La problématique du contrôle de l'Etat sur les collectivités territoriales décentralisées au regard de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996( Télécharger le fichier original )par John Richard KEUDJEU DE KEUDJEU Université de Douala Cameroun - DEA 2008 |
Paragraphe 2 : Les prérogatives constitutionnelles du représentant del'Etat dans les collectivités locales
Rappelons que le gouverneur et le préfet sont les représentants de l'Etat dans les collectivités locales. En effet, le gouverneur est le délégué de l'Etat dans la région tandis que le préfet est le représentant de l'Etat dans les communes232(*). Ainsi, nous ferons état de leurs misions (A) et des pouvoir qui leurs sont attribués (B). A) Les missions du représentant de l'Etat Ces missions dénotent des obligations du représentant de l'Etat (1), desquelles l'on en déduira les implications qui en découlent (2) 1) Les obligations du représentant de l'Etat
Suivant l'article 58 de la Constitution, un délégué nommé par le Président de la République représente l'Etat. A ce titre, il a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du respect des lois et règlements et du maintien de l'ordre public ; il supervise et coordonne sous l'autorité du gouvernement, les services des administrations civiles de l'Etat dans la région. De même, il assure la tutelle sur cette dernière. Or, au sens de l'article 67 de loi d'orientation de la décentralisation, le gouverneur est le délégué de l'Etat dans la région et le préfet assure la tutelle sur les communes. Donc, c'est à eux qu'incombent ces charges.
2) Les implications de ces missions Ces implications découlent des missions assignées au délégué de l'Etat dans la collectivité locale. Ainsi : - la charge des intérêts nationaux implique la préservation desdits intérêts, par conséquent, si l'Etat est en cause, c'est son délégué dans la collectivité qui doit intervenir ; - le respect des lois et règlements englobe toute la légalité administrative. Ainsi, tout acte contraire à un règlement pris, sera contraire à la loi. Le respect des lois et règlements implique en premier lieu que lorsqu'il s'avère nécessaire de prendre des mesures réglementaires ou individuelles pour assurer le respect de la législation dans le territoire d'une collectivité locale, ces mesures soient prises par le délégué de l'Etat. Ce respect implique en second lieu que le délégué de l'Etat veille à ce que dans sa circonscription, les lois et règlements soient exécutés aussi bien par les services de la collectivité que ceux de l'Etat ; - le maintien de l'ordre quant à lui implique la préservation de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publique dans la collectivité locale par le représentant de l'Etat : - La supervision et la coordination des administrations civiles de l'Etat consistent pour le délégué de l'Etat à s'assurer de la bonne marche de celles-ci, par des discussions sur le terrain, la tenue des réunions de coordinations, l'édiction des instructions et des directives à l'intention de ses collaborateurs pour assurer la bonne marche de ses services. Elles consistent enfin pour le délégué de l'Etat à résoudre des conflits de compétences qui peuvent survenir entre les responsables de même service ou de services différents. La réalisation de ces missions exige des pouvoirs équivalents à la charge du représentant de l'Etat. B) Les pouvoirs attribués au représentant de l'Etat. Les prérogatives dont jouit le représentant de l'Etat dans la collectivité tiennent compte de la nature de la charge qui lui incombe. Ayant la charge du contrôle administratif, il jouit d'un droit de regard sur les actes des agents de l'Etat dans les collectivités locales. A ce titre, il jouit d'un pouvoir d'approbation, de suspension, d'annulation de leurs actes et d'une substitution d'action233(*). Le représentant de l'Etat dans la collectivité locale ayant aussi la charge du contrôle de tutelle, il se doit de s'assurer de la légalité, voire de l'opportunité des actes des organes locaux. Ainsi, « il doit pouvoir [...] s'opposer à des actes qui, sans être contraires à des textes formels mettent en péril les intérêts nationaux »234(*). Le contrôle de tutelle permet aussi de pouvoir s'opposer aux comportements contraires à la loi et d'exercer, au besoin un pouvoir disciplinaire sur les organes locaux235(*). Lequel pouvoir est toujours à déplorer, car reflétant le pouvoir hiérarchique. C'est en sens que M. FINKEM soulignait déjà que « les pouvoirs de tutelle sur le fonctionnement des communes sont d'une ampleur qui annihile presque toute possibilité d'initiative locale »236(*). Outre ces limites dues aux prérogatives du représentant de l'Etat, il faut préciser que : les collectivités territoriales n'ayant pas la compétence de leur compétence, leur compétence rationae materiae reste inévitablement limitée. Elles n'ont de ce fait que celles qui leurs sont reconnues par l'Etat, des moyens d'action, des ressources et des compétences que ceux que l'Etat leur concède. D'ailleurs l'Etat est chargé par la Constitution de veiller au développement harmonieux de toutes les collectivités locales sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et de l'équilibre interrégional237(*). Au-delà de ces limites, les entraves à la libre administration des collectivités locales trouvent leur fondement dans la survivance d'un contrôle de tutelle fort. * 232 Art. 67, Loi n° 2004-17 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation * 233 Cf. les articles 46 à 57 et 94 à 108, loi n°2004-18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes ; de même que les articles 48 à 59 et 72 à 82, Loi n° 2004-19 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions. * 234 LUCHAIRE (F.), « les fondements constitutionnels de la décentralisation », Cité par GUIMDO D. (B.-R.), « Constitution et décentralisation au Cameroun depuis la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996», in Revue juridique et politique des Etats francophones, n°2, Avril - Juin 2005,p. 227 * 235 Ibid * 236 FINKEM (M.), Commune et gestion municipale au Cameroun : Institutions municipales, Finances et budget, Gestion locale, Interventions municipales, Yaoundé, Presse du Groupe Saint François, 1996, p.104 * 237 Art. 58, Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 |
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