III.2. Méthode adoptée
Au regard des objectifs de l'étude et vue la
disponibilité des données fournies par les ENDS, il semble mieux
adapté d'utiliser le modèle de Bongaarts repris par Jolly et
Grible pour la détermination des facteurs déterminants de la
fécondité à Madagascar. Ce modèle à
l'avantage de déterminer les variables qui influencent directement la
fécondité en prenant en compte l'effet des naissances hors
mariage qui est non négligeable pour le cas de Madagascar.
a- Présentation détaillée du
modèle de Bongaarts
Formulation du modèle
Bongaarts et Potter (1983) ont élaboré un
modèle simplifié permettant de quantifier les effets des cinq
déterminants les plus proches de la fécondité. Ces
déterminants sont la nuptialité, la

contraception, l'avortement provoqué, la
stérilité post-partum et la stérilité primaire.
Dans le modèle, ces cinq variables intermédiaires sont
représentés par des indices qui ont des effets inhibiteurs sur la
fécondité et ce sont ces indices (variant de 0 à 1) qui
empêchent la fécondité d'atteindre son niveau naturel. La
formulation statistique du modèle est la suivante :
ISF = FBM × Cm×
Cc× Ci× Ca× Ip
- FBM représente la Fécondité
Biologique Maximum. Elle se situe entre 13 et 17 enfants par femme. Bongaarts
propose une valeur moyenne égale à 15,3 enfants par femme pour la
FBM.
- Cm représente l'indice de mariage. Il est
égal à 1 si toutes les femmes d'âge reproductif sont
mariées, et 0 si en absence de mariage ;
- Cc représente l'indice de contraception. Il
est égal à 1 en l'absence de contraception, et 0 si toutes les
femmes fertiles utilisent une méthode efficace à 100% ;
- Ci représente l'indice de
stérilité post-partum. Il est égal à 1 en l'absence
d'allaitement et d'abstinence, et 0 si la stérilité est totale et
permanente ;
- Ca représente l'indice de l'avortement
provoqué. Il est égal à 1 en l'absence d'avortement et 0
si toutes les grossesses sont interrompues ;
- Ip représente l'indice de
stérilité primaire. Il est égal à 1 en l'absence de
stérilité primaire et 0 si toutes les femmes sont
stériles.
NB : Très souvent et comme ça l'est dans notre
cas, faute d'informations fiables sur la fréquence des avortements,
l'indice représentant l'avortement (Ca) est ignoré et
considéré comme intégré dans l'indice de
contraception (Cc). Dans ce cas la formulation du modèle
devient :
ISF = FBM × Cm×
Cc× Ci× Ip
Calcule des indices de Bongaarts
Les formules permettant le calcul des indices de Bongaarts sont
les suivantes :
- Pour l'indice de mariage :
Cm
ISF
=
ISFM

~ ISF = Indice Synthétique de
Fécondité
~ ISFM = Indice Synthétique de
Fécondité des Mariages (ou légitime)
- Pour l'indice de contraception :
Cc = 1-1,08× e× u
~ 1,08 est un facteur de correction de la
stérilité
~ u = prévalence de l'usage de la contraception
parmi les femmes mariées en âge de procréer ;
~ e = moyenne de l'efficacité de d'usage de la
contraception
- Pour l'indice de stérilité post-partum :
+
i
18,5
~ 18,5 est le temps moyens qui se passe, sans allaitement, pour
retomber enceinte ;
~ i = durée moyenne de stérilité
post-partum
- Pour l'indice de stérilité primaire :
Avec s la proportion de femmes non célibataires
âgées de 40 à 49 ans qui n'ont jamais eu d'enfant.
b- Présentation du modèle de Bongaarts
repris par Jolly et Gribble
Le modèle de Bongaarts suppose que toutes les
naissances ont lieu dans le mariage. Il ne prend pas en compte les naissances
hors mariage. Ceci est une limite pour le modèle car de nos jours les
naissances hors mariage sont de plus en plus fréquentes. Pour contourner
ce problème Jolly et Gribble (1996) ont crée un indice
ajusté de mariage (Cm ') qui prend en
compte les naissances hors mariage (Mo). La formulation
du modèle de Jolly et Gribble est la suivante :
ISF = FBM × Cm'×
Cc× Ci× Ca× Ip

