II.1 Le milieu humain
La «poche de Dialakoto» abrite sept terroirs
villageois de différente importance. Six d'entre eux sont
disposés le long de l'axe routier de la Nationale 7
(Wassadou-dépôt, Wassadou village, Damantan, Dialakoto, Dar salam
et Nioufaye), alors qu'un seul se trouve à l'intérieur des terres
(Laboya). La présence de ces villages sur le site résulte de
plusieurs facteurs (historiques, économiques, politiques).
II.1.1 Historique du peuplement
L'installation humaine dans la zone est à l'image de
celle de l'ensemble de la région de la haute et moyenne Gambie. Elle
s'est également faite par plusieurs vagues migratoires durant plusieurs
siècles. Les premiers occupants seraient arrivés dès le 10
ème siècle, ce sont essentiellement les Bassari, les Bédik
et les Cognagui qui constituent de ce fait les plus anciens mais par contre les
plus minoritaires. A la suite vinrent les Peul et le groupe mandé
très diversifié entre le 13 ème et le 15 ème
siècle. Le groupe mandé est constitué de plusieurs ethnies
telles que les Tandanké, les lMandingue, les Diakhanké, les
Malinké...
Cependant, la présence humaine dans cette
périphérie nord du PNNK résulte en plus de facteurs
historiques (fondation de villages par des vagues de migrants), mais surtout de
facteurs économiques (hameaux de cultures) et politiques
(déguerpissement).
En ce qui concerne les sept villages de la «poche
», on peut noter que Dialakoto est le plus ancien. Sa création
remonterait selon les anciens à plus de trois siècles à
partir de la Casamance par les Mandingue. Ensuite ce furent les villages de Dar
salam et Nioufaye qui ont été respectivement crées vers
1900 et 1890, c'est-à-dire il y' a un siècle, ici aussi, par les
Mandingue. Cependant la création de Wassadou-dépôt
répondait à un critère économique. Elle s'est faite
en 1916 grâce à l'installation, par un Européen, d'une
unité industrielle d'exploitation du sisal sur le site actuel du
village. C'est donc un village de travailleurs provenant essentiellement de
Wassadou village mais qui sont finalement restés sur leur lieu de
travail, d 'où le qualificatif de «dépôt» qui
renvoi au site de l'unité industrielle en question. Le peuplement de
Wassadou -dépôt s'est donc fait au détriment du village
d'origine (Wassadou village) qui n'est aujourd'hui qu'un petit hameau de
quelques cases.
Le village de Laboya fut créé, lui aussi, en
1977 dans un contexte économique. Mais il s'agit ici de l'agriculture
qui constituait la motivation principale. Il s'agit d'un ancien hameau de
culture devenu village en faveur de l'installation en 1980 d'un
périmètre de bananeraies par l'OFADEC. Son peuplement s'est fait
à partir de Soucouto (Médinacouta), un quartier excentré
de Dialakoto qui a été fondé en 1946 par des vagues de
migrants Peuls et Diakhankés venus de la République de
Guinée.
L'établissement du village de Damantan remonte
à une date beaucoup plus récente et résulte d'une
contrainte politique. Elle s'est faite en 1972 à la suite du
déguerpissement des villages installés dans le Parc. Il a
gardé son nom, d'origine mandingue, ce qui a contribué à
augmenter la densité de la population dans la « poche ».
II.1.2 Composition ethnique
Sur le plan ethnique le groupe mandingue (Tandanké,
Bambara...) et les Peul sont majoritaires suivis des Diakhanké, des
Bassari et des Cognagui. Toutefois il existe des spécificités
relatives à l'origine et au développement économique de
chaque village. C'est ainsi qu'à Dialakoto on constate une composition
pluriethnique dominée par les Mandingue suivis des Peul, des
Diakhanké, des Bassari, des Cognagui et des Wolof. A
Wassadou-dépôt et à Laboya, il existe le même
phénomène avec cependant une plus grande diversité
ethnique constituée de Mandingue, de Bambara, de Wolof, de Bassari, de
Diakhanké, de Tandanké, de Cognagui, de Maure, de
Sérère, de Peul et même de Diola à Laboya. Cette
situation résulte essentiellement de la présence des bananeraies
qui favorisent et entretiennent une immigration pluriethnique de main-d'oeuvre.
