Contribution des Ecoles Normales Primaires au processus de l'Education Pour Tous( Télécharger le fichier original )par Jean-Baptiste NDAGIJIMANA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maîtrise 2005 |
CHAPITRE 1Problématique de l'étude.Nous abordons la formulation de notre problématique. Celle-ci nous permet d'entrer dans la phase de théorisation de notre étude. La problématique va découler de la motivation de départ qui se situe dans notre ancienne responsabilité à l'École Normale Primaire de Kirambo. Cette motivation sera exprimée à travers trois catégories d'intérêts : l'intérêt du sujet, l'intérêt pédagogique et l'intérêt national et social. 1.1. L'INTÉRÊT POUR LE SUJETSi nous sommes d'accord avec Kant pour affirmer que l'éducation doit développer dans chaque individu toute la perfection dont il est capable, l'éducation devient un bon cadeau qu'il faudrait offrir à toute l'humanité pour la rendre plus humaine. Si l'éducation vise à développer le respect de l'autre, la tolérance, le dialogue, le respect des droits et devoirs, l'éducation devient une clef pour ouvrir la porte de la paix dans un monde déchiré par des tensions ethniques et le désir de domination, dans un monde où « la loi du plus fort est toujours la meilleure », un monde dominé par les puissances militaires et économiques. L'éducation est un droit fondamental. Personne n'a le droit d'en priver qui que ce soit. Cette certitude fonde la déclaration mondiale de l'Éducation Pour Tous (EPT), adoptée à l'unanimité le 09 mars 1990 à Jomtien en Thaïlande (voir aussi dans la constitution du Rwanda, article n°40), au moment où le Rwanda traversait une crise politique qui a abouti au génocide de 1994. Cette déclaration n'a eu aucun impact dans le système éducatif de cette période. Après cette tragédie, le Rwanda avait besoin d'une nouvelle orientation éducative spécifique à la culture de la paix. Pour cela la société rwandaise avait besoin d'éducateurs libérés de l'esclavage ethnique, régional et politique, donc d'éducateurs pour tous en vue d'humaniser et de socialiser les Rwandais. Dans cette vision éducative, « chaque génération de jeunes doit apprendre les rôles et les valeurs, les droits et les devoirs partagés par la société dans laquelle elle est née. C'est en apprenant ces rôles que les enfants sont socialisés, initiés aux attentes que la société entretient à leur égard. Simultanément, la société se trouve à produire des individus qui sauront maintenir et défendre l'ordre social »10(*). Préoccupé de l'unité nationale, le Gouvernement Rwandais doit assurer l'éducation de tous les citoyens selon la capacité de chacun et non selon l'équilibre ethnique et régional qui a conduit le pays au génocide. C'est dans ce contexte que « le Rwanda, comme tant d'autres pays se trouve maintenant à la croisée des chemins avec l'engagement d'aboutir à quelques objectifs de développement international, tels que l'Enseignement Primaire Universel (EPU) et l'Éducation Pour Tous (EPT) »11(*) Après le Forum mondial de Dakar, le Rwanda s'est engagé dans le processus de l'EPT en mettant sur place un Secrétariat National pour l'EPT au sein du Ministère de l'Éducation (MINEDUC) en septembre 2001. Le Plan d'Action a été publié en juillet 2003. Le coût total de ce plan est estimé à 382.819.140.455 Frw12(*), soit 652 162 O79 USD, soit 530 220 416 EUR pour la période de 2003 à 2015. Ce montant représente une somme importante dans le budget national, et le Gouvernement Rwandais seul ne peut financer ce projet de grande envergure. Sa mise en exécution exige l'implication des ONG, « des Agences de l'ONU, des Agences d'aide bilatérale, des Églises et de la Société Civile »13(*). L'implication de chacun dans cette politique nous semble nécessaire. C'est une des raisons qui nous pousse à chercher quelle pourrait être la contribution effective des Centres de Formation Pédagogique comme les Écoles Normales Primaires. Cette contribution se limitera au niveau de l'Éducation