Réformes macroéconomique et intégration par le marché dans la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Michel Dieudonné MIGNAMISSI Université Yaoundé II - DEA 2008 |
2.2.2. Les goulots à l'atteinte des objectifs d'intégrationLes ambitions en Zone CEMAC sont grandes ; les résolutions adoptées et les réaménagements apportés lors des dernières Conférences des chefs d'Etat en sont quelques illustrations. Mais une vision rétrospective dévoile une conclusion récurrente, à savoir des réaménagements institutionnels sans résultats probants. Cela prêterait à croire qu'il s'agit d'un problème structurel. Ainsi, en juin 2005, un Conseil Extraordinaire des Ministres a été réuni pour faire le point sur la non application des textes par les Etats Membres. Ceci a débouché sur un constat d'échec. Il en ressort que le champ des décisions non appliquées couvre un large spectre des instruments d'intégration dont se sont dotés les Etats. L'extrait suivant (tableau 1) du rapport-bilan établi par le Secrétariat Exécutif résume une situation préoccupante (CEMAC, 2006b).
Le statisme observé pendant la période l'UDEAC semble porter un effet d'« hystérèse »59(*) dans le processus d'intégration en Zone CEMAC : en plus du manque ou du retard dans l'application des décisions, s'ajoutent la multitude d'accords auxquels font face les pays. On pourrait prioritairement citer la coexistence de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC)60(*) qui se veut non seulement plus large et plus englobante dans la grande Afrique centrale, mais qui n'est pas très différente de la CEMAC vue ses missions, ses institutions et ses projets. La CEEAC ne viendra redynamiser le processus d'intégration en Afrique centrale que s'il n'existe pas de conflits d'objectifs ou de projets. Surtout les pays de la CEMAC doivent jouer un véritable rôle de meneurs et doivent servir d'exemple, vu leur expérience en matière d'intégration. Ensuite, il est noté au sein de la Zone CEMAC un comportement hostile des populations. En effet, certains pays ayant connu des performances macro-économiques ne cessent d'attirer les populations voisines souvent à la recherche d'emploi, provoquant de temps en temps des actes de xénophobie. L'exemple équato-guinéen est patent sur cet aspect lorsque plusieurs camerounais ont été expulsés tout récemment. La population devrait plutôt jouer un rôle intégrateur important dans la zone, car de tels actes xénophobes pourraient limiter le critère de mobilité des facteurs, entraîner des réticences pour l'intégration par le marché et encourager au final le commerce informel. Reste enfin le problème des infrastructures. La densité du réseau routier en Zone CEMAC est relativement basse, comparativement à l'UE et surtout à l'UEMOA ou presque toutes les capitales sont reliées par des axes lourds. Par exemple, il faut en moyenne 7 à 10 jours pour rallier Douala à Bangui (1450 km seulement), avec près d'une vingtaine de points de contrôle (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes, municipalités). Cet important « effet frontière infrastructurel » ou cette faiblesse du « capital spatial » se trouve être un goulot à la circulation des facteurs. Le capital spatial ainsi énoncé se définit comme « la somme des capacités productives localisées qui concourent à accroître la productivité des autres facteurs de production ». Il est constitué des facteurs de croissance (communications, services à la production) localisés dans l'espace et générateurs d'externalités d'agglomération (coûts de transaction, effets de taille de marché, externalités de connaissances). Ainsi le capital spatial reste à construire au sein de la zone : le réseau routier principal de la CEMAC a une longueur de 57858 km dont 12% seulement sont des routes bitumées. Pour l'ensemble de la région, la densité routière pour les routes bitumées est