Les documents d'urbanisme à l'épreuve de la concertation. Cas du SCoT Provence Méditerranée et du PLU de La Seyne Sur Mer.( Télécharger le fichier original )par Denis Rognoy Université Aix-Marseille III (Institut d'Aménagement Régional) - Maà®trise IUP Aménagement 2008 |
« L'architecte : c'est le plaisir de créer ce qui n'existe pas. L'urbaniste : c'est le plaisir de savoir le pourquoi, le sens et le comment de ce qu'il faudrait créer. » Extrait d'un courriel envoyé à mon intention, lors d'un échange, le 1er Mars 2003, par Jean-Jacques Faure, Vice- Président de la SFU (Société Française des Urbanistes) et Délégué Régional Rhône-Alpes. Avertissement : L'institut d'Aménagement Régional n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux propos émis dans ce mémoire. Ces propos doivent être considérés comme étant propres à leurs auteurs. Le dessin de couverture est emprunté à l'ouvrage, « La concertation préalable à l'aménagement », Editions de La lettre du Cadre, de Christian Bellet Ingénieur territorial de la ville de Royan, Décembre 1994, 151 p. 3 Remerciements : 4 Introduction : 6 Quelques informations pour une meilleure lecture: 9 CHAPITRE I : La concertation en urbanisme, une nécessité devenue enjeu : 10
3 La concertation à l'essai, entre outils et règles : 23 CHAPITRE II : La concertation, l'exemple d'un SCoT et d'un PLU. 29
4 Une concertation sans objectifs : 60 5 Une concertation attachée aux enjeux du territoire : 66 6. Conclusion du chapitre : 72 CHAPITRE III : Propositions : 77 1. Les propositions : 77 Conclusion: 85 Bibliographie : 98 Les Sigles : 98 Quelques définitions : 99 Entretiens avec : 102 Plan des Annexes : 102 Je tiens à remercier toute l'équipe du Syndicat Mixte SCoT (M. Michel Barriau Directeur du Syndicat Mixte SCoT Provence Méditerranée, Mademoiselle Bénédicte Torres, Madame Carole Caméli et Madame Isabelle Baloge) pour l'accueil et l'attention qui m'ont été portés. Je remercie aussi M. Patrick Jaubert (Directeur de l'urbanisme et du foncier à la Seyne Sur Mer et Conseiller technique SCoT), Monsieur Olivier Burte (Direction de l'urbanisme et du Foncier) et M. Vincent Leguennec (chargé de mission PLU de La Seyne Sur Mer) qui ont accepté de répondre à l'ensemble de mes questions. Merci à M. Daniel Pinson pour son soutien et à M. Jean-Michel Fourniau pour son suivi et ses précieuses remarques ainsi qu'à l'ensemble de l'équipe pédagogique de l'I.U.P. Aménagement et Développement Territorial. Un grand merci aussi à ma famille et à mes proches pour leur soutien sans faille. A Léonard Cohen, Graeme Alwright, David Krakauer, Monteverdi, Lionel Hampton, Charlie Parker, Claude Luter, Glenn Miller... A la musique pour qui j 'ai tant d'estime. Au Philosophe Jean-Claude Michéa Au Penseur Jean Baudrillard, mort le 6 Mars 2007 Et à bien d'autres encore... « Ce projet devrait, pour le moins, susciter la curiosité de « l'honnête homme ». Nous entendons par honnête homme l'intellectuel de bonne foi. L'homme de bonne volonté, celui qui est capable d'une attitude réflexive, critique. Celui qui sait écouter. Nous lui soumettons notre projet. » Michel Clouscard, Le Capitalisme de la Séduction, éditions sociales, 1981, p. 15
U n mémoire sur la concertation, pour quoi faire ? Plusieurs raisons m'ont poussé à vouloir m'immiscer dans le débat autour de la démocratie participative et dans le milieu de l'aménagement. Tout d'abord, désirer gérer, aménager, produire sur un territoire sans écouter la voix des citoyens me semble révéler une insuffisance. Essayer de manipuler par les faits ou par les mots, que ce soit en tentant de faire passer « en force » un projet dans le dos des principaux intéressés ou de rendre délibérément complexe des situations, des faits par l'emploi de mots, d'expressions, d'images... que le citoyen lambda ne peut comprendre, voici une partie de la crise actuelle. Un constat teinté d'agacement, de remise en cause, de réflexions globales sur des projets, anime ma réflexion tout au long de ce mémoire car face à la crise démocratique qui touche la France et l'ensemble des démocraties dans le monde, il va falloir réagir et pour de bon ! La concertation est un thème transversal qui, parmi tant d'autres, compose le champ de l'aménagement du territoire. Ce thème façonne une expérience des individus sur les individus (et par les individus) et recoupe un ensemble de domaines qui m'attirent comme l'aménagement, la sociologie, la philosophie, la psychologie sociale, la littérature et la poésie. Ce que je viens de souligner rejoint les propos de Jean-Jacques Faure1 « l'urbanisme touche à tout ce qui concerne la ville et la ville touche à tout, du très général, y compris philosophique, poétique ou littéraire, au très technique (infra, écologie, transports etc.) puis aussi au sociologique, au politique, etc. » Le caractère philosophique et littéraire souvent mis de côté, ne seront pas l'objet de ce mémoire. Cependant, il est primordial de saisir la prégnance de l'univers incertain et réellement subjectif de la concertation pour comprendre l'intérêt que j 'y porte. La phrase d'Henri Raymond qui ouvre le second chapitre l'explique à merveille. C'est un travail que je prépare depuis longtemps, que ce soit dans ma recherche de stage, par mes 1 Extrait d'un courriel envoyé à mon intention, le 1er Mars 2003, par Jean-Jacques Faure, Vice- Président de la SFU (Société Française des Urbanistes) et Délégué Régional Rhône-Alpes. lectures comme en témoigne les nombreuses sources citées tout au long du mémoire, ainsi que par la rencontre de Jean-Michel Fourniau qui m'a conforté dans cette direction. La concertation est une composante qui s'est inscrite dans l'urbanisme technique. En tant qu'adjuvant au départ, elle prend de plus en plus de place dans la construction des projets en aménagement et en urbanisme. Il n'existe aucun équivalent en Anglais du mot concertation. Les pays anglo-saxons utilisent le mot participation qui n'a pas le même sens en France, nous le verrons dans le chapitre premier. Tout cela pour dire que la concertation n'est pas une nouveauté, ce mot est d'ailleurs issu du gouvernement du Général De Gaulle des années 60, mais son apparition dans le milieu de l'urbanisme intervient plus tard. Des petites expériences éparses des années 70 aux lois actuelles (loi SRU, loi Démocratie de Proximité), un parcours institutionnel s'est mis en marche, mais la population a-t-elle suivi ces évolutions? A travers ce mémoire, je ne souhaitais pas offrir une présentation historique de la concertation ni expliquer les enjeux de celle-ci, grâce au triptyque élus- techniciens et citoyens. En effet, mout travaux universitaires en ont déjà fait état. Il en est de même concernant les outils de concertation existants : réciter un catalogue d'outils de concertation que l'on peut aisément trouver sur