Les virus sont des organismes pathogéniques
obligatoires, ultramicroscopiques et intracellulaires. Ils sont
constitués d'un seul type d'acide nucléique (Acide
Desoxyribonucléique (ADN) ou Acide Ribonucléique (ARN)
entouré ou non d'une enveloppe protectrice de nature protéine ou
lipoprotéine appelée capsule. En effet, les virus sont capables
d'organiser leur propre réplication seulement à
l'intérieur de leur hôte (Mattews, 1991).
Environ 1600 espèces de virus ont été
isolées sur 1100 espèces d'insectes et d'acariens. Certaines
d'entre elles infectent seulement les Arthropodes et d'autres Crutacés.
Cependant, en pratique, seuls les Baculovirus sont actuellement utilisés
comme agents de lutte biologique (Dent, 1991).
· Origine
Les Baculovirus ont été découverts pour
la première fois en Asie au 1 6ème siècle dans
une sériciculture de lépidoptère Bombyx mori. Ils ont une
grande importance dans la lutte biologique contre des ravageurs des
cultures.
En matière de lutte biologique, beaucoup de travaux
ont été faits sur plusieurs espèces de
lépidoptères. Mais c'est dans l'ordre des
Hyménoptères que deux espèces de guêpes ont
été identifiées (Catopsilia thauruma Mabille et
Catopsilia versicota Saalmuller) comme espèces ayant la
capacité de conservation du pouvoir infectieux des virus. Elles ont
été identifiées comme étant respectivement à
l'origine des Baculovirus et des Cypovirus (Morel & Fouillaud, 1994).
· Morphologie, Biologie et Taxonomie des
Baculovirus
Les Baculovirus constituent un groupe de virus très
vaste. Ils ont été isolés principalement des insectes et
un peu des autres arthropodes tels que les Crutacés et les Acariens,
Arachnides (Robert et al., 1984). Différentes espèces de
Baculovirus peuvent infecter des chenilles de lépidoptère dont
certaines sont des ravageurs de culture, mais aussi
des Hyménoptères, des Diptères, des
Coléoptères et des Trichoptères. Contrairement aux autres
virus des insectes, les Baculovirus ne semblent présenter aucun risque
écologique. En effet, aucun cas d'infection n'a été
observé jusqu' aujourd'hui chez les vertébrés ou les
végétaux, que ce soit en conditions naturelles ou
expérimentales. Devauchelle & Cérutti (2000) ont
montré que les Baculovirus sont très virulents pour certaines
espèces d'insectes mais sans effets néfastes sur les
vertébrés et les végétaux. Seules les chenilles
sont touchées après l'ingestion d'aliments contaminés. Ils
sont très spécifiques à l'espèce et parasitent
seulement une seule espèce d'insectes ou quelques espèces
à l'intérieur du même genre. Cependant, il y en a un petit
nombre qui peut infecter plusieurs espèces d'insectes à la fois.
Ces virus en forme de bâtiments enveloppés, d'une longueur
d'environ 250 - 300 nm et d'un diamètre de 30 - 50 nm avec une moyenne
de 45 nm , contiennent un génome constitué d'une molécule
d'ADN bicaténaire circulaire. Ils se répliquent uniquement dans
le noyau des cellules hôtes (Cloutier & Cloutier, 1992). Leur
structure est constituée d'une nucléocapside ou coque
formée de la chaîne d'ADN circulaire enroulée en spirale de
la capside. Il faut noter que ces nucléocapsides peuvent être
regroupées en faisceau délimité par une enveloppe
lipoprotéique appelée virion. Un corps d'inclusion
(polyèdre ou granule) peut contenir plusieurs virions. Il est
formé d'une protéine du nom de polyèdrine. La
polyèdrine est une protéine structurale viro-codée qui
constitue la matrice, protège les virions contre les influences de
l'environnement et permet à ces virus de persister pendant plusieurs
années sous conditions favorables. Chez les polyèdroses
nucléaires et les granuloses, les particules virales se
développent dans une structure cristalline de nature protéique
(corps d'inclusion), permettant de conserver le facteur d'infection hors de
l'hôte. On parle dès lors de virus d'occlusion (Hunter-Fujita
et al., 1998)
Les Baculovirus se dissolvent en présence d'une
solution alcaline : c'est un caractère physiologique propre à ces
virus entomopathogènes. La famille des Baculoviridae a été
connue depuis des décennies. Selon Greathead et al. (1992)
cette famille est subdivisée en deux sous-familles :
- les Eubaculovirinae constitués de deux Genres ;
+ Le genre polyèdre nucléaire (NPV on Nuclear
Polyhedrosis Virus) regroupe les virus qui sont inclus dans des corps
protéiques de 1 à 5 appelé polyèdres (Figure 3).
