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Gestion locale des marchés public et service public local: le cas communal

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par Ikram El Qaouti
Université Mohammed V des sciences juridiques économiques et sociales , (Maroc) Rabat Agdal - DESA en droit public 2009
  

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A. La commission des appels d'offres :

Afin de servir efficacement les intérêts de la commune, du service public communal, et donc du citoyen local ; la commission des appels d'offres examine les propositions et choisit l'offre économiquement la plus avantageuse selon le procédé délibératif. Cependant, l'investiture des représentants de l'Etat de voix délibératives va à l'encontre d'une gestion démocratique de l'affaire locale, et risque même d'agir sur la qualité de la décision et donc sur la qualité de la prestation.

Les voix délibératives dont disposent le receveur communal et l'autorité administrative locale au sein de la commission d'appel d'offres portent une grave atteinte à la liberté locale. Quoique l'autorité communale dispose d'une voix prépondérante en cas de partage de voix, sa prépondérance pourrait se voire inutile dans certaines situations.

Ainsi par exemple, dans une commune rurale, le citoyen local garde certainement l'image de l'autoritarisme makhzénien quand il est devant le caïd. Cette image est le résultat de toute une histoire et une culture politique ; qui fait que la présence de cette autorité étatique dans la commission d'appel d'offres ; risque d'influencer le rapporteur du budget voire même le président du conseil communal.

Ces élus sont avant tout ; des citoyens qui ont vécu et qui vivent dans le rural, et c'est dans ce milieu où le centralisme de l'Etat marocain subsiste dans les mentalités et aussi dans le quotidien. Quand cet élu, qui a été éduqué à avoir peur de l'agent d'autorité et à ne jamais le contredire, se met à côté de lui sur les tables des délibérations ; son aptitude à formuler un avis propre risque fort d'être fragilisée.

Les conséquences risquent donc d'être majeures sur la qualité de la décision, au lieu que celle-ci soit élaborée à la base de considérations particulières de la localité et de la population bénéficiaire : Elle serait l'oeuvre d'un agent nommé, qui est né et avait vécu au nord, mais se trouve décideur pour une entité qui se trouve au sud, et qu'il ne comprend même le dialecte de ses ressortissants.

Dans une commune, qu'elle soit rurale ou urbaine, la présence d'agent centraux au sein de la commission d'appel d'offres porte atteinte à la liberté locale, au processus délibératif voire même au processus délibératif. Et cela n'est pas sans conséquences sur le service public communal, celui-ci est obligé de recevoir une prestation qui n'est pas adéquate aux exigences de son fonctionnement, ce qui est passible d'affecter la prestation qu'il fournit à ses usagers.

La situation est encore plus délicate quand la collectivité décentralisée lance un marché sur concours, l'attribution du marché ne fait partie ni des compétences propres ni des compétences consultatives de la collectivité décentralisée. Ce sont des agents nommés par le ministre de l'intérieur qui se constituent en jury pour décider de la passation du marché

B. Le jury des concours :

Le jury des concours dispose du pouvoir de décider de l'avenir local sans connaître ni son passé ni son présent.

Que sa composition soit une mixture de docteurs en droit, en économie, en finances ou autres, qu'ils aient des expériences riches et longues en gestion financière, comptable ou administrative, le choix de l'offre ne pourrait en aucun cas être basé sur les considérations socioculturelles que seul le ressortissant de la collectivité locale connaît.

L'élu peut avoir un niveau d'instruction très limité, il peut être sans expérience, mais chose est sûre ; il connaît la réalité locale dans sa particularité et dans la spécificité de ses besoins ; donc lui seul est capable d'apporter les réponses compatibles qui seront utiles et profitables à la localité en question.

