2.2.2.2 Analyse de l'efficience dans le maraîchage au
Burkina Faso
Les scores d'efficience obtenus dénotent que dans notre
zone d'étude, l'efficience technique des producteurs est plutôt
moyenne (0.55) tous systèmes confondus. Ainsi, les producteurs perdent
plus de 40% d'output du fait de leur inefficacité.
Le tableau 6 nous montre que les scores par système
d'irrigation sont concentrés autour de la moyenne. Ce résultat
corrobore notre hypothèse d'une faible différence en moyenne dans
les systèmes de production dans le maraîchage urbain au Burkina
Faso.
Tableau6 : score d'efficience par système
d'irrigation
Système
|
Système 1
|
Système 2
|
Système 3
|
Système 4
|
Tous systèmes
|
Efficience technique
|
0.5452
|
0.5733
|
0.5649
|
0.5738
|
0.5504
|
Source : construction de l'auteur à
partir des données de l'enquête FAO-Université de
Bobo-Dioulasso (2007)
Cependant, la distribution des fréquences de
l'efficacité technique au sein des systèmes, comme nous le montre
la figure2, permet une classification entre les systèmes.
Les systèmes 2 et 4 ont respectivement 88.2% et 83.3 %
de leur effectif au dessus de 0.5, tandis que les systèmes 1 et 3 ont
des fréquences de 70.7% et 83.3%.
Le système 4 est en moyenne plus efficient que le
système 2 ( cf. tableau 6), cependant le système 2 en
considérant la répartition de l'efficience entre les individus en
dessous et au dessus de 0.5 parait plus efficient (figure2).
Ainsi, nous pouvons aisément retenir que les
systèmes 2 et 4 sont les pratiques d'irrigation les plus efficaces dans
le maraîchage au Burkina Faso.
Figure 3 : distribution des fréquences de
l'efficience technique par système d'irrigation
Source : construction de l'auteur à
partir des données de l'enquête FAO-Université de
Bobo-Dioulasso (2007)
L'évaluation des déterminants de l'efficience
technique de ces deux pratiques nous permettrait d'analyser les facteurs
clés de cette efficience.
Nous présenterons ici les résultats de l'analyse
menée pour le système 4 qui est en moyenne le système le
plus efficient.
2.2.2.3 Déterminants de l'efficience
technique
Les producteurs qui pratiquent le système 4 ont en
moyenne 16 ans d'expérience dans la pratique du maraîchage. La
taille de leur ménage se situe en moyenne aux alentours de 10 personnes
et sont en majorité de sexe masculin (95%).
75% d'entre eux sont propriétaires de leur exploitation
et 95% ont cultivé de la laitue en 2006-2007. Comparé à
l'ensemble, nous pouvons supposer à priori que l'expérience, la
taille du ménage, le genre du producteur, et la culture de laitue ont un
impact sur l'efficience du système. Les résultats de la
régression Tobit présentés dans le tableau 8 nous
permettront de vérifier cette hypothèse.
Tableau7 : statistiques descriptives des variables
explicatives intégrées à l'analyse Tobit
|
Tous systèmes confondus (N=381)
|
Système4 (N=48)
|
Variables continues
|
Variables muettes
|
Variables continues
|
Variables muettes
|
Moyenne
|
Max
|
Min
|
F(%)
pour X=0
|
F(%)
pour X=1
|
Moyenne
|
Max
|
Min
|
F(%)
pour X=0
|
F(%) pour X=1
|
Age
|
38.17
|
81
|
18
|
|
|
38.98
|
63
|
23
|
|
|
Tailmena
|
8.83
|
36
|
1
|
|
|
10.79
|
35
|
3
|
|
|
Msit
|
10.32
|
63
|
0.5
|
|
|
16.89
|
40
|
6
|
|
|
Sexe
|
|
|
|
10.24
|
89.76
|
|
|
|
4.17
|
95.83
|
Nivinst
|
|
|
|
60.10
|
39.90
|
|
|
|
60.42
|
39.58
|
Credit
|
|
|
|
96.06
|
3.94
|
|
|
|
97.92
|
2.08
|
Régfon
|
|
|
|
27.30
|
72.70
|
|
|
|
25.00
|
75.00
|
laitue
|
|
|
|
29.40
|
70.60
|
|
|
|
4.17
|
95.83
|
Dist
|
|
|
|
3.24
|
96.76
|
|
|
|
2.13
|
97.87
|
Source : Construction de l'auteur à
partir des données de l'enquête FAO-Université de
Bobo-Dioulasso (2007)
Le test du ratio de vraisemblance nous permet de valider
l'adéquation d'ensemble de la spécification de notre
modèle. La régression Tobit pour prédire le niveau
d'efficience technique lié aux facteurs socio-économiques des
producteurs est statistiquement significative au seuil de 1%. Le R²
calculé entre les scores d'efficience observés et ceux
prédits est de 0.5818 indiquant que les variables du modèle
contribuent conjointement à expliquer 58% de la variation de
l'efficacité technique.
L'âge, la taille du ménage, l'expérience
du producteur, le régime foncier, la culture de la laitue et la distance
du cours d'eau à la parcelle ont un impact significatif sur
l'efficacité du système au seuil de 10%.
Contrairement, le genre, le niveau d'instruction,
l'accès au crédit n'ont pas d'impact significatif dans notre
modèle.
Tableau8 : Résultats de l'estimation Tobit
pour les déterminants de l'efficience technique du système
d'irrigation 4
|
Coefficient
|
Standard-error
|
T-stat
|
Age
|
-0.0094***
|
0.0024
|
-3.98
|
Sexe
|
0.0209
|
0.0955
|
0.22
|
Tailmena
|
0.0106***
|
0.0027
|
3.99
|
Nivinst
|
-0.0433
|
0.0312
|
-1.38
|
Msit
|
0.0056**
|
0.0028
|
2.02
|
Credi
|
0.0628
|
0.0947
|
0.66
|
Regfonc
|
0.0669*
|
0.0371
|
1.80
|
Lait1
|
0.3291**
|
0.1404
|
2.34
|
Dist
|
-0.4568***
|
0.1670
|
-2.74
|
cons
|
0.8095***
|
0.1501
|
5.39
|
RV test (test du ratio de vraisemblance) Ho : ( =)
|
|
Stat calculée
|
Stat lue (p=0.01)
|
Décision
|
Chi-deux (9)
|
46.075025
|
40.97
|
Rejet de ho
|
Ml (Cox-Snell) R2 = 0.58
|
*significatif au seuil de 10% ; **significatif au seuil
de 5% ; ***significatif au seuil de 1%
Source : construction de l'auteur à
partir des données de l'enquête FAO-Université de
Bobo-Dioulasso (2007)
2.2.2.4 Discussion
L'efficience technique dans le maraîchage urbain et
périurbain au Burkina Faso est plutôt moyenne. Quelque soit les
systèmes d'irrigation utilisé, on estime à 0,55 la moyenne
de l'efficience technique des producteurs.
Avec les niveaux d'intrants actuels, il y a une
possibilité d'accroître les rendements d'au moins 40%. Les
recherches en vue de l'amélioration des techniques de production dans le
secteur sont à encourager.
L'efficience par système d'irrigation est
également moyenne, les scores varient entre 0,54 et 0,57. Ces
résultats rejoignent ceux de Speelman et al (2008) qui ont trouvé
des scores de 0.49 pour des petits systèmes d'irrigation dans les
provinces du Nord-Ouest en Afrique du sud. Les systèmes les plus
efficients se distinguent par un approvisionnement au moyen des cours d'eau et
une distribution par arrosoir. Le mode d'exhaure est soit manuel ou
mécanisé à l'aide de motopompes. A priori, le mode
d'exhaure à moins d'influence sur l'efficience des systèmes
d'irrigation que la source d'approvisionnement et les modes de distribution.
