INTRODUCTION GENERALE
0.1.
Problématique
Face à toutes les violences connues dans ce monde et
qui continuent encore à se manifester sous plusieurs formes, nous avons
voulu nous interroger sur les vraies raisons d'être de toutes ces
prétentions à la domination, à la violence, à
l'injustice et encore à la réduction de l'Autre qui est une autre
représentation du Moi.
Etant naturellement un être social, l'homme est un sujet
en face d'un autre ou un JE en face d'un TU. Il ne se découvre
pleinement et ne s'affirme comme personne qu'à travers une relation de
responsabilité envers Autrui. Cela nous pousse à orienter nos
investigations vers une réalité fondamentale de toute
société qu'est la relation interpersonnelle qui se base aussi sur
la responsabilité.
Etre responsable de l'Autre n'est pas chose facile. Toutefois,
dans la vie sociale, quel que soit le cas, le concept de responsabilité
apparaît toujours. En ce sens, l'homme, qu'il vive seul ou en
communauté, est responsable soit de lui-même, soit des Autres.
Concernant la problématique de l'Autre comme infini, nous nous voyons
nous inscrire dans la philosophie de l'Altérité qui s'oppose
à la philosophie de la totalité pour qui l'Autre est un alter
ego.
L'apport d'Emmanuel Lévinas1(*) à ce sujet nous
paraît original. Voilà ce qui justifie notre choix sur lui. Avec
lui, nous voulons épingler la place que l'Autre occupe en nous par
rapport à notre responsabilité personnelle vis-à-vis de
l'Autre. C'est pourquoi il dit : « positivement, nous dirons que
dès lors qu'autrui me regarde, j'en suis responsable sans même
avoir à prendre des responsabilités à son égard, sa
responsabilité qui va au-delà de ce que je
fais »2(*). Il n'y
a pas de plus grande violence que de chosifier l'Autre, de
méconnaître son altérité, c'est-à-dire nier
son existence. Par l'épiphanie d'Autrui, je suis convié à
lui rendre justice ou à le traiter avec tous les égards comme mon
maître et je suis son responsable par vocation, son visage m'interpelle
et me réclame justice, paix, harmonie. Mais cette responsabilité
est non réversible, elle est à sens unique.
0.2. Intérêt du
sujet
L'intérêt personnel porté à ce
sujet n'est pas à communiquer, mais saute à l'oeil. En effet,
chercher à restituer à l'Autre ses considérations
authentiques, le situer comme supérieur et finalement être son
responsable, c'est reconnaître son altérité et son infini.
Car de plus en plus dans nos sociétés, les hommes deviennent
très égoïstes et ne font plus attention aux autres. Chacun
se préoccupe de son bien-être, de sa sécurité
personnelle et cela lui suffit. C'est ce qui fait que l'homme devienne asocial
car l'Autre est mort devant ses yeux. C'est ainsi que Lévinas
écrit : « la mort de l'autre homme me met en cause
et en question comme si, de cette mort invisible à l'autre qui s'y
expose, je devenais, de mon indifférence, le complice ; et comme si
avant ni que de lui être voué moi-même, j'avais à
répondre de cette mort de l'autre et à ne pas laisser autrui seul
à sa solitude mortelle. C'est précisément dans ce rappel
de ma responsabilité par le visage qui m'assigne, qui me demande, qui me
réclame, c'est dans cette mise en question qu'autrui est
prochain »3(*).
L'homme doit faire vivre son prochain par sa manière
d'être ; cela au nom d'une humanité abstraite, commune et
sociable. C'est dans la mesure où chacun se rend compte de
l'infinité de l'Autre, de la responsabilité de l'Autre, de sa vie
et même de sa mort qu'on peut arriver à fonder une
société où chacun est au service de l'autre, une
société fraternelle.
0.3. Limite de la
recherche
Pour mieux mener nos investigations, nous avons voulu nous
limiter dans le domaine éthique afin d'éclairer de fond en comble
notre sujet que nous nous sommes proposés à savoir La
problématique de l'Autre comme infini chez Emmanuel
Lévinas.
0.4. Méthode et
subdivision du travail
Pour atteindre notre objectif dans ce présent travail,
nous utiliserons la méthode
analytico-herméneutique qui consistera et permettra de
scruter les tréfonds de la pensée lévinassienne pour en
saisir, tant soit peu, la problématique de l'autre comme infini.
L'effort sera de notre part de marcher sur ce boulevard structurel.
Ce présent travail s'articulera autour de trois
chapitres. Le premier portera sur L'Autre comme infini. Le
deuxième sur L'Altérité comme désir
métaphysique et le troisième sur L'Autre et Moi dans
l'espace socio-politique congolais et une conclusion
générale interviendra pour donner un condensé
général.
CHAPITRE PREMIER :
L'AUTRE COMME INFINI CHEZ Emmanuel LEVINAS
I.0. INTRODUCTION
Dans ce premier chapitre de notre travail, il sera question de
parler de l'Autre comme Infini chez Emmanuel Lévinas. Ce
chapitre sera articulé en trois grands points. Au premier point nous
parlerons de l'Autre comme Infini ; nous essayerons de montrer le
caractère incommensurable de l'être humain vis-à-vis de sa
situation au monde et avec les autres personnes qui vivent à ses
cotés ; la façon dont nous devons le considérer dans
notre modus vivendi et entretenir nos rapports. Au
deuxième point nous tâcherons de donner le point de vue de
Lévinas sur la responsabilité pour Autrui. Au troisième
point nous évoquerons la rencontre avec le visage et nous aurons
à le subdiviser en deux sous points : la rencontre d'autrui et
le mystère du visage de l'autre où nous parlerons de
l'épiphanie du visage, de la transcendance de celui-ci et du
face-à-face. Enfin une conclusion partielle interviendra pour
résumer ce que nous aurons dit dans ce premier chapitre du travail.
I.1. L'AUTRE COMME
INFINI
L'homme, tel qu'il vit, progresse ou passe continuellement
dans tout ce qu'il peut entreprendre. A chaque instant, il tend toujours
vers ; c'est pourquoi il « demeure un mystère, un
être paradoxal »4(*) comme le souligne Louis Leahy. C'est dans ce cadre que
nous avons voulu comprendre Lévinas lorsqu'il parle de
« l'Autre » comme étant un infini. Car, l'homme a
toujours besoin de quelque chose de plus dans sa vie qui puisse le rendre
heureux au cours de son séjour terrestre. Il n'est toujours pas
satisfait de ce qu'il fait ou entreprend ; l'exemple patent est celui du
progrès technologique de nos jours. Il demeure un être de
besoins.
L'homme ne vit pas seul comme un apatride, il est
naturellement fait d'un élan, d'une poussée intérieure
vers les autres, comme une présence dirigée vers les autres
personnes. AUROUX nous dit que l'autre doit être considéré
non comme objet, mais comme autre moi5(*). L'homme sent en lui le besoin impérieux
d'établir des liens étroits et profonds avec son entourage. Son
épanouissement et son bonheur résident dans sa relation aux
autres. Il est un être qui se structure continuellement, car il est
perpétuellement confronté à des subjectivités et
des situations toujours nouvelles. Ainsi, l'être humain est une
réalité qu'on ne saurait isoler des autres car les autres font
partie de son être et cela de manière vitale.
C'est ainsi que LEVINAS nous dit : « notre
rapport avec lui consiste certainement à vouloir le comprendre, mais ce
rapport déborde la compréhension. Non seulement parce que la
connaissance d'autrui exige, en dehors de la curiosité, aussi de la
sympathie ou de l'amour, manières d'être distinctes de la
contemplation impassible. Mais, parce que dans notre rapport avec autrui,
celui-ci ne nous affecte pas à partir d'un concept. Il est étant
et compte comme tel »6(*).
Pour Lévinas, penser Infini, le Transcendant,
l'Etranger, ce n'est donc pas penser un objet, mais penser ce qui n'a pas les
linéaments de l'objet, c'est en réalité faire plus ou
mieux que penser 7(*) nous dit Lévinas. Alors que
l'idée de l'infini n'est possible que par le dépassement du moi
subjectif. Qu'en est il du rapport qui puisse exister entre l'idée de
l'infini, Autrui et Dieu ? A propos du rapport entre Autre et Dieu,
PANGADJANGA écrit : « Lévinas place l'homme avant
Dieu. C'est avec Autrui que l'on va vers Dieu. C'est le stade de l'humain, le
stade d'Autrui ou le stade de l'éthique qui nous conduit vers
Dieu »8(*).
Lévinas pense que : « Autrui n'est pas
l'incarnation de Dieu, mais précisément par son visage où
il est désincarné, la manifestation de hauteur où Dieu se
révèle »9(*). Plus tard il écrira : « Nous
pensons que l'idée de l'infini-en-moi- ou ma relation à Dieu me
vient dans la concrétude de ma responsabilité pour le
prochain : responsabilité que dans aucune `expérience', je
n'ai contractée, mais dont le visage d'autrui, de par son
altérité, de par son étrangeté même, parle le
commandement venu on ne sait d`où »10(*). Voilà ce
qui nous pousse à parler de la responsabilité pour autrui.
I.2. RESPONSABILITE POUR
AUTRUI
Lorsque quelqu'un est nommé responsable d'une
entreprise, sa grande tâche est de veiller non seulement sur tout ce qui
y a comme bien y compris les hommes qui sont sous sa charge, mais aussi attend
un compte rendu chaque fois pour l'avancée de ladite entreprise. Mais,
cette responsabilité est différente de celle dont parle Levinas,
que l'on doit porter sur l'Autre. C'est en recevant ce dernier que l'on prend
la responsabilité à son égard, sans attendre un
retour; « je suis responsable d'autrui sans attendre la
réciproque »11(*), c'est-à-dire que l'Autre (Autrui) n'est donc
pas à appréhender dans le cadre d'une « relation
symétrique »12(*) comme dans le cadre d'une relation intersubjective,
mais dans une relation asymétrique car il n'est pas l'égal de
moi, il est plus que moi, il est mon supérieur, il est mon
Maître.
