2.2 Efficience technique des systèmes
d'irrigation dans l'agriculture urbaine et périurbaine au Burkina
Faso.
Introduction
L'agriculture urbaine et périurbaine (AUP), est une
activité très répandue dans plusieurs villes
sahéliennes, notamment à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso,
deux grandes villes du Burkina Faso. En effet, à Ouagadougou, 23% de la
population est occupé dans l'agriculture et l'élevage avec comme
activités agricoles principales, la culture du riz, les vergers et le
maraîchage.
Pour Moustier et al. (2004) le maraîchage apparaît
comme la principale activité de l'AUP. Toute chose qui s'explique par la
proximité de la ville pour l'écoulement des productions,
l'adéquation des légumes à l'alimentation en milieu urbain
et les faibles exigences en capital de départ du commerce de
légumes frais.
Maraichage au Burkina Faso
Source : www.lefaso.net
Au Burkina Faso, les productions maraîchères
nationales réalisées sont estimées à 75.000 tonnes
par an. Le maraîchage est pratiqué sur une superficie
estimée à 12 900 ha dans la ville de Ouagadougou (Deyoko et
al., 1993). D'après les évaluations de Bagré (2001),
le maraîchage rapporterait un revenu annuel compris entre 270 000 et 600
000 F CFA à un exploitant moyen de la ville de Ouagadougou.
L'importance de l'AUP est reconnue par le PNUD (1996) en
termes d'approvisionnement alimentaire des villes, de création d'emplois
et de gestion de l'environnement urbain. En effet, le maraichage urbain et
périurbain (MUP) est devenue une activité essentielle pour
assurer la sécurité alimentaire de certains ménages
urbains (Cissé, 1997 ; Moustier, 1998 ; Moustier et David, 2001). De
plus, elle favorise l'exploitation de cultures à forte valeur
ajoutée permettant de réduire la pauvreté et le
chômage dans les villes. Dans la ville de Ouagadougou par exemple,
Bagré et al. (2002), ont estimé à 45000 personnes
le nombre de personnes occupées dans l'agriculture et l'élevage
était en 1997. Enfin, plusieurs auteurs ont démontré la
contribution de l'agriculture urbaine à l'assainissement de
l'environnement urbain et du cadre de vie (Mougeot et Moustier, 2004 ;
Cissé, 1997) par le recyclage et l'utilisation de déchets urbains
comme fertilisants.
Le maraichage urbain et périurbain (MUP) joue au
Burkina Faso un rôle nutritionnel, socio-économique, et
environnemental important. Cependant, il présente des risques sanitaires
et environnementaux très élevés liés à la
pollution des eaux d'irrigation (Cissé, 1997), à l'utilisation
inadéquate des engrais et des produits phytosanitaires et aux pratiques
d'irrigation inefficaces (FAO, 1999) . A Ouagadougou et à
Bobo-Dioulasso, par exemple, le maraichage urbain et périurbain est de
plus en plus pratiquée autour de rejets d'eaux usées
résiduelles (Wethé et al., 2002). Celles-ci proviennent
pour la plupart des ménages, des abattoirs, des brasseries, des
huileries, des industries mécaniques et des hôpitaux.
Eaux de surface et maraîchage
Source : IWMI
La réutilisation des eaux usées dans le
maraichage permet non seulement de palier le déficit hydrique dans le
secteur agricole mais améliore les rendements des cultures et apporte
des bénéfices financiers.
Afin de garantir la protection de la santé publique, la
FAO a collaboré avec l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
à l'élaboration de nouvelles directives concernant la
santé dans le but d'utiliser en toute sécurité les eaux
usées en agriculture, en reconnaissant que leur utilisation peut
constituer une réponse immédiate aux besoins de
communautés démunies, ainsi qu'une solution au manque
d'accès à l'eau propre dans les zones périurbaines et
rurales.
