1- La sécheresse et ses conséquences
La sécheresse est une notion relative, car non
seulement ses manifestations sont diverses mais sa définition même
varie en fonction de son impact et selon l'approche scientifique
(Reyes-Gómez & al., 2006).
En agriculture, la sécheresse est définie comme
un déficit marqué et permanent de la pluie qui affecte les
productions agricoles estimées d'après des valeurs moyennes ou
attendues (Gadsden & al., 2003). D'un point de vue
météorologique, la sécheresse est une absence
prolongée, un déficit significatif, voire une faible
distribution, des précipitations, en relation avec une valeur dite
normale (McKee, & al., 1993). En hydrologie, on parle de
sécheresse dès lors qu'à l'échelle régionale
la hauteur des pluies est inférieure à la moyenne
saisonnière, ce qui se traduit par un approvisionnement insuffisant des
cours d'eau et des réserves d'eau superficielles ou souterraines.
Les socio-économistes, quant à eux, parlent de
sécheresse quand les pluies sont insuffisantes et ont des effets
désastreux sur les populations et sur l'économie
régionale.
Une autre approche de la sécheresse est celle des agro
pastoralistes qui mettent davantage l'accent sur la
sévérité et la fréquence d'un
phénomène qui reste tout relatif. Pour eux, une année
sèche chaque décennie est souvent critique et permet
d'évaluer les effets réels du manque d'eau (Dyer, 1984).
1-2 Effets du déficit hydrique sur le
végétal
L'eau est la ressource naturelle qui limite le plus les
rendements en agriculture (Boyer, 1982). Au niveau des hautes plaines
semi-arides d'Algérie, la sécheresse est souvent le facteur
principal qui affecte la production du blé (Larbi & al.,
1998).
En effet, L'eau est le constituant pondéral le plus
important des végétaux (50 à 90% de leur masse de
matière fraîche). Elle est le milieu dans lequel a lieu la
quasi-totalité des réactions biochimiques; elle joue le
rôle de solvant, substrat et de catalyseur. Par la pression qu'elle
exerce sur les parois, l'eau permet la turgescence cellulaire qui est
indispensable au port érigé des plantes herbacées et
à l'expansion cellulaire dans les tissus en croissance. La turgescence
est également à la base des mouvements des organes (feuilles,
étamines) et des cellules (stomates). A l'échelle de l'organisme,
l'eau permet de véhiculer les substances nutritives, les déchets
du catabolisme et des phytohormones (Martre, 1999).
Le stress hydrique affecte plusieurs variables de
fonctionnement de la plante, telles que la température foliaire (Wiegand
& al., 1983; Patel & al., 2001; Luquet & al.,
2004), la conductance stomatique (Penuelas & al., 1992;
Yagoubi, 1993), la photosynthèse (Idso & al., 1981; Moran
& al., 1994; Yuan & al., 2004) et la surface foliaire
(Penuelas & al., 1992).
Une diminution de la teneur en l eau de la plante se traduit
immédiatement par une réduction de la croissance en dimension
avant même que la photosynthèse ne soit affectée (Turner,
1997).
D'après Amigues &., al (2006), à
l'échelle annuelle, les conséquences d'une sécheresse
dépendent de sa période de démarrage (par rapport au stade
cultural) et de sa durée d'action. Les effets observés au champ
le plus souvent sont:
- une levée incomplète et
irrégulière (en vagues) : défaut de peuplement plus grave
pour les cultures qui ne se ramifient pas (betterave, tournesol...),
hétérogénéité dans les stades
phénologiques jusqu'à la récolte...
- une implantation racinaire médiocre et superficielle :
couverture du sol retardée, carences précoces, sensibilité
à la sécheresse de fin de cycle...
- un défaut ou un retard de mise en solution des engrais
(azotés) et des pertes par volatilisation
- un défaut de prélèvement du nitrate dans
les horizons superficiels, qui sont les plus Concentrés et les plus
sensibles à la sécheresse édaphique
- une réduction de la surface foliaire, de la biomasse
aérienne et des organes fructifères, en raison d'un
défaut de transpiration et d'une carence azotée.
- une sénescence accélérée et un
défaut de remplissage du grain (ou une réduction
de calibre des fruits)
- des conséquences variables sur la qualité du
grain ou du fruit.
1-3 Effet du déficit hydrique sur le
blé
Outre son rôle dans la photosynthèse, dans le
transport et l'accumulation des éléments nutritifs ainsi que dans
la division cellulaire et la régulation thermique, l'eau joue un
rôle essentiel dans la croissance et le développement des plantes
cultivées (Riou, 1993). Un déficit hydrique se traduit par une
réduction de la croissance de la plante et/ou de sa production par
rapport au potentiel du génotype. Un déficit hydrique
précoce affecte en parallèle la croissance des racines et des
parties aériennes, le développement des feuilles et des organes
reproducteurs (Debaeke & al 1996).
