Le régime de change en Algérie est passé
par plusieurs étapes suivant l'évolution du SMI. Ainsi, depuis
l'indépendance le régime de change a connu quatre étapes
importantes qui se sont soldées par la mise en place d'un marché
des changes.
Dans cette section, nous allons tenter de détecter la
naissance du risque de change à la lumière de l'évolution
du régime de change tout en axant notre développement sur
l'expérience du change à terme et le marché des
changes.
1. Evolution du régime de change en
Algérie
La situation économique en Algérie a toujours
expliqué l'évolution du régime de change. Jusqu'à
1964, l'Algérie faisait partie de la Zone Franc ; la libre circulation
des capitaux a été de ce fait assurée.
En 1963, l'Etat algérien s'est vu dans l'obligation
d'instaurer le contrôle des changes afin de freiner l'hémorragie
des capitaux causant la baisse des réserves de change.
Le Dinar algérien fut créé en 1964, vu
la loi 64-111 du 10 avril 1964 instituant l'unité monétaire
nationale. Jusqu'à 1973, le Dinar algérien était
ancré à une monnaie unique, à savoir le Franc
français. Il était émis à parité
égale avec le franc (1 DZD = 1 FRF = 180 milligrammes d'or). Sa valeur
par rapport au Dollar était de 4,94 de 1964 jusqu'à 1970 avant de
passer à 4,19 en 1973.
Avec l'effondrement du régime de Bretton Woods,
l'Algérie avait adopté en 1974 le régime de change fixe
ancré à un panier de 14 monnaies constituant les devises les plus
importantes dans la structure des échanges commerciaux (notamment les
importations) et financiers. Ces monnaies étaient affectées de
coefficients de pondération différents et révisables
périodiquement.
Le taux de change varie en fonction de l'évolution des
monnaies du panier, notamment le Dollar dont le coefficient de
pondération est le plus élevé.
La surévaluation du Dinar était l'une des
conséquences néfastes découlant de ce régime. Ce
problème n'est cependant sérieusement posé qu'en 1986,
date coïncidant avec le contre choc pétrolier qui a fait baisser
les recettes pétrolières. L'Algérie enregistre ainsi une
détérioration du solde de la balance des paiements en plus du
resserrement des marchés de capitaux.
Le contrôle des changes, qui restait le seul moyen
susceptible d'assurer la convergence de la demande des devises avec l'offre
rare, avait maintenu une dichotomie entre la sphère réelle et la
sphère financière (taux de change surévalué).
La nécessité des réformes
économiques et monétaires s'imposait. Concernant le change, un
glissement progressif du Dinar a été enregistré pendant la
période de 1986 à 1990 ; le cours USD/DZD est passé de
4,82 à 12,191, soit une dépréciation de l'ordre
de 153 %. C'est ainsi qu'est apparu le phénomène de risque de
change en Algérie.
L'Etat algérien avait pris conscience que la
modification de la parité du Dinar ne serait fructueuse qu'en
l'accompagnant de réformes économiques. Dans ce contexte,
l'Algérie a fait appel au Fonds Monétaire International (FMI)
pour la signature de deux accords de confirmation, le premier est conclu le 30
mai 1989 et le second le 03 juin 1991.
Cette période représentait le début d'un
passage d'une gestion administrée du taux de change à une gestion
dynamique.
En effet, en septembre 1991, les autorités
monétaires procèdent à la dévaluation du Dinar
algérien de 22 % contre le Dollar américain. Cette
décision a été accompagnée par d'autres mesures
afin de permettre au pays de s'ouvrir sur le commerce extérieur et donc
mettre fin aux systèmes des licences d'importation et d'exportation.
Une seconde dévaluation de 40,17 % est initiée
en 1994. Cette action agréée par le FMI dans le cadre du
programme de stabilisation de mai 1994 à mai 1995 et du programme
d'ajustement structurel de mai 1995 à mai 1998 fut le point de
départ d'une convertibilité commerciale du Dinar et de la
libéralisation du commerce extérieur et du régime de
change. Il est à signaler que cette période a été
marquée par la mise en place d'un procédé de couverture
d'un risque de change de plus en plus confirmé, et cela à travers
l'achat à terme de devises avec décaissement à
échéance puis avec décaissement immédiat en octobre
1991 et avril 1993 respectivement. La Banque d'Algérie a
été amenée à l'abandonner en avril 1994.
1 Statistiques financières internationales,
FMI.
C'est aussi en cette période que le système de
fixing fut instauré1. Il consiste à déterminer
la parité de la monnaie nationale par rapport aux monnaies
étrangères par adjudication.
Les banques commerciales, sous l'autorité de la Banque
d'Algérie, se réunissaient quotidiennement au siège de la
Banque Centrale. Le cours du Dinar est fixé officiellement en
confrontant l'offre unique de la Banque d'Algérie et la demande de
devises des banques commerciales.
Actuellement, et ce depuis 1995, année coïncidant
avec la création du marché interbancaire des changes, la valeur
du Dinar est déterminée par le «libre» jeu de l'offre
et de la demande. La Banque d'Algérie joue un rôle important en
tant qu'offreur de devises sur ce marché2. Le risque de
change est désormais une réalité incontournable.
Compte tenu de l'évolution du régime de change,
le Dinar a connu une dépréciation remarquable depuis
l'année 1986 (correspondant au contre choc pétrolier). Il est
passé depuis cette date à 2002 de 4,82 à 79,92 , soit une
«dépréciation» de 1558 % (voir graphique
1)3.
Graphique 1 : Evolution du cours de change USD/DZD
de 1963 à 2002
1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000
Années
(Source : Statistiques Financières Internationales,
publication du FMI)
2. L'expérience du change à
terme
1 L'instruction 61-94 du 28 septembre 1994 instituant
le fixing pour la détermination de la valeur du Dinar par rapport aux
devises étrangères.
2 Le fonctionnement de ce marché est cependant
biaisé par le fait que la Banque d'Algérie soit quasiment
l'unique offreur.
3 En 2003, le Dinar a connu un mouvement
d'appréciation par rapport au Dollar, il est passé de 79,44
à 77,60 entre le 26 juin et le 1 juillet.
L'expérience de l'Algérie en matière de
couverture du risque de change s'est limitée au change à terme
(achat à terme uniquement). Ce dernier a été défini
pour la première fois par le règlement 9 1-07 du 14 août
1991 portant règles et conditions de change1.
L'achat à terme de devises a revêtit deux formes
:
2.1. L'achat à terme avec décaissement
à échéance
L'instruction 30-91 du 27 octobre 1991 a fixé les
conditions et modalités de l'achat à terme de devises. Il
consiste en l'engagement du client à acheter à terme des devises
qui serviront à la couverture des paiements extérieurs, le
décaissement des Dinars ainsi que la livraison des devises ne se font
qu'à la levée du terme2.
L'achat à terme peut être engagé à
tout moment, à la demande du client, pour une durée comprise
entre 3 mois et 36 mois.
La banque commerciale joue uniquement le rôle
d'intermédiaire entre son client et la Banque d'Algérie (qui
détermine le cours à terme applicable). A ce titre, elle
perçoit une commission d'achat à terme de devises de 0,25 % du
montant en Dinars de la transaction.
2.2. L'achat à terme avec décaissement
immédiat
L'instruction 28-93 du 1er avril 1993 a fixé les
conditions et modalités de l'achat à terme avec
décaissement immédiat. Cette technique ne diffère de
l'achat à terme avec décaissement à échéance
que par le fait du décaissement des Dinars à la conclusion du
contrat, les devises sont évidemment livrées à
échéance. Ainsi, le cours appliqué pour toutes les
échéances n'est autre que celui observé le jour de
l'introduction de la demande d'achat auprès de la Banque
d'Algérie, soit le cours spot du jour.
Suite à la modification en 1994 du cadre
réglementaire régissant le commerce extérieur, la Banque
d'Algérie a procédé à l'abrogation des deux
instructions 30-9 1 et 28-93 relatives aux conditions et modalités
d'achat à terme de devises.3
3. Le marché interbancaire des
changes
1 Ce règlement définit également
la vente à terme et les options de change qui n'ont jamais
été utilisées du fait de l'absence d'une instruction
fixant les conditions et modalités de leur utilisation.
