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Les garanties de crédits bancaires au Cameroun

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par Bertin KEMBOU YMELE
Université de DOUALA - DEA 2005
  

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A- Les données du problème

Lorsqu'une entreprise en difficultés cesse ses paiements348, la réussite du redressement judiciaire est subordonnée dans la majeure partie des cas à l'existence d'un soutien bancaire.

346 Art. 134 al. 4 AUS.

347 Art. 148 - 3° AUS. Voir également, F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, op. cit.

348 Il y a cessation de paiements lorsqu'une entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. C'est le catalyseur de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises (article 25 de l'acte uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif).

Les garanties de crédit bancaires au Cameroun
Mémoire de DEA Droit des affaires, Université de DOUALA, FSJP, 2003 - 2004, Présenté par Bertin
YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de Prof. MODI KOKO

Les dirigeants de ladite entreprise peuvent demander à la banque de lui octroyer un crédit ou de lui renouveler le prêt d'un montant suffisant pour traverser les moments difficiles. Le banquier se trouve dès lors dans une position délicate car, non seulement, il court le risque de ne pas être remboursé, mais également celui de voir sa responsabilité engagée en cas de refus ou d'acceptation du crédit.

Le banquier commet une faute en cas de rupture abusive de crédit. Certes, mais l'article 22 de l'acte de l'Ordonnance du 31 août 1985 relative à l'exercice de l'activité des établissements de crédit au Cameroun dispose que, sauf faute du bénéficiaire du crédit, le concours consenti à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu qu'à l'expiration d'un délai de préavis. Toutefois la portée de cette obligation est atténuée par le fait que le préavis ne s'impose pas au banquier si la situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise349. L'expression « irrémédiablement compromise » est très ambiguë350. Ce qui fait que l'on doit entendre par là non pas l'impossibilité définitive d'un redressement, mais, tout simplement la nécessité inéluctable d'un dépôt de bilan.

En outre, le banquier ne commet aucune faute si son concours est l'un des éléments d'un plan de redressement sérieux et cohérent351. Son apport financier lui confère de ce fait un privilège important par rapport aux autres créanciers. Ainsi puisque sa créance est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il n'est pas lié par la suspension des poursuites à laquelle sont soumis d'autres créanciers.

Toutefois, le privilège du banquier dans cette situation ne jouera que selon certaines conditions : le prêt doit avoir été consenti après le jugement d'ouverture ; il doit avoir été accordé dans la limite nécessaire à la poursuite de l'activité ; il doit avoir été autorisé par le juge commissaire. La décision du juge commissaire autorisant le prêt doit être notifiée au greffe de la juridiction compétente352 c'est-à-dire au RCCM. Une fois ces formalités accomplies, le banquier peut faire jouer son privilège à son profit.

349Art. 22 al. 2 de la loi du 31 août 1985 précitée. Il peut en être ainsi du cas d'une entreprise qui n'a plus d'espoir de redressement et donc seule la liquidation peut être envisagée.

350Y. GUYON, Droit des affaires, t. II, Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire, Faillite, p. 87, n° 1073.

351Ibid., p. 88, n° 1075.

352 J. L. RIVES-LANGE et M. CONTAMINE-RAYNAUD, op. cit., p. 422, n° 426.

Les garanties de crédit bancaires au Cameroun
Mémoire de DEA Droit des affaires, Université de DOUALA, FSJP, 2003 - 2004, Présenté par Bertin
YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de Prof. MODI KOKO
B - Le privilège du banquier

Le banquier qui accepte d'octroyer le crédit à une entreprise en difficultés prend des risques énormes. Lorsque le redressement est déterminant, le banquier est privilégié : ce privilège résulte de l'article 117 de l'acte uniforme portant procédure collectives d'apurement du passif selon lequel toutes les dettes nées régulièrement, après la décision d'ouverture de la procédure, de la continuation de l'activité et de toute activité du débiteur ou du syndic, sont des créances contre la masse.

Pourtant, lorsque le redressement est sanctionné par un échec, la procédure débouche à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise. Il est nécessaire de tenir compte de la réalisation éventuelle de l'ensemble des biens du débiteur pour parvenir au paiement de tous les créanciers353. Et c'est l'occasion d'analyser la situation du banquier par rapport aux autres créanciers du débiteur. Il faut pour s'en convaincre de la position du banquier, analyser celle-ci selon qu'elle dérive de la réalisation des meubles ou des immeubles.

Pour les deniers provenant de la réalisation des immeubles, le banquier se retrouve en quatrième position après le paiement des créanciers de frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même du prix ; les créanciers de salaires super privilégiés ; et les créanciers hypothécaires et séparatistes inscrits dans le délai légal tel qu'il ressort de l'article 166 de l'acte uniforme relatif aux procédures collectives d'apurement du passif.

