A- Les données du problème
Lorsqu'une entreprise en difficultés cesse ses
paiements348, la réussite du redressement judiciaire est
subordonnée dans la majeure partie des cas à l'existence d'un
soutien bancaire.
346 Art. 134 al. 4 AUS.
347 Art. 148 - 3° AUS. Voir également, F.
DEKEUWER-DEFOSSEZ, op. cit.
348 Il y a cessation de paiements lorsqu'une entreprise est
dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son
actif disponible. C'est le catalyseur de la procédure de redressement ou
de liquidation judiciaire des entreprises (article 25 de l'acte uniforme
portant procédures collectives d'apurement du passif).
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Les dirigeants de ladite entreprise peuvent demander à
la banque de lui octroyer un crédit ou de lui renouveler le prêt
d'un montant suffisant pour traverser les moments difficiles. Le banquier se
trouve dès lors dans une position délicate car, non seulement, il
court le risque de ne pas être remboursé, mais également
celui de voir sa responsabilité engagée en cas de refus ou
d'acceptation du crédit.
Le banquier commet une faute en cas de rupture abusive de
crédit. Certes, mais l'article 22 de l'acte de l'Ordonnance du 31
août 1985 relative à l'exercice de l'activité des
établissements de crédit au Cameroun dispose que, sauf faute du
bénéficiaire du crédit, le concours consenti à une
entreprise ne peut être réduit ou interrompu qu'à
l'expiration d'un délai de préavis. Toutefois la portée de
cette obligation est atténuée par le fait que le préavis
ne s'impose pas au banquier si la situation de l'entreprise est
irrémédiablement compromise349. L'expression «
irrémédiablement compromise » est très
ambiguë350. Ce qui fait que l'on doit entendre par là
non pas l'impossibilité définitive d'un redressement, mais, tout
simplement la nécessité inéluctable d'un
dépôt de bilan.
En outre, le banquier ne commet aucune faute si son concours
est l'un des éléments d'un plan de redressement sérieux et
cohérent351. Son apport financier lui confère de ce
fait un privilège important par rapport aux autres créanciers.
Ainsi puisque sa créance est postérieure au jugement d'ouverture
de la procédure de redressement judiciaire, il n'est pas lié par
la suspension des poursuites à laquelle sont soumis d'autres
créanciers.
Toutefois, le privilège du banquier dans cette
situation ne jouera que selon certaines conditions : le prêt doit avoir
été consenti après le jugement d'ouverture ; il doit avoir
été accordé dans la limite nécessaire à la
poursuite de l'activité ; il doit avoir été
autorisé par le juge commissaire. La décision du juge commissaire
autorisant le prêt doit être notifiée au greffe de la
juridiction compétente352 c'est-à-dire au RCCM. Une
fois ces formalités accomplies, le banquier peut faire jouer son
privilège à son profit.
349Art. 22 al. 2 de la loi du 31 août 1985
précitée. Il peut en être ainsi du cas d'une entreprise qui
n'a plus d'espoir de redressement et donc seule la liquidation peut être
envisagée.
350Y. GUYON, Droit des affaires, t. II, Entreprises en
difficultés, Redressement judiciaire, Faillite, p. 87, n° 1073.
351Ibid., p. 88, n° 1075.
352 J. L. RIVES-LANGE et M. CONTAMINE-RAYNAUD, op. cit., p. 422,
n° 426.
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Prof. MODI KOKO B - Le privilège du banquier
Le banquier qui accepte d'octroyer le crédit à
une entreprise en difficultés prend des risques énormes. Lorsque
le redressement est déterminant, le banquier est
privilégié : ce privilège résulte de l'article 117
de l'acte uniforme portant procédure collectives d'apurement du passif
selon lequel toutes les dettes nées régulièrement,
après la décision d'ouverture de la procédure, de la
continuation de l'activité et de toute activité du
débiteur ou du syndic, sont des créances contre la masse.
Pourtant, lorsque le redressement est sanctionné par un
échec, la procédure débouche à l'ouverture de la
procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise. Il est
nécessaire de tenir compte de la réalisation éventuelle de
l'ensemble des biens du débiteur pour parvenir au paiement de tous les
créanciers353. Et c'est l'occasion d'analyser la situation du
banquier par rapport aux autres créanciers du débiteur. Il faut
pour s'en convaincre de la position du banquier, analyser celle-ci selon
qu'elle dérive de la réalisation des meubles ou des immeubles.
Pour les deniers provenant de la réalisation des
immeubles, le banquier se retrouve en quatrième position après le
paiement des créanciers de frais de justice engagés pour parvenir
à la réalisation du bien vendu et à la distribution
elle-même du prix ; les créanciers de salaires super
privilégiés ; et les créanciers hypothécaires et
séparatistes inscrits dans le délai légal tel qu'il
ressort de l'article 166 de l'acte uniforme relatif aux procédures
collectives d'apurement du passif.
