CONCLUSION GENERALE
Les personnes âgées constituent un groupe social
très important dans la société ivoirienne actuelle. Leur
importance est à la fois socioculturelle et démographique. Dans
le processus de changement social que connaissent nos sociétés
traditionnelles, la perception qu'on a des vieillards a considérablement
évoluée. Nous assistons de plus en plus à une
désacralisation des personnes âgées au point qu'à la
dégradation de leurs conditions de vie (sociale, économique,
matérielle, physique, psychologique), l'on ne manque pas d'user de
violences de toutes sortes (physique, psychologique, financière),
à leur encontre.
C'est pour mieux approcher un tel phénomène que
nous avons choisi de l'étudier dans un milieu social
(Adjamé-village), caractérisé par les recompositions
familiales, la crise économique, les pertes d'emploi, l'amenuisement des
ressources étatiques et communales ; par l'impact des dynamiques
urbaines. Il a été essentiellement question de savoir comment les
populations d'Adjamé-village construisent la maltraitance des personnes
âgées.
Notre étude a tenté de saisir les contours de
cette question, à travers des entretiens avec les
générations anciennes, les jeunes générations, les
familles et les autorités villageoises.
A Adjamé-village, la construction sociale de la
maltraitance se fait surtout dans le cadre familial "recomposé", mais
aussi dans le cadre communautaire villageois. A cela, il faut ajouter ce que
nous pouvons qualifier de "maltraitances étatique et communale"
des personnes âgées, résultantes de l'absence d'une
politique de leur prise en charge socio-sanitaire.
Au niveau familial, il ressort que les personnes
âgées en grande majorité vivent dans des familles
constituées de leurs petits enfants, essentiellement. C'est ceux-ci,
notamment les petites filles, qui s'occupent d'elles. Notre étude a
montré que la maltraitance des personnes âgées est
l'aboutissement d'un processus de lassitude (l'épuisement de la
tolérance), dans l'assistance familiale (financière,
psychologique, physique) aux personnes âgées.
Aussi, faut-il noter qu'elle est la conséquence de la
pauvreté économique des petits-enfants. En effet, ceux-ci
finissent par en vouloir à leurs grands-parents (supposés
détenir les richesses de la famille) lorsqu'ils ne parviennent pas
à leur venir en aide. A ce niveau, il serait souhaitable que les grandes
familles qui assistent les personnes âgées, intègrent
également les petits enfants à leurs préoccupations
d'assistance familiale. Ces grandes familles devraient aider les petites-filles
chargées de s'occuper de leurs grands-parents, à scolariser leurs
enfants et à subvenir à leurs besoins fondamentaux. Les chefs de
familles doivent réellement jouer les rôles qui leur sont
dévolus, en prenant effectivement en charge les personnes
âgées, tant sur le plan financier que sur le plan social.
En ce qui concerne le village, il devrait songer
véritablement à la prise en charge de ses anciens, les garants de
sa tradition, jadis constructeurs de son bien être social. A cet effet,
il peut constituer une caisse d'entraide destinée aux personnes
âgées en difficulté. Aussi, les normes villageoises
devraient-elles être un peu plus strictes à l'égard de tous
ceux qui, en famille comme dans le village, maltraitent les personnes
âgées. La chefferie gagnerait à s'impliquer fortement dans
le règlement des conflits familiaux liés aux personnes
âgées, au lieu de toujours les ramener en famille.
Au niveau étatique comme municipal, une assistance
financière, sanitaire, logistique, juridique, aux personnes
âgées, s'avère nécessaire. A l'image de l'ALMA, en
France, un réseau d'écoute téléphonique des
personnes âgées maltraitées, devrait voir le jour. Aussi,
faut- il, avec l'aide de la Société Nationale Ivoirienne de
Gériatrie et de Gérontologie (SNIGG), organiser des
séminaires de formation des personnes proches des aînés
sociaux, en vue d'une meilleure prise en charge de ces derniers.
Pour ce qui est de ceux-ci et des personnes proches d'eux, il
leur serait profitable de s'adapter au style de vie des uns et des
autres :
« adaptation des vieux au style de vie des
jeunes, comme il peut être demandé en retour aux jeunes de
s'adapter au style de vie de leurs anciens »41.
Cette adaptation-tolérance est alors le
garant de la paix du ménage, de la famille et partant, des relations
familiales et communautaires des personnes âgées.
Ces recommandations ne sont pas exhaustives, tout comme
l'ensemble de la présente étude. Les personnes âgées
allochtones d'Adjamé-village n'ont pas été prises en
compte. De plus, une enquête ethnographique, exigeant un séjour
beaucoup plus prolongé sur le terrain, permettrait de cerner davantage
la maltraitance des aînés sociaux d'Adjamé-village, telle
que celle des personnes âgées enfermées dans des maisons,
depuis des années.
BIBLIOGRAPHIE
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