de 0,24. Sur les détails, le Cameroun possède à lui tout seul plus de 45% du réseau routier avec seulement 15% de routes bitumées et 20% pour le Congo. Les densités des routes bitumées sont de 0,85 pour le Cameroun, de 0,29 pour le Congo, de 0,23 pour le Gabon, de 0,11 pour la RCA et de 0,03 pour le Tchad. Les voies ferrées ne sont pas interconnectées et lorsqu'elles existent, elles ne sont qu'a vocation national (Transcamerounais, Transgabonais, etc. généralement vétustes) et datent pour l'essentiel de la période coloniale. Le transport aérien intra-régional, qui est un indicateur du niveau de l'intégration reste encore non effectif. Il est généralement plus facile et rapide de passer par Paris, Bruxelles ou Johannesburg que de relier deux villes d'Afrique centrale. Mais réuni à Yaoundé le 21 juin 1993, et toujours dans le but de relancer l'intégration sous l'ère CEMAC, les pays adoptent un réseau d'itinéraires de transits dits «axes structurants», avec pour objectif le renforcement de l'intégration réelle. Les travaux sur certains projets sont déjà livrés : c'est le cas de la route Bertoua-Garoua Boulai (2476 km) qui assurent la liaison du Cameroun au Tchad et de la route Yaoundé-Ambam qui doit permettre de relier le Cameroun au Gabon et à la Guinée équatoriale61(*). Sur le plan téléphonique, le Cameroun disposait de 16,1 lignes fixes et mobiles pour mille personnes en l'an 2000, la Guinée équatoriale 24,5, le Congo 31,3 et le Gabon 129 lignes. Il convient de noter que ces niveaux observés ne sont pas encore en mesure de faciliter fondamentalement l'intégration sous-régionale. En ce qui concerne l'utilisation du réseau Internet, le Cameroun en l'an 2000 avec près de 40 000 utilisateurs devance le Gabon (15 000), le Tchad (3 000), la RCA (2 000), le Congo (800) et la Guinée équatoriale (700). On note à ce niveau des évolutions sensibles : 60 000 en 2002 au Cameroun, 6 000 en 2003 en RCA, 15 000 en 2002 au Tchad, 15 000 en 2003 au Congo, 1 800 en 2002 en Guinée Equatoriale et 35 000 en 2003 au Gabon (World Bank Africa Data Base, 2005). Sur le plan énergétique, il existe encore des discordes malgré de faibles capacités. C'est ainsi que l'on note l'absence du Cameroun62(*) dans le Pool Energétique de l'Afrique centrale créé le 12 avril 2003 et qui regroupe le Gabon, la RCA, la RDC, la Guinée équatoriale, São Tomé et Principe, le Congo et le Tchad. * 59 C'est la propagation persistante des signaux d'un phénomène dans le temps. * 60 C'est une Communauté qui découle du Plan d'Action de Lagos d'avril 1980 et qui regroupe, en plus des six pays de la CEMAC, la République Démocratique du Congo (RDC), l'Angola, le Rwanda, le Burundi, et Saõ Tomé et Principe. Instituée par un Traité signé le 20 octobre 1983 à Libreville et entrée en vigueur le 18 décembre 1984, la CEEAC a pour principale mission de conduire le processus de coopération et d'intégration en Afrique Centrale. Quatre domaines sont privilégiés : l'intégration humaine ; le développement des capacités d'analyse, d'action, d'intervention, d'initiatives entrepreunariales, de communication et de négociations collectives ; le développement de l'intégration physique, économique et monétaire ; le développement des capacités de maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité. Les priorités de la CEEAC sont la promotion de la paix (Conseil de Paix, de Sécurité et de stabilité de l'Afrique centrale (COPAX)), et d'un pool énergétique (Pool Energétique de l'Afrique centrale (PEAC) créé le 2 Avril 2003 à Brazzaville). Source : site de la CEEAC. * 61 Source : http://www.cameroon-info.net/cmi_show_news.php?id=16428. * 62 Ce pays avec la RDC regorgent un important potentiel énergétique avec près de 800 MW. Malheureusement, ce potentiel est insuffisamment exploité et se dégrade rapidement. |
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