Dans ce contexte, diverses options de non traitement ont
été testées, avant et après l'arrosage des surfaces
en maraichage, pour permettent d'utiliser de façon saine ces eaux pour
la culture des légumes. L'intégration de ces options
améliorées nécessite cependant que soient
maîtrisés les différents systèmes d'irrigation
pratiqués dans cette agriculture afin de repérer des points
d'entrés. Il s'agit de pouvoir les identifier, comprendre leur mise en
oeuvre, les catégoriser selon différents critères et
déceler les facteurs qui déterminent leurs adoptions. Les
pratiques d'irrigation dont il s'agit ici, sont des systèmes
d'irrigation informelles ou systèmes d'irrigation à petite
échelle, aussi elles sont peu renseignées dans la
littérature économique agricole.
Notre étude a pour objectif d'analyser l'efficience
technique des systèmes d'irrigation existants dans le MUP au Burkina
Faso. Bien que diverses études analysent les techniques d'irrigation au
Burkina Faso, elles se sont limités à une analyse sommaire de la
rentabilité financière des activités
maraîchères (Sacko, 2004 ; Tounga et al, 2007). Pour notre
étude nous suivrons la démarche suivante :
- Dans une première partie, une frontière de
production stochastique sera utilisée pour analyser l'efficience des
différents systèmes d'irrigation dans le MUP au Burkina Faso.
Cette analyse nous permettra de comparer les pratiques d'irrigation entre elles
et d'en déterminer les bonnes c'est-à-dire les plus efficaces.
- Dans une seconde étape une régression Tobit,
nous permettra d'analyser les déterminants de cette efficience. En
effet, l'objectif d'amélioration de ces pratiques nécessite que
soit connu les facteurs susceptibles d'impacter leur efficience.
2.2.1 Méthodologie
2.2.1.1 Mesure de l'efficience
technique
On dit d'une unité de production qu'elle est
techniquement efficace lorsqu'elle se situe sur sa frontière des
possibilités de production ; c'est-à-dire qu'avec une
quantité déterminée de facteurs, elle obtient le plus haut
niveau d'output réalisable. Elle est également efficace si elle
utilise le minimum d'inputs disponible pour produire un certain niveau
d'output.
La mesure de l'efficience technique, à travers les
modèles de frontière de production est essentiellement
dominée par 2 approches dont la différence majeure repose
sur la spécification ou non d'une forme fonctionnelle: l'analyse
paramétrique de frontière stochastique SFA (stochastic frontier
approach) et celle non paramétrique nommée DEA (data
envelopment analysis)
L'approche non paramétrique a pour principal avantage
de ne pas exiger la spécification d'une technologie de production et la
distribution des termes d'erreur (kalaitzandonakes et al, 1992). De plus elle
permet d'analyser simultanément plusieurs inputs et outputs. Par contre,
la démarche a tendance à surestimer le niveau de
l'inefficacité technique (Greene, 1993) puisqu'elle attribue toute
déviation de la frontière de production à
l'inefficacité. Aussi, elle est affectée par les valeurs
aberrantes de l'échantillon utilisé (Greene, 1993), et
également par le choix des variables explicatives.
L'approche paramétrique de la frontière de
production repose sur l'estimation d'une fonction de production. Elle fait
l'hypothèse que toute déviation de la frontière de
production est due non seulement à l'inefficacité mais
également à des erreurs aléatoires. La critique
première des modèles stochastiques est liée au choix de la
spécification de la fonction de production et de la distribution de
l'erreur inhérent a l'inefficacité (Forsund, Lovell, et Schmidt,
1980). En effet, figer une technologie de production est une démarche
restrictive. Cependant, Koop et Smith (1980) et Ahmad et Bravo-Ureta (1996)
démontrent que la mesure de l'efficacité technique est
très peu affectée par le choix de la forme fonctionnelle de la
technologie.
Une méta-analyse relative à l'impact des
hypothèses méthodologiques sur la mesure de l'efficience
basée sur 32 frontières de production différentes
provenant de 15 pays en développement conclut que les modèles
utilisant les frontières stochastiques ne génèrent pas de
différence significative avec les scores d'efficience technique de ceux
déterministes (Thiam et al, 2001).
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