3-1-2 Manifestation des conflits d'usage de l'eau
Le Bénin est un pays ayant pour proches voisin des pays
à vocation pastorale tels que le Niger, le Burkina-Faso et le
Nigéria. Parmi les types d?élevage pratiqués, la
transhumance est prépondérante. Ce type d?élevag e du
genre extensif présente toute une dynamique de déplacement
saisonnier. Le déplacement de l?éleveur transhumant requiert un
cadre physique adéquat et précis. La conduite des troupeaux se
fait tout en permettant aux animaux de satisfaire leurs besoins physiologiques
les plus élémentaires. Les troupeaux peuvent parcourir une
vingtaine de kilomètres par jour mais en s?alimentant sur leur trajet.
En période de cultures, des aires de pkturages, des points d?eau doivent
donc i1tre assez fréquents le long des pistes de transhumance.
L?environnement rural du Bénin, en particulier celle de la
basse vallée de l?Ouémé a connu des mutations ces
dernières années.
Il est un fait que la croissance démographique
enregistrée au cours de la dernière décennie a
engendré l?augmentation des besoins alimentaires et l?extension des
terres cultivées (INSAE 2002).
Cette extension s?est fait au détriment des espaces
pastoraux connus. Mais elle a aussi provoqué une diminution des
possibilités de jachère et une diminution des
superficies des exploitations agricoles. Ces mutations
constituent aujourd?hui des entraves à l?activité du transhumant
qui se heurte désormais à des tracés de couloirs peu
précis, de petites aires de pâturage très contiguës
aux champs, des couloirs très étroits où il est
très difficile de diriger aisément des troupeaux de grande
taille.
Les conflits naissent souvent dans des conditions de
mésentente créées en rapport avec l?ex ploitation des
ressources agropastorales. Les agriculteurs avec l?extension de leurs terres
essayent de protéger leur culture. Les éleveurs aussi, à
la recherche de pâturage, se déplacent selon un itinéraire
traditionnellement connu.
L?affrontement naît souvent suite aux changements des
limites des espaces pastoraux. Les principales plaintes rapportées
concernent souvent les dégâts champêtres. Mais aussi des
plaintes pour viol et vol.
Ces situations sont les différentes manifestations des
conflits d?usage de l?eau opposant agriculteurs et éleveurs dans la
basse vallée de l?Ouémé.
3-1-3 Les causes du conflit entre agriculteurs et
éleveurs
Le conflit entre les agriculteurs et éleveurs dans la
basse vallée de l?Ouémé est un sujet délicat et il
est très difficile de cerner l?ensemble des causes de ce
phénomène. Un grand flou apparaît dès que l?on tente
d?appréhender l?ensemble des causes pour en faire une synthèse
globale. La poussée démographique, les perturbations climatiques
et ses conséquences, telles que la sécheresse, la
désertification, la pauvreté des sols, la rareté de l?eau,
la dégradation des pkturag es sont souvent citées comme les
causes principales de conflits. Bien que ces facteurs soient
déterminants dans les changements en milieu rural, ils ne justifient pas
la recrudescence des conflits dans notre zone d?étude.
> Les péjorations climatiques
Il est maintenant reconnu selon les travaux de l?IPCC4 (2001,
2003), que le climat de la terre change suite au réchauffement global
et qu?au cours des prochaines
décennies, les contrecoups des changements climatiques
affecteront directement les secteurs clés de la vie économique
des pays en développement et la vie des populations.
Dans l?ouest-africain, les différents champs
pluviométriques, sahéliens et subsahéliens et la relation
entre leurs modes de variabilité et les forçages
océanoatmosphériques, avaient été
étudiés par de nombreux auteurs à savoir : Lamb, 1966 ;
Nicholson, 1979, 1981 ; Hastenrath, 1985 ; Shinoda, 1985 ; Reed, 1986 ; Folland
et al., 1986 ; Janowiak, 1988 ; Camberlin, 1987 ; Druyan, 1989 ;
Fontaine, 1990 ; Janicot, 1990, 1992 ; Mahé, 1992 ; Nicholson et Palao,
1993 ; Moron, 1994, 1995 ; tous cités par Houndenou, 1999. La plupart de
ces auteurs ont démontré que l?Afrique sahélienne est
confrontée à une diminution des totaux pluviométriques,
accentuée par une forte persistance des anomalies pluviométriques
négatives. Aussi, Sirculon (1976) cité par Houndenou (1999) a
montré à partir de 10 postes pluviométriques
sub-sahéliens, l?extension de la sécheresse au-delà des
limites du sahel.
Le Bénin n?est pas à la marge d?une telle
situation. Depuis les années 1970, la région du Golfe de
Guinée, dont fait partie le Bénin et dont la climatologie en 1986
a été étudiée par Bokonon-Ganta (cité par
Houndenou, 1999), subit comme le Sahel les effets de la sécheresse, mais
pas avec la même intensité. Les conséquences de celle-ci
sur les écosystèmes et sur l?économie rurale ont
été généralement moins sévères
(Houndenou, 1999).