Dans ce groupe, on distingue deux sous-groupes de NPV selon que les particules
se présentent à raison d'une seule nucléocapside (SNPV =
Single Nuclear Polyhedrosis Virus) tel que Bombyx mori SNPV ou de
plusieurs nucléocapsides (MNPV=Multiple Nuclear Polyhedrose virus)
à l'exemple de l'Ac MNPV isolé des
chenilles d'Autographa californica.
+ Le genre Granulose (GV ou Granulosis Virus) au niveau
duquel il y a une seule nucléocapside dans un corps d'inclusion
appelé granule à l'exemple de Granulosis Virus (GV) isolé
à partir de Plutella xylostella.
La différence entre les deux genres est que les
polyèdroses nucléaires affectent principalement les
lépidoptères et les Hyménoptères phytophages tandis
que la Granulose affecte surtout les lépidoptères.
- les Nudibaculovirinae : cette sous-famille est
constituée des Baculovirus dépourvus de corps d'inclusion pendant
tout leur cycle de développement.
Figure 3: Polyèdres de NPV
(laissés) et une section transversale d'un MNPV
Source :
www.univ-montp1.fr/biotech/Baculovirus/BaculoStructure.htm-101K.
(2004)
GP 64
Corps d'inclusion (polyèdre ou granule)
nvelope du Enveloppe du virion
Enveloppe polyédrale
Enveloppe issue
de la cellule de ADN viral
l'hôte
Nucléo
Nucléo capside
Virus bourgeonné Vi
Virus dérivé par
occlusion
Figure 4: Schéma d'un virus
bourgeonné (BV) et d'un virus dérivé par
occlusion
Source :
www.
Univmonpt1.fr/biotech/Baculovirus/BaculoSommaire.htm (2001)
(ODV)
Figure 5: Culture de cellules Spodoptera litura
infectées par un Baculovirus
Source :
www.
Univmonpt1.fr/biotech/Baculovirus/BaculoSommaire.htm (2001)
· Ecologie des Baculovirus
Les Baculovirus vivent dans différents milieux mais ne
se multiplient que lorsqu'ils se retrouvent au sein de leur hôte. Ils
sont stables dans le sol et les autres milieux protégés. Cela
leur confère une longue persistance et une durabilité utile dans
l'optique de la production de bio pesticides (Jacques, 1973 ; Fuxa, 1987). Les
corps d'inclusion restent de préférence dans les premiers
centimètres du sol. Les particules virales sont très sensibles
à conditions environnementales telles que la température, le pH
et le rayon ultra violet.
Après infection virale, des chenilles meurent puis
libèrent de nombreuses particules virales dans le sol. Ces particules
sont suffisamment importantes pour infecter d'autres individus. En effet, les
polyèdres en provenance des chenilles mortes contaminent les environs et
les feuilles inférieures des plantes ; ils constituent donc une nouvelle
source d'infection pour d'autres chenilles vivant à proximité.
Il a été constaté que 98% de corps
d'inclusion de Mamestra brassicae NPV ont disparu du sol après
une période de 12 mois (Evans et al., 1980). De même, la
persistance de l'activité des Baculovirus s'atténue avec le temps
lorsqu'ils se retrouvent dans le sol, dans l'eau et dans tout milieu qui leur
est défavorable.
· Mode d'action et cycle de réplication
Les Baculovirus utilisent plusieurs modalités pour
infecter leurs hôtes : l'ingestion, les voies ovariennes, l'infection par
contact direct. Mais, l'infection baculovirale commence par l'ingestion des
corps d'inclusion (OB) sur le régime de l'insecte hôte.