internet ou dans d'autres ouvrages ou mémoire, sans rien y apporter de nouveau, ne me sied guère. Par contre, j 'ai appuyé mes écrits en ajoutant des références auxquelles tout lecteur peut se reporter pour découvrir, approfondir et/ou compléter ses connaissances. Malgré l'ensemble des propos techniques qui jalonnent mon récit ainsi que la méconnaissance légitime de la plupart des citoyens concernant le champ de l'aménagement et de l'urbanisme et à fortiori celui de la concertation, j 'ai tenté de rendre accessible la majorité de mes écrits par un style d'écriture simplifié. Après avoir exprimé ce que l'on ne trouvera pas dans mon mémoire, je souhaite en présenter le programme, en laissant pour la fin les questionnements appelés aussi problématiques, pour que le lecteur en assimile le sens et la portée et puisse y retourner facilement pendant la lecture. Le début se prête au sens des mots et à leur utilité dans le champ de l'urbanisme. Fidèle à l'expression « Chaque mot a un sens » chère à Pierre Bourdieu, j 'ai présenté, définis, explicité chaque terme utilisé dans le champ de la concertation en aménagement. J'ai poursuivi mes analyses par des interprétations écrites, justifiant ou encourageant la concertation en aménagement. En effet, le cadre juridique des lois, la croissance exponentielle, pas toujours utile et justifié à mon sens, des chartes dans le domaine de l'urbain complètent le formalisme des définitions par une appropriation des connaissances en cours. En un mot, après les définitions, la présentation des lois, chartes et autres écrits ouvrent le lien complexe entre la loi qui impose et la charte qui retraduit, de manière subjective, dans un but pratique. Puis le second chapitre, fournit les connaissances nécessaires pour comprendre ce qui constitue juridiquement et anime en pratique les démarches SCoT et PLU. Pour donner un sens pratique à ce que je viens de dire, j'ai choisi deux terrains d'analyses (le SCoT Provence Méditerranée et le PLU de la commune de La Seyne Sur Mer, tout deux situés dans le Var). Ayant réalisé un stage2 suivi d'une embauche saisonnière au Syndicat Mixte SCOT PM concernant la mise en place d'outils de concertation, le lien était facilité. Par contre, je cherchais une commune suffisamment peuplée qui possédait un PLU finalisé. J'ai choisi La Seyne Sur Mer, seconde ville du SCoT PM en terme de démographie. Un tour d'horizon général doit permettre une bonne compréhension de ces documents d'urbanisme tout en appuyant le discours sur la concertation. Au-delà de la description précise de chaque document d'urbanisme et de ces outils de concertation, j 'ai intégré mes remarques et observations qui accompagnent le lecteur et corroborent ma thèse (mes propositions) développée dans le dernier chapitre. Au final, je propose d'articuler les processus de concertation entre le SCoT et le PLU en proposant une issue aux problèmes rencontrés par les pratiques et en offrant un caractère novateur aux propositions émises. Cette dernière partie s'accompagne de nombreux débats. Avant d'apposer sur le papier, les « furieuses » questions qui ont agité ma pensée durant ce mémoire, je tiens à dire que le contenu critique de mes analyses ne vise aucune personne en particulier aucun organisme ou autres, mais cherche à provoquer le débat et la réflexion sur les pratiques, ce qu'elles engendrent et plus largement sur le statut de notre société, parfois bien peu démocratique. Comme il se doit, car je ne peux maintenir « le suspense » plus longtemps, voici les questions que vous devez garder à l'esprit pendant la lecture : - Quelles sont les réflexions qui sous-tendent le choix des outils de concertation ? - Quelle « concertation » choisir pour deux territoires aux enjeux et objectifs différenciés ? - Comment mieux articuler les processus de concertation existants entre SCoT et PLU ? BONNE LECTURE... 2 Voir « La concertation dans le SCoT Provence Méditerranée », Rapport de Stage, Bibliothèque de L'IAR (Institut d'Aménagement Régional) Aix-Marseille III, Juin 2007, 42 p. Quelques informations pour une meilleure lecture : - A travers ce mémoire, pour des questions de simplicité et de rapidité, j 'ai souhaité utiliser un certain nombre d'initiales que vous pourrez retrouver à la page intitulée Sigles. Par exemple pour des raisons pratiques, j 'ai remplacé SCoT Provence Méditerranée par SCoT PM. - Le choix des notes de bas de page n'a pas pour but de ralentir expressément la lecture, mais plutôt de permettre à chaque lecteur de s'y retrouver rapidement et de rester au coeur de la compréhension du texte. - Au-delà de la description, j 'ai souhaité tout au long du mémoire, pour lutter contre une lecture exclusivement formaliste, lier mes points de vue au caractère descriptif des lois, commissions et organismes décrits. - Toutes les personnes qui ont été interrogées sont répertoriées à la fin du mémoire. - Des définitions de termes techniques ont été placées en fin de mémoire. CHAPITRE I : La concertation enurbanisme, une nécessité devenue enjeu : Ce chapitre a pour but de démontrer deux idées : d'une part que la concertation s'est construite sur une histoire et a généré des avancées juridiques et pratiques, et d'autre part qu'elle sous tend dans la dimension de projet en aménagement, l'hétérogénéité des objectifs et des pratiques. En effet, la concertation prend de plus en plus d'importance et s'intègre dans des domaines divers tels que la politique, l'aménagement, la prévention et la gestion des conflits, les querelles entre administrés et Etat... Associée à cette évolution, une kyrielle de termes jalonne le champ de la concertation. Avec cela, tout un « arsenal » juridique ou non contribue à mettre en exergue les exigences participatives. Une concertation qui, comme nous allons le voir, peut trouver son expression sous diverses formes « en interne ou en externe ». 1. Concertation, Consultation, Participation... un vocable dense : Cette partie a un objectif double : elle vise à expliciter l'histoire de la concertation qui s'est largement développée dans la seconde moitié du XX ème siècle et cherche à définir les expressions qui sont nées de sa mise en forme. J'ai choisi de présenter les expressions les plus fondamentales et les moins importantes ensuite. Même si l'inverse aurait été plus logique sur le plan de l'intensité du dispositif décrit (partir de la simple information pour évoluer vers une concertation impliquant l'individu), je pense qu'il aurait été malhonnête intellectuellement de ne pas lier la définition de ces mots à la réalité du terrain. En effet, les processus dits de concertation ont tendance à trouver leur optimum dans les actions d'information et de consultation. J'ajouterais aussi qu'un catalogue de définition de mots ne mène pas à grand- chose. Ainsi, j 'ai préféré agrémenter ces définitions par des points de vue contradictoires d'auteurs et des approfondissements pour rendre la connaissance toujours plus vivante et en perpétuelle discussion. 