A- La typologie des hypothèques
Pour faciliter l'accès au crédit, le
législateur a imprimé la liberté de choix des garanties
à la volonté des parties. Relativement en matière
d'hypothèque, il appartient au banquier et son débiteur de
marquer leur choix sur l'immeuble à grever : c'est l'hypothèque
conventionnelle. Ce choix s'opère toutefois sous réserve de
certaines situations imposées par le législateur. D'autre part,
la pratique a imposé d'autres formes d'hypothèques dont il
conviendra de signaler. Il sera alors question des hypothèques
classiques de l'OHADA (1) et ensuite des dérivés de la pratique
d'hypothèque (2).
1 - Les hypothèques issu es de la réforme
de l'OHADA
82 D'après Le lexique des termes juridiques
de R. GUILLIEN et I. VINCENT, op. cit., l'antichrèse se définit
comme une sûreté permettant au créancier de prendre
possession d'un immeuble et d'en imputer annuellement les fruits et les revenus
d'abord sur les intérêts, ensuite sur le capital de sa
créance, jusqu'au règlement de cette dernière. C'est la
même idée que retiennent les articles 2085 et suivants du code
civil. Voir notamment F. ANOUKAHA, op. cit., pp. 23-24, n° 50 et
suivants.
Les garanties de crédit bancaires au
Cameroun Mémoire de DEA Droit des affaires,
Université de DOUALA, FSJP, 2003 - 2004, Présenté par
Bertin YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de
Prof. MODI KOKO
L'acte uniforme a prévu deux types d'hypothèques :
ce sont les hypothèques conventionnelles et les hypothèques
forcées83.
Les hypothèques conventionnelles résultent de la
volonté des parties. Elles sont instituées par une convention
conclue entre le titulaire d'une créance et un constituant, qui affecte
un immeuble à la garantie de cette créance. Ce constituant est en
général le débiteur, mais parfois un tiers,
qualifié alors de caution réelle.
Toute dette peut être garantie par une hypothèque
conventionnelle84. Il peut en être ainsi du solde
débiteur d'un compte courant ou de tout autre concours ou
découvert accordé à un client. L'hypothèque
conventionnelle est très usitée par les parties car elle permet
de garantir tout crédit : appréciée par les banquiers
« en raison de sa stabilité et en l'absence de dépossession,
elle ne gêne guère le constituant »85 . Selon
l'article 127 de l'A U, l'hypothèque conventionnelle ne peut être
consentie que par celui qui est titulaire d'un droit réel immobilier
régulièrement inscrit et capable d'en disposer.
Les hypothèques forcées sont celles qui sont
conférées, selon l'article 132 AU « sans le consentement du
débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice
». Aussi et ajoute cet article, qu'elle soit judiciaire ou légale,
l'hypothèque forcée ne peut porter que sur des immeubles
déterminés et pour la garantie de créances
individualisées par leur origine et leur cause et pour une somme
déterminée.
Pour ce qui est de l'hypothèque légale, l'acte
uniforme relatif au droit des sûretés n'a organisé que
l'hypothèque légale de la masse des
créanciers86 en la renvoyant à l'acte uniforme sur les
procédures collectives d'apurement du passif. L'hypothèque
légale de la masse est classique. Elle est organisée par
l'article 74 AU PCAP. Cette forme d'hypothèque n'entrant pas dans le
champ de nos développements, nous ne nous y attarderons que très
peu.
Aussi, l'acte uniforme sur le droit de sûretés a
synthétisé les privilèges immobiliers prévus jadis
par le code civil à l'article 2013 et mutés par la
réglementation foncière en hypothèque légale. Il
est fait allusion ici du privilège du vendeur d'immeuble et du
prêteur de deniers pour l'acquisition de l'immeuble sur lequel porte la
vente87.
83 Art. 117 de l'AUS.
84 F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, op. cit.,
3ème éd., p. 116.
85 J. MONDINO et Y. THOMAS, 5ème
éd., 1994, p. 110.
86Les créanciers de la masse sont ceux qui se
constituent en une masse pour défendre le paiement de leurs
créances en cas d'ouverture des procédures collectives.
87 Article 134 de l'acte uniforme relatif aux
sûretés.