353 F. ANOUKAHA et autres, OHADA, Sûretés, UNIDA, 2000, p. 244, n° 595.

Les garanties de crédit bancaires au Cameroun
Mémoire de DEA Droit des affaires, Université de DOUALA, FSJP, 2003 - 2004, Présenté par Bertin
YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de Prof. MODI KOKO

Pour les deniers provenant des meubles, le banquier est désintéressé en septième position après le paiement des créanciers de frais de justice ; des créanciers des frais engagés pour la conservation du bien au profit des créanciers dont les titres sont antérieurs en date ; des créanciers de salaires super privilégiés ; des créanciers garantis par un gage selon la date de constitution du gage ; des créanciers garantis par un nantissement ou par un privilège soumis à publicité ; et des créanciers munis d'un privilège mobilier spécial, chacun selon le meuble supportant son privilège ainsi qu'il est prévu à l'article 167 de l'acte uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif.

Compte tenu de ces positions et indépendamment de la question de savoir si la créance a été publiée au registre du commerce et du crédit mobilier354, nous pensons que la position du banquier n'est pas confortable relativement au prix des meubles. Son souci ayant été de sauver l'entreprise de la faillite, il aurait été préférable de lui accorder le quatrième rang, juste après les créanciers de salaires. Cette position met le banquier dans l'incertitude de remboursement. Ainsi, cette incertitude est de nature à le dissuader de consentir les crédits demandés.

Autre chose est à noter, l'acte uniforme n'a pas prévu le sort du banquier relatif à une réalisation partielle d'actif355 de l'entreprise. Est-ce à dire qu'il n'a droit à aucun paiement en cas de réalisation partielle d'actif ? Ou bien doit-il plutôt être payé par priorité par rapport aux autres créanciers ? En droit Français, l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement judiciaire des entreprises ne vise que la cession totale. Ce qui suppose qu'en cas de cession partielle, la totalité du prix revient à l'entreprise. Toutefois une quote-part de ce prix est affectée par le tribunal aux créanciers qui étaient titulaires de sûretés garant l'un des biens cédés356. Il est fort probable que le banquier soit, soit l'unique créancier bénéficiaire, soit l'un d'eux. Alors, il aura droit à une partie de ce prix.

354 La procédure de sauvetage d'une entreprise en difficultés étant homologuée par une décision judiciaire, il n'est plus besoin pour le banquier de recourir à une telle inscription. Néanmoins dans la pratique et par souci de sécurité, le banquier y recourt toujours.

355 L'article 133 de l'acte uniforme partant procédure collectives d'apurement du passif prévoit tout simplement les garanties de paiement du prix de la cession partielle d'actif du débiteur. L'acquéreur étant tenu soit de payer le prix convenu au comptant, soit de payer dans un délai ne dépassant pas deux ans et offrir à ce sujet un cautionnement bancaire. Seuls les créanciers munis d'une sûreté spéciale peuvent avoir droit à un paiement selon la procédure d'ordre des articles 166 et 167 du même acte uniforme.

356 J. L. RIVES-LANGE et M. CONTAMINE-RAYNAUD, op. cit., p. 411, note sous n° 412.

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YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de Prof. MODI KOKO

Cette solution ne peut que convaincre. A notre avis, il convient d'adapter cette solution française à notre contexte juridique car, l'entreprise a besoin de ces fonds pour accroître ses chances de reprise normale de ses activités.

La situation d'un débiteur en difficultés étant analysée, que dire de celle d'un débiteur in bonis disposant des fonds prêtés par le banquier?

Section 2 - Position mitigée du banquier dans la distribution du
prix face à un débiteur in bonis

Le débiteur in bonis est celui dont le déroulement de ses activités ne souffre d'aucune difficulté. Il peut tout simplement être récalcitrant, ne pas vouloir répondre à ses obligations, refuser de payer ses dettes. Ainsi, la réalisation de ses biens ayant donné un prix, le problème de sa distribution se pose. Le banquier, qui n'attend que le paiement de sa créance, peut demander à la « juridiction compétente »357 de statuer sur la distribution du prix.

En pratique, il n'y a aucun problème lorsque le banquier est seul créancier. Alors, il se fait payer par priorité sur le prix de vente et reverse le reste entre les mains de son débiteur. L'article 324 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution dispose qu'il doit être payé dans les quinze jours à compter du versement du prix de vente. Passé ce délai, les sommes qui lui sont dues restent dues, mais seront payés au taux légal.