Pour ce, Lévinas dit que « le visage
où autrui se tourne vers moi, ne se résorbe pas dans la
représentation du visage. Entendre sa misère qui crie justice ne
consiste pas à se représenter une image, mais à se poser
comme responsable, à la fois comme plus et comme moins que l'être
qui se présente dans le visage. Moins, car le visage me rappelle
à mes obligations et me juge. L'être qui se présente en lui
vient d'une dimension de hauteur, dimension de la transcendance où il
peut se présenter comme étranger sans s'opposer à moi,
comme obstacle ou ennemi. Plus, car ma position (de moi) consiste à
pouvoir répondre à cette misère essentielle d'autrui,
à me retrouver des ressources. Autrui qui me domine dans sa
transcendance est aussi étranger, la veuve et l'orphelin envers qui je
suis obligé »13(*). Mais la relation avec un passé d'en
deçà tout présent et tout représentable,
n'appartenant pas à l'ordre de la présence, est incluse dans
l'événement extraordinaire et quotidien de ma
responsabilité répondant de la liberté d'autrui, dans la
fraternité humaine. La liberté de l'autre, poursuit-il, n'aura
jamais plus commencé dans la mienne, c'est-à-dire tenir dans le
même présent, être contemporaine, m'être
représentable. Elle ne peut avoir commencé dans mon engagement,
dans ma décision. La responsabilité pour autrui est le lieu
où se place le non-lieu de la subjectivité et où se perd
le privilège de la question : où ? Le temps du
« dit » et de
« l'essence » y laisse entendre le dire
pré-originel, répond à la transcendance, à la
diachronie, à l'écart irréductible qui bée ici
entre le non présent et tout responsable14(*).
Ainsi, nous pouvons estimer que la vie idéale est
celle qui laisse une place à l'Autre sans le réifier. La
réification ou mieux la chosification est obstruction et annihilation de
l'Autre. Se soustraire de ce danger négateur, c'est prendre sa
responsabilité, comme le veut bien Saint Augustin, pour la
défense, l'estime et la reconnaissance de l'Autre. La
responsabilité est donc « la fraternité humaine
elle-même, antérieure à la liberté. Le visage de
l'autre dans la proximité - plus que représentation - est trace
irreprésentable, façon de l'Infini »15(*). Aussi, la
responsabilité se définit-elle comme une structure essentielle et
fondamentale, c'est-à-dire une des structures fondamentales sine qua
non pour l'homme. De tout ce qui précède, il appert
que la responsabilité est effectivement ce par quoi nous sommes
dignement humains. Qu'en est il alors de la rencontre avec le visage de l'autre
qui me rappelle à mes obligations et me juge ?
I.3. LA RENCONTRE AVEC LE
VISAGE
Ne pensant pas à un portrait qui essayerait de
décrire le visage, nous nous attelons à la conception du visage
de l'Autre qui place Autrui concrètement en relation de
face-à-face avec le même. Comme susdit, nous devenons de facto
responsable et nous avons des responsabilités envers l'Autre sans notre
vouloir. Son visage m'invite à une responsabilité sans mesure,
même de ses mauvais actes qu'il puisse poser ; sa vie est une
référence ultime de ma responsabilité.
Le visage ne se présente pas sous une forme liée
en nous, mais il parle, s'exprime et se manifeste. C'est ainsi que PLOUDRE
dira : « Autrui se nomme visage parce qu'il est une
présence vivante, parce qu'il est comme dirigeant lui-même la
manifestation même par laquelle il se
présente »16(*). C'est pour dire que le visage de l'Autre
est une expression par excellence, car il dit toujours et déjà
quelque chose même si l'intériorité échappe souvent.
Notre auteur parle du visage pour exprimer ce qui manifeste une
extériorité.
Dans cette même visée, Malka Salomon pense que
pour Levinas, « Autrui prend sens pour nous dans son visage, qui
n'est pas une « donnée » de connaissance mais qui
d'emblée me concerne autrement»17(*) parce que je suis son responsable. Qu'en est-il
alors de la rencontre d'Autrui ?
I.3.1. La rencontre
d'Autrui
La rencontre avec le visage d'Autrui est d'emblée
éthique. Autrui, en tant que tel, n'est pas seulement un alter ego comme
nous l'avons souligné dans les lignes précédentes, il est
ce moi que je ne suis pas, il est le faible alors que je suis le fort, il est
la veuve et l'orphelin. L'extériorité d'Autrui n'est pas
simplement l'effet de l'espace qui maintient séparé ce qui, par
le concept, est identique, ni une différence quelconque selon le concept
qui se manifesterait par une extériorité spatiale. Ce qui nous
reste, est de savoir qui est cet Autrui que je rencontre sur ma route. Est-il
différent de moi? Qui est-il par rapport à moi ? Est-il un
autre moi-même ?
En effet, Autrui doit être devant moi et être
privilégié car, il est toujours plus haut que moi et une
véritable rencontre de l'Autre se tient dans le fait que son visage fait
allusion à la conscience morale. Cette rencontre du visage est d'office
éthique parce qu'il faut sortir de soi pour se rendre disponible
à l'Autre, sans viser un intérêt personnel et
égoïste, mais de façon dés-interessé.
Voilà ce qui nous pousse à parler du mystère du visage.
I.3.2. Le mystère du
visage
Le dictionnaire universel ne définit-il pas le visage
comme étant une partie antérieure de la tête de
l'homme ? et un enfant ne se découvre comme tel que quand il fait
un mouvement vers l'Autre, quand il découvre le vrai Visage de l'Autre
et ce visage est plus que ce que nous entendons de lui. C'est pour dire que le
visage de l'Autre m'interpelle et me fait penser à ce que je suis et ce
que je pouvais être ; il est une interpellation et un appel.
Emmanuel MOUNIER nous dira : « le premier mouvement qui
révèle un être humain dans la petite enfance est un
mouvement vers autrui : l'enfant de six à douze mois, sortant de la
vie végétative, se découvre en autrui, s'apprend dans des
attitudes commandées par le regard d'autrui. Ce n'est que plus tard,
vers la troisième année que viendra la première vague
d'égocentrisme réfléchi »18(*). Et plus loin dira-t-il encore
que « la personne n'existe que vers autrui, elle se connaît que
par autrui, elle ne se trouve qu'en autrui »19(*).
MALKA pense que pour Levinas, « Autrui prend sens
pour nous dans son visage, qui n'est pas une
« donnée » de connaissance, mais qui d'emblée
me concerne autrement »20(*). Force est de constater que Levinas, épris du
sens de la justice, laquelle consiste à reconnaître l'Autre
à sa juste valeur, pose le visage comme ce à quoi on doit du
respect, comme une transcendance. Le considérant comme tel, on le fera
d'abord par le visage parce que c'est à travers lui qu'on
découvre Autrui comme absolument Autre, comme supérieur, venant
d'une dimension de la hauteur.
Refusant toute tendance réductrice au simple fait de
la perception comme enseigne la phénoménologie, le visage
revêt, selon Levinas, un caractère mystérieux parce que
nous ne le connaissons pas dans toute sa profondeur et nous n'avons pas une
compréhension figée de lui. Au vrai, il se présente dans
une dimension de la hauteur dépassant ainsi tout entendement possible.
Il se veut ambigu, à la fois puissance car il s'exprime dans le sensible
et impuissance. Levinas dira : « le visage n'est pas
l'apparence ou le signe de quelque réalité - personnelle comme
lui-même dissimulée ou exprimée par la physionomie et qui
s'offrirait comme un thème invisible »21(*).
Par le fait que le visage me commande, me donne des
injonctions en maître, je dois me soumettre à lui, car il
témoigne un certain mystère. Le visage est pourtant
éthique et il nous appelle à lui. Ainsi, « l'expression
que le visage introduit dans le monde ne défie pas la faiblesse de mes
pouvoirs, mais mon pouvoir de pouvoir. Le visage, encore chose parmi les
choses, perce que la forme qui, cependant le délimite. Ce qui veut dire
concrètement : le visage me parle et par-là m'invite
à une relation sans commune mesure avec un pouvoir qui s'exerce, fut-il
jouissance ou connaissance »22(*).
Hormis le caractère mystérieux, le visage est
également paradoxal parce qu'il est d'une part, ce qui me commande en me
donnant des injonctions auxquelles je dois me soumettre et d'autre part,
apparaît comme ce démuni pour qui j'éprouve une certaine
compassion. Sur ce, Levinas pense qu' « il y a dans
l'apparition du visage un commandement, comme si un maître me parlait.
Pourtant en même temps, le visage d'autrui est dénué ;
c'est le pauvre pour lequel je peux tout et à qui je dois
tout »23(*).
Eu égard à ce qui précède, il
appert que dans la relation avec le visage, celui-ci peut être
dominé par la perception, « mais ce qui est
précisément visage, c'est ce qui ne s'y réduit
pas »24(*).
Qui plus est, dans le mystère du visage, nous voyons la
possibilité d'une métaphysique éthique qui ne trouve sa
quiddité ni dans le sentiment, ni dans le besoin. Qu'en est-il alors de
l'épiphanie du visage de l'Autre? Du visage comme transcendance ?
et du face-à-face ?
a) L'épiphanie du
visage de l'Autre
Après avoir étalé le caractère
mystérieux du visage qui s'avère insaisissable dans sa
quintessence, nous voudrions parler de l'épiphanie de ce visage que nous
approchons en tant qu'un dévoilement du mystère. Cette
épiphanie se veut une ouverture qui met en cause l'ipséité
du moi. A ce propos, Levinas déclare que
« l'épiphanie du visage comme visage, ouvre
l'humanité »25(*). Ainsi, Autrui apparaît dans le visage et
fait de l'épiphanie un événement éthique par
excellence. Le professeur PANGADJANGA pense que c'est de l'accueil de l'Autre
dans l'épiphanie de son visage que surgit la conscience morale.26(*)
C'est dans cette même perspective que nous entendons
par l'épiphanie du visage une sorte de dévoilement de la
transcendance du moi où l'Autre se refuse d'être réduit au
même ; c'est une expérience du malgré-moi en tant que
l'Autre vient en moi sans me prévenir. Il est également une
présence vivante, une expression, une révélation ou
épiphanie. La présence d'Autrui dans le visage reste toujours
incompréhensible. Il dépasse le pur domaine du savoir,
précisément parce qu'il s'inscrit dans le discours qui met en
relation avec ce qui est essentiellement transcendant. L'épiphanie du
visage de l'Autre comme étant dévoilement ou expression s'inscrit
dans une éthique qui ne trouve pas sa Kénose dans la
phénoménologie où le visage sera thématisable, mais
s'enracine plutôt dans une métaphysique éthique où
le visage est compris comme transcendance.
b) Visage de l'Autre comme
transcendance du Moi
Pour ce qui est de notre compréhension, la
transcendance se veut une sortie de soi vers la reconnaissance de l'Autre comme
Autre. C'est la problématique de l'ouverture du visage humain vers le
transcendant qui est à la une car, la philosophie contemporaine
définit l'homme comme étant existence, transcendance ; ce
qui veut dire celui qui se dépasse dans l'ouverture au monde et à
Autrui. Cependant, une question nous vient à l'Esprit : vers quoi
l'homme se transcende-t-il ? Car le terme transcendant signifie
le dépassement même. Si nous nous attelons à cette
conception classique, l'idée de transcendance va se contredire.