Cependant dans les trois villages de Dar salam, Nioufaye et Damantan, les
Mandingue constituent l'ethnie dominante.
Cette diversité ethnique reflète la composition
ethnique de l'ensemble de la communauté rurale qui se présente
comme suit: Mandingue 50 %, Peul 33 %, Diakhanké 10 %, Bassari 3 %,
Wolof 2 %... (PLD de Dialakoto, 1998).
II.1.3 Répartition et structure de la
population
Les données les plus fiables en matière de
population sont fournies par les recensements généraux.
Le
dernier en date au Sénégal, vieux de 15 ans, le Recensement
Général de la Population et de
l'Habitat (RGPH) de 1988,
présente des données obsolètes. Cependant elles seront
utilisées en
comparaison avec les données issues du recensement
administratif pour la distribution des vivres de soudure en Septembre 2002. Ces
dernières comportent, cependant, certaines lacunes telles que l'absence
de la répartition par sexe et par âge.
Tableau 3 : Répartition spatiale de la population
dans la « poche de Dialakoto».
Source: 1 DPS (RGPH, 1988).
2 Recensement administratif de 2002.
D'après les données de ce tableau, la
population totale de la «poche de Dialakoto» était de 2677
habitants en 1988 soit 37,6 % de la population totale de la CR qui était
alors de 7121 habitants. La densité était alors de 19 habitants
au km2 contre 1 habitant seulement au niveau de la CR.
La structure de la population laissait apparaître au
niveau de la «poche» une prédominance des femmes avec un
effectif égal à 1378, soit 51,5 % contre 1299 hommes soit 48,5 %
de la population et une majorité de jeunes de moins de 15 ans qui
représentait 44 % de la population. On notait aussi un plus grand
effectif de population à Dialakoto qui concentrait 64,7 % des
habitants.
Actuellement la population au niveau de la «poche »
est de 4654 habitants soit une densité égale à 33,1
habitants au km2. Donc en 12 ans la population a presque doublé car elle
a augmenté de 1957 habitants. Nous constatons qu'elle a
réellement doublé à Laboya en passant de 133 à 266
habitants. Cependant dans l'ensemble, cette augmentation est proportionnelle
à la population totale, car les villages gardent à peu
près les mêmes représentativités spatiales. En outre
signalons qu'à Laboya ces données ne concernent que les
populations autochtones. Les travailleurs immigrés qui travaillent dans
les bananeraies n'ont pas été pris en compte. Ils sont
installés en périphérie du village vers les plantations,
dans des abris de fortune. Leur nombre exact n'est pas connu.
En gros on peut retenir que la «poche de Dialakoto»
abrite une population agropastorale cosmopolite dont l'installation remonte
à plusieurs siècles ou à quelques années seulement.
L'arrivée sans cesse croissante d'immigrés participe à
l'augmentation de la densité qui passe de 19,1 en 1988 à 33,1
habitants au km2 en 2002. Notons que cette immigration essentiellement agricole
est favorisée par le développement des bananeraies dans la
zone.
II.2 Les activités économiques
Les pratiques socio-économiques de la zone sont
dominées par les activités de production classiques et les
activités de prélèvement qui constituent le secteur
primaire, suivi de l'artisanat et d'une petite industrie qui composent le
secteur secondaire et les services ou secteur tertiaire.
II.2.1 Les activités de production Elles
sont essentiellement agropastorales.
II.2.1.1 L'agriculture
Elle constitue la principale activité
économique de la zone et concerne tous les actifs féminins et
masculins. Cependant, on distingue une agriculture traditionnelle pluviale et
une agriculture irriguée (Carte 2).