2 Le client doit déposer dès la demande
de l'achat à terme une somme qui ne peut être inférieure
à 20 % de la valeur en Dinars de la transaction.
3 Instruction 14-94 du 09 avril 1994, Banque
d'Algérie.
Après une première étape consacrant en
octobre 1994 le passage du taux de change fixe au taux de change flexible
déterminé par adjudication (libéralisation du
régime des changes) et l'élargissement de la
convertibilité du Dinar aux importations des services après
celles des marchandises (libéralisation du commerce extérieur),
la Banque d'Algérie a institué en 1995 le marché
interbancaire des changes.
3.1. Cadre réglementaire
La Banque d'Algérie a procédé à la
promulgation de textes réglementaires qui régissent le
marché de change, il s'agit notamment de :
· Le règlement 95-07 du 23 décembre 1995
modifiant et remplaçant le règlement 92-04 du 22 mars 1992
relatif au contrôle des changes ;
· Le règlement 95-08 du 23 décembre 1995
relatif au marché des changes ;
· L'instruction 78/95 du 26 décembre 1995 portant
règles relatives aux positions de change ;
· L'instruction 79/95 du 26 décembre 1995 portant
organisation et fonctionnement du marché des changes.
3.2. Organisation et fonctionnement du marché
interbancaire des changes
Le marché interbancaire des changes est un
marché entre banques et établissements financiers où sont
traitées les opérations de change (vente et achat), au comptant
et à terme, entre le Dinar et les autres devises
étrangères librement convertibles.
Le marché interbancaire des changes est ainsi le lieu de
détermination de la valeur du Dinar par le libre jeu de l'offre et de la
demande.
Les intervenants utilisent le téléphone, le
télex, le Reuter dealing ou tout autre système
électronique pour traiter des opérations en faveur de leur
clientèle ou pour améliorer la rentabilité de leur
trésorerie.
Le marché interbancaire des changes est un
marché non localisé qui fonctionne de façon continue. Les
intervenants peuvent réaliser des transactions durant tous les jours
ouvrés. Ces transactions sont traitées de gré à
gré.
Les intermédiaires agréés participant au
marché des changes sont tenus d'afficher, à titre indicatif, de
façon continue les cours de change au comptant, à l'achat et
à la vente, des devises habituellement traitées contre Dinar.
Cependant, la majorité des banques et établissements financiers
ne respectent pas cette obligation.
Selon les textes réglementaires cités ci-dessus,
le marché interbancaire des changes s'organise en deux compartiments
:
· Le marché interbancaire des changes au comptant
(spot);
· Le marché interbancaire des changes à terme
(forward).
Les intermédiaires agréés sont
autorisés, dans le cadre de la réglementation du contrôle
du commerce extérieur et des changes à :
· Vendre aux banques non-résidentes la monnaie
nationale contre des devises étrangères librement
convertibles,
· Vendre des devises étrangères librement
convertibles contre la monnaie nationale détenue dans un compte en
dinars convertibles,
· Acheter et vendre des devises étrangères
librement convertibles contre des devises étrangères librement
convertibles,
· Acheter et vendre entre intermédiaires
agrées du marché interbancaire des changes des devises librement
convertibles contre monnaie nationale.1
Les ressources en devises laissées à la
disposition des intermédiaires agréés afin d'intervenir
sur le marché sont :
· Les recettes provenant des exportations hors
hydrocarbures et produits miniers, à l'exclusion de la partie revenant
à l'exportateur conformément à la réglementation en
vigueur ;
· Les sommes provenant de tout crédit financier ou
d'emprunt en devises contracté par les intermédiaires
agréés pour leur besoin propre ou pour celui de leur
clientèle ;
· Les sommes provenant d'achats effectués sur le
marché des changes.2
Les banques peuvent faire appel à ces ressources, pour
couvrir leurs opérations courantes ou celles de leur clientèle,
à savoir :
· Le refinancement et les avances sur recettes provenant
des exportations hors hydrocarbures et produits miniers ;
· La couverture d'acomptes non finançables relatifs
aux contrats d'importation ;
· La couverture, en cash, d'importations de biens ou de
services ne bénéficiant pas de financement extérieur ;
· Le paiement des échéances de dettes
extérieures ;
· Toutes autres obligations de paiement conformes à
la réglementation.1
1 Article 7 de l'instruction 79/95 du 26
décembre 1995 portant organisation et fonctionnement du marché
des changes, Banque d'Algérie.
