Annexe 3
FONDATION DU VILLAGE D'AGOU NYOGBO-AGBETIKO
Le village de Nyogbo-Agbétiko sur la montagne (p. 62
à 67)
[...] Avant l'arrivée des ressortissants de Ouantchin,
il existait sur la montagne le petit hameau de Botso. Les habitants, belliqueux
et très méfiants, étaient toujours sur le qui-vive.
Lorsqu'ils doivent combattre, le mot d'ordre circule de bouche en bouche «
Nya de gbona » ''quelque chose va se passer''. Déformée,
cette alerte donnera « Nyagbo » et devenu plus tard « Nyogbo
» (voir carte des Allemands 1904).
Si certains Botso sont toujours à Nyogbo-Agbétiko,
d'autres ont émigré vers la région de Hô, notamment
à Nyogbo sroè
Nyogbo sroè avec son Chef Nyogbo Konda
Nyogbo Fiafe
Nyogbo Nyigbé
Nyogbo Mli
Nyogbo Odumase
Nyogbo Agodome
Nyogbo Gagbefe Chef Canton
Togbui OWUSU IX Togbui KODZOKPO Togbui ABOVE Togbui ADZA-YAWO
Togbui DADRA Togbui OSUNU Togbui DABRA Togbui NYAGASI V
Le village de Nyogbo sur la montagne, appelé encore «
Afégamé ou Togandzi » comporte trois quartiers
Le quartier Botso, le plus ancien, se nommait Nyogbo avant
l'arrivée des gens de Ouantchin. Après cet
événement tous les trois quartiers s'appelèrent Nyogbo.
Les futurs Agbétiko se trouvent sur la montagne au-dessus
des autres, ils forment le quartier « Nyogbo Dzigbé ».
Les futurs Dalavé habitent le quartier « Nyogbo
Nyigbé » quartier situé à une altitude
inférieur à celle des autres.
Tout le village Nyogbo comporte plusieurs terrasses
étagées, une vingtaine environ, disposées suivant les
courbes de niveau. Retenus par des murettes en pierre sèche, hautes de 1
à 2m, les terrasses déterminent entre elles des espaces plats de
5 à 10m de large. On passe de l'une à l'autre par des escaliers
de dalles. Sur les surfaces planes sont construites des cases plus ou moins
rectangulaires en banco, le toît couvert de chaume. En
général, chaque case comporte deux pièces: une antichambre
où l'on fait aussi la cuisine lorsqu'il pleut, et une chambre à
coucher. La porte est fermée avec une claie.
Au milieu du village se trouve le couvent des divinités
protectrices. Jalousement gardées, les reliques de l'exode y sont
conservées: tambour « gbagba », bol de bois « akplegba
» etc.
En bas du village, on vénère aussi le ''Rocher
à mamelles''. C'est un imposant rocher formant abri sous roche
d'où jaillit une source claire dont l'eau, riche en calcium est
réputée servir de remède contre la
stérilité. Dans cette grotte en miniature se forment des embryons
de stalactites; deux proéminences rocheuses sont assimilées
à des mamelles.
Deux arbres datent de cette époque: un fromager et un
rônier. Objets inanimés et par conséquent, muets,ils ne
peuvent pas nous raconter ce qu'ils ont vu ou entendu. De la route de Nyogbo
Dalavé à Nyogbo-Agbétiko, on les aperçoit
aujourd'hui avec des cocotiers plantés seulement voici quelques
décades.
Vie quotidienne au village de Nvogbo Afégamé
(Togand2i) au début du XIXème siècle.
Les habitants de Nyogbo s'occupent essentiellement de
l'agriculture. Leurs principales cultures sont le petit mil « li »,
l'igname, le palmier à huile.
La récolte de l'igname donnait lieu à des
cérémonies de prémices pour remercier les divinités
de la terre. Le palmier à huile fournissait le vin de palme, l'huile, le
combustible, les matériaux de construction.
Le petit mil est la céréale par excellence. On
s'en sert pour préparer la pâte et manger équivaut à
''porter le petit mil à la bouche'': « do li nu ». il servait
à préparer la bière « liha ». Le petit mil
« li » constitue la base de l'alimentation. L'élevage est
important: le cheptel consiste en volailles, moutons, cabris, porcs. Hormis le
porc, ces bêtes sont tuées surtout lors des
cérémonies animistes. Source de l'alimentation carnée, la
chasse dans les forêts giboyeuses se révèle une
activité lucrative, les chasseurs sont auréolés de
prestige. Poterie, huilerie, brasserie, savonnerie représentent
l'artisanat.