1.1 La Concertation, une histoire, une identité et une décision ~ Le mot concertation est intimement lié au verbe « concerter » qui veut dire selon le dictionnaire « élaborer (quelque chose.) avec une ou plusieurs personnes3 », ou encore « projeter de concert avec une ou plusieurs personnes4 ». Par contre, le terme se concerter signifie « s'entendre pour adopter une attitude commune » et de ce fait ne concerne qu'un petit nombre d'individus dans le but d'une action homogène. Et le mot concertation toujours d'après le dictionnaire, est « l'action de se concerter, de consulter toutes les parties intéressées ». Le dictionnaire « Nouveau Petit Robert » insiste sur le caractère politique de la concertation en la définissant comme une « politique de consultation des intéressés avant toute décision ». Cette définition est à l'origine de l'emploi de ce mot à travers la politique du Général De Gaulle où l'on parle de « concertation intergouvernementale »5 mais selon le conseiller d'Etat Yves Jegouzo, il serait « apparu dans les procédures administratives françaises avec la planification initiée par Jean Monnet, l'idée étant que les processus de consultation fassent émerger des consensus et que les objectifs du Plan soient acceptés de façon quasi- contractuelle par les opérateurs privés. »6 Point de polémique inutile, la concertation comme le souligne ces définitions, se pratique d'abord en politique et revêt des acceptions différentes de celle utilisée en urbanisme. Selon Catherine Atger7, « la concertation est une politique de consultation des personnes intéressées par une décision avant que celle-ci ne soit prise ». Le maître d'ouvrage qui lance la concertation reste « libre de sa décision ». Une concertation qui doit alors s'inscrire dans le temps et posséder des objectifs clairs dont le plus important est d'arriver à une décision majoritairement partagée. Deux objectifs semblent prépondérants (mais il y en a d'autres aussi), le niveau d'implication des acteurs et le consensus autour d'une décision commune. 3 Voir Dictionnaire Hachette Livre 1999 4 Voir Dictionnaire Nouveau Petit Robert 1996 5 Voir la page du site internet du Centre d'information sur l'Europe concernant le Général Charles De Gaulle qui suit : http://www.touteleurope.fr/fr/union-europeenne/ue-au-fil-du-temps/les-personnages-cles/charles-de-gaulle1890-1970.html 6 Propos issus de « La démarche SCoT- témoins La Concertation dans l'élaboration des SCoT », Journée d'échanges du 12 Mai 2004, DGUHC 7 Toutes les définitions au sens urbanistiques du terme de la partie 1. sont issues du livre « la concertation en Aménagement. Eléments méthodologiques. », Catherine Atger ex-chercheure au CERTU (Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les Constructions Publiques), Juin 2000, 23 p. Avant d'atteindre la décision, il faut saisir le poids des partis en présences (les outils seront détaillés dans la sous- partie suivante) et se soucier du but de la communication et du niveau d'implication des acteurs. Dans « la concertation en aménagement », il est proposé trois niveaux d'implication des acteurs : - « Mettre au courant : Mettre les acteurs au courant des projets que l'on envisage d'entreprendre est la première ouverture de la décision sur l'extérieur. On parle dans ce cas d'information ou de communication. - Demander l'avis : C'est donner la possibilité de s'exprimer sur le sujet. Le demandeur d'avis ne s'engage pas à modifier son projet. On parle de consultation ou parfois concertation. - Construire avec : Le projet se construit avec plusieurs acteurs et le décideur garde le pouvoir de décision mais propose d'écouter et surtout de tenir compte des avis exprimés. Même s 'il ne répond pas favorablement aux demandes qui s'expriment, il les étudie et est prêt à expliquer les raisons pour lesquelles il ne les a éventuellement pas retenues. On utilise dans ce cas le mot concertation ou participation. » Ce court extrait situe trois objectifs de communication à but participatif. Communiquer pour informer, consulter ou faire participer. Le ou les objectif(s) doit(vent) être définit dès le début. Le cabinet Jean-luc Michel Conseil8 propose une méthode de communication qui viserait cinq attentes du public que ce soit d'informer pour faire prendre conscience ou aller jusqu'à faire agir les citoyens. Ainsi, déterminer le but souhaité par l'organisme avant toute démarche est fortement conseillé. Cela dit, la concertation concerne à l'intérieur du champ de l'aménagement des projets multiples et variés où ce qui est demandé au citoyen en terme d' l'information(s) à acquérir et de contribution(s) à apporter par exemple peut(vent) sensiblement changer. Une démarche participative lancée sur une ZAC (zone d'aménagement concerté) impliquant des constructions sur un territoire donné avec une modification substantielle du cadre de vie et de l'urbain ne peut pas se préparer dans les mêmes conditions que pour un SCoT qui est un document règlementaire et prospectif établit sur un territoire plus vaste. 8 Voir L'ANNEXE 1 : Informer pour informer : non ! provenant du cabinet Jean-Luc Michel Conseil qui propose des sessions de formations concernant une méthode de communication générale applicable pour l'oral et l'écrit. La décision intègre la notion de pouvoir du décideur et de celui laissé aux participants, l'urgence liée à la situation, les caractéristiques socio-économiques du public cible, la nécessité d'obtenir un consensus avec l'ensemble des partis en présence... Il faut d'une certaine manière « jongler » avec les urgences qu'imposent une situation et les objectifs convenus. La mise en place d'une action ne contentera pas toujours l'ensemble des citoyens. La recherche du consensus absolu de tous dans l'urgence ne peut être une solution acceptable. Le consensus qui est un accord entre personnes qui implique la notion de consentement est largement utilisé en politique pour désigner l'accord majoritaire de l'opinion publique. Cette opinion publique catégorisée par classes d'âges et classes sociales aurait un impact sur la formation du consensus. En effet, le philosophe Jacques Rancière9 pense que le consensus est « moins l'accord des individus qu'une manière de fixer les données du possible ». Il aurait pour but d'objectiver l'ensemble de la société et ses problèmes pour les « ramener à des problèmes soumis à des expertises puis négociés entre des partenaires constitués ». Le penseur Jean Baudrillard10 posait la question du « consensus généralisé » qui pourrait avoir pour objectif d'annihiler tout conflits en poussant l'ensemble des acteurs à s'entendre dans une société qui s'homogénéise. 