Le déficit hydrique peut engendrer des pertes de
rendement à n'importe quel stade de développement du blé.
Chez le blé dur (Triticum durum Desf.), en région
méditerranéenne, la sécheresse est une des causes
principales des pertes de rendement, qui varient de 10 à 80% selon les
années (Nachit & al., 1998). La sécheresse de
début de cycle coïncide avec le démarrage de la culture
(levée, tallage) et celle de fin du cycle, qui est la plus
fréquente et qui affecte le remplissage des grains (Watts & El
Mourid, 1988).
Le rendement en grains chez le blé dépend
fortement du nombre de grains par épi, du poids de grains par épi
et du nombre d'épis par m2. (Assem & al., 2006). Le tallage
est l'un des principaux facteurs déterminant le rendement en grains chez
les céréales (Hucl & Baker, 1989) et une carence hydrique
précoce durant la phase végétative réduit le nombre
et la taille des talles chez le blé (Davidson & Chevalier, 1990),
(Stark & Longley, 1986) et (Blum & al., 1990). Un
déficit hydrique à la montaison se traduit par la
régression du nombre d'épis par m2, la régression intense
des talles et/ou la diminution du nombre de grains par épi (notamment
par accroissement du taux d'avortement des épillets et l'induction de
stérilité mâle) (Slama & al., 2005).
À la fin de la montaison, 10-15 jours avant
l'épiaison, la sécheresse réduit le nombre de fleurs
fertiles par épillet (Debaeke & al 1996). Le manque d'eau
après la floraison, combiné à des températures
élevées, entraîne une diminution du poids de 1000 grains
par altération de la vitesse de remplissage des grains et/ou de la
durée de remplissage (Triboï, 1990). Au cours du remplissage des
grains, le manque d'eau a pour conséquence une réduction de la
taille des grains (échaudage), réduisant par conséquent le
rendement (Gate, 1993).
2- Mécanismes d'adaptation à la
sécheresse
La tolérance d'une plante à une contrainte
hydrique peut être définie, du point de vue physiologique, par sa
capacité à survivre et à croître et, du point de vue
agronomique, par l'obtention d'un rendement plus élevé que celui
des plantes sensibles (Slama & al., 2005).
Il existe une large gamme de mécanismes de
tolérances à la sécheresse qui ne sont pas exclusifs les
un des autres et qui peuvent même être complémentaire (Jones
& al., 1980). Ces mécanismes sont d'ordre
phénologique, morphologique, physiologique.
Ainsi, la tolérance du blé à la
contrainte hydrique peut être associée à une
précocité d'épiaison (Makhlouf & al., 2006),
à un système radiculaire abondant (Hurd, 1974) et (Passioura,
1983), à une fermeture rapide des stomates, à une grande
efficacité d'utilisation de l'eau (Green & Read, 1983) ou au
maintien d'un potentiel de turgescence élevé (Kreim &
kronstad, 1981) et (Morgan & Gordan, 1986).
Diverses classifications des mécanismes de
tolérance à la sécheresse ont été
élaborées. Turner (2001) a décrit les principaux
caractères impliqués dans les trois grands mécanismes,
leur utilité et leur facilité d'utilisation pour la
sélection (tableau 6).
2-1 Adaptations phénologiques
L'esquive permet à la plante de réduire ou
d'annuler les effets de la contrainte hydrique par une bonne adéquation
de son cycle de culture à la longueur de la saison des pluies. (Amigues
&., al 2006).
La précocité constitue un important
mécanisme d'esquive de la sécheresse de fin de cycle (Ben Naceur
& al., 1999). Le rendement de nombreuses variétés a
été amélioré grâce au raccourcissement des
longueurs de cycle chez pratiquement toutes les espèces cultivées
annuelles (Turner & al., 2001), sur les légumineuses
(Subbarao, 1995), comme sur les céréales (Fukai & al.,
1999).
La précocité au stade épiaison est une
composante importante d'esquive du stress de fin de cycle chez le blé
dur. Compte tenu de la distribution aléatoire des précipitations
dans les régions arides à semi-arides, l'adoption de
variétés à cycle relativement court est nécessaire
(Makhlouf & al., 2006). Fisher & Maurer (1978) notent que
chaque jour de gagner en précocité génère un gain
en rendement de 30 à 85 kg/ha
Tableau 6. Principaux caractères impliqués
dans les mécanismes de tolérance à la sécheresse
(Turner & al., 2001).