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Dès lors que le banquier réunit toutes les
conditions requises par la loi, le juge est obligé d'ordonner qu'une
inscription d'hypothèque soit faite sur l'immeuble en question. Mais
cette obligation est relative, en ce qui concerne les hypothèques
à proprement parler judiciaires.
En ce qui concerne l'hypothèque judiciaire, c'est une
mesure conservatoire pouvant porter, avec l'autorisation du juge, sur un
immeuble du débiteur. Ainsi aux termes des articles 135 et suivant de
l'acte uniforme, le banquier peut obtenir du juge l'autorisation d'inscrire
préventivement l'hypothèque judiciaire sur les biens immeubles de
son débiteur. Ainsi, dès le début d'une action en
paiement, une hypothèque judiciaire provisoire peut être prise par
le banquier après accord du juge. Ce qu'il convient de noter ici est
que, le juge n'est pas obligé de donner avis favorable à la prise
d'hypothèque. Il peut l'ordonner ou la refuser, « il lui suffit
tout simplement de motiver sa décision »88.
Cette mesure conservatoire, prise de manière
unilatérale par le banquier, aurait pour but d'éviter que le
débiteur n'ait à aliéner tous les biens dont il dispose
pour échapper au remboursement à l'échéance et
à l'exécution forcée. A travers cette mesure, le banquier
prépare une action au fond qu'il mènera contre le
débiteur. C'est pour s'entourer de l'efficacité et de la
sécurité que confère une inscription hypothécaire
que le banquier n'hésite par à recourir au juge pour
s'enquérir de cette protection. Toutefois, la pratique des affaires a
imprimé les dérivés des hypothèques.
2 - Les dérivés des hypothèques
issues de la pratique des affaires
L'acte uniforme n'a malheureusement pas prévu ces
formes de sûretés. Il s'agit en effet du quitus donné par
le débiteur de maintenir sa solvabilité tant que sa dette n'est
pas payée. Il en est ainsi de la promesse d'hypothèque et de
l'engagement de ne pas hypothéquer.
La promesse d'hypothèque est une invention de la
pratique bancaire. Elle permet dans l'immédiat de préserver le
crédit du client et d'éviter la constitution longue et
coûteuse d'une hypothèque, tout en assurant au banquier le
bénéfice de la sûreté, en capacité d'emprunt
du débiteur. Le banquier dispose uniquement le droit d'exiger du client
cette garantie, en temps utile, lorsque la solvabilité de ce dernier
semble menacée89.
88 F. ANOUKAHA, op. cit., p. 32, n° 73.
89 J. MONDINO et Y. THOMAS, op. cit., p. 117.
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Généralement, la promesse d'hypothèque
est faite sous seing privé. Mais au fur et à mesure de
l'évolution du monde des affaires, et pour plus de
sécurité, le banquier exige de son client un mandat qu'ils
concluent sous forme authentique. Dès lors qu'il y a carence du
débiteur, le banquier demande au juge l'inscription d'une
hypothèque judiciaire. En fait cette promesse est très fragile
car elle n'empêche pas le débiteur de consentir une
hypothèque sur ce même immeuble au profit d'un autre
créancier, qui pourrait l'inscrire avant le banquier, ni n'accorde
à ce dernier aucun droit de suite en cas d'aliénation de
l'immeuble en violation de la promesse. Tout au plus, le banquier peut agir en
responsabilité civile contre son débiteur. Cependant, elle
constitue tout de même un moyen véritable de pression sur le
débiteur90.
Pour ce qui est de l'engagement de ne pas hypothéquer,
la promesse vise à garantir au banquier que le client conservera dans
son patrimoine les valeurs suffisantes pour le désintéresser. Il
s'agit en effet pour le banquier, plutôt que de constituer une
hypothèque à son profit, de demander à l'emprunteur de
s'engager à ne pas en constituer au profit d'un tiers91.
Tout comme la promesse d'hypothèque, cette mesure est
également douteuse car il est difficile de concevoir en droit qu'il est
interdit à un individu de consentir une sûreté sur son
patrimoine au profit d'un tiers. L'arme fatale du banquier ici pouvant
consister à mettre immédiatement fin au crédit, il peut en
outre engager comme dans le cas précédent la
responsabilité civile de l'emprunteur pour manquement de l'engagement
pris.
Cependant il faut relever que la diversité des
hypothèques ne conditionne pas ipso facto le régime juridique
applicable.
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