1.1.2 La concertation, Quand, Comment, quelles conséquences ? Elle peut être lancée en amont d'un projet ou pendant toute la durée du projet11. Cette question est dominante car elle peut avoir un prétexte fallacieux, tout dépend à quel moment on consulte les personnes. Plusieurs scénarii sont possibles. La concertation peut se faire au moment où le maître d'ouvrage a quasiment tout décidé ainsi l'apport d'une implication des citoyens dans la dynamique du projet est tardive. Dans ce cas, elle peut servir ses propres intérêts (faire passer le projet en force) ou permettre seulement aux citoyens d'être écoutés sans que l'on prenne en compte leurs dires. L'exemple le plus rare d'après Catherine Atger, c'est le travail d'un maître d'ouvrage construit autour des « propositions des personnes 9 Voir l'entretien publié dans la revue « Philosophie Magazine », Juin 2007, n°10, pp.54-59 10 Voir notamment l'ouvrage « Mots de Passe », Edition Pauvert, (réédition en livre de poche biblio essais Octobre 2004) , 1er Mai 2000, 106 p. 11 C'est le cas pour les SCoT et PLU. consultées (7)». Yves Mansillon12 insiste, lui, sur la concertation qui doit être mise en place « suffisamment en amont » et que « la France souffre d'un manque de démocratie participative ». De plus la concertation ne se construit pas « à la légère ». Le code de l'urbanisme (art. 300-2), la convention AAHRUS, la charte de la concertation, guide de la concertation PPR, la charte de participation du Grand Lyon... tout un arsenal d'écrits, ayant une valeur juridique ou non, concernent la concertation, la participation des habitants, l'information... Pour s'y retrouver, il faut avoir « bon oeil ». Malgré la kyrielle d'écrits traitant de démocratie participative dans le secteur de l'aménagement, il existe peu d'obligations à suivre pour les maîtres d'ouvrages, syndicat mixte, OPAC ou toutes autres structures en matière de concertation, de participation du public. Le « comment ? » est laissé à la libre appréciation des décideurs. Ils doivent respecter ce qu'ils s'imposent par voie délibérative. Le commissaire enquêteur peut juger la concertation viciée si toutes les actions inscrites dans la délibération (prise auparavant) n'ont pas été menées. De plus, d'après le professeur Rémy Lefebvre13 « la question de la démocratie participative est ainsi devenue un des enjeux politico intellectuels les plus discutés aujourd'hui. » Que ce soit un simple palliatif à la démocratie représentative, un complément ou un système qui pourrait se généraliser pour quasiment toutes les décisions d'ordres urbanistiques, politiques ou autres, il semble prépondérant et légitime de se poser la question des conséquences. Face à cette crise de la démocratie, Cornélius Castoriadis14 pensait que le renouveau de l'esprit critique ainsi que la démocratie représentative pourraient améliorer notre démocratie (si on peut encore l'appeler démocratie ?) ou permettre son retour en tant que réelle démocratie. C'est ici que l'idée d'essayer d'intéresser la population sur un projet par la complémentarité qu'offre la démocratie participative face aux pratiques décisionnelles existantes est fondamentale. Ainsi, le « comment ? » des procédés de démocratie participative est au libre choix des décideurs. Le « pourquoi ? » qui juge de la nécessité de l'acte conditionne ce qui va se faire après, donc le « comment ? ». Les conséquences, si l'affaire est bien menée, peuvent permettre aux citoyens de produire des remarques à condition que ce public ait intégré « les 12 Le Préfet Yves Mansillon est Président de la CNDP(Commission nationale de débat public). Ses propos sont extraits de l'article « Yves Mansillon : le pays souffre d'un manque de démocratie participative », 9/10/04, Le Figaro. 13 Rémy Lefebvre est professeur de Sciences Politiques à Reims Chercheur au CERAPS Lille 2. Cet extrait est repris du texte : « Non-dits et points aveugles de la démocratie participatives », disponible sur le site : http://www.redpop.fr/spip.php?article680 14 Cornélius Castoriadis est un philosophe et psychanalyste d'origine grecque. Pour les propos repris, voir l'émission « là-bas si j'y suis » avec Cornélius Castoriadis interrogé par Daniel Mermet le 25 Novembre 1996 sur France Inter. transformations sociales du monde économique15 ». Cette dernière phrase représente, pour moi, le coeur du débat philosophique de la concertation. Où allons-nous ? Suivre les transformations sociales qui, à mon sens, sont prédéterminées en grande partie par les bouleversements économiques ou construire une autre démocratie qui solutionnerait cet état de fait. Un large débat, qui n'est pas l'objet de ce mémoire mais qui doit sortir du jeu monotone et incessant d'une certaine pensée conformiste. 1.2 La participation ou l'art d'impliquer la population ~ Je commencerais par cette phrase d'Henri Raymond16 « Faire réellement participer les gens, ce serait leur donner ce rôle de donneur d'ordre, et non pas leur dire « Alors, Messieurs, voici notre projet... » ». La participation consisterait à placer l'individu dans la situation de quelqu'un qui peut s'exprimer. De plus, dans l'idée de participation s'insère l'objectif de co-décision, le citoyen s'implique de manière active pour produire une décision partagée. On ne retrouve que trop rarement cet objectif dans la concertation. Cependant aucune portée juridique précise n'alimente la procédure de participation. C'est une notion floue que l'on retrouve très nettement définie dans le milieu économique en terme de participation financière. Dans ce cas, la participation d'ordre financier implique l'individu ou l'organisme dans la construction d'un projet. Cela dit, dans les faits, la co-décision favorisant la participation active des publics et du maître d'ouvrage est assez peu favorisée. La décision semble rester entre « les mains dites expertes » du producteur de projets. Cependant, est-ce que le décideur qui doit favoriser la participation des citoyens peut reconnaître ses erreurs à un moment donné, sur un sujet donné ? Peut-il soumettre son projet pour qu'il en ressorte une approbation collective ? Pour cela, il faudrait que les individus soient réellement sollicités pour pouvoir s'exprimer ou que les mentalités évoluent car certains maîtres d'ouvrages, malgré leur bonne volonté, n'arrivent pas à encourager les citoyens à s'exprimer. Sans enterrer trop vite les efforts légitimes et
pertinents des maîtres d'ouvrages, je pense aussi 15 Voire la thèse de Sophie Vareilles « Les dispositifs de concertation des espaces publics lyonnais. Eléments pour une analyse du rôle de la concertation des publics urbains dans la fabrication de la ville » 16 Voir l'article publié par la revue urbanisme n°307 Juillet/ Août 1999 « L'uomo qualunque » d'Henri Raymond, Professeur émérite à l'Université Paris X. la décision, semble douter. L'enjeu qui se réalise autour du mot « citoyen » serait peut-être à redéfinir en y intégrant la complexité historique et subjective. C'est effectivement ce que l'on peut entendre sous le ton provocateur chez l'écrivain Marc- Edouard Nabe, qui déclare, qu' « il y a plus politique que la politique aujourd'hui, c'est l'être humain17 ». Il défend l'idée qu'aujourd'hui, nous sommes tous « dans la tragique mode du citoyen et personne doit être un individu. » Cela dit, je ne désire pas mettre en avant une idée plus qu'une autre, j'attire seulement l'attention sur le caractère complexe et subjectif de ce concept de citoyen. Un concept philosophique de taille à creuser, dans lequel tous les partis devront être écoutés (urbanistes, philosophes, sociologues, écrivains, peintres, biologistes...) pour déterminer le sens (au-delà de la simple définition) de ce mot citoyen, relevant de la théorie comme de la pratique. 1.3 La Consultation, un avis simple ~ Consulter quelqu'un c'est seulement lui demander son avis. Un avis simple, comme disent les professionnels du droit, c'est-à-dire qui n'engage rien et peut ne pas être suivi. Tout peut donc être ficelé d'avance et le fait de consulter servirait exclusivement dans ce cas, à prouver que les citoyens ont été entendus. Le décideur ne sait peut-être pas quels sont les outils de concertations appropriés ? Il se peut qu'il ne sache pas comment s'y prendre. Il existe aussi plusieurs types de décideurs, de projets présentés (des documents d'urbanisme type SCoT, PPRI, PLU ou des constructions de logements sociaux, des ZAC...) qui engendrent des objectifs et finalités variés. La consultation dans tout cela, c'est interroger les habitants sans échange. Ils ont la possibilité de s'exprimer (le plus souvent à l'écrit) mais il n'y a pas de discussion durable. Ce n'est pas un débat ni un échange direct entre les deux partis. 17 Extrait de l'émission « Bouillon de culture » du 11 Mars 1999 présentée par Bernard Pivot dont le sujet est : l'insolence est-elle de droite ? avec Marc Fumaroli, Dominique Jamet, Christian Millau, Guy Kronopnicki et Marc- Edouard Nabe. 1.4 Les autres expressions inscrites dans la
pratique: L'information : « c'est mettre au courant d'un certain nombre de faits18 » L'émetteur du message n'attend pas de réponse, c'est un transfert d'information unilatéral qui ne contraint pas le récepteur (celui qui reçoit le message) à répondre. Le message doit avoir une cible et un but pour être efficace. Cependant la concertation touche plusieurs cibles (on parle de la notion de « publics » pluriels et différenciés et non d'un « public » uniforme et homogène) que l'on ne peut pas toujours bien repérer. Transmettre une information fournit des arguments au récepteur, des connaissances qui peuvent lui donner le pouvoir d'agir. Si cette information est exploitée, le citoyen a le pouvoir de comprendre et d'énoncer des propositions. Comme l'explique le psychanalyste Gérard Mendel, l'importance du « pouvoir sur l'acte » et du « pouvoir de l'acte » semble essentiel. « Le pouvoir sur l'acte » concerne l'importance accordée à l'individu dans la construction de la décision finale. Quel(s) pouvoir(s) a-t-il sur ce qui est et sur ce qui va être réalisé ? Jusqu'où prend-il part dans le jeu de la décision ? Quel(s) pouvoir(s) sur l'acte ? Par exemple, on peut simplement informer le citoyen ou l'impliquer dans la décision. Par contre, « le pouvoir de l'acte » concerne l'acte lui-même. Quelles sont les conséquences de l'acte ? Que produit-il ? En aménagement, ces deux visions se recoupent. De ce point de vue, les conséquences de l'acte en lui-même sur un territoire singulier et le pouvoir que possède l'individu sur celui-ci, subsument les actions qui vont être menées. En deux mots, l'aménagement proposé dépend du pouvoir que l'individu possède sur lui. Communiquer vient du latin communicatio qui signifie commerce, relations. La communication, dans le champ de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, englobe tous les outils utilisés pour « mettre en scène » un projet. Ce mot fait référence à la politique globale d'information transmise par le décideur. La négociation a pour finalité l'obtention d'un accord. Pour y arriver, des discussions, entretiens, propositions, idées... sont proposés par les partis en présence. Il doit y avoir des concessions de la part des partis. Ainsi, nous arrivons au compromis qui ne peut être
atteint que si les concessions permettent 18 Voir « la concertation en Aménagement » CERTU, Catherine Atger, Juin 2000, 23 p. des modifications pour intégrer les idées des uns et des autres et afficher le fait qu'il est plus globalement accepté (ce qui ne veut pas dire partagé par tous, cela semble utopique). Le consensus est un accord implicite ou explicite entre une majorité de personnes présentes. L'accord peut résider dans le partenariat (des groupes d'individus s'allient et se partagent le pouvoir) pour faire « accoucher les esprits » en direction de l'objectif optimal ; la décision. Puis ce qui permet d'appuyer la légitimité et le sérieux d'une décision, c'est la transparence vis-à-vis des citoyens. Donner l'information dès qu'on l'a, ne pas chercher à cacher des intérêts dans le but d'orienter la décision dans son sens. Actuellement, on parle aussi de prévention et gestion des conflits pour rassembler les techniques de médiation. Le médiateur ou conciliateur de justice19 sert à désamorcer un conflit entre personnes physiques et/ou personnes morales. Que ce soit pour le conflit de voisinage, le conflit entre une personne privé et l'administration (c'est du ressort du médiateur de la république), une présentation d'oeuvres sous forme pédagogique et/ou originale (la médiation culturelle)... le médiateur n'a pas la même fonction. En aménagement, la médiation sert plutôt à traiter des conflits de voisinage, d'occupation illégale de voies, de contestation concernant tel ou tel aménagement ... Le conciliateur ou médiateur doit être le plus neutre possible, son rôle est d'essayer de « faire accoucher les esprits » de décisions unanimement partagées, qui règleront le conflit. La rencontre entre les deux partis opposés se réalise dans le but d'atteindre une décision efficace qui résoudra le conflit. Dans ce cas, la base du débat se construit sur un désaccord, ce qu'on ne retrouve pas dans tous les cas de concertation. Comme nous venons de le voir, une pléthore d'expressions quasi-identiques envahit le champ de la concertation. Même les techniciens et urbanistes qui travaillent sur la participation des habitants ne connaissent pas le sens alloué à chacun de ces mots. Comment s'y retrouver et que faire dans la pratique ? Le contexte du projet (avec notamment le type de projet présenté, ses objectifs) prend une dimension importante. De