Le problème d'eau ne se pose pas. De nombreuses sources
susurrantes aux eaux claires, fraîches, potables jaillissent par-ci
par-là. On les aménage souvent pour se préserver de la
pollution.
Ainsi vivaient les gens de Nyogbo-Afégamé de
ogandzi au début du XIXéme siècle.
Descente du village de Nvogbo au pied de la montagne
Dans la seconde moitié du XIXéme
siècle, un fort courant se dessine à Nyogbo-Afégamé
pour une descente du village au pied de la montagne.
Les partisans de la descente sont surtout les cultivateurs et les
chasseurs. Dans la pyramide des âges, ils représentent la
population active de 15 à 50ans environ.
Les raisons alléguées sont multiples. Elles sont
d'ordre démographique: l'augmentation de la population entraine le
besoin d'espace vital sur la montagne. La terre manque, les champs de plus en
plus petits cultivés d'une façon intensive deviennent de moins en
moins rentables. Il s'avère impérieux de descendre mettre en
valeur les terrains de la plaine.
De leur côté, les chasseurs constatent que le
gibier, traqué de tout côté sur la montagne, se
réfugie dans la forêt de la plaine.
Les contacts entre la plaine et la montagne deviennent
fréquents; or les communications sont malaisées. Ce sont les
sentiers « capricieux », glissants, passant d'un rocher
escarpé à la descente, on perd à la montée. Les
risques de chutes graves font que la sécurité n'est pas garantie.
Et surtout si la nuit vous surprend, c'est une véritable catastrophe.
Comme dans la région règne une insécurité relative,
le site définitif perd sa raison d'être. La dernière
période d'insécurité (1869-1870) provient de la guerre
contre les Achantis en 1873. ces derniers repoussés et par les Aguawo et
par les Akposso n'osent plus recommencer leur invasion. Dès le milieu du
XIXémesiècle, la traite des Noirs est presque
complètement supprimée. Des navires de Grande-Bretagne et la
France surveillent la côte et exercent en pleine mer le droit de visite
afin de dépister quelques négriers récidivistes. S'il
existe encore un commerce local, la chasse « au bois d'ébène
» a irrémédiablement perdu son intensité et son
importance. Plus de razzias pour enrichir les négriers.
L'esclavage terminé, la colonie commence. Des maisons
de commerce établies dans les comptoirs français de Petit-Popo
(Aného) et de Porto-Séguro (Agbodrafo), les produits
importés d'Europe proviennent jusque dans les régions d'Agou.
Comme la montagne n'arrive plus à s suffie, à vivre en autarcie,
des courants d'échange de produits locaux et d'objets fabriqués
s'établissent entre elle et les villages de la plaine. La région
d'Agou reçoit les premières visites des missionnaires surtout les
protestants de la Mission de Brême installés à Hô et
à Péki depuis le milieu du
XIXémesiècle.
Les partisans de la descente allèguent souvent comme
raisons majeures, les querelles et conflits fréquents entre quartiers.
Comme on ne s'entend plus, pour avoir la paix, il vaut mieux quitter des
voisins trop turbulents. La vie devenant dure là-haut sur la montagne,
certains désirent chercher le
calme et la tranquillité en bas.
Toutes ces raisons sont jugées insuffisantes par les
vieux au-delà de 50ans environ, par les féticheurs et les
sorciers. On ne doit pas abandonner à la légère le foyer
ancestral, le cordon ombilical des habitants, c'est là qu'on a fait le
serment de s'installer sous la protection des dieux « Démadzi
». Pour eux, la nostalgie du village des ancêtres prime toute autre
considération. Par expérience, ils savent que toute
période de relative sécurité est précurseur d'une
période d'insécurité. Ce n'est donc qu'un leurre et ce
serait commettre une épouvantable bévue que de se laisser berner.
Accrochés à la tradition, et à la montagne, les
''gérontes'' rendus sages et prudents par l'âge se méfient
des ''choses nouvelles''. Toute innovation est une épée à
double tranchant. Ils aiment souvent répéter aux jeune ce
proverbe éwé: ''la palme a dit au rameau: moi aussi j'ai
occupé une fois le milieu''. L'opposition des fétiches et des
sorciers se révèle plus irréductible encore. Les
divinités, d'après les oracles n'agréent pas ce
déménagement.
