Annassan et Senyon Améganvi
LE MAEP : GAGEURE POUR LE
DEVELOPPEMENT DE
L'AFRIQUE
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Depuis 2003, un nouveau cigle vient enrichir le vocabulaire de
nombreux béninois et semant la confusion dans les esprits de ces
béninois : le MAEP. Définit comme le mécanisme africain
d'évaluation par les pairs ; aujourd'hui entre les pairs. Cet outil de
contrôle assez singulier de l'Union Africaine (UA), a le même cigle
que le MAEP : Ministère de l'Agriculture de l'Elevage et de la
Pêche. Ces deux homonymes n'ont en réalité rien de commun.
Ces derniers jours, le MAEP comme outil de l'UA opère sa
résurgence et fait la urne de tous les média (nationaux et
internationaux). Depuis le dernier sommet de l'UA à Addis-Abeba
(Ethiopie) où le président de la république du
bénin est allé présenter le rapport du MAEP sur la
gouvernance au Bénin, ce terme a été galvaudé par
les journalistes nationaux et internationaux. Au lendemain de ce sommet, la
radio France internationale (RFI) a été une des premières
radio internationale a annoncé les 1.000 milliard de FCFA que venait de
gagner le Bénin par le biais du MAEP. Relayé par les
médias africains et surtout béninois, le citoyen béninois
désormais s'interroge sur cet instrument capable de faire
bénéficier aux Etats des ressources colossales. C'est dans ces
questionnements, que nous voudrions partager ici avec vous les analyses qui
sont les nôtres sur le MAEP. Mais avant, il requiert de nous, sans sous
évaluer vos connaissances, vous informer de ce qu'est le MAEP.
Le Mécanisme africain d'évaluation par les
pairs, est un outil de mesure de la gouvernance. En d'autres termes il est :
« un instrument auquel les Etats membres de l'Union Africaine ont
volontairement adhéré comme mécanisme
d'autoévaluation. » [UA, NEPAD, 2003]. Il affiche comme objectifs
d'encourager l'adoption de politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir
la stabilité politique, une croissance économique
élevée, un développement durable et une intégration
économique sous-régionale et continentale
accélérée grâce au partage d'expériences et
au renforcement des meilleures pratiques et des acquis. Il affiche comme
principe, la crédibilité des acteurs intervenants, leur
liberté de toute influence politique, leurs compétences
techniques. C'est dire donc que le MAEP entend travailler avec des hommes et
femmes reconnus pour leur notoriété et leur attachement à
la cause du développement du Continent, sans parti pris pour les
idéologies politiques.
Le MAEP, intervient dans un contexte géopolitique,
économique et social contrasté de l'Afrique. Il a
été élaboré pour asseoir, non pas de nouvelles
bases, mais d'assainir celles existantes et d'aplanir les divergences de
politiques et de normes. Il apparaît à un moment où le
Continent doit faire face à de nombreux défis : l'avancée
technologique ; l'énergie ; la défense stratégique du
territoire ; le logement décent ; les soins de santé primaire ;
les revenus salariaux bas ; la démographie ; les pandémies ; les
guerres ; etc.
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Pour ne pas rester sur les berges du fleuve de l'histoire, ou
pour ne pas se retrouver éjecter de celui-ci, il s'impose aux Etats
africains de réagir et d'unir les forces, d'harmoniser les politiques et
normes. Mais comment cela pourra se faire au regard des divergences de vision
et des jeux d'acteurs autour du MAEP et du NEPAD ? Comment pareil idéal
peut être approché, dans un contexte dominé par
l'endettement exponentiel des Etats africains ? Comment enfin, l'initiative
peut-elle porter quand seulement 28 Etats sont partis au mécanisme et 06
ont pu réussir le pari de l'évaluation jusqu'à ce jour
?
I. Les controverses autour d'un outil de
développement
· Contexte géopolitique, économique et
social de l'avènement du NEPAD
~ Contexte géopolitique : la démocratie
comme model de gouvernement
Après 1945, s'ouvre la période de la guerre
froide. Les deux superpuissances (Etats-Unis et URSS) s'arment massivement et
s'affrontent de manières indirectes, soucieuses de préserver et
d'accroître leur zone d'influence. Chacune d'elles va agir à
travers des stratégies bien ficelées pour contrecarrer
l'influence de l'autre et les velléités d'alliance. Le soutien
apporté par les deux super-puissances à leurs alliés
respectifs ne tenait pas compte du type de régime en place, ni des
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valeurs prônées aujourd'hui par le système
démocratique (droits et libertés fondamentaux de la personne
humaine), pourvu que ces régimes adhèrent à leur
idéologie et respectent leurs objectifs. C'est ainsi que les Etats-Unis
par le truchement de la Banque mondiale et du FMI, apportent son soutien
à ses alliés stratégiques dans différentes
régions du globe (Mobutu Sesse Seko au Zaïre de1 965 à1997).