Une explication peut être trouvé par le fait que les sources
d'approvisionnement sont généralement proches de la surface
exploitée et que les efforts demandés pour les différents
moyens d'exhaure sont alors sensiblement équivalents.
Les résultats révèlent également
que, malgré leur plus grande efficience technique ces systèmes
sont les moins utilisés par les producteurs et que celui le plus
pratiqué est même le moins efficient techniquement. Il se
différencie des autres par la construction de puits et/ou puisard comme
source d'approvisionnement en eau. La faible efficience de cette source
d'approvisionnement peut venir des investissements initiaux qu'elle requiert
comparativement au cours d'eau. Aussi, le faible rendement des puits et
puisards c'est-à-dire leur capacité de recharge par heure ne
permet pas d'obtenir en permanence les niveaux d'eau nécessaire pour
l'arrosage. De ce fait, de nombreux producteurs combinent différentes
sources d'approvisionnement pour avoir de l'eau en permanence
indépendamment des saisons. La popularité de ce système
peut s'expliquer par le facteur de proximité entre la source d'eau et la
parcelle cultivée, les habitudes de production et le mimétisme
entre producteur.
Dans l'optique d'améliorer la production dans le MUP
au Burkina Faso, ce résultat nous renseigne sur les pratiques à
encourager et à vulgariser qui sont ceux qui combinent cours d'eau
+ exhaure manuelle/motopompes + arrosoir. Cependant, une contrainte importante
à cette pratique est la disponibilité du cours d'eau qui est a
priori aléatoire et les risques élevés de contamination
liés à cette source d'approvisionnement. En effet, les eaux de
surface sont incluses dans la catégorie des cours d'eau. Aussi, ces eaux
sont plus exposées aux pollutions chimiques et microbiologiques, ce qui
justifie la promotion de pratiques réduisant les risques pour la
santé humaine et l'environnement.
Les facteurs agissant sur l'efficacité de ces
technologies de production sont pour les plus significatifs, l'âge, la
taille du ménage, l'expérience, le régime foncier, la
culture de la laitue et la distance.
L'âge du producteur a un impact négatif sur
l'efficacité de la technique. Diverses études trouvent
contrairement un effet non significatif de l'âge sur l'efficience pour
des producteurs de légumes (Speelman et al, 2008 ; T.Mkabela 2005).
Cependant, l'effet de l'âge sur l'efficience est a priori
imprédictible. En effet deux explications valables sont retenues pour
cette variable : l'âge comme facteur d'expérience donc
corrélé positivement à l'efficience comme dans
l'étude de Dhungana et al (2004); ou l'âge comme réduisant
le consentement à l'adoption de nouvelle technique donc
négativement corrélé à l'efficience comme dans les
travaux de Binam et al (2003). Dans notre étude, l'âge ne capte
pas l'expérience. En effet les plus expérimentés se
trouvent parmi ceux qui sont impliquées dans le systeme4 (en moyenne 16
ans de pratique du maraîchage) ou l'âge maximum est de 63 ans
pendant qu'il est de 81 ans tout système confondu. Aussi, il ne capte
pas non plus le second effet, puisque l'échantillon utilisé dans
le Tobit est homogène, tous les producteurs pratiquant le systeme4. Ici,
la variable âge capte la qualité de la force de travail du chef
d'exploitation. Dans la zone d'étude les chefs d'exploitation sont
eux-mêmes impliqués dans la production, aussi la technique
d'irrigation est intensive en travail, donc plus l'âge augmente, moins le
producteur est efficace. Des conclusions similaires ont été
retenues par Awudu et Huffman (2000) pour des petits producteurs de riz au
Ghana. Cet effet est cependant peu marqué (moins de 1%) car les
exploitants sont aidés dans leur cultures par la main d'oeuvre familiale
et ou salariée.