Au cours du processus d'infection dans le noyau des cellules,
ces virus forment des corps d'inclusion constitués de plusieurs
particules virales dans une matrice protéinique
composée principalement de la polyédrine,
simple polypeptide. Les polyèdres, une fois ingérés par
les larves, sont dissouts dans le suc intestinal en général
très alcalin ; les virions sont libérés puis
pénètrent dans les cellules intestinales par fusion membranaire
ou endocytose (Figure5). Après leur passage dans
l'épithélium intestinal, ces virus infectent les hémocytes
et les tissus adipeux de leur hôte où ils se multiplient.
Chez les Lépidoptères, l'infection est
normalement limitée à l'intestin. Les virus secrètent dans
le corps des larves, une sorte de protéase qui permet aux cheniiles de
s'éclater et de libérer les corps d'inclusion. Les chenilles
atteintes de maladies virales apparaissent souvent pâles et flasques.
Elles prennent la couleur brune et noire par suite d'une infection
bactérienne. Dans certains cas, les virus liquéfient les corps
gras, entraînant une turgescence de la larve suivie de sa mort (Meynadier
et al., 1993) 5 à 14 jours après l' infection. Chez les
Lépidoptères, la majorité des cellules du corps de la
chenille infectée est finalement envahies par le virus. Les particules
virales forment 30% du poids sec des larves malades à la fin du
processus d'infection (Programme Natura/Nectar, 1996).
Après la mort de l'insecte, les corps d'inclusion
très résistants sont disséminés dans la nature pour
réinitier une autre infection après libération des
particules virales qu'ils contiennent. Les polyèdres représentent
principalement la forme d'infection de larve à larve à
l'intérieur de l'insecte alors que les virions sont transmis de cellule
à cellule par exocytose (Cloutier & cloutier, 1992).
Chez les Baculovirus, il existe la synthèse biphasique
de deux particules différentes de virus : les particules virales
extracellulaires issues du bourgeonnement de la cellule et les particules
virales incluses dans les polyèdres. Les Virus Bourgeonnés (BV)
contiennent généralement une seule nucléocapside simple,
tandis que les Virus Dérivés par Occlusion (ODV) en contiennent
plusieurs (Figure 6). Les nucléocapsides bourgeonnent dehors par le mur
de cellules qui est préalablement modifié par l'addition de la
protéine virale GP 64. Les ODV sont produits au cours de la
dernière étape de l'infection virale (Fuxa, 1987). Ils sont
enveloppés d'un corps protéique
· Transmission et importance des
Baculovirus
La transmission peut être divisée en deux
grandes catégories selon la manière dont le pathogène est
introduit dans la population hôte. La transmission est dite horizontale
lorsque le pathogène passe d'un individu à un autre sans que cela
ne soit de parent à descendant direct (Canning, 1982). Cette
transmission peut avoir lieu dans une même génération ou
d'une
génération à une autre et ne
dépend pas de la voie d'entrée. La transmission est dite
verticale lorsqu'il y a un transfert direct du pathogène de l'organisme
d'un parent vers sa descendance (Fine, 1975). Cette transmission permet le
transfert du pathogène d'une génération à une
autre. Elle est aussi appelée transmission congénitale,
parentale, héréditaire ou transovariale.
Chez les Baculovirus, la transmission horizontale est de loin
la plus fréquente (Kelly, 1981), et la voie d'entrée dominante
est la bouche. La transmission orale se fait par ingestion d'aliments ou de
matières fécales contaminées par les virus, mais cela peut
aussi avoir lieu lorsque des individus se nourrissent directement des cadavres
infectés suite à un cannibalisme des hôtes infectés
(Tanada, 1964). Il faut noter que le phénomène de cannibalisme
est très prononcé chez Maruca vitrata en cas
d'insuffisance alimentaire.
Les Baculovirus peuvent aussi être transmis directement
par les téguments, par l'ovipositeur d'Hyménoptère.