Lévinas nous dit que : «le sujet qui transcende
s'emporte dans sa transcendance. Il ne se transcende pas. Si au lieu de se
réduire à un changement de propriété, de climat ou
de niveau, la transcendance engageait l'identité même du sujet,
nous assisterons à la mort de sa substance »27(*).
Comme susdit, l'Autre, à travers son visage, se
présente comme mon maître, mon supérieur à qui je
dois nécessairement du respect ; ce qui fait que le
considérer comme tel, renvoie de nouveau à l'idée de
l'infini. Ce qui revient à dire que l'Autre vient d'une dimension de la
hauteur à travers son visage, il est le transcendant même de la
transcendance. C'est ainsi que Lévinas dira : « (...)
dans le visage tel que j'en décris l'approche, se produit le même
dépassement de l'acte par ce à quoi il mène. Dans
l'accès au visage, il y a certainement aussi un accès à
l'idée de Dieu »28(*). En respectant l'Autre, nous aboutissons
à l'idée de l'être créateur.
Force est pour nous d'affirmer que le visage de l'Autre est
transcendance du moi. Celle-ci suscite l'idée de l'infini vers qui tous
les êtres tendent et qui se dévoile finalement à travers le
visage de l'Autre. Partant de l'idée de l'auteur qui exige que nous
considérions l'Autre comme étant supérieur à moi,
n'est nullement une manière de me diminuer, encore moins un complexe
d'infériorité ; c'est une exigence éthique :
« être en contact : ni investir Autrui pour annuler son
altérité, ni me supprimer dans l'Autre. Dans le contact
même, le touchant et le touché se séparent, comme si le
touché s'éloignant (...), n'avait avec moi rien de
commun »29(*). C'est dans cette même optique que
René SIMON s'est exprimé dans `Ethique de la
responsabilité' quand il note que « la notion du
visage est précisément destinée à marquer ce
qu'Autrui en tant qu'Autrui ou encore le prochain en tant que prochain a
d'irréductible, de non assimilable à la
généralité et donc (...) respectable »30(*). Ainsi, convient-il
d'envisager la logique du face-à-face dans la rencontre d'Autrui.
c) Le
face-à-face
Point n'est besoin de montrer que la présence dans le
visage de l'Autre reste toujours incompréhensible, mieux, dépasse
le pur domaine du savoir, précisément parce qu'il s'inscrit dans
le discours qui met en relation avec ce qui est essentiellement transcendant.
Reconnaître Autrui dans le face-à-face, c'est reconnaître le
transcendant et chercher à aller vers lui. C'est ainsi que
Lévinas voit en Autrui l'image de Dieu et celle-ci exige le
respect ; ce qui revient à dire qu'en faisant du tort à
Autrui, c'est faire du tort au transcendant, au maître31(*).
Sachant que l'apparition du visage est éthique dans le
face-à-face, Autrui s'exprime à travers le visage. Cela revient
à dire que dans nos rapports avec Autrui, celui-ci nous met devant une
transcendance. « Autrui n'est pas une signification, (...) il est
signifiant par excellence qui s'exprime dans le face-à-face et rend
toute parole possible »32(*). Le face-à-face se justifie aussi par la
présence métaphysique de l'Infini en nous ;
« l'idée de l'Infini (...) se produit comme Désir.
Non pas comme un Désir qu'apaise la possession du désirable, mais
comme le Désir de l'Infini que le désirable suscite, au lieu de
satisfaire. Désir parfaitement
désintéressé-bonté »33(*). Et le transcendant reste
cependant toujours séparé et éloigné de nous en
tant que nous sommes des êtres finis.
Somme toute, la vraie éclosion de la totalité
s'avère dans le face-à-face dans la mesure où le moi
rencontre l'Autre de face et transcende la réalité afin de tendre
vers l'infini. Bref, le face-à-face mène à l'Infini et
demeure situation ultime.
I.4. CONCLUSION
Tout bien pesé, les lignes qui précèdent
nous ont donné, dans une certaine mesure, la conception de l'Autre comme
Infini. En effet, l'Autre qui se présente devant moi a besoin de mon
assistance. D'où je ressens en moi une responsabilité à
son égard parce qu'il est comme un étranger, un orphelin ou une
veuve. En dépit de ma responsabilité envers lui, à travers
son visage, je lis non seulement une métaphysique éthique, mais
aussi et surtout un rapport de commandement car, il est mon maître et je
dois être attentif à lui. Son visage suscite en moi l'Idée
de l'Infini vers qui je dois tendre.
Cependant, après ce brin de lumière sur la
conception Lévinassienne de l'Autre comme Infini, nous entrons dans la
sphère de nos investigations à travers le deuxième
chapitre qui traitera de « Altérité comme
désir métaphysique ».
CHAPITRE DEUXIEME :
L'ALTERITE COMME DESIR METAPHYSIQUE
II.0. Introduction
D'entrée de jeu, après avoir amplement
parlé de l'Autre comme Infini, nous nous proposons, dans ce
deuxième chapitre de notre travail, de parler de
l'Altérité comme désir métaphysique. Cependant,
qu'en est-il de l'Altérité et du désir
métaphysique ? Telle est la problématique soulevée de
ce deuxième chapitre qui aura cinq points à savoir :
Désir métaphysique, Désir comme transcendance,
Intentionnalité comme philosophie de la totalité,
L'ontologie comme négativité de l'altérité,
L'altérité comme nécessité et une petite conclusion
pour tout condenser.
II. 1. Désir
métaphysique
Dans Totalité et Infini, Lévinas pense
que « le désir métaphysique n'aspire pas au retour, car
il est désir d'un pays où nous ne naquîmes point. D'un pays
étranger à toute nature, qui n'a pas été notre
patrie et où nous ne nous transporterons jamais. Le désir
métaphysique ne repose sur aucune parenté préalable.
Désir qu'on ne saurait satisfaire ».34(*) Car, nous savons que la
métaphysique en soi ne consiste pas à avoir de simples opinions,
elle progresse de façon méthodique et s'attelle à une
harmonisation d'idées d'après l'ordre des raisons. C'est ainsi
que ce désir métaphysique tend vers tout autre chose et son
analyse habituelle ne saurait avoir raison que dans sa singulière
prétention. Ce désir reprend la visée de l'évasion
qui surgit et qui se tient dans la tension entre existence au monde et la
vraie vie absente. Il est tourné vers cet ailleurs ou autrement.
L'autre n'est pas un besoin à satisfaire. Ce besoin
est effectivement le premier mouvement du Moi vers l'Autre.
Lévinas n'est pas d'accord lorsqu'on cherche à concevoir le
besoin comme un vide, comme privation. C'est ainsi qu'il établit une
nette différence entre besoin et désir. Il dit que
« dans le besoin, je puis mordre sur le réel et me satisfaire
assimiler l'autre. Dans le désir, pas de morsure sur l'être, pas
de satiété, mais avenir sous jalons devant moi. C'est que le
temps que suppose le besoin m'est fourni par le Désir. Le besoin humain
repose déjà sur le désir. Le besoin a ainsi le temps de
convertir cet autre en même, en travaillant »35(*).
C'est par le désir qu'Autrui est rencontré, un
désir insatiable, inassouvissable d'un absolument autre toujours en
deçà du désirable ; c'est le désir de
l'étranger, de l'altérité inaliénable qui est
Autrui, c'est l'ouverture vers le transcendant. Il ne faut pas confondre le
désir de Lévinas à celui de HEGEL où l'autre se
présente comme élément de mon identification. Il n'est
reconnu que pour être exploité, pour le nier et l'assimiler
à soi dans le processus d'auto-compréhension de l'esprit absolu.
Celui de Lévinas par contre, est la voie de la rencontre de l'autre en
tant qu'autre. C'est ce que Jacques DERRIDA exprime en disant qu'il s'agit
« d'un désir qui ne cherche pas à être reconnu
comme Même, mais qui cherche l'autre afin de le
reconnaître »36(*). C'est donc « le besoin de
l'autre » qui distingue le désir de Lévinas
à celui de HEGEL où l'autre apparaît comme la
négation du même.
Comme nous l'avons dit, Autrui n'est pas un besoin qu'on peut
satisfaire ; il est grâce à l'infini qu'il évoque par
son visage, comme désir. Je désire autrui non parce que je
cherche quelque chose qu'il pourra bien combler, mais parce que
l'altérité d'autrui me vient d'une dimension de la hauteur.
Métaphysiquement désiré, Autrui n'est pas
un objet comme un pantalon que je porte, ni la boisson ou la nourriture que je
mange. Ce désirable doit être exclusivement infini et doit se
placer toujours à une position de grandeur pour que le désirant
lui soit soumis. C'est ainsi que PANGADJANGA
écrira : « si le désirable du
désir est infini, il est clair qu'il ne peut se donner comme fin.
L'infini suscite le désir et ne peut être atteint comme une fin,
en raison précisément de son infinitude »37(*).
