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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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CHAPITRE I

LA DETERMINATION DES TEMOINS DANS LE CPP

Le témoignage est une preuve tributaire de l'homme qui ne peut être mieux appréhendé que si l'on s'intéresse aux personnes qui le fournissent : les témoins. En matière pénale, on peut en distinguer deux ordres : les témoins préconstitués et les témoins involontaires. Les premiers sont ceux qui sont invités par les parties ou les OPJ pour assister au déroulement d'un acte. C'est le cas des perquisitions et des saisies opérées par les OPJ qui doivent toujours avoir lieu en présence des témoins observateur du déroulement des opérations.23(*) Les seconds quant à eux qui seront au centre de notre étude sans pour autant exclure les premiers sont ceux là qui ont eu connaissance des faits ou qui se sont retrouvés par un concours de circonstance sur les lieux de l'infraction. De ce fait, ils doivent apporter leur concours pour la manifestation de la vérité.

Vu l'importance que peut avoir leurs dépositions sur la décision à intervenir, en l'occurrence la liberté de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé, le CPP a voulu enfermer leur intervention en justice dans une légalité en prenant le soin de définir les personnes pouvant témoigner (section 1) et en multipliant les moyens utilisés pour les faire venir devant les juges (section 2).

SECTION I: LA DIVERSITE DES PERSONNES POUVANT TEMOIGNER

Le CIC, législation réglementant la procédure pénale Camerounaise de l'indépendance jusqu'au 1er Janvier 200724(*) semblait souligner dans ses arts 71 et suivants que toute personne pouvait témoigner. Cette imprécision de la loi sera rectifiée et précisée par le CPP qui tout en opérant un élargissement du cercle des témoins (paragraphe 1) a tenu pour plus d'efficacité à renforcer les conditions requises pour la validité du témoignage. (paragraphe2)

Paragraphe I : L'élargissement du cercle des témoins par le CPP camerounais

Toute personne à le devoir de fournir à la justice tous les éléments parvenus en sa connaissance25(*) et pouvant être utiles à la manifestation de la vérité. De ce texte peut être extrait l'obligation générale de témoigner qui pèse sur tout individu et qui hormis le cas de l'art 172 CP26(*) n'est explicitement consacré par aucun texte à caractère pénal. Les étrangers domiciliés au Cameroun sont tenus à la même obligation et même s'ils résident à l'étranger, ils peuvent toujours témoigner mais cette fois ci dans les limites des accords, conventions et traités liant le Cameroun avec le pays du concerné. Le CPP l'a étendu sur les personnes impliquées dans la cause (A) et n'a entendu y apporter aucune exemption, pas même les hautes personnalités de l'Etat. (B)

A- La reconnaissance du droit de témoigner aux personnes impliquées dans la cause.

Les parties au procès peuvent-elles être admises à témoigner ? La réponse à cette question n'est pas évidente mais le CPP admet implicitement que la partie civile peut témoigner (1) mais reconnaît explicitement ce droit à la personne poursuivie. (2).

1-Le témoignage discutable de la victime

Il est généralement admis que la victime d'une infraction lorsqu'elle était sur les lieux est la personne la mieux placée pour expliquer dans les moindres détails les circonstances de sa survenance. Son concours pour la manifestation de la vérité est indéniable. Elle est une partie au procès du moment où elle s'est constituée partie civile. Mais alors cette constitution de partie civile empêche-t-elle qu'elle soit entendue comme témoin ? La réponse à cette question n'est pas aisée mais à notre sens, il n'y a pas du tout incompatibilité entre le statut de témoin et celui de partie civile. L'un comme l'autre concourt à une même chose, la recherche de la vérité et la condamnation du contrevenant suivi de réparation. En plus, la rédaction du CPP semble militer pour cet argument puisqu'il utilise une formule globalisante : "toute personne". Dans la pratique du CPP, la partie civile (ou la victime) est généralement la première personne que le tribunal entend comme témoin sous la foi du serment. Même s'il faut redouter que cela risque d'être un témoignage vicié par la passion et le désir de vengeance27(*), il faut quand même relever qu'il sera assermenté et passible des peines pour faux témoignage.