> L'agriculture pluviale
Elle est traditionnelle et utilise des techniques
rudimentaires pour les cultures vivrières telles que le sorgho, le
maïs, le mil, le niébé, la courge et le riz au niveau des
bas-fonds (par exemple le Toutou-fara à Dialakoto). Ces techniques
s'améliorent un peu avec l'introduction des cultures de rente comme le
coton et l'arachide grâce aux structures d'encadrement concernées
c'est-à-dire la SONACOS et la SODEFITEX.
Cette agriculture souffre de nombreuses contraintes
résultant de l'étroitesse des terres cultivables, du manque
d'intrants, de la dépradation des animaux sauvages (singes et
phacochères), mais surtout du système de culture basé sur
une agriculture itinérante sur brûlis. Notons cependant que les
cultures vivrières occupent plus de la moitié des terres
cultivées. Le maraîchage aussi se développe dans des
jardins aménagés grâce à l'appui de projets tels que
le PROGEDE qui encadre des GPF.
> L'agriculture irriguée
Elle est dominée par les périmètres de
bananes le long de la Gambie qui dispose d'un potentiel en eau
considérable et des berges fertiles. Le premier périmètre
a été mis en place par l'OFADEC à
Wassadou-dépôt en 1975 et un second à Laboya en 1980. Ces
bananeraies sont souvent associées à l'arboriculture
fruitière comme c'est le cas à Wassadou-dépôt. A
partir de 1985, avec le départ de l'OFADEC, la gestion des
périmètres relève du secteur privé.
Actuellement on a identifié quatre
périmètres à Wassadou-dépôt. Deux sont
gérés par des GIEs locaux regroupant les anciens employés
de l'OFADEC. Il s'agit des GIE de «Tilo-tilo» et de «takku
ligguey » qui exploitent respectivement 11 et 6 ha. Les deux autres
périmètres sont des propriétés privés de 10
et 7 ha chacun. A Laboya on a identifié deux périmètres
privés parmi lesquels le plus vaste de la zone. Il s'agit des
bananeraies SALL, d'une superficie de 220 ha, du nom de son propriétaire
qui s'est constitué en GIE et des bananeraies Amstrong, ici aussi du nom
de son propriétaire, qui font 45 ha.
Les techniques d'irrigation en pratique s'effectuent par
arrosage à la goutte à goutte, à travers un drainage par
tubes à siphons, à partir d'une motopompe à diesel
installée sur le lit du fleuve Gambie. Cependant en raison du manque de
moyens financiers suffisants, le périmètre Amstrong
n'était pas encore mis en valeur et les bananeraies du GIE «takku
ligguey» avait suspendu ses activités à cause d'une panne de
la motopompe.
Ces périmètres sont exploités sans
aménagement préalable des berges et du lit du fleuve pour
réguler son cours. Les structures d'encadrements des producteurs de
bananes sont la FEGAP et l'APROVAG. Notons que la culture de la banane mobilise
tous les actifs de Laboya et de Wassadou-dépôt en plus
d'immigrants étrangers.
II.2.1.2 L'élevage
Il est souvent pratiqué en association avec
l'agriculture. Cependant le cheptel composé de bovins, d'ovins, de
caprins et d'asins est très faible en raison notamment du manque
d'espace, de la pauvreté des pâturages, du tarissement
précoce des mares et des maladies du bétail. Les principales
zones de pâturages se trouvent soit dans la zone tampon vers le fleuve
Gambie ou tout bonnement à l'intérieur du Parc.
La zone dispose d'un magasin de stockage des produits
agricoles, d'un poste vétérinaire à Dialakoto et de deux
forages à Dialakoto et à Nioufaye. Les structures d'encadrement
agricoles telles que la SODEFITEX et la SONACOS mettent à la disposition
des paysans des semences, des engrais et des produits phytosanitaires.
II.2.2 Les activités de
prélèvement
Il s'agit de la cueillette des produits forestiers et de la
pêche.
> La cueillette
Elle concerne les fruits sauvages tels que le Saba senegalensis
(madd ou kaba), le Parkia biglobosa
(néré ou néto), le Parinari macrophylla
(new ou tambacoumba), le Detarium microcarpum (dankh ou wonko), le miel...
C'est une activité saisonnière et complémentaire aux
activités de production traditionnelles. Elle constitue une source de
revenus non négligeables. La principale structure d'encadrement
identifiée reste la Maison Familiale Rurale (MFR) de Dialakoto.
> La pêche
Il existe de réelles potentialités de
pêche avec le fleuve Gambie, mais un faible effectif de pêcheurs.
Les techniques de pêche sont rudimentaires (pêche à la
nasse, à la ligne...) et les maigres prises sont destinées au
marché local. Elle est essentiellement pratiquée à Laboya
et à Wassadou.
Le secteur primaire est largement dominé par
l'agriculture, principale source de revenus des populations. Il fournit
également l'alimentation de base. Donc, essentiellement vivrière,
elle reste cependant tributaire des aléas climatiques tels que la
faiblesse des précipitations.
II.2.3 L'artisanat et l'industrie locale
L'artisanat concerne la transformation des sous produits du
rônier (Borassus aethiopum), les divers métiers de tissage, la
cordonnerie, la maçonnerie, la boulangerie, la couture, les
réparations mécaniques (vélo, voiture, charette...) et
techniques (montres, radio...). L'industrie locale correspond aux moulins de
céréales qui sont de petites unités industrielles
gérées par les GPF dans le cadre de projets.
Le secteur secondaire reste dominé par l'artisanat qui
constitue une activité permanente. L'artisanat des sous-produits du
rônier se développe surtout à Wassadou-dépôt
grâce à la présence d'importantes rôneraies. Elle
fournit des revenus importants aux acteurs.
II.2.4 Les services
Il s'agit du commerce, du transport et du tourisme. Le
commerce est très développé avec l'existence à
Wassadou-dépôt du plus grand marché hebdomadaire de la
Communauté Rurale et des marchés villageois très
dynamiques à Dialakoto et à Wassadou-dépôt. Il
existe, en outre, plus d'une dizaine de boutiques et six cabines
téléphoniques à Dialakoto, quatre boutiques à
Wassadoudépôt. Les autres villages disposent chacun d'une
boutique.
Le transport se fait essentiellement sur la route nationale 7
qui reste la seule voie de communication bitumée reliant Tambacounda
à Kédougou. Elle traverse la «poche» sur environ 20 km
de long et dessert tous les villages établis sur son axe. Il existe
à partir de Dialakoto une navette quotidienne reliant Tambacounda. Le
parc automobile est constitué de trois minicars qui assurent l'aller et
le retour, trois fois par jour. Le réseau routier secondaire est
constitué de pistes aménagées en très mauvais
état et impraticables en saison des pluies.
Les activités touristiques sont très
présentes dans la »poche » grâce à la
périphérie du Parc. C'est ainsi qu'il existe deux campements
touristiques, un à Wassadou-dépôt et un autre à Dar
salamNioufaye, à l'entrée du Parc. Actuellement, un projet
d'élevage de faune prélevée dans le Parc est en phase
finale d'exécution à Laboya. Il est sous l'actif d'un GIE local,
le «Wula- kanta », en partenariat avec des bailleurs de fonds. Le
site a été localisé et clôturé au sud du
village sur les berges du fleuve Gambie.
Le secteur tertiaire est dominé par le commerce. Au
niveau des marchés hebdomadaires, les échanges concernent les
produits de l'agriculture, de la cueillette et de l'élevage. Il s'agit
dans ce cas d'un échange avec l'extérieur. Les boutiques quant
à elles fournissent des produits de première
nécessité et des biens de consommation à usage courant. Le
développement de la téléphonie permet le contact permanent
avec l'extérieur et atténue les effets de la distance.