Au premier chapitre, nous avons reconnus dans le visage
d'Autrui une ouverture possible au transcendant. Le visage de l'autre est
transcendance. Le désir d'autrui que Lévinas appelle désir
métaphysique est la voie préconisée pour aller vers le
transcendant. C'est ce que PANGADJANGA affirme lorsqu'il
écrit : « l'épiphanie de l'autre dans le
visage constitue un désir qui me mène vers le
transcendant »38(*). Ces derniers temps, les gens ont compris qu'une
expérience aiguë de l'humain enseigne que les pensées des
hommes sont portées par les besoins qui expliquent l'existence de la
société et de l'histoire, et que la faim et la peur peuvent avoir
raison de toute résistance humaine et de toute liberté. Cette
liberté consiste, souligne Lévinas, « à savoir
ou avoir conscience en péril. Mais savoir ou avoir conscience c'est
avoir du temps pour éviter et prévenir l'instant de
l'inhumanité : c'est cet ajournement perpétuel de l'heure de
la trahison - infirme différence entre l'homme et le non-homme - qui
suppose le désintéressement de la bonté, le désir
de l'absolument Autre ou la noblesse, la dimension de la
métaphysique »39(*).
Somme toute, ce vers quoi porte le désir insatiable
n'est rien d'autre qu'autrui qui apparaît dans le visage. Ainsi, autrui
est le lieu de la vérité métaphysique. Car, l'apparition
même d'autrui dans son visage est indispensable dans mes rapports avec
Dieu. Qu'en est-il alors pour le désir comme
transcendance ?
II.2.Désir comme
Transcendance
La problématique de la transcendance demeure, depuis
toujours, une des préoccupations qui ont intéressé les
philosophes. Lévinas est du nombre, car, la transcendance constitue un
des points culminants de sa philosophie. D'après le dictionnaire petit
Robert, la transcendance est définie comme le caractère de ce qui
s'élève au-dessus d'un niveau donné, ou au-dessus d'un
niveau moyen.
Dans le parlé de
Lévinas, « le mouvement de transcendance se
distingue de la négativité par laquelle l'homme mécontent,
refuse la condition où il est installé et prône ce travail
qui, non seulement transforme le monde, mais aussi prend appui dans celui-ci
parce qu'il le transforme »40(*). Nous pensons ici que tout homme ne cherche
pas à rester statique sans rien faire, à moins qu'il soit
« l'homme de Ngaba »41(*).
Au risque de nous répéter, Lévinas
conçoit la transcendance comme synonyme d'extériorité.
C'est un mouvement du Moi qui va vers l'Autre, une sortie de l'ordre de
l'être, une ouverture originelle du pour-soi et pour-autrui. A la suite
de Lévinas, le professeur Stany KANGUDI Kabwatila nous dit que
« le sujet transcendantal est un principe formel qui, au fond, n'a
pas d'altérité. L'intersubjectivité lui est
intérieure et l'obligation envers autrui se justifie avant tout comme
obligation à l'égard, en d'autres mots comme une cohérence
intime avec sa propre nature intersubjective. La rationalité de la norme
assure l'autonomie du sujet dans l'obéissance au devoir
éthique »42(*).
La transcendance présente le paradoxe d'une relation
avec ce qui est séparé. Elle est une façon pour le distant
de se donner. Par ailleurs, les philosophes modernes ont semblé lui
donner un autre sens. D'après eux, la transcendance ne consiste pas en
une définition de la dimension du réel qui dépasse la vie
intérieure : elle accompagne la naissance de la subjectivité
humaine. En fait, elle exprime la capacité du sujet à prendre
distance à l'égard de toute réalisation effective pour
s'affirmer comme pure liberté ou pour renvoyer à la puissance du
sujet de s'accomplir dans l'histoire au travers de ses oeuvres. Elle trouve son
principe dans l'idée de l'identité de l'être, et donc dans
l'ontologie.
Pourtant, le philosophe de la responsabilité pour
autrui, s'inscrit sur des options autres que celles des modernes. Car il
repense la transcendance comme étant le sens même de l'humain.
Elle surgit dans le contexte de la question à l'Autre et sur l'Autre.
« Pour qu'une véritable transcendance soit possible (...) il
faut que l'autre concerne le moi, tout en lui demeurant extérieur. Il
faut surtout que par son extériorité même - par son
altérité - l'autre fasse sortir le moi de
soi »43(*). La
transcendance ne naît pas de la relation intersubjective inscrite dans le
registre où le moi prévaut sur l'Autre. « Cette
transcendance est vivante dans le rapport à l'autre homme,
c'est-à-dire dans la proximité du prochain dont l'unicité
et, par conséquent, l'irréductible altérité
seraient encore ou déjà méconnues dans la perception qui
dé-visage autrui »44(*). Parce que l'Autre est plus que ce qu'il donne
à la perception de sorte que tout rapport avec lui est totalement
différent de l'expérience au sens sensible du terme. La
transcendance est à rechercher dans les dimensions de l'humanité
de l'homme car, capable de désintéressement et de vigilance
extrême envers son prochain, l'absolument autre, l'homme est responsable.
En ce sens, la transcendance ne peut, dès lors, être
éprouvée que comme une mise en crise de la subjectivité,
qui se trouve en face de l'autre qu'elle ne peut contenir mais à qui et
de qui elle doit répondre.
Eu égard à ce qui précède, disons
que la transcendance s'effectue à partir de la relation horizontale avec
Autrui, relation à partir de laquelle Dieu se révèle tout
en étant caché. Mais elle n'implique pas pour autant que l'autre
homme est Dieu, ni que Dieu est un grand Autrui, le transcendant. Ce qui fait
que poser le transcendant comme étranger et pauvre, c'est s'interdire
à la relation métaphysique avec Dieu de s'accomplir dans
l'ignorance des hommes et des choses. La dimension du divin s'ouvre à
partir du visage humain. Une relation avec la transcendance - cependant libre
de toute emprise du transcendant - est une relation sociale. C'est là
que le Transcendant infiniment Autre, nous sollicite et en appelle à
nous. « La proximité d'Autrui, la proximité du
prochain, est dans l'être un moment inéluctable de la
révélation d'une présence absolue (c'est-à-dire
dégagée de toute relation) qui s'exprime »45(*). Qu'en est-il alors de
l'intentionnalité comme philosophie de la totalité ?
II.3.Intentionnalité
comme philosophie de la Totalité
Emmanuel Lévinas reconnaît le mérite de
Husserl avec sa méthode phénoménologique46(*) qui a fait de la philosophie
une science rigoureuse. Husserl, dans son effort de doter la philosophie d'une
méthode rigoureuse, fait de la philosophie première, un
« retour aux choses elles-mêmes ». De son
enseignement essentiel, Lévinas a retenu le concept
d'intentionnalité47(*). Malgré la séparation d'avec son
maître Husserl à propos du théoritisme et du primat de la
conscience d'objet, le désaccord fondamental entre les deux intervient
autour de la question de l'altérité d'Autrui.
En fait, l'altérité telle que
présentée par Husserl, est qualifiée de relative,
d'affaiblie, d'altérée, par Lévinas. Pour lui, Husserl a
manqué l'altérité infinie de l'autre et l'a réduite
au Même ; il a fait de l'autre un alter ego, un
phénomène d'Ego. Bref, il a neutralisé
l'altérité absolue de l'autre. Aussi, la
phénoménologie tout entière, depuis Husserl, est-elle la
promotion de l'idée de l'horizon qui joue un rôle
équivalent à celui du concept dans l'idéalisme classique.
Pour Husserl, on ne peut parler de l'autre qu'à partir d'un certain
apparaître. Dans ce cas, l'autre devient nécessairement
phénomène de l'ego constitué par apprésentation
analogique à partir de la sphère d'appartenance propre de l'ego.
C'est ce que Jacques DERRIDA souligne lorsqu'il écrit que
« c'est l'autre en tant qu'autre qui est phénomène de
l'ego, phénomène d'une certaine
non-phénoménalité irréductible pour l'ego comme ego
en général. Car il est impossible de rencontrer l'alter ego, il
est impossible de le respecter dans l'expérience et dans la langage sans
que cet autre, dans son altérité, apparaisse pour un
ego »48(*).
La philosophie husserlienne est égologique dans la
mesure où le Moi s'enferme dans sa conscience individuelle primordiale,
dans « sa sphère primordiale » et réduit
l'autre en neutralisant son altérité. C'est ce que Lévinas
qualifie de violence, de non-reconnaissance de l'autre.
Eu égard à ce qui précède, nous
voyons que Husserl a eu le souci de réhabiliter l'altérité
d'Autrui - notamment dans ses critiques contre Hegel - mais lui-même a
échoué dans ce même point malgré les efforts
déployés. Il n'a abouti qu'à construire des êtres de
raison. D'où le règne de la science, c'est-à-dire de la
rationalité. « Sa philosophie est aussi ontologique en tant
qu'elle est une expérience de l'être. Mais elle est surtout une
philosophie de la raison, car elle est taillée sur le règne
stable de la science »49(*). Ce règne de la raison est la
caractéristique essentielle de l'intentionnalité husserlienne.
Lévinas dans son intervention, inverse le sens
autrefois attribué jadis à la réduction intersubjective.
En effet, la réduction intersubjective ne se dirige pas
nécessairement contre le solipsisme de la sphère primordiale et
le relativisme de la vérité, mais lorsque « le
Moi » cesse de se poser et parvient à se voir à partir
d'Autrui - à qui il a seulement des comptes à rendre - et qu'il
s'arrache à sa primordialité que survient
l'événement non-gnoséologique. Dès lors, cette
sphère primordiale perd sa priorité devant le visage d'Autrui et
la subjectivité se réveille de l'égologique de
l'égoïsme et de l'égotisme50(*). Avec la réduction intersubjective de Levinas,
il se fait un renversement des valeurs. « Le Moi » est
dépouillé de sa conscience individuelle. L'Autre n'est plus
totalité dans le Même ; plutôt l'Autre se
présente en face du Même, et l'interpelle à le rendre
justice. A cet effet, il est le non-thématisable, le
non-synthétisable.
Malgré cette divergence autour de la conception de
l'altérité, il y a cependant des points de convergence. Ils sont
tous deux de l'avis que l'altérité de la chose diffère de
celle d'Autrui. Par contre, pour Lévinas, Husserl dans les
méditations cartésiennes, décrit autrui comme un
`alter ego', comme `un phénomène de `l'ego'. Il
le constitue par apprésentation analogique. De ce fait, cet Autrui est
assimilable à la monade de Leibniz.