Mécanisme
|
Utilité
|
Facilité de sélection
|
1-Esquive
|
Phénologie
|
Très haute
|
Facile
|
Plasticité de développement
|
Haute
|
Facile
|
2- Evitement de la déshydratation
|
Contrôle stomatique
|
Haute
|
Difficile
|
ABA
|
Discutable
|
Difficile
|
Ajustement osmotique
|
Fonction des espèces
|
Difficile
|
Développement racinaire
|
Haute
|
Très difficile
|
3- Tolérance à la
déshydratation
|
|
Stabilité membranaire
|
Haute
|
Facile
|
Potentiel hydrique létal
|
Haute
|
Difficile
|
Proline
|
Discutable
|
Facile
|
En milieu ou le gel tardif est une contrainte à la
production des céréales, une précocité excessive
n'est d'aucune utilité, au contraire, elle risque d'être une
source d'instabilité des rendements en grains. Une
précocité modérée peut cependant constituer un
avantage lors de la reprise de la croissance après un bref stress
(Bouzerzour & al., 1998).
2-2 Adaptations morphologiques
L'effet de la sécheresse peut se traduire, selon la
stratégie adaptative de chaque espèce ou variété,
par des modifications morphologiques pour augmenter l'absorption d'eau et/ou
pour diminuer la transpiration et la compétition entre les organes pour
les assimilats. Ces modifications affectent la partie aérienne ou
souterraine : réduction de la surface foliaire et du nombre de talles,
enroulement des feuilles et/ou meilleur développement du système
racinaire (Slama & al., 2005).
2-2-1 Système racinaire
L'efficacité de l'extraction de l'eau du sol par les
racines figure parmi les types d'adaptation permettant à la plante
d'éviter ou, plus exactement, de retarder la déshydratation de
ses tissus (Turner & al., 2001). L'aptitude des racines à
exploiter les réserves en eau du sol sous stress est une réponse
particulièrement efficace pour l'élaboration de la production de
graines (Passioura, 1977).
Un système racinaire capable d'extraire l'eau du sol
est un trait essentiel pour la tolérance à la sécheresse.
Cette caractéristique revêt une importance particulière sur
les cultures qui subissent régulièrement des déficits
hydriques de fin de cycle (Subbarao, 1995) Son impact sur le rendement est
particulièrement élevé car elle intervient directement
dans l'efficacité d'utilisation de l'eau en conditions de stress. Un
système radiculaire extensif permet au blé de mieux
résister à un stress hydrique (Bensalem & al., 1991)
in (Mazouz, 2006).
Cependant, deux types de raisons limitent beaucoup
l'utilisation des critères racinaires par les sélectionneurs
(Turner & al., 2001). L'impraticabilité du criblage au
champ pour cette caractéristique sur une grande échelle et la
difficulté de corréler des observations au champ à celles
qui sont faites en pots. L'absence d'une compréhension précise du
rôle exact des racines en conditions de ressources hydriques
limitées (Passioura, 1994) est un autre facteur limitant à la
mise en place d'un système de criblage efficace.
2-2-2 Surface foliaire
La réduction de la surface foliaire, quand le stress
hydrique est très important, est un mécanisme de réduction
des besoins en eau (Perrier & al., 1961). O'toole & Cruz
(1980), montrent que l'enroulement des feuilles entraîne une diminution
de 40% à 60% de la transpiration, le phénomène
d'enroulement des feuilles peut se manifester quand la
sévérité du stress est de -0,8 à -1,0 MPa et on
observe l'enroulement complet vers -2,0 à -2,5 MPa, ce qui correspond
à des conditions de déficit hydrique intense (Morgan, 1984).
D'après Blum (1984), les feuilles très
étroites permettent une réduction des pertes en eau. Les travaux
de Araus & al., (1989), montrent l'existence de différences
significatives, entre les différentes espèces de blé
tétraploïdes et hexaploïdes, pour le nombre stomates et la
surface foliaire.
D'après Acevedo & Ceccarelli, (1987), le port des
feuilles serait lié à la tolérance à la
sécheresse. Chez l'orge, les feuilles verticales étroites
seraient plus favorables à une adaptation au stress hydrique que les
feuilles larges et flasques (Borojevic & Denic, 1986).