Au Bénin, la répartition des
précipitations d'une année à l'autre et d'une zone
à l'autre est sujette à d'importantes variations (Leroux, 1970
cité par Pliya, 1980). La baisse sensible, l?irrégularité
et la mauvaise répartition des précipitations que connaît
le Bénin ces dernières années, notamment dans sa partie
méridionale où a été réalisée cette
étude, ont provoqué une diminution de l?étendue des crues
et de sa durée en mr me temps qu?une diminution de la production
halieutique et de cultures vivrières dans les plaines d?inon dation
(Gbessi, 1999 ; Lalèyè et al. 2005).
> La pression démographique et
animale
* La population humaine :
La migration et le taux élevé d?accroissement
ont favorisé une croissance démographique dans le secteur
d?étude. La densité moyenne de la population ne nous renseigne
pas sur la répartition réelle de la population dans les
différentes localités. Toutefois, elle nous permet a priori de
dire que dans la région, globalement, les pressions
démographiques, certes croissantes, ne sont pas excessives sur les
ressources naturelles.
* La population animale :
La pression pastorale s?est particulièrement
accentuée dans les zones de Djidja, Zangnanado, Za-Kpota et Zogbodomey
sous l?effet conjugué du développement des troupeaux villageois,
mais surtout de la forte descente des troupeaux transhumants fuyant les
nombreuses sécheresses qui ont entraîné la pénurie
permanente des ressources pastorales dans la partie septentrionale du pays. Ces
facteurs sont également à l?origine de l?allongement de la
durée du séjour des troupeaux transhumants dans cette zone.
46
Photo 7 : Troupeau de bovin à
Zangnanado
Source : Cliché BOKO Yacin, juin 2008
Photo 8 : Troupeau de bovin à Djidja
Source : Cliché BOKO Yacin, juin 2008
/ 1r% r%)a)ir%)iquer% duU) 1IEir%)èîeM C?PCeMIHIP
RIE)î/IE)M'EMEIEr%fices zones (Djidja, Zangnanado, Za-Kpota et
Zogbodomey), C?FIIIF)ifIERviIETqP)PEP uC)iSCIPISaî dix (10) eIE
C?er%SMMEldix-huit (16) ans passant de 67 200 têtes en 1990 à 670
000 têtes en 1996 (Figure 3).
Figure 4: Croissance de la population bovine dans le
secteur d'étude entre 1990 et 2006
Source : 6t1Offl,4esa:I,4a
eM~ffea:Ieal',$.1ffiF,4lt,4ffe,a:IeallPleli1.1e et de la Pêche
Le mouvement massif des éleveurs transhumants dans la
partie méridionale du Bénin en particulier dans la basse
vallée de l?Ouémé est une stratégie de base pour
s?adapter à la forte inégalité spatio-temporelle des
ressources naturelles.
> Les modes de règlement des
conflits
Sur le plan national, il n?existe pas de mécanisme
spécifique pour la résolution des conflits entre agriculteurs et
éleveurs. Il n?existe pas à proprement dit une loi qui devrait
réglementer la transhumance. Il n?existe que des accords entre des Etats
et ces accords sont largement dépassés par les contraintes
écologiques et par l?évolution du mouvement des populations et
des animaux. En cas de conflit, les protagonistes ont recours à
plusieurs types de règlement du litige et d?instances, on peut citer
:
- le règlement par consensus entre les deux parties ;
- le règlement par les chefs traditionnels ;
- le règlement à l?échelle de la
sous-préfecture ou de la brigade de
gendarmerie ;
- le règlement par la justice ;
- le règlement par les comités d?entente et de
dialogue mis en place soit par les
protagonistes eux-mêmes, soit par les autorités
administratives.
Par rapport à notre échantillon, Ouinhi Djidja
et Za-Kpota sont les régions où l?on constate la plus grande
pluralité d?instances de gestion de conflits avec, surtout, un nombre
élevé de conflits réglés à travers la
brigade de gendarmerie et les autorités administratives (Figure 5).
On constate également que dans ces régions, un
nombre non négligeable de conflits n?ont pas trouvé de
solution.
Nbre de conflits
Figure 5 : Les voies de résolution des
conflits
Par contre, dans ces trois régions, les conflits
semblent se régler, pour la plupart, par l?intermédiaire des
chefs traditionnels. Dans ces régions à tradition d?agriculteur,
les populations disposent d?instances traditionnelles de règlement des
conflits. Une personne (souvent le plus vieux conseiller du chef de village)
est désignée parmi les notables comme intermédiaire entre
les éleveurs, les agriculteurs et le chef. Il est chargé de
recenser tous les campements d?éleveurs se trouvant dans sa juridiction,
de récupérer les redevances à payer pour l?OEcès
aux ressources. En contrepartie, le chef protège et règle les
éventuels conflits qui opposent les deux parties.
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