II.4. L'ontologie comme
négativité de l'altérité
Depuis ses origines grecques, la philosophie se veut une
compréhension ultime des choses, un savoir de ce qui est pour en saisir
le sens. Dans la saisie du sens, l'être se thématise
intentionnellement dans une expérience. L'être s'exhibe ou
s'expose thématiquement. C'est dire que son sens se laisse
appréhender à travers sa manifestation de telle sorte que sens et
manifestation de l'être coïncident.
En d'autres termes, de toutes les philosophies
développées, Levinas part d'un constat amer selon lequel toutes
se caractérisent essentiellement par l'égologie comme
susmentionné. Cette dernière a connu son apogée avec
Descartes. Elle a conduit inexorablement à la violence,
c'est-à-dire en fait dans l'oubli de l'autre, mieux dans la
réduction de l'autre au même. C'est pourquoi notre auteur
écrit : « la philosophie occidentale a
été le plus souvent une ontologie : une réduction de
l'Autre au Même, par l'entremise d'un terme moyen et neutre qui assure
l'intelligence de l'être. Cette primauté du Même fut la
leçon de Socrate. Ne rien recevoir d'Autrui sinon ce qui est en moi,
comme si, de toute éternité, je possédais ce qui vient du
dehors. Ne rien recevoir ou être libre »51(*).
C'est par la connaissance, par la raison qui neutralise et
réduit en englobant l'autre que se réalise la réduction de
l'Autre au Même. En neutralisant l'Autre, on le réduit au
Même. D'ailleurs, connaître, pour Emmanuel Lévinas, c'est
enlever à l'autre son altérité, c'est neutraliser
l'étant (Autrui, l'étant par excellence) par médiation de
l'être de l'étant, c'est transcender par la pensée
l'étant et le réduire à l'être ; il se confond
au savoir qui est « une relation du Même avec l'autre où
l'autre se réduit au Même et se dépouille de son
étrangeté, où la pensée se rapporte à
l'autre mais où l'autre n'est plus autre en tant que tel,où il
est déjà le propre, déjà mien »52(*).
Il convient de faire remarquer que la philosophie s'offre la
totalité du réel comme objet de recherche. Cela veut dire que
rien n'échappe à la démarche ou aux investigations
philosophiques. Le réel peut manifester son
« ontos » et par là, avoir un sens pour
être. Le réel est ce qui est thématisable et explicitable
par une quelconque intellection. Or Levinas conteste que la synthèse du
savoir, la totalité de l'être embrassée par le `je', la
présence saisie dans la représentation et le concept et
l'interrogation sur la sémantique de la forme verbale de l'être -
stations inévitables de la Raison - soient les instances ultimes du
sensé53(*).
L'Autre dans son altérité me parait
insaisissable car la relation entre le Même et l'Autre ne se
ramène pas à la connaissance de l'Autre par le Même, ni
même à la révélation de l'Autre au Même
déjà foncièrement différente du dévoilement.
Contrairement dans le registre ontologique, l'Autre est ramené au
Même qui ne se laisse pas aliéner par l'Autre, c'est-à-dire
que le Même n'ouvre pas la voie à l'Autre. Il y a manifestation
d'une liberté qui englobe et neutralise l'Autre dans la primauté
de la Raison - lieu de la permanence dans le Même - puisqu'il n'y a rien
qui peut la limiter. Alors, l'Autre devient thème ou objet par cette
neutralisation ; il apparaît, s'éclaire et donc se
réduit au Même. Ainsi subit-il la tyrannie de la
totalité54(*).
Ainsi donc, l'ontologie de Heidegger est un des
modèles des philosophies de la violence dans la mesure où, comme
le remarque pertinemment Lévinas, elle subordonne « la
relation avec quelqu'un qui est un étant (relation éthique)
à une relation avec l'être de l'étant qui, impersonnel,
permet la saisie, la domination de l'étant (à une relation de
savoir), subordonne la justice à la liberté »55(*). C'est ainsi que le philosophe
de la responsabilité pour autrui considérera la philosophie
première, l'ontologie, comme une philosophie de l'injustice contre
laquelle il développe une pensée où le Désir
devient considération de l'Autre ou justice. C'est ce qui explique tant
soit peu, la négativité de l'altérité par la
totalité. Qu'en est-il alors de l'altérité comme
nécessité ?
II.5.
L'altérité comme nécessité
Se basant sur l'approche conceptuelle de
l'altérité, nous nous rendons compte que cela concerne plus
l'autre ou tout simplement Autrui. L'altérité comme nous dit
André Lalande, est le « caractère de ce qui est
autre »56(*).
Entendue au sens lévinassien, l'altérité rejoint la
signification que Lalande lui donne en citant RENOUVIER en ces
termes : « spécialement chez Renouvier,
l'altérité signifie : le caractère de ce qui est
autre que moi »57(*).
Il faut d'abord passer par lui pour revenir à soi et
c'est le seul moyen pour saisir l'autre dans son originalité.
Lévinas veut que la relation entre Je et Tu soit exclusivement
éthique. C'est ainsi qu'il critique la réciprocité de
Buber pour parler de l'asymétrie. A ce propos, Malka écrit
que « ce que Lévinas met en cause, c'est le rapport
de réciprocité entre le `Je' et `Tu'. Pour lui seul
l'asymétrie dans la relation sauvegarde la possibilité d'une
éthique »58(*).
II.6. CONCLUSION
Parler de l'altérité comme Désir
métaphysique a été la réflexion menée tout
au long de ce chapitre. Le Désir métaphysique est insatiable,
apparaît dans le visage de l'Autre. Lorsque nous nous mettons à
rechercher les dimensions humaines de l'Autre, nous devenons responsable et
notre relation doit être exclusivement éthique. Ainsi donc,
après cette luminosité sur
« L'Altérité comme désir
métaphysique », nous passons au troisième et
dernier chapitre de nos présentes investigations intitulé :
« L'Autre et Moi dans l'espace socio-politique
congolais ».
CHAPITRE TROISIEME :
L'AUTRE ET MOI DANS L'ESPACE SOCIO-POLITIQUE CONGOLAIS
III.0. Introduction
Dans ce troisième et dernier chapitre de notre
travail, nous parlerons de l'Autre et le Moi tels qu'ils vivent dans l'espace
socio-politique congolais. Certes, le problème éthique est au
centre de cette relation, voire aussi la justice qui doit intervenir à
presque tous les niveaux. Pour ce, il sera subdivisé en six points qui
sont : la méconnaissance de l'autre, la mort d'autrui, la justice
dans la relation avec autrui, la responsabilité personnelle et justice
sociale, l'éthique en rupture du politique et enfin politique ou
animalité. Et une conclusion partielle pour donner l'idée
générale du chapitre.
III.1. La
méconnaissance de l'Autre
La philosophie de l'altérité ne cherche pas
à connaître l'Autre, elle cherche plutôt à le
reconnaître tout en sachant qu'il est mon maître, mon
supérieur, celui à qui je dois du respect. A cet effet, Fred
Poché ajoute qu' « autrui se tient toujours au-delà de
l'image que je m'en fais (...) Il ne s'agit plus de connaître Autrui,
mais de le reconnaître »59(*). Le virus congolais est de ne pas reconnaître
l'Autre en tant que tel, le réduire à l'image qu'on peut se
faire ; ceci renvoie à ce que Lévinas appelle
essentialisme60(*). L'Autre n'est pas pris en tant qu'autre, en
tant que singularité. Il est un autre moi-même, méconnu
dans son altérité, bafoué et même foulé au
sol. Le Moi n'attend de l'autre qu'un oui pour atteindre ses fins. L'Autre n'a
pas droit de dire non, il n'oppose pas ce Moi tel que prôné par la
philosophie de l'altérité. Il imagine un quelque chose qu'il
nomme « autre » qui, cependant, n'est pas celui
qui doit venir d'une dimension de hauteur.
En République Démocratique du Congo (R.D.C.),
le Moi croit posséder le monopole du monde. Ainsi, l'Autre ne fait que
subir ses caprices comme esclave qui obéirait à son maître.
Alors que l'autre doit, au contraire, être une nécessité
comme mentionné au deuxième chapitre de notre travail, dans le
lieu entre Moi et l'Autre. « L'exigence ne jaillit pas de Moi, de mon
intériorité, mais de l'autre qui m'interpelle, me convoque,
m'oblige. (...) autrui n'a pas d'identité définie, son visage n'a
pas de forme. Il s'agit du `premier venu'. On pense sa hauteur, son
éminence à la lumière de sa ressemblance avec
Dieu »61(*).
Voilà ce qui nous pousse à parler de la mort d'Autrui et la ruine
du visage.
III.2. La mort d'Autrui et
la ruine du visage
Le visage se montre non plus comme lieu de rencontre de
l'Autre, mais devient un simple fruit de représentation lorsque le Moi
enraciné dans la totalité, ignore de gré que l'Autre est
à ses côtés ; lorsqu'il menace Autrui et que ce
dernier ne peut plus rien. Nous pouvons dire en partant de la
méconnaissance de l'Autre que ce dernier est presque mort dans l'espace
socio-politique congolais ; il y a un paradoxe de l'agir politique en
matière de l'Autre : le Moi prend les armes pour sauver l'Autre et
le même Moi recourt aux armes pour tuer l'Autre.
Lévinas pense que « le visage s'impose
à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni
l'oublier »62(*). Devant un visage, je suis appelé
à répondre d'un ordre. Voir un visage signifie autrement
écouter les supplications d'un pauvre, d'un étranger, d'un autre.
La question serait de savoir où serait le visage dans l'espace politique
congolais ? Le Moi se détourne de toute responsabilité du
visage. Ainsi dépouillé de sa forme, le visage se trouve dans sa
nudité. Il est une misère. La nudité du visage est
dénuement et déjà supplication dans la droiture qui me
vise. Toutes ces affirmations peuvent trouver place à travers les
personnes abandonnées à leur sort ; en occurrence les
enfants de la rue, les fonctionnaires de l'Etat impayés, les enseignants
et surtout toute personne victime des violences ou guerres en R.D.C. Alors
comment pouvons-nous nous comporter envers Autrui ?