2-2-3 Glaucescence, pilosité, cire et
barbes
La glaucescence, la pilosité des feuilles ou des tiges,
la couleur claire des feuilles et la présence de cire induisent une
augmentation de la réflectance qui conduit à une réduction
des pertes en eau. Clarke & al., (1989) montrent que la
glaucescence réduit le taux de déperdition d'eau (transpiration
cuticulaire) en conditions sèches et que les variétés qui
ont une glaucescence élevée donnent dans ces conditions, des
rendements plus élevés que les variétés à
faible glaucescence. Clarke & Richards (1988), montrent que la glaucescence
réduit la transpiration résiduelle de 10% en moyenne. La
comparaison de deux lignées isogéniques pour ce caractère
montre que les quantité de cire épicuticulaires et la
glaucescence influent également sur la transpiration résiduelle,
celle-ci étant supérieure de 30% chez la lignée non
glaucescente et à faible teneur en cire.
La présence des barbes chez les céréales
augmente la possibilité d'utilisation de l'eau et l'élaboration
de la matière sèche lors de la maturation de grain (Nemmar,
1980). La photosynthèse, chez les génotypes barbus
comparativement aux génotypes glabres, est moins sensible à
l'action inhibitrice des hautes températures lors du remplissage des
grains (Fokar & al, 1998).
En comparant trois variétés de blé dur,
Slama, (2002) trouve que la variété ayant la barbe la plus
développée, sous contrainte hydrique, présente le
meilleur
rendement. En effet, les barbes peuvent améliorer le
rendement en conditions de sécheresse par augmentation de la surface
photosynthétique de l'épi (Slama, 2005).
2-3 Adaptations physiologiques 2-3-1 Régulation
stomatique
L'eau peut être perdue par toute la surface de la
plante, cependant les stomates demeurent la principale voie d'émission
de la vapeur d'eau (85 à 100%). Les stomates sont des ouvertures
microscopiques dans l'épiderme des feuilles permettant la transpiration
et assurant les échanges gazeux entre la plante et l'atmosphère.
La transpiration se manifeste par une perte d'eau sous forme de vapeur d'eau
entraînant un refroidissement des tissus de la plante. Près de 98%
l'eau absorbée par la plante est perdue par la transpiration. Cette
perte est inévitable car les stomates doivent s'ouvrir pour permettre
l'entrée du CO2 et assurer la photosynthèse. De plus, elle
entraîne une absorption supplémentaire d'eau et favorise
l'absorption et la circulation des éléments minéraux.
En situation de déficit hydrique, la plante ferme ses
stomates pour réduire ses pertes en eau (Tardieu & Dreyer, 1997). La
régulation, de l'ouverture et la fermeture des stomates dépend du
potentiel hydrique foliaire et de l'humidité de l'air au champ (Turner,
1997). Une faible conductance stomatique induit une fermeture des stomates
rapide en conditions de déficit hydrique. Les génotypes à
faible conductance sont plus sensibles au déficit de vapeur et à
la baisse du potentiel hydrique foliaire que les génotypes à
forte conductance.
Une faible conductance est généralement
proposée comme critère favorable à l'adaptation à
la sécheresse (Turner, 1986). Cependant la fermeture stomatique
réduit l'assimilation du CO2 et conduit inévitablement à
une réduction de l'activité photosynthétique. En
conséquence, l'intérêt d'une réponse stomatique plus
ou moins rapide au déficit hydrique résulte d'un compromis entre
la réduction de l'assimilation du CO2 et la nécessité
d'éviter la déshydratation (Ludlow & Muchow, 1990).
La détermination de la fonction de l'ouverture
stomatique reste encore en débat (Cochard & al, 1996).
Néanmoins, l'effet de plusieurs facteurs agissant sur l'ouverture
stomatique a été montré : l'augmentation de l'irradiation
a pour conséquence d'ouvrir les stomates tandis que l'augmentation de la
concentration en CO2 ou du déficit de vapeur dans l'air induisent un
processus inverse (Hinckley & Braatne, 1994). De nombreuses études
ont mis en évidence des facteurs internes à la plante agissant
sur les processus de régulation stomatique.
L'effet de l'acide absicique (ABA) en tant qu'inducteur de la
fermeture stomatique a été largement documenté (Wartinger
& al., 1990; Davies & Zhang, 1991), mais il y a encore des
incertitudes sur son origine et sur sa contribution exacte à ce
phénomène (Dreyer, 1997). Le signal de la fermeture stomatique en
conditions de sécheresse à été attribué
à une production de l'acide abscssique (ABA) par les racines (Meinzer
& Grantz, 1990), mais l'état hydrique de la plante entière
reste un facteur important à considérer car il intervient sur la
sensibilité des stomates à la concentration d'ABA (Salah &
Tardieu, 1997).
