Le développement financier et la croissance économique au Camreroun( Télécharger le fichier original )par Nathalie Carine ASSOMO TEUBO Université de Douala - DEA en Economie Monétaire et Bancaire 2005 |
Section 2 : La dynamique de longue période entre le développement financier et la croissance économiqueL'étude de la dynamique de longue période entre le développement financier et la croissance économique se prêtre mieux à l'utilisation des modèles de croissance endogène selon De Haas (2003). Le modèle retenu à cet effet par Pagano (1993), Levine (1991,1997) est le modèle AK de Romer (1986). D'autres auteurs à l'instar de Berthélémy et Varoudakis (1993) utilisent un modèle à générations imbriquées pour établir une relation positive à long terme entre le développement financier et la croissance économique. Mais ce type de modèle ne prête pas facilement aux calculs économétriques ; d'où notre préférence pour le modèle AK. L'objet de cette section est de faire ressortir à partir du modèle de croissance endogène choisi la dynamique de long terme entre le développement de l'intermédiation financière et la croissance de l'activité économique en mettant en exergue les principaux canaux de transmission. Aussi, notre section sera divisée en deux sous-sections. La première sous-section fait le tour sur la présentation du modèle AK tel que envisagée par Pagano et la deuxième analyse les différents canaux de transmission à long terme entre le développement financier et la croissance économique d'après le schéma proposé par Levine (1997). A. La présentation du modèle AK de Romer (1986) relu par Pagano (1993) Les travaux pionniers de Goldsmith (1969) sur l'importance du système financier dans le financement de l'économie nous amènent à inférer que celui-ci agit de façon positive sur la croissance à long terme. L'analyse menée par King et Levine (1993 a et b) conforte cette assertion tout comme l'étude menée par Pagano (1993). Ce dernier auteur s'inspire du modèle de croissance endogène AK de Romer pour établir à long terme la relation entre finance et croissance, et tout comme Levine (1997), il met en évidence les principaux canaux de transmission de longue période. Le modèle développé par Pagano peut être reproduit comme suit : Figure 2.2 : Intermédiation financière dans les modèles de croissance endogène L'analyse du modèle nous permet d'émettre quelques hypothèses dites de base. La première est que la fonction de production est linéaire : Yt= AKt (7) Ceci signifie que la productivité marginale n'est pas décroissante. Cette structuration est telle qu'une augmentation du stock de capital améliore de façon continue le revenu national grâce au facteur d'échelle A, qui incorpore le progrès technologique. La seconde hypothèse nous permet d'obtenir l'équation de l'investissement net : ?Kt= Kt+1 - Kt = It - äKt (8) On peut tirer de cette équation
It = Kt+1 - (1-ä) Kt (9) Pagano (1993) suppose qu'une partie de l'épargne nationale (1- ö) est perdue dans le processus d'intermédiation financière ; ce qui implique que l'équilibre du secteur réel s'établit au point It = öSt avec St = sYt (10) Les intermédiaires financiers utilisent un pourcentage de chaque unité monétaire de l'épargne pour exécuter la procédure d'intermédiation ; de cette façon, il y a moins d'épargne pour le financement des investissements. En pratique, cette fuite est exprimée comme un écart entre les taux d'intérêt débiteur et créditeur ou bien comme coût de certaines commissions. Dépendante de la férocité de la concurrence sur le marché bancaire, cette fuite peut être perçue comme une forme d'inefficience X. L'importance de l'introduction de la perte d'un montant de l'épargne réside dans le fait que si la procédure d'intermédiation est menée de façon efficiente, l'épargne augmente, générant ainsi un accroissement des investissements, une amélioration quantitative et qualitative du stock de capital et donc une croissance économique entretenue. Fry (1995) essaye de déterminer pour les intermédiaires financiers l'efficience optimale en recherchant l'écart minimal entre les taux d'intérêt sur le marché. Il aboutit à la conclusion que la minimisation du spread des taux d'intérêt passe par une concurrence accrue entre les intermédiaires financiers. La combinaison des équations (7), (8) et (10), nous permet d'obtenir l'équation (11) : ?Kt= ös (AKt) - äKt (11) Cette équation nous montre que l'investissement net est égal à l'investissement brut moins la dépréciation du capital ; et parce qu'il n'y a pas de rendements décroissants, la croissance continue est possible tant que l'investissement net est positif. L'état régulier est matérialisé par le taux de croissance du capital. Autrement dit : g= (Kt+1/Kt) -1 (12) en introduisant l'équation de l'investissement (9), nous obtenons le résultat suivant g= (It/Kt)-ä (13) l'équation (10) nous permet d'écrire g= (ösYt/Kt)- ä (14) Finalement, l'état stationnaire de l'économie est matérialisé par l'équation (15) g = Aös - ä (15) et alternativement par la différence entre les angles â et ã dans la figure 2.2. Il ressort de ce modèle qu'à long terme l'intermédiation financière peut avoir une influence positive sur la croissance économique par trois canaux à savoir : le taux d'épargne, le développement technologique et la part