III.3. Justice dans la
relation avec Autrui
Le dictionnaire universel nous définit la justice comme
une vertu morale qui réside dans la reconnaissance et le respect des
droits d'autrui. Elle peut aussi être entendue comme principe de
modération, d'harmonie et d'épanouissement des relations
interpersonnelles et sociales ; cela spécialement lorsqu'il
apparaît que le tiers est menacé de violence et de haine par
l'autre. La justice dans la relation avec l'autre doit être une justice
qui tient compte de l'autre, une justice qui nous invite à la
gratuité, c'est-à-dire à une approche de l'autre sans
attendre remerciement. Le « Je » développe
plutôt la notion de responsabilité face à Autrui. Il se
reconnaît lui-même comme l'unique et seul élu pour la
responsabilité d'Autrui sans pour autant supprimer l'atermoiement de
l'acte charnel. La justice doit plus prôner la dignité humaine.
« Oui, puisque la justice le rend `autre parmi les autres', autre
comme les autres. Autrui pour qui je suis aussi le tiers est assigné
pour sa part envers les autres à un extraordinaire engagement qui en
appelle, dit Lévinas, `au contrôle, à la recherche de la
justice, à la société et à l'Etat, à la
comparaison et à l'avoir, à la pensée et à la
science, et au commerce et à la philosophie, et, hors l'anarchie,
à la recherche d'un principe »63(*).
La justice est une des conditions premières pour que
toute forme de miséricorde, de piété et de
responsabilité ne se convertisse pas en une nouvelle violence
exercée sur Autrui. S'approcher d'Autrui, c'est accepter de
prélever sur son propre compte la nécessaire
matérialité qui symbolise une proximité bien
réalisée. Ce qui cause l'agression au sujet, c'est moins la
présence d'autrui dans son indigence que le continuel dénuement
d'un Moi qui est soumis à une épreuve d'une bonté
refusée à celui ou celle qui réclame justice.
Dans la justice collective, nous nous rendons compte que les
lois de toute cité s'érigent sur la base de droits et de
libertés octroyés aux citoyens. Ces derniers sont moralement
responsables de répondre à la déliquescence universelle
des lois. Cela se fait par la mise en oeuvre d'une charité personnelle
et contingente. Est reconnu moralement responsable tout être qui soumet
la liberté de sa propre conscience à l'autorité d'une loi
qui entrave hic et nunc l'approche effective du prochain.
Dans une communauté, la justice a sa raison
d'être. La nécessité de la justice dans la
communauté vient de son intervention dans la relation à
trois ; ce qui engendre l'impossibilité d'établir une
relation d'unique à unique, de face-à-face avec la
multiplicité humaine. La justice implique nécessairement un ordre
moral. Le Moi fait justice pour harmoniser sa relation avec la multitude
d'autrui surtout dans le cas où le tiers est violenté. De ce qui
précède, Lévinas affirme que la
« `justice' s'applique beaucoup plus à la relation avec
le tiers qu'à la relation avec autrui. Mais en réalité la
relation avec autrui n'est jamais uniquement la relation avec autrui :
d'ores et déjà dans autrui le tiers est
représenté »64(*).
Le bien d'Autrui incombe au sujet responsable, alors que,
celui-ci décline toute responsabilité à l'égard de
son semblable. En ce sens je suis responsable d'autrui sans attendre la
réciproque. La responsabilité du sujet dans la justice à
l'Autre, c'est la capacité que le sujet peut avoir afin d'offrir sa
propre humanité comme un support à l'insupportable de la vie de
l'Autre. La justice n'est pas à appliquer directement dans la relation
avec Autrui, car ce dernier est le prochain avec qui je développe plus
une relation de responsabilité. De là, nous pouvons dire que la
relation avec Autrui ne laisse pas vraiment intervenir la notion de la justice
au sens strict du mot. La reconnaissance de la supériorité
de l'Autre et de notre responsabilité en face de lui impliquent
l'obligation que nous avons de souhaiter son bien et donc de le servir, non pas
seulement puisque son bien peut - comme dans une rencontre de type
intersubjectif - promouvoir en retour notre bien, mais aussi puisque le bien de
tout homme quel qu'il soit, à la réalisation duquel nous
participons, concourt au bien de tout homme et par là, au bien de
l'humanité entière65(*).
III.4.
Responsabilité personnelle et justice sociale
Nos responsabilités dans la société sont
portées envers et pour autrui. Elles doivent viser à
l'instauration d'un climat de paix, d'amour afin que la justice sociale
règne. L'impératif lévinassien d'être attentif
à l'Autre suppose un surplus de conscience morale à l'appel de
celui-ci, c'est-à-dire une conscience droite que l'on doit avoir sur les
droits d'Autrui et sur sa propre responsabilité de sujet. « La
société ne découle pas de la contemplation du vrai, la
relation avec autrui notre maître rend possible la vérité.
La justice consiste à reconnaître en autrui mon maître.
L'égalité entre personne ne signifie rien par elle-même.
Elle a un sens économique et suppose l'argent et repose
déjà sur la justice qui, bien ordonnée, commence par
autrui. Elle est reconnaissance de son privilège d'autrui, et de sa
maîtrise, accès à autrui en dehors de la rhétorique
qui est ruse, emprise et exploitation. Et, dans ce sens, dépassement de
la rhétorique et justice coïncident »66(*).
Notre responsabilité personnelle envers Autrui
concerne tout le monde. En plus, dans le face-à-face avec Autrui, nous
ne saurons nous dérober par un silence coupable. Notre
responsabilité envers Autrui ne doit pas être manifestée en
cachette ou en clandestinité. Car, « tout ce qui se passe ici
`entre nous' regarde tout le monde, le visage qui le regarde se place en plein
jour de l'ordre public, même si je m'en sépare en recherchant avec
l'interlocuteur la complicité d'une relation privée et une
clandestinité »67(*).
Etre pour Autrui, c'est être pour les autres, c'est
s'intéresser à tout le monde. C'est ainsi que l'épiphanie
du visage de l'Autre m'ouvre à toute l'humanité. L'humain
implique l'idée de toute l'humanité car l'idée que nous
avons de l'homme ne saura se réduire à l'unicité du Moi.
Etre généreux envers Autrui n'équivaut nullement à
une liberté sans amphibologies, mais à l'impérieux
commandement de se tenir en toute droiture en présence de l'Autre. Notre
générosité, notre bonté envers Autrui ne saurait en
aucune façon combler l'abîme de la séparation avec Autrui,
mais bien au contraire elle la confirme. Lévinas dira à ce propos
que « le moi en tant que moi se tient donc tourné
éthiquement vers le visage de l'autre - la fraternité est la
relation même avec le visage où s'accomplit à la fois mon
élection et l'égalité, c'est-à-dire la
maîtrise exercée sur moi par l'Autre. L'élection du moi,
son ipséité même se révèle comme
privilège et subordination - parce qu'elle ne le met pas parmi les
autres élus, mais précisément en face d'eux, pour mesurer
l'étendue de ses responsabilités »68(*).
Ma responsabilité personnelle devrait se manifester
dans l'organisation des institutions justes. Mon rapport avec Autrui devrait
s'accomplir comme service, hospitalité dans la mesure où le
visage d'Autrui me met en relation avec le tiers, le rapport de moi à
Autrui se coule dans la forme du Nous. La socialité vraie est dans un
rapport personnel, la rigueur avec laquelle la justice me juge, non pas dans
l'amour qui m'excuse. Une paix durable dans une société juste
doit provenir de moi, dans une relation digne qui part de moi vers l'Autre,
dans le désir et une bonté où le moi se maintient et
existe sans égoïsme. C'est pourquoi dans Entre nous,
Emmanuel Lévinas souligne que « ce que j'appelle
responsabilité pour autrui, ou amour sans concupiscence, le moi ne peut
en trouver l'exigence qu'en lui-même ; elle est dans son `me voici'
de je, dans son unicité non interchangeable d'élu. Elle est
originellement sans réciprocité qui risquerait de compromettre sa
gratuité ou grâce, ou charité inconditionnelle. Mais
l'ordre de la justice des individus responsables les uns envers les autres
surgit non pas pour rétablir entre le moi et son autre cette
réciprocité, il surgit du fait du tiers qui, à
côté de celui qui m'est un autre, m'est `encore un autre'. Le moi,
précisément en tant que responsable envers l'autre et le tiers,
ne peut pas rester indifférent à leurs interactions et, dans la
charité pour l'un, ne peut se dégager de son amour pour l'autre.
Le moi, le je, ne peut s'en tenir à l'unicité incomparable de
chacun, que le visage de chacun exprime »69(*).
Pour que l'égalité et l'équité
règnent entre les hommes et dans les sociétés, il est
souhaitable que les hommes puissent exiger d'eux-mêmes plus qu'ils
exigent d'Autrui ; qu'ils portent la responsabilité de toute
l'humanité. La responsabilité personnelle de l'homme à
l'égard de l'Autre homme exercée dans la franchise à
travers le rapport avec tous les hommes coïncide avec la justice sociale.
Il est vrai qu'une société parfaite n'a pas encore vu le jour,
mais Lévinas prône une société idéale qui
tend vers la perfection, une société où tous les hommes
sont responsables les uns des autres, là où règne la
justice.
III.5. L'éthique en
rupture du politique
L'éthique et la politique présentent une sorte
d'antinomie dont dépend la vie de l'individu et celle de citoyen. C'est
ainsi que Raymond POLIN dans son ouvrage « Ethique et
Politique » dira : « à certains, il parait
évident que l'éthique forme, avec la politique, un tout unique,
qu'elle en est inséparable, qu'elle la gouverne et que les lois de la
politique tirent de l'éthique leur sens et leur pouvoir d'obliger. A
d'autres, il parait non moins évident que les structures et les
problèmes politiques sont sans commune mesure avec ceux de
l'éthique ; qu'ils ne sont pas du même ordre ; que les
décisions et les solutions politiques sont indépendantes des
justifications éthiques »70(*). Voilà comment la double définition de
l'éthique et de la politique révèle à la fois leur
profonde unité et leur profonde différence.
Emmanuel Lévinas estime qu'il n'y a pas d'autre
conscience d'Autrui qu'éthique. Ce qui revient à dire que la
relation à l'Autre ne se produit pas d'abord comme conscience de l'autre
mais, comme conscience éthique. Presque toute la pensée de
Lévinas se fonde sur l'éthique qu'il qualifie de
« philosophie première ». C'est cette
éthique capable d'assurer notre survie comme espèce humaine qui
ne peut plus cohabiter avec le politique entendu comme gouvernement d'un Etat.