2 Article 4 du règlement 95-08 du 23
décembre 1995 relatif au marché des changes, Banque
d'Algérie.
3.3. La surveillance du marché interbancaire
des changes
L'instauration du marché interbancaire des changes
était accompagnée par l'introduction de normes prudentielles
relatives aux positions de change.
A ce titre, les positions de change sont
déterminées à partir des éléments suivants
:
· Les éléments d'actif et de passif
libellés en devises étrangères, y compris les
intérêts courus, à payer ou à recevoir, échus
ou non échus ;
· Les opérations de change au comptant et à
terme ;
· Les opérations d'achat et de vente de titres ainsi
que d'instruments financiers à terme libellés en devises
étrangères ;
· Les différences d'intérêts courus,
à payer ou à recevoir, échus ou non échus, relatifs
aux opérations de hors bilans ;
· Les intérêts à payer ou à
recevoir non courus relatifs à des opérations de bilan et de hors
bilan lorsqu'ils ont fait l'objet d'une opération de couverture ;
· Les garanties et engagements similaires libellés
en devises étrangères lorsqu'ils sont certains d'être
appelés ou d'être irrévocable.
Sont exclues dans le calcul des positions de change :
· Les opérations dont le risque de change est
supporté par l'Etat,
· Les positions structurelles, c'est à dire les
immobilisations corporelles et incorporelles, les titres de participation, les
titres de filiales ainsi que la dotation des succursales à
l'étranger.
Les banques et établissements financiers sont tenus de
respecter en permanence les règles prudentielles suivantes :
· Un rapport maximum de 10 % entre le montant de leur
position longue ou courte dans chaque devise étrangère et le
montant de leurs fonds propres ;
· Un rapport maximum de 30 % entre la plus
élevée des sommes des positions longues ou des positions courtes
pour l'ensemble des devises et le montant de leurs fonds
propres.2
Afin de répondre à ces obligations, les banques et
établissements financiers intervenant sur le marché interbancaire
des changes doivent disposer :
1 Article 5, op. cit.
2 Article 3 de l'instruction 78/95 du 26 décembre 1995
portant règles relatives aux positions de change, Banque
d'Algérie.
· D'un système permanent de mesure permettant
d'enregistrer immédiatement les opérations en devises et de
calculer les résultats ainsi que les positions de change globales et les
positions de change par devise étrangère ;
· D'un système de surveillance et de gestion des
risques encourus faisant apparaître les limites fixées par les
responsables autorisés et les conditions dans lesquelles ces limites
sont respectées ;
· D'un système de contrôle permanent visant
à vérifier le respect des procédures internes
nécessaires pour assurer le respect des deux dispositions
précédentes.1
Les banques et établissements financiers ont
l'obligation d'adresser quotidiennement à la Banque d'Algérie
(Direction Générale des Relations Financières
Extérieures, DGRFE) une déclaration reprenant leurs positions de
change par devise étrangère.2
Ils se doivent également d'établir
régulièrement les états statistiques suivants 3:
· Etat quotidien des transactions de change ;
· Etat des transactions de change par date
d'échéance ;
· Etat récapitulatif des opérations de change
par devises et date d'échéance ;
· Situation quotidienne de trésorerie par devise
;
· Situation périodique de trésorerie par
devise ;
· Situation quotidienne de trésorerie devise (c/v en
Dinars) ;
· Situation périodique de trésorerie devise
(c/v en Dinars).
Bien que la réglementation que nous avons citée
ci-dessus prévoit le change à terme, ce dernier n'est à ce
jour pas pratiqué par les banques. De ce fait, aucun instrument de
couverture du risque de change n'est disponible.
Dans ce qui suit, nous nous interrogeons sur le sort des
entreprises algériennes face au risque de change.