de l'épargne consacrée au financement de l'économie. B. Les canaux de transmission à long terme du développement financier vers la croissance économique L'analyse de Levine (1997) de l'incidence du développement financier sur la croissance à long terme s'intéresse particulièrement aux fonctions des intermédiaires financiers. Levine démontre que les intermédiaires agissent sur la croissance économique par les canaux suivants : accumulation du capital et avancée technologique. Ainsi, la relation entre le développement du système financier et la croissance économique peut être analysée à partir du graphique ci-après (cf figure 2.3). Les intermédiaires financiers, en remplissant parfaitement leur rôle dans la réduction des asymétries d'information et dans l'assurance de la liquidité des dépôts, peuvent drainer une épargne suffisante pour le financement de l'activité économique. Ceci est d'autant possible à long terme que l'augmentation du stock du capital est permise par les avancées technologiques. En effet, si une partie des crédits est allouée aux chercheurs, il s'en suit dans ce secteur une augmentation de la production et par conséquent une amélioration des techniques de production et de la qualité des biens et services. A cet égard, Bencivenga et Smith (1991) s'inspirant des travaux de Diamond et Dybvig distinguent deux grandes étapes dans la transmission du développement financier vers la croissance de l'économie. Dans une première phase, les intermédiaires financiers participent activement à la création de procédés nouveaux de fabrication et la production de machines plus performantes en finançant la recherche. Les banques peuvent être des actionnaires ou tout simplement des pourvoyeurs de fonds dans ce cas. Dans une seconde phase, toutes les innovations créées servent à accroître la production globale mais aussi à améliorer la qualité des produits mis à la disposition de l'économie. Il devient clair que si les progrès technologiques sont fréquents, la croissance économique qui en résulte est continue sur le long terme. source : Levine, 1997. Marchés financiers et intermédiaires § Facilitation de la gestion des risques § Facilitation des transactions et de la mise en oeuvre des contrats Figure 2.3 : Une approche théorique de la finance et de la croissance Par ailleurs, comme l'a souligné Fry (1995), la part de l'épargne disponible pour le financement de l'économie joue un rôle non moins important que les deux canaux cités plus haut. En effet, une manière de jouer sur le niveau de l'activité réelle est de réduire au minimum la perte d'épargne subséquente au rôle d'intermédiation assuré par les banques. Cette perte est matérialisée par la différence entre le taux d'intérêt débiteur et le taux d'intérêt créditeur encore appelé spread de taux d'intérêt. La concurrence entre les banques et avec les autres intermédiaires non bancaires tend à réduire ce spread, laissant une plus grande part de l'épargne pour le financement des projets productifs. En somme, la structuration endogène de la croissance nous renseigne sur la dynamique de long terme entre le développement de la sphère financière et celui de la sphère réelle. Les auteurs sus-cités montrent que le développement de l'intermédiation financière en général et en particulier celui de l'intermédiation bancaire a une incidence avérée sur le niveau du développement technologique et sur le niveau de l'épargne, socles de l'activité réelle. Toutefois cette formulation du modèle AK n'est pas appropriée pour l'estimation économétrique qui impose une forme linéaire par rapport à tous les arguments de la fonction de production. La forme la plus courante de la fonction de production utilisée pour l'estimation économétrique est la forme loglinéaire que nous envisagerons de développer dans notre troisième chapitre. ConclusionContrairement aux modèles de croissance traditionnels, les modèles de croissance endogène étudiés dans ce chapitre nous donnent des arguments pour discuter de l'importance de l'intermédiation financière et nous expliquent comment les banques et les autres intermédiaires financent le développement socio-économique. Les systèmes financiers quels qu'ils soient, remplissent la fonction principale de transformation de l'épargne des ménages en actifs illiques conformément au modèle de Diamond et Dybvig. Ils peuvent accroître le volume de fonds prêtables de plusieurs manières : en assurant la liquidité des actifs détenus par les déposants, en réduisant les risques liés à l'asymétrie de l'information et les risques idiosyncrasiques. Ils détiennent ainsi un volume important de fonds qu'ils peuvent mettre à la disposition des investisseurs rigoureux. Un contrôle régulier des dirigeants et une participation dans les investissements obligent les intermédiaires à allouer de façon efficiente les ressources disponibles. Les cas de gaspillages de ressources sont par conséquent évités et il s'en suit à long terme un accroissement de la production globale subséquente à l'augmentation des investissements rentables. Toute cette dynamique est rendue possible avec l'innovation technologique qui remet en question l'hypothèse des rendements décroissants qui fonde toute l'analyse traditionnelle de la croissance. |
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