Parce que le politique semble déboucher à la politique qui laisse
actuellement prévaloir le mal au mépris du bien.
Comme notre auteur qui, après les deux guerres qui ont
secoué l'humanité à son temps, se mit à
réfléchir sur la place de l'Autre, il en va de même pour
nous dans cette analyse. Notre pays depuis la deuxième république
a connu une succession de guerres pendant lesquelles nos soeurs et
frères congolais ont péri sans merci. Face à cela,
pouvons-nous dire que c'est l'homme congolais qui est mauvais ? Est-ce le
pays qui est mal situé et parce que doté d'une source de richesse
intarissable ?
Pas du tout, nous pensons que les causes sont ailleurs ;
le problème de la méconnaissance de l'Autre trouve son origine
dans l'état d'esprit de l'homme congolais actuel se trouvant dans
l'espace socio-politique. Instance des décisions de grande envergure et
de révolution sociale. Nous pensons que cet état d'esprit se
caractérise par la domination, l'égoïsme, la corruption et
le mensonge. Dans ce même ordre d'idées, pouvons-nous parler d'une
politique ou d'une animalité ?
III. 6. Politique ou
animalité
Notre auteur, à travers ses leçons, insiste sur
la vérité en faisant remarquer qu'elle a des dimensions multiples
et cela s'applique en tout premier lieu à sa propre pensée. La
politique a une autre dimension par laquelle elle n'est plus l'art de gagner la
guerre. A l'état naturel, l'homme est présenté comme un
« homo homini lupus » et son humanité exige
de dépasser le règne de l'animalité, celui de la force
brute. La raison politique est, dès lors, investie d'un sens nouveau et
permet d'échapper à la guerre de tous contre tous. En ce sens,
grâce à l'Etat, aux institutions, à la loi à
laquelle se soumettent les libertés en lutte, un ordre pacifique peut
émerger. L'ordre politique est le moyen de garantir un équilibre
entre les composantes et les entités du gouvernement pour les forces qui
s'opposent.
Si la règle du jeu social est fixée par le
droit et son respect garanti par la police, la guerre et ses implications
seront remplacées par une saine compétition commerciale où
tout le peuple se sentira épanoui. Cependant, cet ordre politique se
caractérise par son ambivalence. D'un côté, il transcende
certes l'animalité et il est condition de liberté. Il est
illusoire de penser garantir la liberté sans des institutions comme le
pensent les politiciens congolais. La liberté ne se bâtit pas sur
des bons sentiments. De l'autre côté, l'ordre politique ignore
l'homme comme personne unique. Son universalité connaît seulement
le citoyen dans son anonymat.
III.7. CONCLUSION
Dans ce chapitre, l'objectif que nous nous
étions assigné était de voir comment la pensée de
notre auteur peut amener une réforme dans l'espace socio-politique
congolais. Notre responsabilité dans cet espace doit nous mener à
construire une société où règnent la paix, la
justice et l'harmonie.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ces investigations au sujet de `La
problématique de l'Autre comme infini' chez Emmanuel
Lévinas, il est temps pour nous de conclure. Dans le premier chapitre,
il a été question d'élucider ce qu'est l'autre comme
infini. Trois points ont été développés ; au
premier point, nous avons essayé d'éclairer tant soit peu, ce
qu'est cet Autre qui s'avère Infini ; d'où nous
avons évoqué l'idée de l'infini qui présuppose une
rupture et qui se produit comme révélation. Cette idée
n'est possible, avons-nous dit, que par le dépassement du moi subjectif.
Au deuxième point, nous avons essayé de parler de la
responsabilité pour Autrui qui est effectivement ce par quoi nous
sommes dignement humains et nous devenons responsable d'Autrui sans notre
vouloir. La rencontre avec le visage de l'Autre, a été
le troisième point de ce chapitre ; nous avons dit que le visage de
l'Autre me parle et m'invite à une relation sans commune mesure ;
c'est dans le visage qu'Autrui prend sens. Nous avons subdivisé ce point
en deux sous points : `la rencontre d'Autrui' et `le
mystère du visage de l'Autre'. Nous lisons - en dépit de
la responsabilité que nous avons envers Autrui - à travers son
visage, non seulement une métaphysique éthique, mais aussi un
rapport de commandement car, il est mon maître et je dois être
attentif à lui. Son visage est également transcendance du moi car
il suscite en moi l'idée de l'Infini vers qui je dois tendre.
Au deuxième chapitre, nous avons parlé de
`L'altérité comme désir
métaphysique' ; ici nous avons voulu chercher d'abord à
parler du désir métaphysique qui a été
présenté comme celui qui ne peut pas être satisfait et qui
ne repose sur aucune parenté préalable ; il est infini et
apparaît dans le visage de l'Autre. Dans un deuxième moment, nous
avons abordé le désir comme transcendance ; ici
nous avons souligné que l'homme est responsable dans la recherche des
dimensions humaines de son semblable, de son Autre.
L'intentionnalité comme philosophie de la totalité a
fait l'objet du troisième point du deuxième chapitre. Nous avons
plus parlé de Husserl - l'un de maître de notre auteur - qui a
axé sa réflexion essentiellement sur le monde et sa constitution,
plutôt que sur l'homme et tout ce qu'il peut entreprendre. Nous avons
aussi parlé de l'ontologie comme négativité de
l'altérité où l'ontologie qui est philosophie
première, philosophie de l'injustice contre laquelle Lévinas
développe une pensée selon laquelle le désir devient
considération de l'Autre ou Justice. Enfin, avec
l'altérité comme nécessité, une approche
conceptuelle de l'altérité nous a servi de piste pour
décoller afin d'atterrir sur l'acception lévinassienne selon
laquelle, seul l'asymétrie dans la relation sauvegarde la
possibilité d'une éthique et la relation entre Je et
Tu doit être exclusivement éthique.
Au troisième chapitre « L'autre et moi
dans l'espace socio-politique congolais », six points ont
été au rendez-vous. Au premier point nous avons mentionné
que le virus congolais est de ne pas reconnaître l'Autre ; l'Autre
n'est pas pris en tant qu'autre, il est méconnu dans son
altérité. Au deuxième point de ce chapitre, un paradoxe a
été mis en exergue : le moi qui prend les armes pour sauver
l'Autre, recourt aux mêmes armes pour le tuer, le Moi qui prône la
démocratie, use de la dictature pour asseoir son pouvoir71(*). Alors dans ce cas, le visage
de l'autre est dépouillé et se trouve dans sa nudité.
La justice dans la relation avec Autrui constituait
le troisième point du chapitre ; ici nous avons
présenté la justice comme une des conditions premières
pour que toute forme de responsabilité ne se convertisse pas en une
nouvelle violence exercée sur Autrui ; la justice implique
nécessairement un ordre moral. Au quatrième
point « responsabilité personnelle et justice
sociale », nous avons remarqué que la
responsabilité devrait se manifester dans l'organisation des
institutions justes et doit concerner tout le monde. Pour que
l'égalité et l'équité règnent entre les
hommes et dans la société, il faut que les hommes exigent
d'eux-mêmes plus qu'ils exigent d'Autrui, qu'ils portent la
responsabilité de toute l'humanité.
Au cinquième point, nous avons montré avec
Lévinas qu'il n'y a pas d'autre conscience qu'éthique. La
relation à l'Autre ne se produit pas d'abord comme une conscience de
l'Autre, mais, comme conscience éthique. Et au sixième et dernier
point de ce chapitre, nous avons mis en marge ce qui a été
autrefois appelé « Etat de nature »
où l'homme était un loup pour l'homme (homo homini
lupus) ; nous avons fait remarquer que la politique n'est plus comme
autrefois l'art de gagner la guerre. D'où l'homme doit chercher à
dépasser le règne de l'animalité pour prôner la
raison afin d'éviter toute bavure et arriver à un Etat juste et
idéal, où l'Autre est d'abord considéré au premier
plan.
Somme toute, sûr de n'avoir pas tout dit sur la
pensée, mieux la philosophie d'Emmanuel LEVINAS, ce travail reste ouvert
aux autres contributions qui pourraient l'enrichir.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages d'Emmanuel LEVINAS
- A l'heure des nations, Paris, Minuit, 1988.
- L'au-delà du verset. Lectures et discours
talmudiques, Paris, Minuit, 1988.
- Entre nous. Essais sur le penser-à-l'autre,
Paris, Grasset, 1991.
- Les imprévus de l'histoire, Paris, Fata
Morgana, 1994.
- Liberté et commandement, Paris, Fata
Morgane, 1994.
- Théorie de l'intuition dans la
phénoménologie de Husserl, Paris, Jean Vrin, 1994.
- Altérité et transcendance, Paris,
Fata Morgana, 1995.
- Difficile liberté. Essais sur le
judaïsme, Paris, Albin Michel, 1995.
- Sur Maurice Blanchot, Paris, Fata Morgane, 1995.
- Autrement qu'être ou au-delà de
l'essence, Paris, Kluwer Academic, 1996.
- Ethique et Infini. Dialogues avec Philippe Nemo,
Paris, Fayard/France culture, 1996.
- Humanisme de l'autre Homme, Paris, Fata Morgane,
1996.
- Totalité et Infini. Essai sur
l'extériorité, Paris, Kluwer Academic, 1996.
- Transcendance et intelligibilité. Suivi d'un
entretien, Paris, Labor et Fides, 1996.
- Hors sujet, Paris, Fata Morgane, 1997.
- De Dieu qui vient à l'idée, Paris,
Jean Vrin, 1998.
- Le temps et l'autre, Paris, Quadrige/PUF, 1998.
Ouvrages sur Emmanuel LEVINAS
- FORTHOMME, B., Une philosophie de la transcendance. La
métaphysique
d'Emmanuel Lévinas, Paris, La pensée
Universelle, 1979.
- GUIBAL, Francis, ... et combien de dieux nouveaux.
Approches contemporaines II.
Emmanuel
Lévinas, Paris, Aubier Montaigne, 1980.
- MALKA, Salomon, Lire Lévinas, Paris, cerf,
1981.
- PLOUDRE, Simone, Emmanuel Lévinas.
Altérité et responsabilité, Paris, Cerf, 1996.