Cm' est l'indice ajusté de mariage et Mo
est l'effet des naissances hors union sur la fécondité
totale. La formule permettant de calculer Mo est la suivante :
ISFU
ISF= Indice Synthétique des Mariages
ISF U=S omme des taux de fécondité
conjugale par âge (ISFUA)
|
ISFUA =
|
Naissance en union à l'âge i
|
|
Population moyenne des femmes d'âge i

|
Deuxième partie : Modèle d'inhibition de
la
fécondité : Résultats et
interprétation
|
|

I - Analyse factorielle sur les indices de Bongaarts
Dans les tableaux de l'annexe A.3, sont reportés les
indices de Bongaarts par région et type de résidence
calculés à partir des bases de données des femmes des
trois ENDS de Madagascar. Compte tenu du nombre peu élevé des
données, il serait difficile de les interpréter directement sans
aucune étude descriptive préliminaire. Dans cette partie nous
allons faire une brève Analyse en Composante Principale (ACP) afin de
caractériser les régions et milieux de résidence selon
leur comportement vis-à-vis des déterminants proches de la
fécondité. Après l'ACP, nous allons essayer de les
classifier en groupe homogène afin de mieux étudier l'incidence
des effets inhibiteurs de Bongaarts sur la fécondité.
I.1. Résultat et interprétation de
l'ACP
On a effectué l'ACP sur les données du tableau 3
(Tableau résumant les indices de Bongaarts) avec le logiciel STATISTICA.
L'objectif de l'ACP est de projeter dans un espace de faible dimension, des
informations diverses consignées dans un tableau numérique
à double entrée de dimension supérieure. Nous utiliserons
les valeurs propres pour la recherche de notre espace de projection.
Tableau 3 : Résumé des indices de Bongaarts
Résidence
|
Cm'92
|
Cm'97
|
Cm'03
|
Cc92
|
Cc97
|
Cc03
|
Ci92
|
Ci97
|
Ci03
|
Ip92
|
Ip97
|
Ip03
|
Tana_Urb
|
0,61
|
0,62
|
0,67
|
0,82
|
0,8
|
0,79
|
0,8
|
0,81
|
0,78
|
1
|
0,92
|
0,94
|
Fian_Urb
|
0,71
|
0,85
|
0,74
|
0,9
|
0,93
|
0,88
|
0,7
|
0,73
|
0,75
|
0,96
|
0,98
|
0,98
|
Toam_Urb
|
0,7
|
0,73
|
0,7
|
0,85
|
0,84
|
0,73
|
0,72
|
0,73
|
0,75
|
0,95
|
0,96
|
0,99
|
Maha_Urb
|
0,67
|
0,8
|
0,8
|
0,85
|
0,88
|
0,83
|
0,74
|
0,78
|
0,76
|
0,91
|
0,98
|
0,95
|
Toli_Urb
|
0,72
|
0,75
|
0,78
|
0,85
|
0,83
|
0,78
|
0,75
|
0,81
|
0,77
|
0,98
|
0,86
|
0,94
|
Ants_Urb
|
0,76
|
0,74
|
0,73
|
0,85
|