353 F. ANOUKAHA et autres, OHADA, Sûretés, UNIDA,
2000, p. 244, n° 595.
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Pour les deniers provenant des meubles, le banquier est
désintéressé en septième position après le
paiement des créanciers de frais de justice ; des créanciers des
frais engagés pour la conservation du bien au profit des
créanciers dont les titres sont antérieurs en date ; des
créanciers de salaires super privilégiés ; des
créanciers garantis par un gage selon la date de constitution du gage ;
des créanciers garantis par un nantissement ou par un privilège
soumis à publicité ; et des créanciers munis d'un
privilège mobilier spécial, chacun selon le meuble supportant son
privilège ainsi qu'il est prévu à l'article 167 de l'acte
uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif.
Compte tenu de ces positions et indépendamment de la
question de savoir si la créance a été publiée au
registre du commerce et du crédit mobilier354, nous pensons
que la position du banquier n'est pas confortable relativement au prix des
meubles. Son souci ayant été de sauver l'entreprise de la
faillite, il aurait été préférable de lui accorder
le quatrième rang, juste après les créanciers de salaires.
Cette position met le banquier dans l'incertitude de remboursement. Ainsi,
cette incertitude est de nature à le dissuader de consentir les
crédits demandés.
Autre chose est à noter, l'acte uniforme n'a pas
prévu le sort du banquier relatif à une réalisation
partielle d'actif355 de l'entreprise. Est-ce à dire qu'il n'a
droit à aucun paiement en cas de réalisation partielle d'actif ?
Ou bien doit-il plutôt être payé par priorité par
rapport aux autres créanciers ? En droit Français, l'article 40
de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement judiciaire
des entreprises ne vise que la cession totale. Ce qui suppose qu'en cas de
cession partielle, la totalité du prix revient à l'entreprise.
Toutefois une quote-part de ce prix est affectée par le tribunal aux
créanciers qui étaient titulaires de sûretés garant
l'un des biens cédés356. Il est fort probable que le
banquier soit, soit l'unique créancier bénéficiaire, soit
l'un d'eux. Alors, il aura droit à une partie de ce prix.
354 La procédure de sauvetage d'une entreprise en
difficultés étant homologuée par une décision
judiciaire, il n'est plus besoin pour le banquier de recourir à une
telle inscription. Néanmoins dans la pratique et par souci de
sécurité, le banquier y recourt toujours.
355 L'article 133 de l'acte uniforme partant procédure
collectives d'apurement du passif prévoit tout simplement les garanties
de paiement du prix de la cession partielle d'actif du débiteur.
L'acquéreur étant tenu soit de payer le prix convenu au comptant,
soit de payer dans un délai ne dépassant pas deux ans et offrir
à ce sujet un cautionnement bancaire. Seuls les créanciers munis
d'une sûreté spéciale peuvent avoir droit à un
paiement selon la procédure d'ordre des articles 166 et 167 du
même acte uniforme.
356 J. L. RIVES-LANGE et M. CONTAMINE-RAYNAUD, op. cit., p. 411,
note sous n° 412.
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Cette solution ne peut que convaincre. A notre avis, il
convient d'adapter cette solution française à notre contexte
juridique car, l'entreprise a besoin de ces fonds pour accroître ses
chances de reprise normale de ses activités.
La situation d'un débiteur en difficultés
étant analysée, que dire de celle d'un débiteur in bonis
disposant des fonds prêtés par le banquier?
Section 2 - Position mitigée du banquier dans la
distribution du prix face à un débiteur in bonis
Le débiteur in bonis est celui dont le
déroulement de ses activités ne souffre d'aucune
difficulté. Il peut tout simplement être récalcitrant, ne
pas vouloir répondre à ses obligations, refuser de payer ses
dettes. Ainsi, la réalisation de ses biens ayant donné un prix,
le problème de sa distribution se pose. Le banquier, qui n'attend que le
paiement de sa créance, peut demander à la « juridiction
compétente »357 de statuer sur la distribution du
prix.
En pratique, il n'y a aucun problème lorsque le
banquier est seul créancier. Alors, il se fait payer par priorité
sur le prix de vente et reverse le reste entre les mains de son
débiteur. L'article 324 de l'acte uniforme sur les voies
d'exécution dispose qu'il doit être payé dans les quinze
jours à compter du versement du prix de vente. Passé ce
délai, les sommes qui lui sont dues restent dues, mais seront
payés au taux légal.
Lorsqu'il y a plusieurs créanciers en présence,
la position du banquier est un peu mitigée. Une fois le
problème posé (§ 1), nous verrons qu'il est
défavorisé dans la distribution du prix (§ 2).
