Chapitre II : ORGANISATION SOCIALE ET SYSTEME
POLITIQUE
TRADITIONNEL
II.1 Le système de parenté
L'organisation sociale d'Adjamé-village repose
essentiellement sur des clans qui sont fonctions du lignage maternel. Parler
donc de grande famille chez les tchaman, c'est se référer
à la famille maternelle.
Ces matriclans ou mando au nombre de sept sont : Lokoman,
Fiedoman, Tchadoman, Godouman, Kouédoman, Gbadoman et Abromando. Ils
regroupent tous les tchaman, qui y sont repartis. Des liens d'unité et
de solidarité unissent les membres d'un même matriclan.
Toutefois, un enfant qui naît appartient à son
père. Ce dernier est chargé de lui donner un nom. C'est
lorsqu'il grandit qu'il intègre sa famille maternelle (système
matrilinéaire).
II.2 Les générations ou
Abèpasa
L'une des structures fondamentales de la société
ébrié, c'est les générations d'habitants. Elles
jouent des rôles politique, culturel, religieux, militaire et
économique très importants, dans l'organisation sociale
ébrié.
A l'instar des autres villages ébrié,
Adjamé-village comporte quatre générations. Cette
organisation prend en compte les deux genres (homme et femme). Les
générations sont désignées sous les appellations
suivantes : Blessoué, Gnando, Dougbo et Tchagba. Après
l'âge de dix ans, les habitants du village (akoubè) sont
organisés au sein de ces quatre générations. Toutefois,
les femmes ayant moins de responsabilité que les hommes dans cette
organisation, leurs générations restent les moins actives.
Une génération regroupe tous ceux qui sont
nés dans un espace de temps de quinze ans au moins. Le cycle complet des
quatre générations à Adjamé-village dure soixante
ans. Ainsi, Adjamé-village est structuré par le système de
générations et les membres de la même
génération se considèrent tous comme des
frères ; d'où le renforcement des liens de fraternité
et de solidarité. En effet, entre les différentes
générations, il existe un système d'alliance qui
fonctionne selon le principe suivant : les Gnando et les Dougbo sont des
frères immédiats, rivaux. Par contre, ils ont le devoir de
protéger leurs descendants. Ainsi, les Gnando protègent les
Tchagba qui sont leurs descendants, les Dougbo protègent les
Blessoué, leurs descendants. Les ascendants inculquent aussi les valeurs
sociales à leurs descendants. En retour, ces derniers sont contraints de
les respecter en tant qu'aînés sociaux et donc de respecter le
droit d'aînesse.
II.3 Les classes d'âge ou apasa
Les classes d'âge, en tant qu'institution sociale,
permettent à l'ébrié d'affirmer son identité socio
culturelle et son appartenance à un système politique. Tout
ressortissant d'Adjamé-village est lié, pour la vie, à
celles-ci.
C'est au sein des classes d'âge que la solidarité
est plus agissante et la promotion sociale, plus évidente.
L'appartenance à une classe d'âge, après initiation, rend
l'individu apte à participer à la vie communautaire. Tous les
individus sont égaux en droits et en devoirs et sont chargés de
diriger les affaires du village. Ce qui fait de la société
ébrié, une société égalitaire et
démocratique. Chaque génération d'habitants (abè)
comprend quatre classes d'âge (pasa) dont les noms sont : Djehou
(aînés), Dongba (puînés), Agban (cadets) et Assoukrou
(benjamins). Cela fait au total seize classes d'âge. En
considérant parallèlement l'organisation féminine qui
obéit à la même règle, l'on obtient en somme, huit
générations et trente deux classes d'âge (en multipliant
quatre générations par deux, et seize classes d'âge par
deux). Trois années séparent la constitution de deux classes
d'âge à Adjamé -village. Par ordre chronologique, nous
avons donc pour chaque génération, les classes d'âges
suivantes :
ASSOUKROU (1971-1974)
AGBAN (1967-1970)
DJEHOU (1959-1962)
DOUGBO
DONGBA (1963-1966)
TCHAGBA
DJEHOU (1905-1908)
DONGBA (1909-1912)
AGBAN (1913-1916)
ASSOUKROU (1917-1920)
GENERATIONS
CLASSES D'AGE
ASSOUKROU (1935-1938)
AGBAN (1931-1934)
DONGBA (1927-1930)
DJEHOU (1923-1926)
BLESSOUE
DONGBA (1945-1948)
GNANDO
DJEHOU (1941-1944)
AGBAN (1949-1952)
ASSOUKROU (1953-1956)
Première génération :
DOUGBO
Première génération :
GNANDO
Première génération :
BLESSOUE
Première génération :
TCHAGBA
ASSOUKROU (1971-1974)
AGBAN (1967-1970)
DJEHOU (1959-1962)
DOUGBO
DONGBA (1963-1966)
TCHAGBA
DJEHOU (1905-1908)
DONGBA (1909-1912)
AGBAN (1913-1916)
ASSOUKROU (1917-1920)
GENERATIONS
CLASSES D'AGE
ASSOUKROU (1935-1938)
AGBAN (1931-1934)
DONGBA (1927-1930)
DJEHOU (1923-1926)
BLESSOUE
DONGBA (1945-1948)
GNANDO
DJEHOU (1941-1944)
AGBAN (1949-1952)
ASSOUKROU (1953-1956)
Première génération :
DOUGBO
Première génération :
GNANDO
Première génération :
BLESSOUE
Première génération :
TCHAGBA
TCHAGBA
DJEHOU (1977-1980)
DONGBA (1981-1984)
AGBAN (1985-1988)
ASSOUKROU (1989-1992)
ASSOUKROU (2007-2010)
AGBAN (2003-2006)
DONGBA (1999-2002)
DJEHOU (1995-1998)
BLESSOUE
Deuxième génération :
TCHAGBA
Deuxième génération :
BLESSOUE
Comme dans le cas des générations, les Djehou
et les Dongba sont des classes rivales, de même que les Agban et les
Assoukrou. Par ailleurs, des alliances politiques lient les Agban aux Djehou et
les Assoukrou aux Dongba. Ces descendants (Agban et Assoukrou) reçoivent
des conseils de leurs ascendants (Djehou et Dongba) envers qui, ils doivent
obéissance. C'est d'ailleurs eux qui les aident, à porter le
tambour sacré, lors de la danse guerrière.
En somme, l'ébrié n'est identifié dans la
société que par rapport à sa classe d'âge qui a
d'ailleurs une forte emprise sur toute sa vie. En effet, dès l'âge
de 15 à 16 ans, le jeune ébrié, détaché de
sa famille naturelle, subit les rites d'initiation en vue de gravir des
échelons, au sein de la génération. Par la suite, il est
remis à la société villageoise afin d'appartenir
totalement au système des classes d'âge qui deviennent sa "
famille ".
Ce qui lui vaudra son aptitude à participer à la
vie communautaire, après avoir passé les différents stades
de guerrier, d'homme mûr et de vieillard (dernier chaînon de la
pyramide). L'amitié, la solidarité, l'entraide, la discipline et
la fidélité existent entre les membres d'une même classe
d'âge et le principe du droit d'aînesse n'est pas
respecté.
TROISIEME PARTIE :
LOGIQUES SOCIALES ET FORMES DE MALTRAITANCE DES PERSONNES
AGEES
|