Le député français Yves Tavernier dans le rapport 2000 de
la commission des finances de l'Assemblée nationale sur les
activités et le contrôle du FMI et de la Banque mondiale dira que
leurs rôles étaient de fidéliser la clientèle du
tiers monde en faveur du monde occidentale. Après la chute du mur de
Berlin, le triomphe des USA dans cette guerre a servi de tremplin de l'euphorie
démocratique constatée dans les années 1990 dans le camp
de ses alliés. Ces derniers vont conditionner leurs aides à
l'endroit des Etats Africains à travers l'adoption du régime
démocratique comme seul model de gouvernement qui intègre la
libéralisation politique et du marché. Désormais, les pays
africains ne bénéficieront des aides qu'à l'adoption de la
démocratie comme mode de gouvernement.
~ Contexte économique : Endettement de l'Afrique, les
différents plans d'ajustement structurel et l'euphorie de la
mondialisation
Au lendemain de la seconde guerre mondiale (GM), le plan
Marshal conçu et mis en place par les Etats-Unis pour la reconstruction
de l'Europe, a eu comme conséquence la prolifération de l'euro
dollars en Europe. Et pour éviter l'assèchement de leur coffre
fort en or par le principe de la convertibilité, les États- Unis
ont encouragé (vers les années 1970) les banques occidentales
à prêter leur surplus aux pays du sud à des taux bien
alléchant pour ces derniers. C'était la première cause de
l'endettement. Ensuite, le choc pétrolier de 1973 qui a apporté
d'énormes revenus aux pays producteurs va amplifier l'endettement des
Etats du sud. D'autres parts, la récession provoquée par la
2ème GM dans les pays du nord, s'est
généralisée après les chocs pétroliers (1973
- 1975) et a eu comme incidence la mévente des produits
manufacturés du nord. Pour remédier à cette situation, les
Etats du nord ont proposé des prêts au Etats du sud pour
élever leur pouvoir d'achat dans le but d'écouler leurs produits.
Enfin, la dernière cause de l'endettement de l'Afrique est les
financements provenant des institutions financières internationales
(banque mondiale, FMI etc.) qui ont conçu un plan de
développement pour les pays du sud :
- Prêts aux Etats du tiers-monde
- modernisation de l'industrie et de l'agriculture
d'exportation
- Hausse des revenus d'exportation
- Remboursement de la dette et participation à) la
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croissance mondiale.
Selon le rapport du PNUD sur le développement
mondial1 : « le poids de la dette étouffe les budgets
publics de nombreux pays en développement, et, ce bien souvent pour
rembourser le financement des projet improductifs entrepris longtemps
auparavant par des régimes autoritaires. » c'est cette triste
situation de la crise de la dette qui a amené l'Organisation de
l'unité africaine (OUA) qui a vu le jour en Mai 1963 à
Addis-Abeba, à concevoir un plan de sortir de crise en 1980,
dénommé le plan de Lagos (PAL). Mais ce plan fut
"torpillé" par les IFI qui en lui ont préféré les
Programmes d'ajustement structurels [Millet ; 2005] (PAS2) avec des
conséquences néfastes qui restent encore visibles sur le plan
social. Selon Aminata Traoré : « l'ajustement structurel est au
corps social ce que le virus du sida est au corps humain : il le fragilise par
des réformes économiques inopportunes, à tel point que les
défaillances qu'il aurait du être en mesure de gérer
prennent des dimensions dramatiques, d'autant plus que les solutions
prônées sont externes ».[Traoré A., 2002 ]
· Contexte social : les aléas climatiques
(avancé du désert au sud du Sahara)
Le contexte géopolitique dominé par l'imposition
du model démocratique et celui du surendettement se retrouvent
aggravées par un contexte social désastreux
caractérisé par : 1) la multiplicité des foyers de
conflits armés due aux luttes fratricides renforcées par des
réseaux mafieux occultes à la quête de la
1 PNUD, rapport mondial sur le développement
humain 2002
2 Le PAS comme thérapie de choc a pour but
de prendre des mesures immédiates pour attirer les capitaux
étrangers et trouver des ressources pour rembourser la dette : abandon
des subventions aux produits et services de premières
nécessité, réduction drastique des dépenses publics
notamment les budgets sociaux, dévaluation de la monnaie locale, taux
d'intérêts élevé, développement des
exportations, ouverture totale des marchés et suppression des
barrières douanières, libéralisation de l'économie,
privatisation massive des entreprises publiques, etc.
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déstabilisation des gouvernements politiques pour
l'exploitation des ressources minières ; 2) l'aggravation de la
pauvreté : 340 million vivent avec moins d'un dollars US, le taux de
mortalité des enfants de moins de 5 ans est de 140 pour 1000 ; plus de
42 pour 100 de la population totale de l'Afrique n'a pas accès à
l'eau potable; extrême vulnérabilité de l'agriculture ; 2,5
million de morts de sida par an... C'est ce climat morose et sombre qui a vu
naître le projet du nouveau partenariat pour le développement de
l'Afrique (NEPAD)
· Les règles du jeu du processus de
développement
L'une des principales difficultés de toute
négociation est de savoir de quoi l'on parle. Plus
précisément, pour chaque partie, d'arriver à avoir le plus
exactement possible quels sont les enjeux de l'autre. [Reynaud, 2004] Et dans
le cadre du MAEP et du projet qui l'a institué c'est à dire le
NEPAD, il va s'en dire que les règles sont fonctions des
intérêts des différents acteurs en présence. Dans le
processus de mise en oeuvre du NEPAD, c'est d'abord les Africains puis, les
bailleurs. Pour un projet aux ambitions de développement du Contient,
qui a surtout besoin de financements colossaux, l'appui des anciens
créanciers connus sous la désignation de communauté
internationale s'impose. En tout cas, de l'avis des initiateurs de la «
Nouvelle initiative africaine », la réalisation des
objectifs de développement ne saurait se faire autrement à savoir
: l'annulation de la dette publique, l'ouverture aux investissements directs
étrangers, la mobilisation des ressources et épargnes locales.
La principale règle dans le processus de
développement est la gouvernance. Quelle soit
économique, politique ou des entreprises, elle signifie : la
création d'institutions politiques et juridiques sérieuses,
fonctionnant bien, considérées par les citoyens comme
étant légales, les rendant autonomes tout en leur permettant de
prendre part aux prises de décisions affectant leurs vies
quotidiennes. La gouvernance se veut aussi un cadre de
transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, un système dans
lequel la responsabilité sociale,
l'obligation de rendre compte, la discipline etc. confortent ou
renforcent la confiance des investisseurs.
Les différents acteurs sont quasi acquis pour le
principe de la gouvernance qui à leurs avis constitue la
corrélation évidente entre croissance et bien-être. Si le
développement s'entend comme amélioration constante du
bien-être des populations et la croissance l'amélioration
constante des revenus directs et indirects des industriels et des gouvernants,
il n'y a plus alors de doute que la gouvernance ne puisse permettre
l'investissement et la rétribution équitable des revenus aux
populations en vue de leur bien-être.
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· La divergence des intérêts ou objectifs
des acteurs
Mais, dans le cadre du MAEP, on dénote une divergence
de point de vue, d'appréciation de la gouvernance. Il faut le rappeler,
les acteurs en présence ici sont : les bailleurs de fonds ou partenaires
stratégiques, les Etats partis au mécanisme et les
évaluateurs.
En remontant aux origines du NEPAD, avec ses ambitions
d'ouverture aux marchés privés1 devant créer
les conditions d'offres offensives, on remarque que l'outil de gouvernance
qu'est le MAEP était destiné à fournir aux bailleurs la
garantie d'une bonne gestion des fonds qui seront injectés dans le
développement. Le MAEP pour les bailleurs est donc un instrument pour
avoir de la part des Africains eux-mêmes la photographie de l'Etat de la
gouvernance selon des domaines stratégiques2
(démocratie et gouvernance politique, gouvernance et gestion
économique, gouvernance des entreprises, développement
socioéconomique). Sur la base de cette photographie, ils pourront
décider d'investir ou non. Il constitue aussi un cadre propice à
l'influence néolibérale à travers l'imposition de la
démocratie et des conditions à plus d'ouverture des
marchés intérieurs aux produits extérieurs. Pour les
gouvernants (Chefs d'Etats et de gouvernements) partis au mécanisme, le
processus d'évaluation assurera la conformité aux
1 Le NEPAD aux ambitions de développement,
de décollage de l'Afrique avait puisé dans les rapports de la
Banque Mondiale (rapport Berg et autres) l'option de mobilisation des fonds
nécessaires à la réalisation des projets par le
financement étranger, creusant dès lors sa propre tombe au regard
des insuccès du Plan d'Actions de Lagos.
2 Face aux vifs reproches du Bénin, il a
été admis que les domaines stratégiques ne sont pas
exhaustifs mais des aspects transversaux peuvent être
tolérés et des ajouts opérés au choix par les pays
partis au mécanisme.
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normes internationales de gestion et de gouvernance en vue de
garantir l'interception des investissements privés étrangers. Par
contre pour les acteurs du processus d'évaluation (Commissions
nationales de mise en oeuvre, le Panel des Eminentes personnalités,
l'équipe d'évaluation) au-delà de la connotation d'auto
flagellation que pouvait laisser transparaître le mécanisme
d'autoévaluation, c'est également une occasion pour : 1)
uniformiser les politiques, les standards propices à la stabilité
politique, à la croissance économique, au développement
durable ; 2) partager les expériences et renforcer les meilleures
pratiques tout en identifiant les limites et les besoins ; 3) favoriser
l'apprentissage et le renforcement des capacités de décision des
Pairs à travers le dialogue et les arguments constructifs ; 4) faire
l'exercice de l'abolition de l'indifférence installée par le
principe de souveraineté et de non ingérence.
En un mot, dans sa forme actuelle, le mécanisme
africain d'évaluation par les pairs constitue le socle, moteur essentiel
pour le développement de l'Afrique et de la réalisation des
objectifs du NEPAD dans sa forme revisitée et corrigée qui
prendra en compte les aspirations profondes des populations à la
base.
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