Chez les céréales, Davies & al.,
(1994) ont montré que la fermeture des stomates est
contrôlée par l'acide abscissique ou ABA en réponse
à l'assèchement du sol. Mais les sélections
réalisées sur l'accumulation de l'ABA dans les
céréales n'ont pas conduit à une amélioration du
rendement (Quarrie & al., 1995).
2-3-2 Potentiel hydrique et ajustement
osmotique
L'eau est conduite à travers la plante depuis le sol
jusqu'à l'atmosphère. Ce processus est comparable à un
courant électrique. Ce courant est freiné par les
résistances hydrauliques de la plante, telle que l'ouverture plus ou
moins importante des stomates au niveau des feuilles ainsi que la
résistance des cellules racinaires au transfert de l'eau depuis le sol
jusqu'aux vaisseaux du xylème.
Au fur et à mesure ou la transpiration augmente au
niveau des feuilles, le potentiel hydrique foliaire diminue (il devient de plus
en plus négatif). Si l'eau est disponible au niveau du sol (lorsque le
potentiel hydrique du sol est fort) alors un courant d'eau depuis le sol
jusqu'aux feuilles compense les pertes d'eau lors de la transpiration. Lorsque
la quantité d'eau au niveau du sol diminue le potentiel hydrique
foliaire nécessaire pour provoquer le mouvement d'eau depuis le sol
jusqu'aux feuilles doit être d'autant plus faible (Lacaze, 2006).
La diminution du potentiel hydrique du sol en conditions de
sécheresse provoque une perte importante de la turgescence au niveau de
la plante (Henchi, 1987). L'augmentation de la production, dans ces conditions,
dépend des mécanismes de tolérance qui assurent
l'hydratation cellulaire et diminuent la perte en eau en maintenant un statut
hydrique favorable au développement foliaire (Sorrells & al.,
2000). Le maintien d'un potentiel hydrique élevé est
lié à l'aptitude à extraire l'eau du sol et à la
capacité à limiter les pertes d'eau par transpiration (Turner,
1986).
Le mécanisme d'ajustement osmotique permet de maintenir
la conductance stomatique et la photosynthèse à des potentiels
hydriques foliaires bas, par ajustement du potentiel osmotique. Il intervient
aussi en retardant la sénescence foliaire et en améliorant
l'extraction de l'eau par les racines (Turner, 1997).
Dans le cas d'abaissement du potentiel hydrique, la
tolérance s'exprime par un maintien de la turgescence, rendue possible
grâce au phénomène d'ajustement osmotique qui est
liée à la capacité, du végétal, à
accumuler, au niveau symplasmique et de manière active, certains
solutés (Blum, 1988). L'ajustement osmotique permet une protection des
membranes et des systèmes enzymatiques (Santarius, 1973), en particulier
au niveau des organes jeunes (Morgan, 1984).
Parmi les osmorégulateurs dont l'accumulation permet la
diminution du potentiel osmotique:
- Les ions inorganiques, tels que le potassium qui contribue
à 40% environ de l'osmolarité (Gaudillière & Barcelo,
1990); le nitrate pourrait également jouait, chez certaines
espèces, un rôle important: sa teneur augmente
considérablement, en cas de stress hydrique, dans les feuilles immatures
du tournesol (Jones & al., 1980).
- Les sucres solubles auraient un rôle majeur dans
l'ajustement osmotique ; leur participation à l'abaissement du potentiel
osmotique a été mise en évidence chez le sorgho (Jones
& al., 1980) et le blé (Johnson & al.,
1984).
- La teneur en acides aminés libres augmente
significativement en situation de déficit hydrique chez le sorgho et le
tournesol ; chez cette dernière espèce, cela explique 7% de la
baisse du potentiel osmotique (Jones & al., 1980). Parmi ces
acides aminés, la proline semble jouer un rôle
particulièrement important : on lui attribue un rôle d'osmoticum
au niveau du cytosol et au niveau de la vacuole, mais aussi un rôle dans
la protection des membranes et des systèmes enzymatiques et dans la
régulation du pH (Venekamp & al., 1989).
- Les acides organiques : l'acide malique est quantitativement
important chez la plupart des espèces cultivées (Clark, 1969) ;
il contribuerait (pour une assez faible part toutefois) à l'abaissement
du potentiel osmotique chez le sorgho (Newton & al., 1986)
L'ajustement osmotique apparaît donc comme un
mécanisme majeur d'adaptation à la sécheresse : il permet
le maintien de nombreuses fonctions physiologiques (photosynthèse,
transpiration, croissance...); il peut intervenir à tous les stades du
développement et son caractère inductible suggère qu'il
n'a pas (ou peu) d'incidence sur le rendement potentiel (Belhassen &
al., 1995).
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