L'Etat, l'UEMOA et la souveraineté fiscale: la cession partielle de souveraineté( Télécharger le fichier original )par Dit Justin Wenyaoda Yaméogo Ecole Nationale des Régies Financières - Diplôme Superieur d'Administrateur des Services Financiers 2008 |
Paragraphe 2 : Les règles de compétence en matière de tarif extérieur commun74. Le Traité de Dakar accorde à l'Union une compétence exclusive en matière de TEC (A) et lui permet de prélever une partie des recettes provenant de ce TEC (prélèvement communautaire de solidarité) en vue d'assurer son fonctionnement (B). A- Le principe de la compétence exclusive de l'Union en matière de tarif extérieur commun (TEC) 75. Le fondement juridique de cette compétence exclusive est posé par les articles 4-c, 76-b, 82, 84, et 85 du Traité UEMOA. Ces articles sont complétés par et les directives et les règlements pris pour leur application42(*). 76. Selon l'article 82 du Traité, la politique commerciale relève de la compétence exclusive de l'Union. Elle adopte ainsi, entre autres, les règles relatives au TEC. Le règlement N°02/97 sur le tarif extérieur commun a été adopté à cet effet. L'instauration du TEC et de l'ensemble des dispositifs d'accompagnement s'est donc faite par règlement. Cette méthode est logique. En effet, pour harmoniser les législations nationales, l'Union dispose deux instruments. Les directives et les règlements. Le recours au règlement en matière douanière notamment en ce qui concerne la politique douanière à l'égard des Etats tiers, traduit la volonté des Etats membres de transférer intégralement leurs compétences en la matière aux organes de l'Union43(*). En effet le règlement est en quelque sorte une loi communautaire. Il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les Etats membres nonobstant toute disposition nationale contraire44(*). Il n'a pas besoin de mesures intérieures de réception pour s'appliquer45(*). On peut donc conclure que les Etats membres perdent toute compétence en matière douanière dans leurs relations avec les Etats tiers. Ainsi, aucune loi, aucun arrêté ou instruction administrative ne peut aller à l'encontre des dispositions communautaires, sans ouvrir au profit de la commission ou des autres Etats, des actions visant à contraindre l'Etat fautif à respecter les dispositions communautaires. 77. Pour ce qui est particulièrement des accords commerciaux, la Cour de Justice de l'UEMOA (CJ UEMOA) dans son avis N°002/2000 relatif à l'interprétation de l'article 84 du Traité46(*) a conclu que l'emplois du terme « des accords commerciaux » au lieu de « les accords commerciaux » ne saurait être interprété comme laissant subsister, à coté de celui de l'Union, un champ de compétence des Etats membres qui devront conformer les accords qu'ils auront à conclure à la politique commerciale commune47(*). Selon la CJ UEMOA, la politique commerciale commune, tant intérieure qu'extérieure de l'Union relève de la compétence exclusive de cette dernière. Par conséquent, seule l'Union, représentée par la commission, est habilitée à négocier et à conclure avec des Etats tiers, les accords relatifs au tarif extérieur48(*). En plus de la compétence exclusive en matière de TEC, le Traité institue prélèvement communautaire de solidarité au profit du budget de l'Union. B- Le prélèvement communautaire de solidarité, prémices d'une souveraineté fiscale propre de l'Union. 78. Le Traité, en vue de garantir l'autonomie financière de l'Union, lui a conféré des ressources propres constitués notamment d'une fraction du tarif extérieur commun : c'est le prélèvement communautaire de solidarité (PCS). 79. Le prélèvement communautaire de solidarité49(*) constitue un véritable impôt communautaire au sens strict du terme, puisqu'il est prévu par des textes d'origine communautaire et perçus au profit du budget communautaire. Ceci pose la question de la souveraineté fiscale propre de l'Union prise en tant qu'institution hybride à mi-chemin entre un Etat fédéral et une organisation internationale. Elle pose particulièrement la question de la confrontation entre la souveraineté fiscale de l'Union et celle des Etats membres. Cette confrontation est suffisamment importante puisque le Traité permet même à l'Union d'instituer des taxes additionnelles. Conformément au Traité, les projets de taxes additionnelles doivent être adoptés par le conseil à la majorité des deux tiers (2/3) et ceux après consultation du parlement de l'Union. Il est donc possible qu'un projet de taxes additionnelles soit adopté par l'Union malgré l'opposition d'un Etat alors que la taxe en question devrait s'appliquer dans ce dernier Etat. Dans la mesure où l'Union ne dispose pas de services fiscaux, cette hypothèse peut conduire à certaines difficultés, malgré le fait que l'article 7 interdise aux Etats de faire obstacle à l'application du Traité. 80. Cependant, le développement de la compétence fiscale communautaire serait louable selon certains auteurs. Pour Bernard CASTAGNEDE par exemple, la création d'impôts communautaires est un signe d'avancement de l'intégration. Elle se justifie politiquement par la nécessité de marquer plus fortement les liens symboliques d'appartenance à une même communauté, économiquement par la nécessité de financer des chantiers à dimension communautaire et techniquement par le besoin de promouvoir la neutralité du facteur fiscal de la décision d'implantation50(*). Le prélèvement communautaire apparaît donc comme une source de souveraineté fiscale. Elle est constituée d'une fraction du TEC qui s'applique sur les produits provenant des Etats tiers dont le régime fiscal diffère de celui des produits originaires. * 42 On peut citer le règlement 02/97/CM/UEMOA. * 43 Article 76 et 82 du Traité. * 44 Article 6 et 42 du Traité * 45 V. Issac Guy, Droit communautaire général, 6èmr édition, Paris, A. Colin 1998 * 46 L'article 84 est stipulé comme suite : L'Union conclut des accords internationaux dans le cadre de la politique commerciale commune... * 47 Avis N°002/2000 du 16/02/2000 sur l'interprétation de l'article 84 du Traité UEMOA rendu par la CJ UEMOA V. Recueil de jurisprudence de la Cour, volume 1, P.111 * 48 Pour V. Zakané, dans, l'adoption et la mise en oeuvre de la politique commerciale commune devrait se faire en deux étapes. Voyez V. Zakané, Droit du commerce international, Précis de Droit burkinabé P. 146 * 49 Les prélèvements communautaires de solidarité (PCS) constituent la principale source de recettes propres. Le budget 2006 par exemple ne prévoit pas aucun montant dans la ligne budgétaire consacrée à ces fractions fraction d'impôts indirects * 50 V. Bernard CASTAGNEDE, souveraineté fiscale et construction européenne. RFFP N° 58. |
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