C. Les communes ayant « statut particulier » :

Les communes du Méchouars disposent d'un statut particulier ; chose tout à fait compréhensible compte tenu du poids socio-historique et politique de leur localisation

Or, ceci n'exige en rien que le financier soit détenu par un agent représentant le pouvoir exécutif ; que la conclusion des marchés publics par ces communes soit un pouvoir absolu conféré au pacha, ceci ne servira en rien les populations des dites communes ; il n'est qu'un agent nommé, ne connaissant en rien au quotidien au passé des ressortissants ; ceci dit il est incapable de décider des projets futurs que ceux-ci attendent.

Le fonctionnement spécial de la commune urbaine de Rabat constitue également une source de préoccupation majeure par rapport à l'expression démocratique de cette collectivité, dite « décentralisée ». La gestion de cette commune est voulue centralisée et déconcentrée par le législateur.

Que la capitale du royaume constitue le pôle urbain le plus important et le plus sensible du territoire nationale ; ceci doit être, en principe, un élément qui favorise la mise en place de structures et de procédés démocratiques, et ce, tout en maintenant bien évidemment un contrôle et un encadrement de l'Etat compatible avec l'exercice de l'autonomie locale.

Cependant, à côté d'autres pouvoirs dévolus à l'autorité administrative locale, celle-ci détient l'un des rôles les plus attentatoires à l'exercice de la décentralisation, qu'est la conclusion des marchés communaux.

L'Etat a confié à cet agent central nommé le droit de poser sa signature sur le contrat engageant les finances d'une entité décentralisée, cette situation est paradoxale par les rapports qu'elle met cause ; le marché communal est une affaire communale, c'est-à-dire une affaire relevant des compétences de l'élu, élu à cet effet.

Quand le législateur décharge l'élu d'une compétence, qui lui est propre au profit d'une autorité étatique ; c'est le processus décentralisateur dans sa globalité qui est remis en cause. L'autonomie locale, la représentativité et le procédé délibératif ne sont donc que des slogans qui promettent une gestion démocratique que le quotidien local démentit.

L'agent d'autorité qui conclut le marché communal ne fait qu'exécuter une mission qui lui est dévolue parmi d'autres, il n'est pas responsable devant la population locale puisqu'elle ne l'a pas mandaté pour gérer ses affaires, et il ne connaît ni les particularités de ses besoins, ni les réponses susceptibles de satisfaire le mieux possible ses intérêts.

Que l'Etat exerce une tutelle d'opportunité sur l'acte de l'autorité décentralisée, qu'il place ses agents dans au coeur de l'affaire locale, le résultat est le même, l'intervention de l'autorité étatique dans la prise de décision communale agit considérablement sur la qualité de celle-ci.

Sous-section troisième :

Tutelle sur le marché communal et décentralisation :

Quel assemblage?

Des questions multiples se posent à ce stade de l'étude, elles se rapportent, dans leur majorité à la problématique de la gestion décentralisée des intérêts locaux. En d'autres termes, il est question de positionner le régime de la gestion communale des marchés publics par rapport aux trois maitres-mots de la gestion démocratique des entités décentralisée, à savoir :

la gestion autonome.

la représentation.

le processus délibératif.

Engager un processus décentralisateur sur un territoire national ; c'est doter ses entités locales de moyens et de ressources nécessaires pour la gestion de leurs affaires, tout en respectant les trois maîtres-mots de la décentralisation.

A. Tutelle et autonomie locale :

Dans son article troisième, la charte européenne d'autonomie locale définit celle-ci comme étant : 

« Le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques... »183(*).

De cette définition ressortent les éléments sur les lesquels se fonde l'autonomie locale, et à la lumière desquels l'ampleur de la problématique de tutelle peut être plus claire :

§ L'autonomie locale est un droit et non une option réservée aux collectivités décentralisées.

§ L'autonomie locale est un droit et aussi « une capacité effective », cela veut dire que cette autonomie est attribuée par la loi, protégée et préservée par le droit ; tout en dotant la collectivité décentralisée d'une « capacité effective » pour gérer ses affaires locales.