Mais plus controversé encore est le témoignage du mineur puisque l'art 322 du CPP lui offre la possibilité de témoigner quel que soit son âge quand il est victime d'une infraction. Cette innovation du CPP qui a d'ailleurs été la confirmation d'une jurisprudence28(*) est critiquable à plus d'un titre : Quelle peut donc être la valeur de ce témoignage puisque comme on le sait l'enfant est très influençable ?29(*) Certains auteurs voient en eux des témoins dangereux dotés d'une imagination fertile et d'une grande suggestibilité qui impose prudence dans leurs déclarations30(*).

De plus, s'il faut admettre sa recevabilité, ne devrait il pas être reçu dans les formes particulières, par exemple qu'il soit fait derrière un rideau ou par un dispositif vidéo ? Ceci pour empêcher la victime mineur de voir le prévenu ou l'accusé. On le sait les enfants sont très fragiles et peuvent subir un traumatisme supplémentaire pendant leurs auditions. Prenons par exemple le cas d'un mineur de 8 ou 10 ans victime d'un viol : Quel sera son comportement quand il verra son bourreau en face si ce n'est une éprouvante, un choc émotionnel violent ?

2-Le témoignage controversé de la personne poursuivie.

L'une des innovations notables du CPP en matière de témoignage a été sans aucun doute l'élargissement du cercle de témoin au prévenu ou à l'accusé. Dérogeant au vieil adage selon lequel « nul ne peut être témoin de sa propre cause » et emprunté au droit anglo-saxon, le prévenu peut s'il le désire être témoin de sa propre cause à tous les stades de la procédure. C'est l'une des innovations les plus troublantes du CPP dans la mesure où l'on était habitué de voir la personne poursuivie se débattre contres les chefs d'accusations en essayant d'apporter les preuves qui renforcent sa présomption d'innocence. Avec le CPP, il peut s'il le veut décider de se faire entendre comme témoin. C'est dire que ce n'est pas automatique et de la combinaison des art 373 et 366, il ressort que le prévenu doit expressément manifester la volonté d'être entendu comme tel. Mais l'art 324 semble semer une contradiction quand elle offre cette possibilité plutôt au tribunal en se fondant sur des raisons de santé du prévenu qui ne peut se déplacer. On se demande encore quelle peut être la valeur de la déposition du prévenu quand on sait qu'il fera feu de tout bois pour établir son innocence ?31(*) L'art 311 semble donner un élément de réponse quand il soumet la validité de la déposition du Co-prévenu à la corroboration par un tiers ou par tout autre moyen de preuve. En plus, son témoignage étant assermenté, il est également passible des peines du faux témoignage si sa déposition s'avère être contraire à la vérité.

L'équivoque qui plane sur le témoignage du prévenu n'est pas toujours levée et pour cause la loi permet qu'on lui pose toutes les questions même celles qui tendent à établir sa culpabilité. On se demande si on n'est pas entrain de se rapprocher de l'aveu parce que le prévenu peut dans sa déposition reconnaître les faits qui sont allégués contre lui. Ce qui serait une atteinte au principe de la présomption d'innocence en ce sens qu'il participe à la recherche des preuves.

Tout compte fait, la prudence doit être doublée du côté des juges qui ont la lourde tache d'apprécier objectivement les déclarations faites devant eux, même lorsqu'elles émanent des hautes personnalités de l'Etat.

B- La généralisation de l'obligation de témoigner par le CPP

L'un des caractères de la loi prise dans son sens général est qu'elle est générale et impersonnelle. Elle s'impose à tous sans distinction de classe sociale ni de personnalité. En organisant le témoignage des fonctionnaires (1) et des membres du gouvernement (2), le CP secondé par le CPP a voulu réaffirmer ce caractère sacro saint de la loi.

1-Le témoignage des fonctionnaires

Le fonctionnaire est une personne qui occupe en qualité de titulaire un emploi permanent dans le cadre d'une administration publique.32(*)Tout fonctionnaire qui dans l'exercice de ses fonctions a connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en aviser le procureur de la République et de comparaître comme témoin s'il est cité33(*). En sa qualité de travailleur pour le compte d'une administration précise, il ne peut se constituer partie civile parce que n'ayant souffert d'aucun préjudice particulier résultant de cette infraction .