- POCHE, Fred, Penser avec Arendt et Lévinas. Du
mal politique au respect de l'autre,
Lyon, Chronique Sociale, 1998.
- PANGADJANGA Owandjudinga Kakese, Barthélemy,
Altérité transsubjective et
Mutation éthique : Essai de
compréhension de la métaphysique éthique chez Emmanuel
LEVINAS, Kinshasa, Université de Kinshasa, Année
Académique 1989-1990. (Inédit)
Autres ouvrages et articles
consultés
- BUBER, Martin, Je et Tu, Paris, Aubier, 1969.
- MOUNIER, Emmanuel, Le personnalisme, Paris, P.U.F.,
1961.
- KANGUDI Kabwatila, Stany, L'éthique comme
philosophie de la transcendance chez
Emmanuel LEVINAS in Revue Philosophique
de Kinshasa, 2003, Vol. XIV, n°25-26.
- LALANDE, André, Vocabulaire technique et
critique de la philosophie, Paris, P.U.F.,
1926.
- POLIN, Raymond, Ethique et politique, Paris, Sirey,
1968.
- TSHIKOJI MBUMBA, Sylvain, De la bonne gouvernance :
Appel à un nouvel ordre
éthique du pouvoir en Afrique noire, Kinshasa, Cerdaf, 2002.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE...............................................................................................I
DEDICACE
...............................................................................................II
AVANT
PROPOS.......................................................................................III
SIGLES....................................................................................................................................V
INTRODUCTION GENERALE
1
0.1. Problématique
1
0.2. Intérêt du sujet
2
0.3. Limite de la recherche
2
0.4. Méthode et subdivision du travail
3
CHAPITRE PREMIER : L'AUTRE COMME
INFINI CHEZ Emmanuel LEVINAS
4
I.0. INTRODUCTION
4
I.1. L'AUTRE COMME INFINI
4
I.2. RESPONSABILITE POUR AUTRUI
6
I.3. LA RENCONTRE AVEC LE VISAGE
7
I.3.1. La rencontre d'Autrui
8
I.3.2. Le mystère du visage
8
a) L'épiphanie du visage de
l'Autre
10
b) Visage de l'Autre comme transcendance du
Moi
11
c) Le face-à-face
12
I.4. CONCLUSION
13
CHAPITRE DEUXIEME : L'ALTERITE COMME
DESIR METAPHYSIQUE
14
II.0. Introduction
14
II. 1. Désir métaphysique
14
II.2.Désir comme Transcendance
16
II.3.Intentionnalité comme philosophie de la
Totalité
18
II.4. L'ontologie comme négativité de
l'altérité
20
II.5. L'altérité comme
nécessité
22
II.6. CONCLUSION
22
CHAPITRE TROISIEME : L'AUTRE
ET MOI DANS L'ESPACE SOCIO-POLITIQUE CONGOLAIS
23
III.0. Introduction
23
III.1. La méconnaissance de l'Autre
23
III.2. La mort d'Autrui et la ruine du visage
24
III.3. Justice dans la relation avec Autrui
24
III.4. Responsabilité personnelle et justice
sociale
26
III.5. L'éthique en rupture du politique
28
III. 6. Politique ou animalité
29
III.7. CONCLUSION
30
CONCLUSION GENERALE
31
BIBLIOGRAPHIE
33
TABLE DES MATIERES
35
* 1 Philosophe
français d'origine juive, né le 12 Décembre 1906 à
KOVNO en Lithuanie (actuelle Russie). Ses études classiques furent
précédées par l'apprentissage de l'hébreu et le
commencement de l'étude de la Bible. Il part pour la France en 1923 et
débute ses études de philosophie à Strasbourg où il
commence également une longue vie avec Maurice Blanchot. Il soutient sa
thèse de doctorat sur Husserl en 1928-1929 à Fribourg. Cette
thèse sera publiée plus tard en 1930-année où il
acquiert la nationalité française. « Emmanuel
Lévinas nous a quittés en Décembre 1995. Il nous a
laissés une philosophie exigeante qui renouvelle avec vigueur la
réflexion sur le respect de l'Autre ». (Cf. F. POCHE,
Penser avec Arendt et Lévinas. Du mal politique au respect de
l'autre, Lyon, Chronique Sociale, 1998, p.81.)
* 2 E.I., p.92.
* 3 A.T., p.46.
* 4 L. LEAHY, L'homme...ce
mystère, Kinshasa, Saint Pierre Canisius, 1981, p.219.
* 5 Cf. S. AUROUX,
Encyclopédie philosophique Universelle. Les notes philosophiques.
Dictionnaire 1, T.1,
Paris, PUF, 1990, p.207.
* 6 E.N., p.17.
* 7 Ibid., p.41.
* 8 PANGADJANGA,
Altérité transsubjective et mutation éthique. Essaie
de compréhension de la
métaphysique
éthique chez LEVINAS,, Kinshasa, Université de Kinshasa,
Année Académique
1989-1990, p.400. (Inédit)
* 9 Ibid., p. 51.
* 10 D.D. V.I., p. 11
cité par MALKA, Op. Cit., p. 25.
* 11 E.I., p.95.
* 12 La relation
symétrique est différente de la « relation
asymétrique », car ce terme <asymétrie>
est utilisé par Lévinas pour dire que l'autre est toujours
premier et qu'il faut refuser une conception de la responsabilité qui se
manifesterait comme l'attente d'un recevoir après avoir donné.
Cette notion s'oppose donc à la logique marchande du donnant-donnant.
Avec l'asymétrie le moi a toujours une responsabilité de plus que
les autres.
* 13 T.I., p.237.
* 14 Cf. A.E.,
p.24-25.
* 15 A.E., p.184.
* 16 S. PLOUDRE, Emmanuel
Lévinas. Altérité et responsabilité, Paris,
Cerf, 1996, p.31.
* 17 S. MALKA, Lire
Levinas, Paris, Cerf, 1981, p.21.
* 18 E. MOUNIER, Le
personnalisme, Paris, P.U.F., 1961, p.33.
* 19 Ibid.
* 20 S. MALKA, Op. Cit.,
p.21.
* 21A.E., p. 119.
* 22 T.I., p.
215-216.
* 23 Ibid., p.81.
* 24 Ibid.,
p.80.
* 25 Ibid., p.234.
* 26 Cf. PANGADJANGA, Op.
Cit., p.188-190.
* 27 T.I., p.306.
* 28 E.I., p.86.
* 29 A.E., p.109.
* 30 S. RENE, Ethique de la
responsabilité, Paris, Cerf, 1993, p.156.
* 31 Cf. PANGADJANGA, Op.
Cit., p.322.
* 32 Ibid., p.275.
* 33 T.I., p.42.
* 34 T.I., p. 22.
* 35 Ibid., p.121.
* 36 B. FORTHOMME, Une
philosophie de la transcendance, Paris, Pensée Universelle, 1979,
p. 85.
* 37 PANGADJANGA, Op.
Cit., p. 271.
* 38 Ibid., p.317.
* 39 T.I., p.23-24.
* 40 Ibid., p.30.
* 41 L'homme de
Ngaba : c'est celui qui n'a pas de temps à mener des
réflexions pouvant l'aider à, non seulement aller de l'avant,
mais aussi à rendre son milieu vivable. Celui qui ne fait pas des
réflexions approfondies et de longue haleine. Il se contente seulement
de ce qu'il trouve et ne cherche pas à transcender son monde.
* 42 S. KANGUDI,
L'éthique comme philosophie de la transcendance chez Emmanuel
LEVINAS in Revue
Philosophique de Kinshasa,
2003, Vol. XIV, n°25-26, p.12.
* 43 A.T., p.12.
* 44 Ibid., p.133.
* 45 T.I., p.76.
* 46
Phénoménologie : méthode qui consiste
à s'intéresser aux phénomènes (ce qui
apparaît), autrement dit «cela » qui apparaît
à la conscience. On peut ainsi parler d'une phénoménologie
de la perception, de la volonté, de l'art, de la religion, etc.
* 47
Intentionnalité : ce terme utilisé principalement
par Husserl et ses successeurs, signifie que la conscience ne peut
s'appréhender que dans son rapport à un objet qu'elle vise. Toute
conscience est conscience de quelque chose.
* 48 J. DERRIDA,
L'écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967,
p.180-181.
* 49 PANGADJANGA,
Idée de violence dans la philosophie d'Emmanuel Levinas.
Mémoire de DES, Kinshasa,
FCK, 1988, p.34.
(Inédit).
* 50 Cf. ibid.,
p.36-37.
* 51 Ibid.,
p.33-34.
* 52 T.INT.,
p.12-13.
* 53 Cf. T.I.,
p.30-31.
* 54 Cf. ibid.,
p.56-57.
* 55 Ibid., p.36.
* 56 A. LALANDE,
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1926,
p.39.
* 57 Ibid.
* 58 S. MALKA, Lire
Levinas, p.62.
* 59 F. POCHE, Penser avec
Arendt et Lévinas. Du mal politique au respect de l'autre, Lyon,
Chronique Sociale, 1998, p.87.
* 60
Essentialisme : Le fait de réduire un être humain
à l'identité de son groupe d'appartenance. Or, chez
Lévinas, l'autre ne se réduit jamais à l'image que je m'en
fais, il est toujours radicalement autre.
* 61 F. POCHE, Op. Cit.,
p.89.
* 62 H.A.H., p...
* 63 S. PLOURDE, Emmanuel
Lévinas. Altérité et responsabilité, Paris,
Cerf, 1996, p.111.
* 64 D.D.V.I.,
p.132-133.
* 65 Cf. M. MBAMBI Monga,
Science moderne et morale in Revue Philosophique de Kinshasa,
vol. VI, p.25.
* 66 T.I., p.
68-69.
* 67 Ibid., p. 234.
* 68 Ibid., p.312.
* 69 E.N., p. 241.
* 70 R. POLIN, Ethique et
politique, Paris, Sirey, 1968, p.112-113.
* 71 C'est ce que Sylvain
TSHIKOJI Mbumba appelle les impasses méthodologiques.
(Cf. S. TSHIKOJI, De la bonne gouvernance. Appel à un nouvel ordre
éthique du pouvoir en Afrique noire, Kinshasa, Cerdaf, 2002,
p.31-36).
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