0,82
|
0,79
|
0,78
|
0,76
|
0,79
|
1
|
0,93
|
0,96
|
Tana_Rur
|
0,78
|
0,81
|
0,76
|
0,93
|
0,88
|
0,83
|
0,7
|
0,72
|
0,75
|
0,98
|
0,98
|
1
|
Fian_Rur
|
0,81
|
0,91
|
0,83
|
0,97
|
0,95
|
0,92
|
0,7
|
0,72
|
0,7
|
0,94
|
0,96
|
0,99
|
Toam_Rur
|
0,75
|
0,78
|
0,82
|
0,94
|
0,93
|
0,84
|
0,7
|
0,7
|
0,73
|
0,96
|
0,93
|
0,94
|
Maha_Rur
|
0,89
|
0,9
|
0,91
|
0,97
|
0,96
|
0,92
|
0,71
|
0,7
|
0,73
|
0,84
|
0,98
|
1
|
Toli_Rur
|
0,87
|
0,89
|
0,85
|
0,97
|
0,97
|
0,95
|
0,73
|
0,76
|
0,71
|
0,81
|
0,91
|
0,91
|
Ants_Rur
|
0,85
|
0,83
|
0,89
|
0,96
|
0,92
|
0,86
|
0,71
|
0,73
|
0,72
|
0,86
|
0,89
|
0,95
|
Sources : Nos calculs à partir des ENDES de
Madagascar
a - Valeurs propres
Les valeurs propres sont des indicateurs statistiques
permettant l'extraction des facteurs principaux d'inertie, appelés
composantes principales en ACP. Les valeurs propres concernant notre analyse
sont résumées dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Valeurs propres issues de l'ACP
Facteur
|
Valeur propre
|
% de la variance
|
% de la variance cumulée
|
1,00
|
7,59
|
63,24
|
63,24
|
2,00
|
2,27
|
18,95
|
82,19
|
3,00
|
0,68
|
5,67
|
87,86
|
4,00
|
0,51
|
4,26
|
92,13
|
5,00
|
0,32
|
2,70
|
94,83
|
6,00
|
0,24
|
2,03
|
96,86
|
7,00
|
0,18
|
1,50
|
98,37
|
8,00
|
0,12
|
0,96
|
99,33
|
9,00
|
0,05
|
0,38
|
99,70
|
10,00
|
0,03
|
0,28
|
99,98
|
11,00
|
0,00
|
0,02
|
100,00
|
12,00
|
0,00
|
0,00
|
100,00
|
Les résultats du tableau 4 montrent que le premier axe
contient 63,24% de l'information apportée par les variables
utilisées et que le second axe en contient 18,95%. Donc si on projette
les variables (les indices de Bongaarts) ou les individus (les régions
et types du milieu de résidences) sur le plan formé par les deux
premiers axes, on conserverait 82,19% de l'information totale. Autrement dit,
on ne perdrait seulement que 17,81% de l'information totale apportée par
le tableau initial (Tableau 4) si on limitait notre étude au plan former
par les deux premiers axes. Pour le choix du nombre d'axes de projection, nous
avons utilisé l'allure du graphique des valeurs propres (voir graphique
de l'annexe A.5). Selon l'allure du graphique des valeurs propres (Annexe A.5),
le plan factoriel (plan formé par les deux premiers axes) suffit pour
l'ACP.