de Base selon les priorités définies dans le plan stratégique du Secteur de l'éducation. Les données statistiques sont très inquiétantes (dans l'éducation de base) : sur cent enfants (100) scolarisables, il n'y a que soixante six (66) qui vont à l'école ; trente-quatre enfants sur cent (34%) sont privés de l'instruction. Le taux d'alphabétisation s'élève à 47,8% pour les femmes tandis que celui des hommes est estimé à 58,1 %14(*). Quarante-huit pour cent (48%) de la population est donc analphabète et 52 % des Rwandais sont alphabétisés. Le taux d'inscription net à l'école primaire est de 74%. Le taux de redoublement y est de 33% et le taux d'abandon se situe à 12,8% 15(*) pour l'année scolaire 2001. Ce dernier pourcentage a augmenté pour l'année scolaire 2003 (15,2%)16(*). C'est un gros problème pour la réalisation du Plan d'Action de l'Education Pour Tous. Ces données nous laissent comprendre qu'il faut une étude approfondie des causes. Il est difficile de penser à un développement économique durable quand la moitié de la population est analphabète et moins instruite. Un grand nombre d'hommes et de femmes sont empêchés de développer pleinement leurs capacités personnelles. C'est dans ce contexte que l'intérêt pour l'Education Pour Tous est né lorsque nous étions responsable de l'École Normale Primaire (ENP)17(*) de Kirambo, grâce au Club d'alphabétisation composé par des élèves-maîtres de l'École Normale et l'ouverture au sein de l'ENP Kirambo d'un centre de programme de rattrapage18(*) pour les enfants qui n'ont jamais été à l'école et ceux qui ont abandonné l'enseignement primaire. C'est une des priorités de la Stratégie de l'éducation de base (Phase 1 du Plan de l'EPT) : chercher et réintégrer les enfants déscolarisés dans le système d'enseignement primaire formel et offrir des programmes flexibles aux enfants « difficiles à intégrer ».19(*) Ce programme a permis aux élèves-maîtres de s'initier à l'approche par compétence utilisée dans l'apprentissage. Nous nous demandions également pourquoi les Écoles Normales ne sont pas considérées comme acteurs dans le processus de l'Éducation Pour Tous. En tant qu'Institutions de formation des instituteurs, au-delà de la formation des enseignants, ne peuvent-elles pas s'engager en ouvrant leurs portes à la population environnante pour l'alphabétisation fonctionnelle et d'autres programmes? Outillées pédagogiquement, ne peuvent-elles pas offrir un cadre de formation pour l'alphabétisation des adultes ? Les écoles primaires d'application ne devraient-elles pas être un modèle de l'EPT en quantité et en qualité (en renforçant les capacités et les compétences des enseignants, un des moyens les plus efficaces pour créer un intérêt chez les apprenants) ? À côté des écoles primaires d'application, n'y a-t-il pas moyen d'ouvrir des programmes de rattrapage pour permettre aux enfants plus âgés et à ceux qui ont abandonné l'école d'intégrer l'éducation formelle ? Autrement dit, les enseignants des Écoles Normales et les élèves-maîtres ne peuvent-ils pas contribuer à la réduction de taux d'analphabètes, d'abandon scolaire, d'échec scolaire, etc. ? Dans le but de trouver les pistes à proposer au Ministère de l'éducation et aux autres décideurs, nous avons décidé d'approfondir d'une manière plus rigoureuse le sujet. * 10 Morin, L., Brunet, L., Philosophie de l'éducation : 1. Sciences de l'Éducation, p.232 * 11 MINEDUC, Politique Sectorielle de l'Éducation, p.2 * 12 MINEDUC, Éducation Pour Tous : Plan d'Action, p.57 * 13 Ibid. p4 * 14 MINEDUC, Politique Sectorielle de l'Éducation, p.3 * 15 Ibid. P.4 * 16 Selon les statistiques du Ministère de l'éducation * 17 Chargée de la formation initiale et continue des instituteurs, appelée en Anglais TTC : Teachers Training College * 18 Initiative de l'école normale acceptée par le Ministère de l'éducation * 19 MINEDUC, Plan Stratégique du Secteur de l'Éducation 2004-2008, p.14 |
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