Lorsqu'il y a plusieurs créanciers en présence, la position du banquier est un peu mitigée. Une
fois le problème posé (§ 1), nous verrons qu'il est défavorisé dans la distribution du prix (§ 2).

§ 1 - La position du problème

L'acte uniforme a réglementé une procédure de distribution du prix de vente des biens du
débiteur saisi, que ces biens soient des meubles ou des immeubles. La difficulté de
compréhension réside dans le fait que le législateur a fait une place de choix à la répartition

357 L'acte uniforme dans ses dispositions prévoit chaque fois la saisine de la juridiction compétente sans indiquer qu'elle est cette juridiction. Dans notre contexte juridique la compétence du tribunal dépend non seulement de la matière du litige, mais aussi du montant en jeu.

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consensuelle358. Au cas où les créanciers ne sont pas unanimes sur les modalités de distribution, la répartition s'effectue par le juge359. Ce mode de répartition s'impose dès lors que les créanciers ne se sont pas entendus au terme d'un délai d'un mois depuis le versement du prix total de la vente360.

Le banquier qui aura dans la majeure partie des cas, diligenté la procédure de réalisation des biens, compte tenu des tracasseries imposées par la procédure de saisie immobilière, peut se voir opposer même par un créancier chirographaire, le refus du mode de distribution consensuelle proposé par lui.

Aussi, l'acte uniforme prévoit que le créancier le plus diligent peut saisir le juge pour qu'il soit statué sur la distribution du prix361. Il nous paraît que cette précision est suffisamment floue pour permettre de saisir n'importe quelle juridiction. En pratique cette mesure peut paraître défavorable au banquier qui, saisissant une juridiction qu'il croit compétente, se voit débouter avec comme conséquence, économiquement à supporter les frais de cette procédure, et en plus, avec une invitation à « aller mieux se pourvoir ».

A notre avis, dans le contexte Camerounais, la juridiction compétente de l'acte uniforme compétente pour la distribution du prix peut être, en matière de distribution des deniers provenant de la réalisation des meubles, le tribunal de première instance lorsque le montant ne dépasse pas cinq millions de francs362 et le tribunal de grande instance lorsque le montant est supérieur à cinq millions de francs363. Et il peut s'agir aussi du tribunal de grande instance lorsque le prix à partager provient de la réalisation des immeubles, peu importe le montant en jeu.

Il peut arriver que dans le cadre de la procédure, le banquier ne dispose d'aucun bien affecté à sa créance, ni ne dispose d'aucune hypothèque, ni d'un gage ou d'un privilège lui accordant une priorité dans le prix de vente. Dans ce cas, il se trouve dans la peau d'un créancier chirographaire364. Dans cette hypothèse, à défaut d'une entente avec les autres créanciers qui

358 Article 325 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution : « s'il y a plusieurs créanciers en matière mobilière te immobilière, plusieurs créanciers inscrits ou privilégiés, ceux-ci peuvent s'entendre sur une répartition consensuelle du prix de la vente ».

359 Article 326 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution.

360 Ibid.

361 Ibid.

362 Art. 13-c de l'ordo. 72/4 du 26 août 1972 et ses modifications subséquentes.

363 Art. 16-b du même texte.

364 Le lexique des termes juridiques le définit comme un créancier de sommes d'argent ne bénéficiant d'aucune
garantie particulière pour le recouvrement de sa créance. Il est, selon un auteur, comme « un misérable fantassin

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lui accordent une partie du prix avec la répartition consensuelle, ce dernier ne pourra être payé qu'après que tous les autres soient désintéressés, c'est à dire au dernier rang autant en matière mobilière qu'immobilière.

La répartition consensuelle est le principe posé par l'acte uniforme. Elle est facultative car les créanciers « peuvent » s'entendre à ce sujet365. C'est une convention sous seing privé, rédigée par les créanciers eux-mêmes ou sous la forme authentique. Le succès de cette procédure de répartition se situe au stade du règlement de tous les créanciers ayant pris part à la convention. Faute du succès de cette procédure le créancier le plus diligent saisit le juge qui se charge de la répartition. Le banquier dans ce mode paraît défavorisé. Dans l'office du juge, il peut se référer à l'ordre établi dans l'acte uniforme relatif aux sûretés.

§ 2 - Position relativement défavorisée du banquier dans la répartition du prix

Une fois la réalisation des biens du débiteur achevée, s'ouvre la distribution. Selon l'article 147 de l'acte uniforme relatif aux sûretés, la procédure de distribution du prix est fixée par les règles sur les voies d'exécution sous réserve des dispositions qui suivent concernant l'ordre de distribution366. La distribution y relative et la position du banquier dépendent selon que les deniers à distribuer proviennent de la réalisation des meubles ou des immeubles.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote