Section 1 : Cadre opératoire de
l'étude
Dans cette section, il est question de présenter
l'action des différents acteurs (Société civile, secteur
privé, communauté internationale, système des Nations
Unies), conformément aux recommandations de la CIDNR, dans
l'enracinement de la Démocratie dans le monde, en Afrique et
principalement au Bénin dans le Paragraphe 1, ensuite dans le Paragraphe
2 nous parlerons du mécanisme de suivi recommandé à
l'issue de la 4éme Conférence.
Paragraphe 1 : Mise en oeuvre des recommandations au
Bénin
A- Au niveau national
A-1) Au niveau des Organisations de la
Société Civile
A l'issue de la quatrième CIDNR, il a été
recommandé aux Organisations de la Société Civile (OSC) de
prendre toutes les mesures appropriées au niveau national, sous-
régional et régional pour renforcer leur coopération avec
leurs homologues des autres pays. La contribution de la Société
Civile et aussi des Parlements a été reconnue expressément
par la résolution 60/253 paragraphe 3 de l'Assemblée
générale des Nations Unies en date du 2 mai 2006, qui se
félicitait du "caractère intégré et tripartite
(Gouvernements, Parlements, Société Civile) de la Sixième
Conférence Internationale des Démocraties Nouvelles ou
Rétablies, qui permettra une interaction et une coopération
accrues dans l'effort commun de promotion de la
démocratie". La Réunion parlementaire de Doha a
également offert l'occasion de tenir des discussions de fond que la
manifestation parlementaire organisée lors de la cinquième CIDNR,
qui a eu lieu à Oulan Bator, en Mongolie, en Septembre 2003, n'avait pas
permis. La sixième CIDNR a donc constituée une nouvelle marque de
reconnaissance du rôle clé joué par les Parlements et la
Société Civile dans le domaine de la démocratie.
Au Bénin, les types d'OSC recensées dans les
douze départements par le Programme Organisations de la
Société Civile Appuyées et Renforcées (OSCAR) dans
le cadre de son programme d'action, sont essentiellement les ONG, les
Associations socioprofessionnelles (fédérations d'artisans,
organisations paysannes), les syndicats, les confessions religieuses, les
médias (associations de journalistes nationale et internationale), la
chefferie traditionnelle, les associations de développement. On note
également la présence de plusieurs regroupements d'OSC ainsi que
des cadres de concertation par endroit. Les actions de ces OSC touchent la
quasi-totalité des secteurs de la vie nationale tels que :
l'éducation, la santé, la promotion agricole, l'épargne,
la réalisation d'infrastructures communautaires, etc.
Nous citerons nommément quelques OSC qui interviennent
au Bénin et qui ont pris part à la Quatrième CIDNR :
Association des Jeunes pour l'Amitié, l'Environnement et le
Développement (AJAED) ; Centre Africa Obota ( CAO) ; Centre
Béninois pour le Développement des Initiatives à la Base (
CBDIBA) ; Coalition des ONG de l'Ouémé (COO) ; Conseil des ONG en
Activité au Bénin ( COAB) ; Fédération Nationale
des Associations des Femmes Béninoises ( FNAFB) ; Front des
Organisations Nationales Contre la Corruption (FONAC) ; Institut des Droits de
l'Homme et de Promotion de la Démocratie (IDHPD) ; Réseau des ONG
Béninoises pour des élections Pacifiques et Transparentes ;
Réseau des ONG Béninoises pour la Gouvernance Démocratique
; Transparency International Bénin (TIB), etc.
Leurs actions dans le domaine du renforcement de la
démocratie ces six dernières années au Bénin ,
s'est traduite par la lutte contre la révision de la Constitution, la
lutte pour la liberté de la presse, les marches contre les fléaux
sociaux tels, la corruption, la chèretée de la vie.
L'appui des institutions internationales telles que l'Union
Européenne et le PNUD aux OSC au Bénin consiste souvent à
encourager des partenariats avec le Gouvernement pour la formulation et
l'exécution des projets. Ainsi, l'Union Européenne, dans le cadre
de sa coopération avec le Bénin a contribué en 2006
à la mise sur pied d'un programme pour l'appui et le renforcement des
OSC, le programme OSCAR. Ce programme matérialise la volonté de
l'Etat béninois, de mieux impliquer désormais les OSC dans le
processus décisionnel. En effet, de par l'importance et la
diversité de leurs interventions au profit de la population et
l'efficience de leurs actions en faveur du renforcement de la
démocratie, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance, nul doute que
le rôle des OSC apparaît désormais incontournable.