Mais curieusement l'art 310 al 2b du CP soumet son témoignage au silence du gouvernement qui peut être interprété comme une acceptation tacite, ce dernier ayant le pouvoir de s'y opposer. Cette situation peut à notre sens constituer une entrave à la découverte de la vérité dans la mesure où le fonctionnaire régulièrement requis s'abstiendra de dire ce qu'il sait des faits délictueux alors que sa déposition aurait pu être déterminante pour le dénouement du procès. Une explication peut néanmoins être donnée à cette situation puisque l'interdiction gouvernementale peut viser à protéger un impératif supérieur nécessaire pour le fonctionnement harmonieux des institutions étatiques et la préservation de la paix sociale. Mais cette loi n'étant pas explicite, le gouvernement peut faire un usage abusif de cette prérogative, ce qui serait préjudiciable au bon fonctionnement du service public de la justice.

De plus certains hauts fonctionnaires (généraux, gouverneurs, préfets) peuvent alléguer les nécessités de service pour s'excuser. Mais cela n'empêche pas aux juges dans leur quête permanente de la vérité de se transporter à leur lieu de service ou de commettre rogatoirement tout OPJ aux fins de recueillir leur déposition.

2- Le témoignage des membres du gouvernement et des représentants des missions diplomatiques.

"Tous les citoyens sont égaux devant la loi". Le CPP en organisant le régime de déposition des membres du gouvernement en son livre VI relatif aux procédures particulières a conforté ce principe si cher pour la bonne marche du service public de la Justice.

En effet, les membres du gouvernement34(*) doivent s'ils sont régulièrement cités apporter leur concours pour la manifestation de la vérité sans aucune procédure spéciale. Cette disposition est nouvelle et révolutionnaire dans la mesure où le CIC était resté silencieux sur cet aspect. De plus le législateur Camerounais n'a pas suivi son homologue français qui sur ce point est resté très formaliste, soumettant l'audition du premier ministre et des ministres35(*) à l'autorisation préalable du conseil des ministres donnée par décret et après avis du garde des sceaux 36(*)

Les représentants des missions diplomatiques (ambassadeurs, consuls ...) n'en sont pas exemptés. Mais vu la délicatesse de leur mission et la nécessité de préserver les bonnes relations entre les Etats, leurs dépositions en justice obéissent à un formalisme scrupuleusement respecté. Conformément à l'art 590 du CPP, la lettre les invitant à témoigner leur est adressée par l'entremise du ministre chargé des relations extérieures ainsi que le questionnaire du magistrat. La réponse du diplomate est transmise au magistrat par le même canal. Cependant le diplomate peut choisir de déposer devant le magistrat ou même à huis clos.

Cette généralisation de l'obligation de témoigner manifeste la volonté du législateur d'impliquer tout le monde sans distinction de personnalité ni de nationalité dans la recherche de la vérité, tant il est vrai que le témoignage en justice requiert certaines conditions.

Paragraphe II : Le renforcement des conditions requises pour témoigner par le CPP.

S'il est admis que tout citoyen doit apporter son témoignage pour éclairer autant que possible la lanterne des Juges, il n'est appelé à le faire que sous certaines conditions qui sont tantôt liées à la personne du témoin (A) tantôt relatives aux modalités du témoignage (B).

* 23 Article 93 Cpp

* 24 Date d'entrée en vigueur CPP Camerounais

* 25 PRADEL (J)  procédure pénale op cit Page 351

* 26 L'article 173 Cp réprime le refus d'innocenter qui vise toute personne qui a la preuve de l'innocence d'un prévenu ou d'un accusé et qui s'abstient de les donner aux autorités judiciaires

* 27 La victime pourra faire feu de tout bois pour obtenir la condamnation du prévenu

* 28 Cs arrêt n°164 du 14 Juillet 1977, RCD n°13 et 14 P105

* 29 L'affaire des pédophiles d'Outreau en France nous en dit long (affaire dans laquelle les enfants ont délivré des fausses dépositions

* 30 COLLIN cité par MERLE (R) et VITU (A) op. cit Page 217

* 31 Quand il a plaidé non coupable

* 32 Dictionnaire universel, Hachette 4ème édition page 493

* 33 Art 334 CPP

* 34 Premier ministre, ministres et assimilés

* 35 Article 652 CPP français

* 36 Cette procédure a été appliquée en France dans l'affaire "CLEARSTREAM" où le premier ministre DOMINIQUE DE VILLEPIN, NICOLAS SARKOZY alors ministre de l'intérieur et MICHELLE ALLIOT MARIE ministre de la défense ont été tous entendus comme témoins

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo