CHAPITRE VII : LES ENJEUX SOCIAUX DE
DIFFERENCIATIONS A KANZRA
I : AU NIVEAU POLITIQUE
L'espace du village pris comme un champ peut être
découpé en plusieurs "sous-champs" correspondant aux
différentes pratiques et institutions sociales (la politique, les
cimetières, l'habitat). Il s'agit ici du champ politique, qui est
à la fois un champ de force structuré par les positions
dominantes qui détiennent les distances à respecter entre les
agents du champ, et un champ de luttes pour les conquêtes de positions
dominantes.
Alors qu'est ce que les agents gagnent-ils à
se différencier au niveau politique et quelles sont ses influences sur
les rapports interethniques ?
En effet, le migrant tout en quittant son milieu d'origine
déconstruit tout un système de pouvoir ou des rapports politiques
avec les siens pour ensuite le reconstruire dans le lieu d'accueil. Il cherche
à reconstruire son identité politique à travers la
continuité du modèle dont il est issu dans son milieu d'origine.
Ligui Arnaldi (2006) explique ce fait par une recherche
d'autonomie à travers une volonté des migrants de constituer des
unités politico-administratives indépendantes par rapport aux
villages autochtones. En même temps, l'autonomie administrative
n'entraine pas une délimitation territoriale ni d'établissement
de droit sur un territoire donné. Elle ne change pas non plus les
relations politiques entre le village de migrant et celui des autochtones. Or,
cette disposition à construire une entité politique, n'est pas
naturelle. Il s'agit bien d'une relation de réflexivité dans
laquelle A entraine B c'est-à-dire que cette constitution
d'unités politiques n'est pas "mécanique" mais elle est la
résultante du refus que les migrants participent au jeu politique du
village. En clair, cette constitution d'unités politiques rentre dans le
compte d'une stratégie de subversion qui a pour objectif de
dévaluer les noms dominants c'est-à-dire les autochtones (le cela
va de soi : un migrant ne doit pas participer à la vie politique du
village) ainsi que le capital qui lui est associé, c'est-à-dire
« étrangers ». A cet effet, les
différentes communautés disposent chacune d'un chef et son
organisation, dans laquelle organisation les autochtones ne sont pas
également associés.
Cette organisation rend le migrant autonome vis-à-vis
du village hôte. Pour donc dominer ce champ politique, les moyens
qu'utilisent les autochtones est l'idéologie de l'autochtonie.
II : AU NIVEAU SOCIOCULTUREL
Notons que chaque champ est relié aux autres mais chacun
d'eux possède son autonomie.
Au niveau socioculturel, le fait que le migrant quitte son
milieu d'origine. Il est fragilisé culturellement face au système
culturel qu'il trouve sur son lieu d'accueil .Il développe un
comportement rationnel et stratégique en réaction aux contraintes
de l'organisation sociale et culturelle du groupe d'accueil. Cette
stratégie consiste à reproduire le système social et
culturel du groupe d'origine dans un nouvel environnement avec ses contraintes.
L'agent produit des valeurs pour compenser les valeurs sociales politiques,
culturelles et économiques du milieu d'origine. Ainsi il reste
attaché aux valeurs sociales et culturelles de son milieu d'origine. Ce
transfert des valeurs ou pratiques du milieu d'accueil a pour fonction
d'éviter une déculturation c'est à dire que ce processus
vise à maintenir la relation avec son lieu d'accueil. Mais cette
façon de concevoir ou de construire son identité est aussi le
fait des autochtones. Par exemple l'accès à la forêt
sacrée est scrupuleusement réservée aux Kouins, parce
qu'à travers cette forêt ils s`identifient, ils se construisent
comme différents des autres Gouro de Gohitafla d'une part et des autres
groupes ethniques d'autre part.
Il s'agit là d'une double logique de
préservation identitaire de la part des autochtones d'une part et des
autres migrants d'autre part. Et cela à travers des dispositions
à se construire "autochtones" pour les uns et "étrangers" pour
les autres.
Cette disposition est transmise de génération en
génération de façon inconsciente par les agents qui
l'acceptent comme allant de soi et devient une norme commune dans le champ.
Alors cet habitus conditionne la vie socio culturelle à travers
plusieurs indicateurs tel que le séparatisme au niveau des
cimetières, le refus de certains migrants de donner en mariage leur
fille aux autochtones Gouro en général et en particulier tous
ceux qui n'ont pas les mêmes croyances religieuses.
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