Il apparaît également que les relations entre les
OSC du Bénin, et leurs homologues des autres pays sont quasi
inexistants, à part les commissions régionales qui impliquent les
OSC dans leurs activités. En collaboration avec des organismes
communautaires africains, la Commission Economique des Nations Unies pour
l'Afrique (CEA) a créé le Centre africain pour la
société civile, qui est un centre de documentation et
d'information sur la participation populaire. A la faveur de certaines
rencontres régionales d'échanges, les OSC des différents
pays arrivent à échanger entre elles. La recherche de subventions
ou d'appuis à la réalisation de leur programme les amène
souvent à la recherche de partenaires extérieurs.
Nous avons cherché à savoir si la
réalisation du programme OSCAR s'inscrit dans la mise en oeuvre des
recommandations issues de la CIDNR. Si pour certains, c'est la première
fois qu'ils en entendent parler, pour d'autres, il n'est point besoin de
spécifier que telle action est faite conformément aux
recommandations de la CIDNR. L'essentiel est que les actes soient posés
et que l'esprit des recommandations s'y retrouve. Une analyse pertinente des
OSC au Bénin permet d'établir le diagnostic ci-après :
a) Faiblesse des OSC : les OSC sont confrontées
à des problèmes qui sont d'ordre organisationnel,
opérationnel, de gouvernance, d'autonomie financière,
d'inadéquation du cadre réglementaire et d'inexistence d'un
système de recensement.
b) Organisation et fonctionnement : les problèmes
d'organisation ne facilitent pas une meilleure implication des Osc dans le
processus décisionnel, la définition et l'élaboration des
politiques. Elles peinent à mettre en place des structures
faîtières représentatives pouvant jouer le rôle
d'interface entre elles et les pouvoirs publics. Il existe plutôt une
multitude de
regroupements qui ne peuvent se targuer de jouir de la
légitimité et de la confiance des organisations de base qu'ils
sont sensés représenter. Ceci s'explique essentiellement par le
problème de leadership. Il faut aussi souligner la méfiance des
organisations de base qui craignent la perte de leur autonomie en
adhérant aux structures faîtières. Il n'est pas rare de
noter parfois des conflits d'intérêt entre structures
faîtières et organisations membres. Bon nombre de ces OSC ont
également de véritables problèmes de fonctionnement. Entre
autres, on peut citer le déficit de circulation d'information
(défaut de compte rendu et de restitution, rétention
d'information), le non renouvellement régulier des organes dirigeants,
le cumul de fonction et le manque de transparence.
c) Professionnalisation et spécialisation : le manque
de professionnalisation et de spécialisation des OSC revêt
plusieurs formes. Certaines OSC, les ONG notamment, embrassent le plus souvent
plusieurs domaines d'intervention de sorte qu'il se pose à elles un
problème de spécialisation. Cette situation se justifie par la
nécessité pour elles de saisir une gamme assez variée
d'opportunités d'activités, y compris celles pour lesquelles
elles n'ont pas l'expertise requise. De même, les OSC, ne disposent pas
des compétences nécessaires pour accomplir les missions qu'elles
se sont assignées. On note ainsi à leur niveau, une faible
capacité technique et opérationnelle d'intervention. Les besoins
exprimés par les OSC justifient cet état de chose.
d) Gouvernance interne et crédibilité : les OSC
sont confrontées au problème de manque de transparence dans la
gestion des ressources, ce qui entache parfois leur crédibilité
auprès des partenaires. Cette situation n'est pas sans
conséquence sur les relations actuelles des partenaires avec les OSC,
relations empreintes de prudence, voire parfois de méfiance. Par
ailleurs, la mauvaise gouvernance interne entraîne souvent des crises au
sein des OSC allant parfois jusqu'à la paralysie ou la dislocation de
ces organisations.
e) Politisation : l'un des maux qui minent les OSC
béninoises est la politisation. Elle se manifeste de deux
manières :on note d'une part des OSC dont les actions sont
récupérées par des Organisations politiques, et d'autre
part, celles dont la création est inspirée par une visée
politique, ce qui entraîne aussi des crises et entache la
crédibilité de ces structures.