L'âge de l'exploitant ne devrait donc pas être un
critère de choix pertinent pour la promotion de la pratique mais
plutôt la moyenne d'âge de la main d'oeuvre sur l'exploitation.
L'effet de la taille du ménage est positif. En effet la
grande taille du ménage permet de répondre à la demande en
force de travail, requis pour l'exploitation du système 4 notamment pour
l'exhaure à l'aide de motopompes, et la distribution par arrosoir. Ce
résultat indique à priori que soient ciblés les
producteurs ayant la capacité de mobiliser une force de travail
importante au sein de leur ménage. Cette contrainte peut être
levée par une main d'oeuvre salariée, ce qui par contre
augmenterait les coûts de production. Cependant, avec les niveaux de
productions moyens actuels et les améliorations possibles par gain
d'efficience les producteurs peuvent faire face à ces surplus de
coûts.
L'expérience et le système de régime
foncier ont un impact positif sur l'efficacité du système.
L'expérience accumulée au cours des années par le
producteur, lui permet d'adopter de bonnes pratiques d'irrigation et facilite
leurs bonnes mises en application. Pour la promotion de ce système les
plus expérimentés pourrait donc être d'une aide
considérable.
L'une des contraintes au MUP au Burkina Faso est la
disponibilité en terres et la concurrence croissante entre l'agriculture
et les autres activités urbaines. L'impact positif du régime
foncier sur ce système de production pourrait quelque peu limiter
l'extension. En effet étendre efficacement cette activité
agricole dans l'espace urbain et périurbain demanderait une acquisition
de terres par les producteurs, ce qui est très limitée.
Cependant, vu le lien positif qu'il y a entre le régime foncier et
l'efficience, les exploitants actuels devraient bénéficier de
reformes visant à faire d'eux les propriétaires de leur
exploitation afin d'optimiser leur efficacité.
La production de laitue qui est une culture laborieuse et
à haut rendement impacte positivement l'efficience du système. En
effet, plus exigeante que les autres légumes, les producteurs qui la
cultivent essaient d'améliorer leur efficience par rapport aux autres
producteurs et produits. Aussi, les profits escomptés incitent le
producteur dans la bonne mise en oeuvre de sa technique de production. La
promotion de bonnes pratiques d'irrigation dans le MUP au Burkina Faso doit
encourager des cultures très rentables financièrement vu leurs
grands impacts sur l'efficience technique.
Enfin, la distance entre le cours d'eau et la parcelle a un
effet négatif sur l'efficacité. L'éloignement
accroît l'efficience du producteur car il a le souci de minimiser son
effort tout en arrosant convenablement sa parcelle. Contrairement, la
proximité réduisant les efforts pourraient entraîner le
gaspillage. Les producteurs doivent donc être formés à une
utilisation efficiente de la ressource en eau disponible.
Les variables telles le genre, le niveau d'instruction et
l'accès au crédit ne sont pas significatives. Chavas et al.
(2005), pour des petites surfaces exploitées, ont également
trouvé que le genre du producteur a un effet non significatif sur son
efficience.
L'impact du niveau d'instruction sur l'efficience de petits
producteurs varie d'une étude à une autre. Haji (2006), en
Ethiopie, a trouvé un impact non significatif de cette variable sur
l'efficacité tandis que Binam et al. (2004) trouve un effet positif
significatif pour des producteurs camerounais. Cette différence
s'explique selon Coelli et al. (1998) par le niveau d'instruction dans
l'échantillon utilisé. Le faible niveau dans notre
échantillon (39.58%), pourrait donc expliquer nos résultats par
rapport à cette variable. Cette explication pourrait également
être valable pour l'accès au crédit. En effet, les
producteurs dans le maraîchage ont un accès très
limité au crédit. Seulement 3.94% ont obtenu un crédit
pour la production tous systèmes confondus et 2.08% parmi ceux qui
utilisent le système 4. Pourtant, l'accès à un
crédit pourrait lever la limite financière inhérente
à l'adoption du système 4 pour l'acquisition de motopompes.
|