Elles préfèrent demeurer à l'endroit
où elles ont élu domicile à l'arrivée de Ouantchin.
Pour les féticheurs, c'est un problème délicat que de
transférer un lieu sacré traditionnel, ancestral, dont
l'ancienneté confère le respect.
Ils révèlent une étymologie du mot Agou
qui signifie s'enfoncer: ''le grand fétiche Mawun transporté sur
l'épaule par une fille vierge et précédent le clan
à la recherche d'un site propice est tombé ici en disant: «
medo agu da afisia » je m'enfonce ici''. Ils interprétent
également ''la main gravée sur le rocher'' au-dessus de l'actuel
village de Nyogbo-Dalavé comme la manifestation de désapprobation
du dieu protecteur. Dans son courroux, devant la désobéissance,
l'entêtement des habitants, dieu aurait frappé le rocher de
dépit laissant ainsi cette empreinte comme signe de son
mécontentement. Ajoutons que jusqu'au
Xxémesiècle, cette gravure rupestre a
été un lieu de pèlerinage pour les animistes, certains
venant parfois de très loin. Les féticheurs ont encore recours
à de multiples tentatives de dissuasion. Le moindre fléau de la
nature, tout événement des divinités. Ils agitent avec
frénésie le spectre du dragon. Des serpents fabuleux très
venimeux abondent dans la forêt où vous voulez élire
domicile: « da le aveame »: ''le serpent se trouve dans la
forêt''. Voilà l'origine de Dalavé. Les partisans de la
descente ne désarment pas pour autan. Ils usent des subterfuges. Les
chasseurs les premiers; les autres ensuite établissent leur ferme dans
la plaine où leur séjour devient de plus en plus long.
Interrogés, ils répondent qu'ils cultivent du tabac; c'est le
lieu des dupes, du mensonge: « blégbé » ancien nom de
Nyogbo-Dalavé.
Au nom des divinités en courroux, les vieux, les
féticheurs et les sorciers lancent un suprême avertissement aux
partisans de la descente: ''l'enfant désobéissant qui ne veut pas
écouter les conseils, c'est l'épine qui lui accroche les
oreilles''. Les dieux s'en lavent les mains, rejettent toute
responsabilité si un malheur vous survient en bas dans la plaine. Ce
sera tant pis pour vous, vous l'aurez cherché vous-même: c'est que
vous êtes ''fatigués de la vie'', « agbé tiko nami
». Malgré ces menaces, les ''fatigués de la vie'' deviennent
si nombreux que le petit hameau de récalcitrants se transforme en le
village de Nyogbo-Agbétiko.
Avec le temps, les rapports de force est en faveur des
partisans de la descente. Vers 1875, tout le village Nyogbo se trouve sur la
montagne, à 750-800m d'altitude. Le courant de descente se dessine.
Vers 1890, avec l'occupation allemande, les facteurs de
descente l'emportent: sécurité assurée, routes construites
permettant un commerce intense. L'introduction par les allemands de cultures
arbustives de cacaoyers sur la montagne plus humide réduit
considérablement les terrains consacrés aux cultures
vivrières. Il faut descendre occuper une partie des champs de la plaine
au risque de voir tous les terrains déclarés vacants
séquestrés par les allemands.
Les blancs donnent moins d'importance à la montagne
qu'à la plaine, terre d'avenir, où s'installent les
européens avec leur école, leur dispensaire.
Le village de Nyogbo se scinde alors en deux/
sur la montagne: le vieux Nyogbo ou « Alt Nyogbo »
au pied de la montagne: le nouveau Nyogbo ou « Neu Nyogbo
»
Vers 1900, la descente semble complètement accomplie,
lorsque ont disparu par extinction les
derniers « montagnards » irréductibles.
En 1950 vivaient encore dans les villages de Nyogbo des vieux
nés sur la montagne dans l'ancien Nyogbo.
L'implantation des allemands et surtout celle des
missionnaires protestants, est si marquée à Nyogbo-Dalavé
qu'on a consacré pour lui seul dans l'appellation orale le nom de
Nyogbo, réservant alors celui d'Agbétiko à
Nyogbo-Agbétiko.
1- cf Bulletin de l'Institut de l'Enseignement Supérieur
du Bénin, N°6 Mai-Juin 1968 par H. Attignon. (pages 49 à
67)
2- cf Extrait des minutes du Greffe de la cour d'Appel d'Afrique
Occidentale Française séant à Dakar
(Sénégal).
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