f) Faible capacité d'autofinancement : les OSC sont le
plus souvent à la recherche de ressources pour financer leurs actions,
voire même pour leur survie. Même si elles en obtiennent, ces
financements ne couvrent souvent que la réalisation des
activités, ce qui laisse entier leur problème d'appui
institutionnel accentué par le faible taux de recouvrement des
cotisations statutaires prévues. L'appui accordé
par les partenaires aux OSC est à la fois technique et financier. Mais
ceux-ci ne financent que les projets qui cadrent avec leurs objectifs,
notamment dans les domaines du développement communautaire, la bonne
gouvernance, la démocratie, l'environnement, l'éducation et la
formation, le renforcement de capacité, l'appui à la recherche de
financement... .Nous pouvons conclure que les OSC au Bénin sont
dynamiques et engagées. Mais, le manque de moyens fait qu'on ne
perçoit pas bien leurs actions sur le terrain. Une subvention de la part
de l'Etat serait donc indispensable.
A-2) Au niveau du secteur privé
Au nombre des recommandations issues de la quatrième
CIDNR, il a été demandé au secteur privé de prendre
des initiatives au plan régional ou international pour renforcer la
démocratie dans toutes les régions du monde.
Notons que les acteurs privés (banques, entreprises,
prestataires de services urbains) sont devenus, depuis longtemps, des acteurs
incontournables des politiques nationales de développement. Ils ont
régulièrement collaboré avec les pouvoirs publics sous des
formes diverses dans le champ du développement et de l'Etat de droit. La
mondialisation, la montée en puissance des villes et le
développement de la concurrence entre elles à la faveur de la
décentralisation, ont accru le rôle joué par le secteur
privé dans la gestion des affaires publiques. Les partenariats
public-privé se sont multipliés rapidement dans les projets
urbains dans la plupart des pays de la sous-région.
L'enjeu actuel est de parvenir à concilier la logique des
gouvernants et celle des chefs d'entreprises, qui n'ont pas les mêmes
intérêts, ni les mêmes mécanismes d'action et ce
à une époque marquée par l'incertitude et la rareté
des disponibilités financières. Pouvoirs publics et secteur
privé doivent parvenir à s'entendre sur des projets communs
propres à déclencher des dynamiques urbaines sans que la logique
de marché ne prenne le pas sur l'intérêt
général et sans qu'il y ait confusion des rôles. Kofi
ANNAN, ancien secrétaire général de l'ONU, affirmait
à la cérémonie d'ouverture de la Troisième CIDNR,
à Bucarest, en 1997 " au-delà des entreprises " parasites " et
des individus qui cherchent à tirer profit des biens collectifs
produits, il existe des acteurs privés et/ou groupes
d'intérêts professionnels susceptibles de contribuer à la
gouvernance démocratique et d'orienter (du moins partiellement) leurs
stratégies de manière à participer à
l'établissement d'un Etat de droit ".
L'option du libéralisme économique choisie par
le Bénin a consacré la liberté d'initiative. Pour
opérationnaliser les nouvelles orientations en matière de
développement de l'entreprenariat, une vaste initiative a
été lancée par le Gouvernement, appuyée par les
partenaires au développement, pour l'adoption et la mise en oeuvre d'une
politique de développement du secteur privé. Ce programme qui a
couvert la période 2001 à 2005 a conduit à la relance du
secteur privé et faisait suite à l'adoption du Programme de
Relance du Secteur Privé (PRSP) mis en oeuvre à partir de 1996,
avec l'appui de plusieurs bailleurs de fonds dont le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque mondiale.
C'est dans ce contexte que de nombreuses actions et mesures de
réforme ont été prises pour améliorer le climat des
affaires et promouvoir l'investissement privé national et
étranger. On peut citer notamment : la mise en place d'un guichet
unique, dont la gestion relève de la Chambre de Commerce et d'Industrie
du Bénin (CCIB) ; la redynamisation de la CCIB, avec la mise en place
d'un système d'information plus efficace et le renouvellement de sa
structure à travers des élections régulières. La
dernière élection s'étant déroulée en
Novembre 2007. Le renouvellement du Conseil du Patronat en Décembre
2006; la relance des activités de la Fédération nationale
des artisans du Bénin (FENAB) ; la libéralisation des secteurs
économiques et le désengagement de l'Etat des secteurs productifs
; la mise en place d'un cadre légal des télécommunications
et l'assainissement de la gestion des licences qui entraîna un bras de
fer entre le Gouvernement et les prestataires concernés ; l'adoption
d'un nouveau code des marchés publics ; la modification du code des
investissements pour élargir le champ des activités
éligibles et l'amélioration de la gestion portuaire ainsi que la
simplification des procédures fiscales et douanières. C'est
toujours dans l'optique d'une participation plus accrue du secteur privé
à l'économie, qu'un port sec a été mis en service
en Octobre 2007 au quartier Zongo, à Cotonou.