La notion de « capacité effective » englobe les moyens financiers, comptables techniques et juridiques mis à la disposition des collectivités locales, elle « contient l'idée que le droit formel de régler et de gérer certaines affaires publiques doit s'accompagner de moyens de l'exercer effectivement... ».

§ Par les termes « régler » et « gérer » les rédacteurs de la charte désignent la compétence de la collectivité décentralisée en matière réglementaire, ainsi que ses compétences dans la gestion de ses affaires financières, administratives...

§ Selon l'expression « sous leur « ... » responsabilité et au profit de leurs populations », sans la qualificatif « propre », la collectivité décentralisée assume une responsabilité politique vis-à-vis des citoyens. Avec le qualificatif « propre », la phrase maintient le sens précité tout en confirmant l'autonomie de la collectivité décentralisée.

Dans le cas des marchés publics, la signature donnée par l'ordonnateur communal est une signature donnée par la commune, sauf acte frauduleux da la part du président du conseil communal ; c'est la responsabilité de la commune qui est engagée, et c'est elle qui assume les conséquences de l'engagement, la signature est donnée en son nom, c'est elle qui est partie au contrat et non le signataire.

§ Enfin, la charte utilise une expression qui risque d'être mal comprise, « une part importante des affaires publiques ». Il ne s'agit pas d'une restriction des pouvoirs de la collectivité décentralisée ; mais bien au contraire, l'expression est plus large que celle « d'affaires locales ». Elle dépasse celle-ci par la fait que la commune et les autres collectivités locales assument une vaste gamme de responsabilités, tout aussi important, elle met en évidence les résultantes de l'exercice des attributions des collectivités décentralisées à l'échelle nationale, au delà de l'échelle locale.

Parler donc d'une collectivité décentralisée, c'est présumer son autonomie quant à la gestion de ses affaires.

Parler d'une tutelle d'opportunité associée à toute une procédure de contrôle à priori et à posteriori, faire de deux représentants de l'Etat des membres à voix délibérative dans la commission d'appel d'offres et du marché sur concours ; un pouvoir absolu dévolu aux agents choisis par le ministre de l'intérieur. Désinvestir l'élu communal de la commune urbaine de Rabat et des communes du Méchouar, de son pouvoir en tant qu'ordonnateur au profit de l'exécutif ; c'est qu'il n'y a ni autonomie ni liberté locale.

L'autonomie locale de la collectivité décentralisée, règle primordiale pour que la collectivité locale soit reconnue comme telle ; se trouve déchue, vidée de son sens face « ...aux pratiques des autorités étatiques qui n'épargnent aucun effort pour s'immiscer dans les affaires locales... », J. Chabih soutient qu'il s'agit d'une « situation paradoxale », qui « résume parfaitement la vision que l'Etat marocain se forge de la décentralisation... ».

L'opposition entre les slogans et la réalité déduite des discours officiels en est la démonstration concrète. « D'un côté on affirme l'attachement au processus décentralisateur dans la perspective de responsabiliser d'avantage, et d'une manière graduelle les collectivités infra-étatiques, mais de l'autre côté on cherche par tous les moyens à orienter les interventions des pouvoirs décentralisés dans le sens voulu en faisant prévaloir automatiquement la primauté de l'unité nationale et l'intérêt général... »184(*).

L'autonomie juridico-politique, l'autonomie administrative et l'autonomie financière qu'attribuent le texte suprême de la nation aux collectivités locales sont comme le précise l'auteur sus cité, de simples slogans que la réalité locale démentit.

Qu'en est-il des principes de la représentativité et du procédé délibératif ? Sont-ils préservés en matière de passation des marchés communaux ?

* 183 http://www.senat.fr/ct/ct07-01/ct07-012.html

* 184 J.Chabih, les finances des collectivités locales au Maroc : essai d'approche globale des finances locales, op-cite P.189.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon