B - La vente aux enchères publiques
La vente aux enchères publiques est l'instant capital
où se réalise la mise en oeuvre effective de la garantie
immobilière. C'est l'aboutissement normal de la procédure de
saisie. Elle concerne principalement la date et le lieu de la vente,
l'adjudication et enfin la surenchère.
1 : Le lieu et la date de la vente
La vente aux enchères publiques doit avoir lieu
à la barre du tribunal ou en l'étude du notaire
convenu331. Le tribunal en question est le tribunal de grande
instance du lieu de situation de l'immeuble. En ce qui concerne le notaire,
l'acte uniforme n'a malheureusement rien prévu sur la convention
désignant notaire. Mais à notre sens, il est probable que ce soit
le notaire à l'étude duquel la convention d'hypothèque a
été établie332 parce qu'il paraît mieux
aviser dans le suivi des diverses conventions d'hypothèques, ou,
à défaut, celui du lieu de situation de l'immeuble selon la
convention expresse des parties. En ce qui concerne la date, l'art. 268 de
l'acte uniforme précise qu'elle ne peut être fixée quarante
cinq jours au moins et quatre vingt dix jours au plus tard à compter du
dépôt de cahier de charges.
Il est clair ici, que l'acte uniforme a redouté une
extrême accélération de la procédure et
une lenteur excessive, si l'on se réfère à l'ancienne
législation Camerounaise en la matière qui
329 Art. 276 AU PSRVE.
330 TGI de DOUALA, 05 février 2004, BICEC contre BATOUANEN
Jean Daniel, inédit.
331 Art. 282 al. 1er AU PSRVE.
332 TGI de DOUALA, jugement du 05 février 2004, sus
cité.
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prévoyait que la vente pouvait « avoir lieu dans
un délai maximum de quatre vingt dix jours à compter du
dépôt de cahier de charges » à peine de
nullité333. Le législateur antérieur ne
redoutait donc pas la précipitation.
2 : L'adjudication
L'adjudication est l'instant où se déroule
effectivement la vente de l'immeuble saisi. C'est le moment où le
débiteur ou le tiers doit être définitivement
exproprié.
L'adjudication se fait aux enchères publiques, qui sont
des offres de prix successives, de plus en plus croissantes, et qui sont
présentées au nom des personnes qui désirent
acquérir l'immeuble. La personne qui fait l'offre la plus
élevée est déclarée adjudicataire. L'adjudication
n'est faite qu'après l'extinction des trois bougies allumées
successivement. Elle est constatée par décision judiciaire ou
procès verbal du notaire au profit soit de l'avocat, dernier
enchérisseur, soit au profit du créancier poursuivant pour le
montant de la mise à prix334, qui peut être le
banquier.
Qui peut être enchérisseur ?
En principe, toute personne intéressée peut
enchérir. Mais l'interdiction d'enchérir faite aux personnes
insolvables est sans effet dans la mesure où l'on retrouve dans les
cahiers de charges la clause de style « nul ne peut enchérir sans
le versement préalable d'une caution égale au montant de la mise
à prix sauf dispense de l'avocat poursuivant »335.
L'adjudicataire devenu propriétaire de l'immeuble est
tenu de tous les droits336 et de toutes les obligations contenues
dans le cahier de charges et spécialement celui du paiement du prix. En
effet, s'il est le seul créancier inscrit ou privilégié,
il n'est tenu que du paiement des frais et de l'excédant de sa
créance. Le banquier qui verra l'immeuble adjugé à son
profit ne paiera que la partie supérieure à sa créance.
Dans le cas où il y a plusieurs créanciers, il est tenu de
333 Art. 404 C. Proc. Civ.
334 TGI de DOUALA, n° 772 du 04 septembre 2003, SGBC
contre MAVEM AFRIQUE (inédit), dans laquelle l'extinction des bougies
sans enchérisseur a permis l'adjudication de l'immeuble au profit de la
SGBC en tant que créancier poursuivant.
335 A. M. H. ASSI-ESSO et N. DIOUF, op. cit., note sous n°
512, p. 220.
336 CA DOUALA, n° 288/RG/2001-2002, BICEC contre EWONDE
NOAH Léonard, constatant l'adjudication de la vente sur
saisie-immobilière et autorise l'exécution sur minute avant
enregistrement et toutes voies de recours, confirmant du même coup
l'Ordonnance n° 821 du 02 juin 2002 rendu par le TPI de DOUALA,
inédit..
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reverser tout le prix convenu entre les mains de justice ou du
notaire à l'étude duquel la vente a eu lieu en vue du partage.
L'adjudication de l'immeuble au profit du banquier pourrait
s'analyser comme une sorte de compensation entre la créance du banquier
et la dette correspondant au prix de vente de l'immeuble qu'il doit payer.
L'adjudicataire dispose d'un délai de vingt jours pour
présenter la quittance et les pièces justificatives indiquant
qu'il s'est acquitté de toutes les exigences du cahier de charges. A
défaut et passé ce délai, la folle enchère pourra
être poursuivie337.
Toutefois le transfert de propriété ne s'effectue
pas automatiquement, car il peut y avoir surenchère.
3 - La surenchère
C'est une possibilité donnée par la loi à
ceux qui estiment que l'adjudication n'a pas donné un résultat
suffisant, de provoquer une nouvelle adjudication en vue d'obtenir un plus haut
prix338. Toute personne intéressée peut provoquer la
surenchère. Elle doit intervenir dans un délai de dix jours
à compter de la date de l'adjudication. Le non respect de ce
délai est sanctionné par la forclusion. La surenchère doit
être du dixième du prix principal de la vente339. Les
accessoires et les frais ne sont pas pris en compte. La déclaration de
surenchère est mentionnée sans délai dans le cahier de
charges. Lorsqu'elle n'est pas contestée, elle débouche sur une
nouvelle adjudication. Le souci étant de tirer de la vente un plus grand
prix. Au cas où aucune nouvelle enchère n'atteint le prix de la
première majorée du dixième, le surenchérisseur est
déclaré adjudicataire.
Il ressort de ces développements que l'acte uniforme
sur les procédures simplifiées de recouvrement des
créances et des voies d'exécution, a opéré une
avancée marquante dans la sécurité du banquier
dispensateur de crédit notamment en matière de mécanismes
de recouvrement des créances. Il est encore très tôt pour
faire un bilan de l'apport général de ces instruments
sécurisant le banquier et par delà tout créancier qu'il
soit chirographaire ou privilégié. Le débiteur compte tenu
de ses difficultés est aussi suffisamment protégé.
337 Art. 290 al. 5 AU PSRVE.
338 F. ANOUKAHA et A. D. TJOUEN, op. cit., p. 59, n° 140.
339 Art. 287.
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Une chose est sûre, c'est que, les différents
Etats-membres vont avoir des interprétations différentes de ces
textes comme le témoignent déjà de nombreux avis
émis par la CCJA sur les divergences d'interprétation des actes
uniformes. La force donc de ces instruments ne viendra que de l'intervention
que fera la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage en vertu des pouvoirs
qu'elle exerce sur l'orientation des décisions des juridictions des
Etats-membres. La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage a déjà,
à ce jours rendu de nombreux arrêts concernant l'application de
divers actes uniformes. Mais il apparaît qu'il est encore très
tôt pour faire un bilan relatif à l'apport des divers actes
uniformes dans l'environnement juridique et la pratique des affaires en
Afrique.
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CHAPITRE II : LA RELATIVE SECURITE DU
BANQUIER DANS LA DISTRIBUTION DU PRIX
La mise en oeuvre des garanties et des moyens de paiement
n'aurait aucune efficacité et aucun intérêt, si elle ne
permettait au banquier de rentrer en possession de ses fonds. L'engagement de
la procédure n'est pas en soi un gage de paiement. C'est la raison pour
laquelle certains créanciers hésitent à engager les
procédures d'exécution.
Une fois les biens du débiteur
réalisés340, se pose le problème relatif
à la distribution du prix. Cette distribution se fait
indépendamment de la qualité de créancier ayant
engagé l'action. Le banquier qui n'aurait pas de privilège sur un
bien ne provoquera la vente que s'il est sûr qu'aucun autre
créancier n'a de droit sur ce même bien. En cas de
privilège lui donnant le bénéfice de l'action, il
provoquera la vente, car il sera payé par priorité. De cette
analyse, il ressort que le banquier selon le cas possède une position
relativement confortée (section 1) et d'une position mitigée face
à un débiteur in bonis (section 2).
Section 1 - Position relativement confortée du
banquier dans la distribution du prix
340Comme nous l'avons détaillé dans le
chapitre précédent, la réalisation dépend selon
qu'il s'agit d'un bien meuble corporel ou incorporel ou bien d'un immeuble.
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Le banquier peut se retrouver dans une position relativement
favorable par rapport aux autres créanciers. Pour cela, il faut et il
suffit qu'il détienne des droits341 sur certains biens du
débiteur. Ces derniers peuvent être mobiliers ou immobiliers. Au
cas où il a apporté son concours à son débiteur
pour l'acquisition d'un immeuble, il pourra mettre en oeuvre les
privilèges immobiliers (§ 1). Aussi, dans le cadre du redressement
d'une entreprise en difficultés, il peut apporter son appui financier.
Cet appui financier lui accorde le privilège résultant du
crédit à une entreprise en difficultés (§ 2).
§ 1 - La mise en oeuvre des privilèges
immobiliers
Les privilèges immobiliers sont des
sûretés réelles immobilières sans
dépossession du débiteur, soumises à publicité et
qui confèrent le droit de préférence et le droit de suite.
Ce sont des formes d'hypothèques. Ce sont des hypothèques
légales forcées342, mais spéciales, dans la
mesure où, contrairement aux autres hypothèques, elles ont une
assiette spéciale. L'article 2013 du Code Civil institue deux
privilèges qui peuvent intéresser le banquier. Il en est de
même de l'article 134 de l'acte uniforme portant organisation des
sûretés. Il s'agit d'une part du privilège du vendeur
d'immeuble (A) et le privilège du prêteur de deniers (B).
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