Le Gouvernement a entrepris depuis 2001, la réalisation
d'un programme de zone franche industrielle aménagée à
travers tout le territoire, dans le but de promouvoir les investissements
étrangers dans les branches d'exportation. Ce programme qui se poursuit
aujourd'hui a pour mérite d'avoir suscité des investissements de
divers horizons, aussi bien asiatique qu'européens. Il convient de
souligner la contribution significative apportée par le programme de
relance du secteur privé à l'amélioration de
l'environnement des affaires par l'élaboration de politiques et la
création ou le renforcement d'instruments de promotion des entreprises
privées. Il est à noter également l'émergence des
institutions et structures animées
par les opérateurs économiques privés
(chambres consulaires, organisation professionnelles). Les expériences
des institutions de micro-finance appuyées dans le cadre du PRSP sont
aujourd'hui des exemples de réussites d'approches institutionnelles en
vue de la mise en place d'un secteur privé fort. Le PRSP initié
depuis 1996 a connu un essor remarquable avec l'octroi de crédit
à un intérêt faible aux couches les plus
défavorisées à partir de novembre 2006.
Après une décennie de mise en oeuvre du PRSP, le
Bénin offre certains atouts clés pour le développement du
secteur privé : la stabilité politique, l'existence d'un secteur
bancaire commercial viable, la disponibilité d'une infrastructure
portuaire et aéroportuaire. La position géographique du
Bénin lui permet de jouer le rôle de porte d'entrée et de
transit privilégiée vers les pays de l'hinterland (Niger, Burkina
Faso, Mali, Tchad) et le Nigeria. Le secteur privé béninois a su
très tôt tirer profit de cette opportunité et affirmer
cette vocation de plate forme de l'économie sous régionale. A
titre d'exemple, le Port Autonome de Cotonou est devenu, au fil des ans, le
principal port de transit des véhicules d'occasion en Afrique de
l'Ouest, même si récemment on note plus ou moins une
préférence du Port de Lomé au détriment de celui de
Cotonou.
Toutefois, le développement du secteur privé
continue d'être confronté à la persistance de certaines
contraintes parmi lesquelles on peut citer : la faible capacité
financière et institutionnelle des promoteurs ; le faible niveau de
compétitivité de l'économie ; un environnement des
affaires peu favorable au secteur formel ; l'accès difficile des Petites
et Moyennes Entreprises (PME) au financement bancaire en raison de la
rareté des ressources à long terme et d'un système viable
de garantie des risques ; l'inefficacité du système judiciaire ;
les tracasseries administratives et la corruption dans l'administration ; une
politique fiscale encore contre productive et une économie peu
diversifiée.
Quant à l'informel, il constitue une composante
importante du secteur privé avec une part dans l'économie
nationale estimée à plus de 50% dans l'agriculture, 30% dans le
commerce et les services et 8% dans le secteur manufacturier. Son ampleur
grandissante fait que des pans entiers de l'économie échappent
encore à toutes formes de contrôle et d'obligation de rendre
compte, ce qui contribue à ralentir l'élargissement de l'assiette
fiscale, la lutte contre la fraude et la corruption. En effet, on observe une
attitude de tolérance relative des autorités face à
certaines transgressions à la règle de droit au niveau du secteur
informel (exemple du trafic de carburant) en raison de leur contribution
à la lutte contre la pauvreté et de leur rôle de soupape
aux éventuels problèmes sociaux liés à l'emploi.
Aujourd'hui le secteur privé constitue à n'en
point douter, une force indispensable à
l'établissement d'un Etat démocratique. Nous pouvons conclure
à ce niveau que le secteur privé constitue un maillon essentiel
de l'économie béninoise. Mais, il a besoin d'être
réglementé pour jouer pleinement son rôle.
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