b - Projection et interprétation des indices de
Bongaarts
La figure 5 représente la projection des indices de
Bongaarts sur le plan factoriel.
Figure 5 : Projection des indices de Bongaarts sur le plan
factoriel

-0,5
-1,0
0,5
0,0
1,0
Projection des variables sur le plan factoriel ( 1 x 2)
-1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0
2Cc97
Cm'97
Cm'03
Cele_
Fact. 1 : 63,24%
Ip97 Ip03
Ci97
Ip92
Ci92
Ci03
Active
L'analyse de la figure 5 montre que tous les indices de
Bongaarts sont bien représentés dans le plan factoriel. Ceci
s'explique par la proximité des indices au cercle de corrélation.
On observe sur la gauche de la figure, une forte corrélation entre les
indices de mariage et de contraception de Bongaarts. Tous les indices relatifs
au mariage et à aux pratiques contraceptives (Cm'92, Cm'97, Cm'03, Cc92,
Cc97 et Cc03) sont alors dans un même bloc dans la partie gauche de la
figure 6. Du côté diamétralement opposé, se trouve
les variables qui leur sont très anti-corrélées : ces
variables sont les indices de Bongaarts relatif à
l'infécondabilité post-partum (Ci92, Ci97 et Ci03). Le sens de
l'axe1 est particulièrement clair : Il oppose la nuptialité et
les pratiques contraceptives à l'infécondabilité
post-partum. Cela veut dire que les régions et types de résidence
qui ont tendance à avoir des effets inhibiteurs importants du mariage
sur leur fécondité, auront aussi tendance à avoir des
effets importants de la contraception sur leur fécondité. Mais
ces régions auront tendance à avoir une faible incidence de
l'infécondabilité post-partum sur leur fécondité.
En bas du graphique

on observe une forte corrélation entre les indices de
stérilité primaires plus particulièrement l'indice de
stérilité de 1997 et de 2003. On voit aussi sur la figure que les
indices de stérilité primaire de Bongaarts ne sont
anti-corrélés à aucun groupe. Cela n'est pas
étonnant car la stérilité primaire est un
phénomène un peu naturel et n'est par conséquent, pas
lié au niveau de développement. L'opposition entre les indices de
mariage et de contraception et l'indice d'infécondabilité nous
amène à formuler l'hypothèse que ce sont les
régions et types du milieu de résidence développés
(surtout les zones urbaines) qui ont des indices de mariages et de
contraception faibles et des indices d'infécondabilité
post-partum élevés. Ces localités s'opposent aux
localités des milieux de résidence pauvres (surtout les zones
rurales) qui ont des indices de mariages et de contraception
élevé et des indices d'infécondabilité post-partum
faible. Pour vérifier cette hypothèse, nous procéderons
à une classification ascendante hiérarchique des régions
et type de résidence selon les déterminants de Bongaarts.
I.2. Classification des régions et types de
résidence
La classification permet de regrouper les individus les plus
proches et de constituer des groupes aussi différents que possible. Elle
suppose que l'espace des individus n'est pas uniforme et qu'il existe des zones
plus ou moins denses. Selon le graphique de la classification
hiérarchique (encore appelé dendrogramme : voir annexe A.4), il
semble mieux adapter de classer les régions et types de résidence
en quatre classe de la façon suivante :
Classe 1 : Antananarivo urbain
Classe 2 : Toamasina urbain, Antsiranana urbain et Toliary
urbain
Classe 3 : Fianarantsoa urbain, Mahajanga urbain, Antananarivo
rural et Toamasina rural Classe 4: Fianarantsoa rural, Mahajanga rural,
Antsiranana rural et Toliary rural
A partir de cette classification, on voit bien la
dépendance entre fécondité et niveau de
développement. La classe 1 représentée par la zone urbaine
de la province d'Antananarivo est la classe la plus développée du
pays. Elle est caractérisée par des indices de mariages et des
indices de contraceptions faibles (la zone possède les indices de
mariages et de contraception les plus faibles du pays) et des indices de
stérilité post-partum élevés. La classe 2
représentée par les zones urbaines de Toamasina, d'Antsiranana et
de Toliary suit à peu près les mêmes comportements que
celles de la classe 1 c'est-à-dire qu'elle est
caractérisée par des indices de contraception faibles (mais plus
élevés que ceux de la zone urbaine d'Antananarivo) et des indices
d'infécondabilité post-partum élevés (mais moins
élevés que la zone urbaine

d'Antananarivo). La logique est vérifiée sur la
classe 3 qui comprend les zones urbaines de Fianarantsoa et de Mahajanga et les
zones rurales des régions les plus développées à
savoir Antananarivo et Toamasina. La classe 4 regroupe les zones les moins
développées. Elle enregistre les indices de contraception et de
mariage les plus élevés et les indices
d'infécondabilité post-partum les plus faibles du pays.

|
|