plus, il ne faut pas oublier que l'emploi de ces mots hors du champ de l'urbanisme peut revêtir un tout autre sens. La partie 2. expliquera que l'on peut classer la concertation en deux camps : la concertation dite en « interne » ou en « externe », avec des objectifs et des publics différenciés selon les cas. 19 C.f article « Un conciliateur pour désamorcer le conflit. », Journal Var Matin. Jean-Louis Prat explique qu'il intervient en tant que conciliateur sur le secteur de La Garde, La Valette, Le Pradet et Le Revest pour régler les affaires qui sont conciliables. Au-delà du rôle social du conciliateur, M. Prat pense qu' « on désamorce un conflit là où souvent il n'y en a pas. » 2. La démarche participative, un intérêt double : Provoquer le débat, faire participer, décider... ne peut se construire qu'entre interlocuteurs désirant travailler ensemble et poursuivant un but définit. « L'article L. 300-2 du code de l'urbanisme précise les personnes à associer, il s'agit : - des habitants - des associations locales - des autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole. - Les commerçants et artisans peuvent être concernés20 » Cette concertation doit se réaliser tout au long du projet. Elle prend en compte toutes les personnes qui désirent s'exprimer et peut aussi essayer d'attirer de nouveaux interlocuteurs qui n'avaient pas prévus de prendre la parole ou de participer. Toujours dans le même esprit, je tiens à réaffirmer l'idée que la stricte description de ce que signifie une expression me semble peu évocatrice. En effet, je préfère solliciter l'attention et la réflexion personnelle du lecteur à travers l'intervention contradictoire de professeurs, urbanistes... pour enrichir le sujet. Tout cela sans oublier, l'approfondissement théorique qu'offre les lois, chartes, conventions... La « praxis », elle, s'impose aux premiers cas pratiques (notamment les expériences de médiation et de conciliation). L'objectif modeste étant d'accompagner finement le lecteur jusqu'aux cas pratiques (SCoT Provence Méditerranée et le PLU de La Seyne sur Mer) en articulant ensemble théorie et pratique. Il est évident que ce choix de présentation a pour but de faire émerger des réflexions et garde le souci de préserver le lecteur de ce que pourrait représenter un texte relatant simplement ce que contient le corpus juridique existant dans le champ de l'aménagement et de la concertation. 20 Voir « la concertation préalable à l'aménagement », les dossiers d'experts, lettre du cadre, Christian Bellet ingénieur territorial de la ville de Royan, Décembre 1994, 151 p. 20 2.1 La concertation dite « en interne », pour des documents d'urbanisme partagés par tous les acteurs ~ La concertation dite « en interne » concerne les institutions avec lesquelles travaille l'initiateur du projet. On parle des PPA (personnes publiques associées). Dans le cas du SCoT Provence Méditerranée21, l'Etat, la Région, le Département, les organismes de gestions des parcs naturels sont associés (voir art L. 121-4 du code de l'urbanisme). Les services de l'Etat, les Régions et Départements sont associés à l'élaboration du projet de SCoT soit à l'initiative du président du Syndicat Mixte, soit à la demande du Préfet, du président du Conseil Régional et du Conseil Général pour les départements (Voir Article L.122-6 du code de l'urbanisme modifié par la loi U.H (Urbanisme et Habitat) du 2 juillet 2003). Concernant les chambres consulaires (Chambre de Commerce et d'industrie (CCI), Chambre des Métiers (CM), Chambre d'agriculture (CA)) le même dispositif est appliqué. Pour les PLU (Plans Locaux d'Urbanisme) la liste est sensiblement la même excepté les sections régionales de conchyliculture pour les communes littorales ce qui est le cas de La Seyne sur Mer. Au-delà des PPA imposées par la loi, on peut favoriser une participation élargie avec des consultations de divers groupes d'acteurs, par avis simple22 (que l'on peut recueillir sans être obligé de les suivre). Il me semble que la participation des institutions SCoT et PLU ne revêt pas la même allure. Dans le cas du PLU, on touche au droit des sols, on est au coeur de l'aménagement du territoire, dans la praxis même. L'Etat, la Région, le Département, le SCoT doivent donc être très attentifs aux desseins (et dessins, je dirais aussi) des projets qui s'inscrivent sur ce territoire. Le SCoT PM joue aussi un rôle important dans le contrôle de légalité du PLU. Le PLU qui doit être compatible avec le SCoT est une véritable vitrine du territoire communal qui se construit en lien avec des instances supra communales qui ont elles mêmes intégré les changements des nouvelles lois SRU et UH. En effet, M. Patrick Jaubert, directeur du Service Urbanisme de la mairie de La Seyne sur Mer explique les grands bouleversements dus aux réformes du code de l'urbanisme, notamment par « le passage d'un urbanisme de zonage à un urbanisme de projet » où le POS devenu PLU ne se contente plus de fixer le droit des sols mais de créer une dynamique autour de projets communaux. 21 Voir ANNEXE 2 : Personnes Publiques Associées du SCoT PM. 22 Voir ANNEXE 3 : Liste des Personnes Publiques associées devant recevoir le projet de plan local d'urbanisme de la ville de La Seyne Sur Mer. Le SCoT vise un territoire plus large que la commune. Juridiquement, il se retrouve entre la loi et le PLU. Il doit traduire des engagements durables et exprimer des orientations qui ne soient pas trop restrictives pour que les PLU puissent agir sur leur territoire. Les points de vue des personnes associées lors de l'élaboration d'un SCoT et d'un PLU (dans le cas où ce sont les mêmes) doivent être cohérents et efficaces. La concertation « en interne » n'est pas le sujet direct de mon mémoire car ce serait trop long, ce qui ne m'empêche pas de nommer les outils de concertation qui y sont rattachés. Cela dit, je traite quasi-exclusivement de la concertation en « externe », c'est-à-dire avec la population, et notamment de son impact sur les décisions prises tout au long du processus de construction des SCoT et PLU. 2.2 La Concertation dite « en externe », pour intégrer les contributions de la population. La concertation « en externe » est l'objet de mon mémoire. Savoir comment fait-on pour permettre à la population de s'exprimer ? L'article 300-2, la loi démocratie et proximité de 2002, la convention Aahrus, la charte de la concertation, les actions de médiation et de conciliation... et beaucoup d'autres textes ont pour but de développer la concertation. Une concertation construite avec des « publics » (hétérogènes et pluriels) n'est pas simple à mettre en place. D'ailleurs, l'article 2 de la charte de la concertation défend l'idée d'une participation active de la population et pas seulement des citoyens riverains du projet. Elle parle un peu plus loin, de l'importance du débat, de la cohésion sociale, de favoriser l'émergence de nouvelles propositions... Sous une autre forme, la charte d'Aalborg (qui date du 27 Mai 1994) dite « charte des villes européennes pour la durabilité » essaie de créer un réseau de relation entre les villes Européennes en favorisant par exemple, le lien entre les collectivités locales et le citoyen notamment en matière d'environnement comme en témoigne cet extrait : « L'autorité locale est proche des problèmes environnementaux et la plus proche des citoyens ; elle partage les responsabilités avec les autorités compétentes à tous les niveaux, pour le bien-être de l'homme et de la nature ». Dans cette charte, c'est assez original, ce sont les villes qui sont les sujets des phrases, du type « Nous, villes, comprenons que le concept de développement durable... ». La qualité de vie des citoyens doit se construire sur des modes de vie durables plutôt que de simplement favoriser la consommation. L'expression et la participation des citoyens aux processus de décisions sont aussi prégnantes et récurrentes à l'écrit : « Nous veillerons à ce que tous les citoyens et les groupes d'intérêts aient accès à l'information et puissent être associés aux processus décisionnels locaux et nous nous emploierons à éduquer et à former non seulement le grand public mais encore les représentants élus et le personnel des administrations locales à la durabilité. » Un autre texte la convention Aahrus, se base sur les enjeux environnementaux et l'information. Elle a été signée le 25 juin 1998 par 39 états au Danemark et concerne les dispositions favorisant l'information du public. Elle défend l'accès à l'information, la participation des publics au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. La concertation se doit de permettre au citoyen de participer légitimement à la décision grâce à la détention d'informations suffisantes lui permettant de se prononcer sur le sujet. Voici un extrait qui caractérise ce qui a été dit précédemment : « dans le domaine de l'environnement, un meilleur accès à l'information et la participation accrue du public au processus décisionnel permettent de prendre de meilleures décisions et de les appliquer plus efficacement, contribuent à sensibiliser le public aux problèmes environnementaux, lui donnent la possibilité d'exprimer ses préoccupations et aident les autorités publiques à tenir dûment compte de celles-ci. » La place du citoyen dans le débat dépend de l'objet du texte. Que cela concerne l'urbanisme, la construction, l'environnement ou autres, la démocratie participative est fortement conseillée pour aboutir à des projets partagés entre citoyens, élus et techniciens. La concertation en aménagement qui en est à son état embryonnaire de réflexion, se retrouve influencée par les sciences humaines et notamment les sciences politiques. La profusion de textes, chartes, écrits... où chacun y met du sien pour favoriser la concertation ne permet pas d'offrir un guide adapté à la concertation dans le champ de l'aménagement. En effet, chaque projet répond à des objectifs divers et ne peut pas, à mon sens, appliquer une méthode imposée juridiquement par l'Etat ou l'Europe. De plus, la faible portée juridique des « chartes » ainsi que la prolifération de ce type d'écrits dans d'autres secteurs (charte qualité, charte d'utilisation d'internet, charte des étudiants en stage en entreprise...) ont pour conséquence de dégrader l'objet et la portée éthique de leur contenu. En effet, une charte n'engage pas juridiquement les signataires à suivre scrupuleusement les règles inscrites. On peut aisément comparer les chartes aux règles déontologiques. La déontologie journalistique est très souvent transgressée23 par les organes de presse qui la mette en exergue. Cela dit, avant d'entrer dans le détail des deux cas (le SCoT Provence Méditerranée et le PLU de La Seyne Sur Mer), je souhaite présenter les outils participatifs et les règles, qui sous entendent le fait qu'une concertation a bien été menée. 3 La concertation à l'essai, entre outils et règles : Une concertation pour interroger l'habitant, enrichir sa réflexion, pour produire des décisions partagées... ne peut pas se concevoir sans outils. Comme l'explique M. Jean-Michel Fourniau24plusieurs dispositifs répondent à divers objectifs : communication, consultation et participation (vu dans cet exemple comme équivalent du mot concertation). Pour communiquer, l'audio-visuel, le « meeting », l'information par internet (site internet, newsletter ou lettre d'information...), la production de documents écrits qui ne demande pas de réponse à destination du public, le hotline sont des outils qui visent seulement à informer. Newsletter ou lettre d'information : Donner son adresse mail sur un site à l'endroit intitulé newsletter ou lettre d'information pour recevoir les dernières actualités d'un site. Le hotline est un « terme anglais désignant l'assistance téléphonique gratuite ou payante mise en place par les éditeurs et les constructeurs de produits informatiques, ainsi que par les fournisseurs d'accès Internet, pour résoudre les problèmes techniques de leurs clients sans faire déplacer un technicien. Il existe aujourd'hui des hotlines par e-mail.25 » 23 Voir à ce sujet, l'analyse critique des médias de l'Acrimed dirigé par le sociologue Patrick Champagne : www.acrimed.org ou les analyses des « médias mensonges » en tant de guerre théorisés par le journaliste belge Michel Collon : www.michelcollon.info 24 Voir « Appréhender la prolifération des forums participatifs et délibératifs. Eléments d'analyse pour une méthodologie d'évaluation du débat public. », Jean-Michel Fourniau (INRETS, DEST et GSPR), Séminaire SHEAU « Dispositifs de délibération » du 5/02/07. 25 Définition extraite du dictionnaire du site de TV5 en ligne : http://dictionnaire.tv5.org/dictionnaires.asp?Action=1¶m=hotline&che=1 La consultation, c'est demander son avis à quelqu'un (voir la définition dans la partie 1.). Quelques outils comme le sondage (très utilisé lors des élections), la consultation sur document envoyé ou par courriel, focus group26 ; débat ouvert, panel de citoyens27. Les panels de citoyens, ce sont de petits groupes de citoyens rémunérés qui se retrouvent pour résoudre des problèmes en proposant des solutions adaptées. Cette méthode peut se faire au maximum sur quatre jours avec 25 personnes sinon le dispositif devient déficient. De plus, le caractère réaliste des décisions en fin de processus, encourage la mise en place des panels de citoyens. La participation se met en forme grâce au conférence/jury de citoyens28, task force, sondage délibératif29, town meeting30. Pour le dire simplement, les conférences de citoyens ont pour but la production d'un document de synthèse réalisé par une quinzaine de personnes tirées au sort. Une écoute attentive d'un ensemble de témoins, experts sur le sujet, permet aux citoyens de forger sa réflexion. La procédure dure trois semaines maximum. « Une force opérationnelle31, appelée task force ou parfois task group en anglais, est une forme d'organisation temporaire créée pour exécuter une tâche ou activité donnée. Initialement créée dans la marine de guerre des États-Unis, le concept a fait florès et est à présent utilisé dans beaucoup d'organisations, telles des entreprises, qui créent des task forces pour exécuter des missions temporaires ». La task force est utilisée dans le monde de l'entreprise pour répondre à un ensemble de problèmes. Dans ce cas, un groupe de travail 26 Pour le terme focus group, voir l'ANNEXE 4 : Méthodologie du Focus Group trouvée à l'adresse suivante : http://www.integration-projects.org/tools/Methodologie du focus group FR.doc 27 Voir l'article « La méthode du « panel de citoyens » (ANNEXE 5) issue de l'ouvrage « La crise de la démocratie représentative- de la nécessité de participation des citoyens », Hans Harms, Citcon (Citizen Consult gmbh), Allemagne, 1998. Voir http://adonnart.free.fr/doc/citoy/confcit6.htm#07 28 Voir l'article « De l'organisation des conférences de citoyens » (ANNEXE 6), Matthieu Calame, Fondation Charles Leopold Mayer, 2000 qui explicite avec beaucoup de détails l'organisation des conférences de citoyens. D'autres articles ainsi que celui-ci sont accessibles sur la toile, pour cela voir : http://adonnart.free.fr/doc/citoy/confci17.htm 29 Voir l'article « Le sondage d'opinion délibératif (S.O.D.) » (ANNEXE 7) extrait du livre « New instruments of citizenship participation », Nuria Font, working papers, Institut de Ciènces Politiques I Socials, Universitat Autonoma de Barcelona, 1998. Voir http://adonnart.free.fr/doc/citoy/confcit9.htm 30 Voir le blog de Thierry Vedel, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF (Centre de recherche politiques de Sciences Po) : http://vedel.blogspot.com/ 31 Extrait de la définition trouvée sur l'encyclopédie en ligne Wikipedia dont voici l'adresse de la page web : http://fr.wikipedia.org/wiki/Force op%C3%A9rationnelle rattaché à un sujet choisi, tente de trouver les solutions adéquates. Ces groupes de travail proche des « commissions thématiques » du Syndicat Mixte SCoT PM, ne sont pas conçues, à mon sens avec le même objectif. Créer un groupe de travail de type task force ou une commission thématique, ce n'est pas la même chose. La task force se réalise dans l'urgence pour pallier le plus rapidement possible un problème posé alors que les commissions thématiques concernent des réflexions qui s'étalent sur du long terme et qui accompagnent l'évolution du projet SCoT. Les S.O.D. (Sondage d'opinion délibératif) rassemble un groupe de citoyens choisit sur liste électorale, pour discuter de problèmes politiques fondamentaux. Les citoyens ont la possibilité de poser des questions aux experts, hommes politiques et de délibérer en groupe restreint. La même question est posée avant et après le processus, afin d'observer l'évolution de la position du citoyen. Le town meeting couramment utilisé lors des débats politiques entre deux représentants de partis désirant accéder à la présidence du pays, est un type de débat. C'est un débat où le public peut intervenir pour poser des questions. Vu la multiplicité des situations pour concerter, choisir l'outil adéquat pour mener à bien une bonne concertation est difficile. Faut-il encore que les maîtres d'ouvrages, les organisateurs de la concertation connaissent les outils détaillés ci-dessus ? Même si je ne peux pas complètement attester la bonne ou mauvaise connaissance de ces pratiques par les acteurs, je pense qu'au-delà, les organisateurs et leurs structures ne sont peut-être pas prêts à tenter l'expérience. Il est évident que la dimension politique que l'on retrouve à travers le rôle des élus (notamment de décider) est certes capitale. En effet, les techniciens de « bonne foi » désirant favoriser ce qui semble être le plus profitable aux citoyens, se heurtent aux tractations des politiques qui les dirigent. C'est le triptyque Elus- Techniciens- Habitants (dont traite un grand nombre de travaux32) qui produit des tensions. De plus, le contexte historique, politique, économique et sociologique de tout territoire, joue une part au moins aussi importante que les acteurs eux-mêmes. 32 Voir par exemple « La participation des habitants à l'élaboration des projets urbains, ou en est-on ? Regards croisés sur trois expériences. », Julie Vannier, mémoire de Maîtrise Aménagement et Développement Territorial, Septembre 2002, 127 p. Avant de rentrer dans la description de chaque territoire et d'exprimer ensuite les outils de concertation qui ont été mis en place en alliant la « matière » (les outils) et « l'esprit » (la manière dont j 'ai vécu les évènements), je souhaite présenter un point de vue sur la pratique. Ce n'est pas un « guide de la concertation », puisque je pense qu'il est illusoire voire utopique d'offrir un simulacre de pensées, que l'on érigerait en dogme intangible adaptable à toutes situations et à tous lieux. De ce fait, je souhaite présenter les points de vue de James L. Creighton, fondateur et président de l'IAP2 (International Association for public participation), consultant dans le champ de la participation depuis 1972. Par ailleurs, il a mené plus de trois cent programmes dans le domaine de la participation. Ces conseils, énumérés dans le but de mener au mieux une démarche participative, m'ont semblé pertinent. Cependant, la place que je donne aux écrits de cet auteur ne doivent pas être compris comme étant un point de vue partagé par tous. Ce n'est qu'un exemple de propos parmi tant d'autres, qui, je le répète, ne doivent pas être lus comme un guide de la concertation ni comme un avis universel communément admis. La distance critique et la plus grande circonspection sont de mise. La première partie du texte reprend les principales idées et la seconde partie est une traduction plus littérale. Selon l'auteur33, il faut tout faire pour développer les processus participatifs. Savoir gérer les financements et le temps ne sont pas les seules mesures de succès, il faut penser, organiser son processus de participation. L'objectif étant aussi d'empêcher les conflits par la participation, même si parfois ce n'est pas possible car les conflits ne dépendent pas toujours de celui qui organise la concertation. Les décisions sont souvent importantes en démocratie et elles doivent être suffisamment nombreuses et adaptées au contexte. Il faut penser à agir en n'étant ni trop idéaliste ni trop pragmatique. Ainsi l'auteur défend l'idée qu'il faut trouver un juste équilibre entre pragmatisme et idéalisme, pour cela :
|
|