L'inoculation de l'hôte sain se fait directement dans l'hémocoele
par un ovipositeur contaminé. Les parasitoïdes peuvent aussi
transporter mécaniquement le virus sur le corps d'un hôte sain, et
l'entrée se fait par ingestion (Raimo et al., 1977 ). La
contamination initiale du parasitoïde adulte résulte
fréquemment de l'oviposition dans un hôte malade mais peut aussi
se produire lorsque le parasitoïde a réussi à se
développer dans une chenille d'hôte malade (Vail, 1981).
Membrane péri trophique
Intestin
pH alcalin
Ingestion des polyèdres
Post-intestin
Pré-Intestin
Dissolution des polyèdres pour libérer les
virions: Rupture de la membrane péri trophique
Polyèdres à virions enveloppés
Membrane péri-trophique
Cellules intestinales
Figure 6 : Diagramme montrant le cycle
d'infection d'un insecte hôte par le NPV Source
:www.univ-montp 1 .fr/biotech/Baculovirus/BaculoStructure.htm- 101K
(2004) .
Réplication
Réplication
Virus bourgeonné
Précoce
Tardif
Dissémination
Polyèdres dissous: migration et fusion des virions
à la membrane des cellules intestinales
Virus bourgeonné
Dissémination
Virus inclus
Lyse cellulaire
Figure 7 : Cycle de réplication des
Baculovirus
Source :
www.univ-montp1.fr/biotech/Baculovirus/BaculoStructure.htm-101K.
(2004)
· Importance et limite des Baculovirus dans la
lutte biologique
Les Baculovirus ont présenté depuis longtemps
un grand intérêt dans la lutte contre les ravageurs des plantes.
Ils causent souvent des épizooties, exterminant presque des populations
entières de chenilles et des insectes, généralement
à la fin de la saison de croissance. Ces maladies sont relativement
spécifiques à un nombre limité d'espèces
d'hôtes potentiels (Dent, 1991).
Ces virus peuvent aussi rapidement causer la mortalité
dans les 4 à 6 jours qui suivent l'infection selon la dose, la
concentration et l'isolat du virus.
Les Baculovirus sont des virus exclusivement
pathogènes d'invertébrés, en particulier les insectes,
mais bénins pour les vertébrées. Les différents
tests exécutés par Possée et al. (1993) ont
attesté la non toxicité des Baculovirus pour les
mammifères et même les formes recombinées. Plus de 3000
espèces d'insectes ont été contrôlées par le
virus. Le mode d'action hautement spécifique et unique, la
spécificité de l'hôte, font des Baculovirus une forme de
lutte séduisante pour les agriculteurs, et cadre bien avec les
programmes de lutte intégrée. Ils constituent des agents
sécuritaires du point de vue de la santé des
vertébrés et
entraînent des impacts environnementaux très
négligeables.
Les caractéristiques principales des biopesticides
à base de Baculovirus sont : la spécificité, la haute
virulence, la rapidité d'action et le niveau raisonnable de persistance
dans l'environnement. (Dent, 1991).
Les problèmes liés au développement de
ces biopesticides sont les suivants : leur spectre d'action étroit, la
lenteur de leur action par rapport aux insecticides chimiques, l'importance de
programmation du traitement, la persistance limitée au champs, la
sensibilité au rayonnement solaire et au PH plus élevé du
feuillage. La durée de vie des Baculovirus est limitée par
rapport aux insecticides chimiques. Leur rémanence est affectée
par les radiations ultraviolettes. Les NPV et GV deviennent inactifs
après quelques heures d'exposition au rayonnement solaire (Franz, 1971).
Les rayons UV dénaturent les molécules d'ADN, ce qui bloque la
réplication de l'ADN.
Le coût de production de ces agents constitue un frein
à son développement, du fait qu'ils doivent être produits
in vivo dans des cultures de cellules d'insectes ; ce qui nécessite un
dispositif de culture cellulaire assez complexe. Le marché pourrait donc
être assez limité à cause de la spécificité
de la cible pour les Baculovirus et du nombre restreint d'espèces
d'insectes ravageurs pour lesquelles ils sont pathogènes.