INTRODUCTION / PROBLEMATIQUE
La grave crise du développement que connaît le
continent africain se manifeste à quatre niveaux essentiels à
savoir la détérioration des indicateurs macro économiques,
la désintégration des structures de production et la
dégradation des infrastructures, la détérioration des
conditions d'existence et du bien-être social des populations et la
dégradation des ressources naturelles et de l'environnement (LO et
TOURE, 2005). La prise de conscience des dommages causés par la
pollution du milieu naturel a contraint les autorités politiques et
législatives des pays industrialisés à développer
des réglementations pour protéger l'environnement et à
réviser les règlementations existantes. Toutes fois, ces
dernières années, il s'est produit dans le monde entier mais
surtout dans de nombreux pays d'Afrique, une croissance démographique
spectaculaire qui s'est accompagnée d'une urbanisation intensive, du
développement des activités industrielles et d'une exploitation
accrue des terres cultivables (FAO, 1993).
Parmi les cultures de rente, le coton est à
l'état actuel une activité stratégique, un des poumons de
l'économie de nos pays et à ce titre, elle reste incontournable
dans la plupart des politiques de développement. D'après CSAO
(2005), elle est la première source de devises pour certains pays de
l'Afrique de l'Ouest et du centre. En effet en 2003, elle représente 51%
des recettes totales d'exportation du Burkina Faso, 37% du Bénin, 30% du
Tchad et 25% du Mali. Ces exportations représentaient près de 70%
des exportations agricoles du Burkina Faso et du Bénin et 60% du Mali et
du Tchad. Les zones cotonnières varient régulièrement en
Afrique de l'Ouest en fonction des facteurs climatiques, de la présence
de l'eau et de la fertilité des terres.
Au Burkina Faso, elles se sont déplacées de la
partie située au nord des régions centrales vers le sud et le
sud-ouest du pays en raison de la dégradation des conditions
environnementales et de l'épuisement des sols.
Dans la région de l'Est cette relance s'est faite au
début des années 1990 après deux décennies
d'abandon (PICOFA, 2003) et a été affichée comme objectif
majeur avec le PDRI (SCHWARTZ, 1997a). Les énormes potentialités
faunique, floristique et hydraulique confère à l'Est une
caractéristique éco systémique particulière ce qui
lui offre des perspectives certaines pour amorcer son développement
socio-économique (DRED-E, 2004). Depuis la réintroduction de la
spéculation dans la zone, elle est en pleine expansion. Cette expansion
inquiète les acteurs du développement au sujet des risques
éventuels dommageables pour l'environnement. En effet, la recherche
galopante et perpétuelle de nouvelles terres, l'accroissement de
l'utilisation des pesticides contre les maladies causées par les
ravageurs et pour lutter contre les mauvaises herbes, l'appauvrissement des
sols, et l'accélération du front de colonisations
inhérentes aux fortes migrations sont susceptibles de remettre en cause
la politique de développement durable dans la région (CLARCK,
1997; SCHWARTZ, 1997b; PICOFA, 2003). Par ailleurs, dans cette même
dynamique TERSIGUEL (1992) fait constaté que l'évolution
écologique du nord du pays conduit l'observateur sur les
dégradations irréversibles du milieu dans les régions
sahéliennes et à réfléchir sur les
stratégies observées en matière de protection de
l'environnement dans les régions non encore dégradées au
sud et à l'Ouest du pays. SPACK (1997) dans une étude sur la
stratégie de gestion durable des terroirs villageois du Gourma,
évoquait la forte dégradation des ressources naturelles dans la
région
de l'Est et la liait à trois facteurs principaux qui
sont d'ordre climatique, démographique et des techniques culturales et
pastorales d'exploitation. Aussi, OUATTARA et al. (2006) ont
montré que dans la province de la Kompienga, la destruction des
formations naturelles a été en moyenne de l'ordre de
1600km2 en 15 ans, ce qui correspond à une réduction
annuelle moyenne de 106km2. Ainsi, donc la problématique
environnementale de la culture de coton dans cette région se pose en
termes d'impacts des systèmes et mode de production de cette
spéculation sur les écosystèmes. Quoiqu'elle soit
affichée comme choix stratégique de développement, la
protection des ressources naturelles n'en demeure pas moins une obligation
à laquelle aucun programme de développement ne peut se
soustraire.
Dans l'optique d'améliorer les rendements et de
prévenir les attaques parasitaires sur le cotonnier, la méthode
chimique est actuellement dominante par l'épandage sous forme de produit
concentré émulsifiable. Parmi ces insecticides et herbicides, des
représentants extrêmement dangereux ou très polluant
appartenant à la famille des organochlorés et
organophosphorés sont encore largement utilisés dans le monde
(KUMAR, 1991). De même INERA (2000) signale que les substances actives
utilisées jusqu'en 1998 au Burkina Faso sont classées pour la
plupart dans la classe de toxicité Ib (très dangereux) de la FAO
car ayant une DL50 orale comprise entre 20 et 200mg/Kg. MARA et al.
(1995) indiquent que les pesticides ont certaines propriétés
telles la persistance, la volatilité et la bioaccumulation dans les
chaînes alimentaires qui, conjugué à l'action des
éléments naturels font qu'ils peuvent avoir des
répercussions importantes sur l'environnement, même à des
endroits très éloignés de leur lieu d'épandage.
S'il apparaît aisé de mesurer avec précision le
paramètre extension des superficies emblavées lors de
l'évaluation des impacts de la culture de coton quoiqu'il faille
apporter des nuances (SOMDA et al., 2006), les autres
paramètres de pollution (chimique, organique) sont complexes à
établir dans les matrices écologiques. Sur le plan international
et national une abondante littérature existe et traite de la
contamination environnementale par les pesticides du cotonnier. Des auteurs
(SAVADOGO et al., 2006 ; CISSE et al., 2004 ; ILLA, 2003;
NEBIE et al., 2002 ; SUNDAY, 1990; OKANNA, 1985 ; SAAD et
al., 1985) ont pu détecté la présence des
substances d'hydrocarbure chloré (CLHC) dans les matrices
écologiques à savoir l'eau, le sol, la faune et la flore la flore
à des concentrations importantes. Or ces substances, en raison de leur
toxicité, de leurs effets écologiques et des risques
toxicologiques peuvent engendrer des évènements catastrophiques
(FAO, 1993; LE CLECH, 1998).
Cependant, concernant la région de l'Est en
général et la province de la Kompienga en particulier, à
notre connaissance, des études formelles et ciblées des impacts
et risques environnementaux de la culture de coton sont quasiment existant. Or,
il importe de connaître les conséquences réelles et
potentielles de ces impacts et risques sur les écosystèmes. En
effet, la connaissance de l'état actuel de l'environnement et des
problèmes y relatifs s'avère indispensable et devrait constituer
un préalable aux processus décisionnels et aux mécanismes
opérationnels en matière de préservation et de gestion
durable de l'environnement (MECV, 2004). C'est dans cette optique de culture de
coton et d'exploitation durable des ressources naturelles que s'inscrit la
présente étude.
L'objectif global visé est alors de faire un diagnostic
des impacts et des risques environnementaux de la culture cotonnière en
rapport avec la préservation durable de la biodiversité de la
région de l'Est.
Outre l'objectif global, les objectifs spécifiques
poursuivis sont :
(i) d'identifier les mécanismes contextuels de
dégradation des ressources naturelles,
(ii) de répertorier les éléments vecteurs
de sources de pollution,
(iii) d'évaluer les niveaux de perception des
problèmes environnementaux par les producteurs et les actions
endogènes pour la protection de l'environnement et
(iv) d'évaluer les répercussions environnementales
potentielles de la culture cotonnière sur les ressources naturelles
de la région.
Le présent rapport est structuré en trois
parties. La première traite de la revue bibliographique, la seconde de
la méthodologie de recherche, la troisième partie des
résultats et discussion et enfin la conclusion et perspectives.
Première Partie : REVUE DE LITTERATURE
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