennent appui sur les sciences naturelles, les sciences physiques, l'ingénierie ou les sciences sociales et humaines, ou dans l'impact des projets similaires réalisés antérieurement. A l'exception des efforts du PNUE sur les évaluations écologiques post-conflits ainsi que quelques communications faites dans les manifestations internationales, peu de travaux sur les évaluations environnementales en situation de conflit armé ont été réalisés. Ainsi, contrairement aux autres domaines de connaissances (scientifiques, économiques,...), les spécialistes de l'évaluation environnementale se sont à ce jour peu intéressés à cette question57(*). En situation de conflits armés, malgré les difficultés et les différences évidentes liées particulièrement à l'effondrement de la gouvernance environnementale et l'absence d'un cadre réglementaire bien défini, nous pensons que les outils et les méthodes actuellement en vigueur en EE peuvent être utiles à l'analyse, comme à la gestion et à l'atténuation des impacts environnementaux liés aux conflits armés. Le cadre logique de l'EE que nous avons conçu relativement à la présente analyse, nous permet d'identifier les principaux enjeux environnementaux soulevés par le déplacement des populations pendant les conflits armés dans l'est de la RDC (Chapitre premier). De cette analyse, il ressort que l'EE a un grand rôle à jouer en situation post-conflit, en intervenant dans les actions de planification de gouvernance environnementale et de reconstruction (Chapitre second). * 51- Ces renseignements nous ont été fournis au cours de nos voyages d'études et de recherches par le personnel du PNV avec lequel nous avons conféré autour de la problématique des faiblesses de l'action humanitaire et ses dérives sur l'environnement. Voir aussi note 23 supra. * 52- Contribution du bureau « I-Mage Consult » lors des journées d'étude et d'information satellitaire au service d'aide humanitaire, 28 mai 2008, non publiée. * 53- Idem. * 54- Cf. Colloque de Paris du 06 mars 2008, note 14 supra * 55- Nous tenons ces informations du Responsable en charge des opérations auprès du HCR - Bureau sur terrain à Goma, en RDC. * 56- PNUE, Etat de l'environnement mondial et contribution du PNUE à la solution des défis environnementaux : Evaluations écologiques post-conflits, Rapport du Directeur, Nairobi, février 2003, p. 112 * 57- PNUE, idem |
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