§ 1 - La position du
problème
L'acte uniforme a réglementé une procédure
de distribution du prix de vente des biens du débiteur saisi, que ces
biens soient des meubles ou des immeubles. La difficulté
de compréhension réside dans le fait que le législateur
a fait une place de choix à la répartition
357 L'acte uniforme dans ses dispositions prévoit
chaque fois la saisine de la juridiction compétente sans indiquer
qu'elle est cette juridiction. Dans notre contexte juridique la
compétence du tribunal dépend non seulement de la matière
du litige, mais aussi du montant en jeu.
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consensuelle358. Au cas où les
créanciers ne sont pas unanimes sur les modalités de
distribution, la répartition s'effectue par le juge359. Ce
mode de répartition s'impose dès lors que les créanciers
ne se sont pas entendus au terme d'un délai d'un mois depuis le
versement du prix total de la vente360.
Le banquier qui aura dans la majeure partie des cas,
diligenté la procédure de réalisation des biens, compte
tenu des tracasseries imposées par la procédure de saisie
immobilière, peut se voir opposer même par un créancier
chirographaire, le refus du mode de distribution consensuelle proposé
par lui.
Aussi, l'acte uniforme prévoit que le créancier
le plus diligent peut saisir le juge pour qu'il soit statué sur la
distribution du prix361. Il nous paraît que cette
précision est suffisamment floue pour permettre de saisir n'importe
quelle juridiction. En pratique cette mesure peut paraître
défavorable au banquier qui, saisissant une juridiction qu'il croit
compétente, se voit débouter avec comme conséquence,
économiquement à supporter les frais de cette procédure,
et en plus, avec une invitation à « aller mieux se pourvoir
».
A notre avis, dans le contexte Camerounais, la juridiction
compétente de l'acte uniforme compétente pour la distribution du
prix peut être, en matière de distribution des deniers provenant
de la réalisation des meubles, le tribunal de première instance
lorsque le montant ne dépasse pas cinq millions de francs362
et le tribunal de grande instance lorsque le montant est supérieur
à cinq millions de francs363. Et il peut s'agir aussi du
tribunal de grande instance lorsque le prix à partager provient de la
réalisation des immeubles, peu importe le montant en jeu.
Il peut arriver que dans le cadre de la procédure, le
banquier ne dispose d'aucun bien affecté à sa créance, ni
ne dispose d'aucune hypothèque, ni d'un gage ou d'un privilège
lui accordant une priorité dans le prix de vente. Dans ce cas, il se
trouve dans la peau d'un créancier chirographaire364. Dans
cette hypothèse, à défaut d'une entente avec les autres
créanciers qui
358 Article 325 de l'acte uniforme sur les voies
d'exécution : « s'il y a plusieurs créanciers en
matière mobilière te immobilière, plusieurs
créanciers inscrits ou privilégiés, ceux-ci peuvent
s'entendre sur une répartition consensuelle du prix de la vente
».
359 Article 326 de l'acte uniforme sur les voies
d'exécution.
360 Ibid.
361 Ibid.
362 Art. 13-c de l'ordo. 72/4 du 26 août 1972 et ses
modifications subséquentes.
363 Art. 16-b du même texte.
364 Le lexique des termes juridiques le définit comme un
créancier de sommes d'argent ne bénéficiant
d'aucune garantie particulière pour le recouvrement de sa
créance. Il est, selon un auteur, comme « un misérable
fantassin
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lui accordent une partie du prix avec la répartition
consensuelle, ce dernier ne pourra être payé qu'après que
tous les autres soient désintéressés, c'est à dire
au dernier rang autant en matière mobilière
qu'immobilière.
La répartition consensuelle est le principe posé
par l'acte uniforme. Elle est facultative car les créanciers «
peuvent » s'entendre à ce sujet365. C'est une convention
sous seing privé, rédigée par les créanciers
eux-mêmes ou sous la forme authentique. Le succès de cette
procédure de répartition se situe au stade du règlement de
tous les créanciers ayant pris part à la convention. Faute du
succès de cette procédure le créancier le plus diligent
saisit le juge qui se charge de la répartition. Le banquier dans ce mode
paraît défavorisé. Dans l'office du juge, il peut se
référer à l'ordre établi dans l'acte uniforme
relatif aux sûretés.
§ 2 - Position relativement
défavorisée du banquier dans la répartition du
prix
Une fois la réalisation des biens du débiteur
achevée, s'ouvre la distribution. Selon l'article 147 de l'acte uniforme
relatif aux sûretés, la procédure de distribution du prix
est fixée par les règles sur les voies d'exécution sous
réserve des dispositions qui suivent concernant l'ordre de
distribution366. La distribution y relative et la position du
banquier dépendent selon que les deniers à distribuer proviennent
de la réalisation des meubles ou des immeubles.
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