H) - Un voyage surtout imaginaire ?
La retranscription précise des lieux visités par
les explorateurs ainsi que des différentes observations correspondantes
(dates, sites, situations, etc...) permet de mettre en évidence des
incohérences notables concernant la nature même et
l'itinéraire du voyage86. Néanmoins, ces
incohérences (ou anomalies, erreurs de la part de l'auteur) doivent
être envisagées sous l'angle de l'imaginaire et de
l'irréel. Or, c'est justement parce que Jules Verne a
le souci
84 Ibid. page 1.
85 Ibid. page 359.
86 Cf. Document N°3.
permanent de situer les faits dans le temps et dans l'espace que
nous pouvons relever ces différentes incohérences. Pour ce faire,
reprenons alors le fil du voyage.
Le voyage proprement dit, c'est-à-dire la descente au
centre de la terre, une fois les voyageurs arrivés en haut du Sneffels,
commence le 28/06/186387. Le 01/07/186388, ils atteignent
la base du cratère et font malheureusement une erreur dans le choix de
la galerie à emprunter. Or, page 161, Jules Verne (ou
Axel, le narrateur) commence le chapitre XIX par : « Le lendemain,
mardi, 30 juin, à six heures, la descente fut reprise
»89, alors que la narration concerne des faits se
déroulant après ceux de la narration des pages
précédentes. Qu'importe, il s'agit sûrement là d'une
simple erreur de l'auteur.
Le voyage se poursuit ainsi normalement, et le 15/07/1
86390, ils sont alors à 7 lieues sous terre et à 50
lieues du Sneffels, « sous la pleine mer »91, ce
qui constitue une indication supplémentaire de l'itinéraire du
voyage. Les mêmes types d'informations nous sont fournies page 202, le
dimanche 19/07/1863. Ils sont ainsi à 85 lieues de la base du Sneffels,
sous l'Atlantique, et même à 16 lieues sous terre d'après
le professeur Lidenbrock (12 lieues pour Axel, 2 pages plus loin !! !). Idem
page 210, le 07/08/1863, où ils sont à 30 lieues sous terre et
environ à 200 lieues de l'Islande. Et enfin, même données
pages 245 et suivantes, le 11/08/1863 où ils sont à 35 lieues
sous terre (« Ainsi, dis-je en considérant la carte, la partie
montagneuse de l'Ecosse est au-dessus de nous, et, là, les monts
Grampians élèvent à une prodigieuse hauteur leur cime
couverte de neige »92).
C'est alors que nous arrivons à un point crucial du
voyage, là où nous pouvons déceler soit, une énorme
incohérence de la part de Jules Verne, soit la preuve
incontestable que ce voyage est purement et simplement imaginaire. En effet,
une fois les côtes de la mer Lidenbrock atteintes93, et
après une petite visite du rivage, la volonté du professeur
Lidenbrock est évidemment de procéder à la
traversée de cette dernière. Le début de la
traversée commence ainsi le 13/08/186394. Le lendemain, les
voyageurs ont déjà parcouru 35
87 Ibid. pages 144- 145.
88 Ibid. page 154.
89 Ibid. page 161.
90 Ibid. page 200.
91 Ibid.
92 Ibid. page 249.
93 Ibid. page 233.
94 Ibid. page 252.
lieues depuis la côte95, le surlendemain, ils
sont à 100 lieues de la même côte96, et le jeudi
20/08/1 86397 ils atteignent l'îlot Axel, à 270 lieues
de la côte, soit environ à 600 lieues de l'Islande98.
Or, compte tenu de l'itinéraire emprunté, et en partant du
principe que le voyage a été rectiligne, il est
intéressant de remarquer que cet îlot Axel se situe, à
quelques lieues près, très exactement sous la ville d'Hambourg,
là où Graüben attend son futur mari... Repartant de
l'îlot en question, la tempête les ramène en
réalité à leur point de départ, à quelques
lieues près de là où ils partirent, le 13/08/1863.
Or, c'est à partir de ce même point, et
après quelques pérégrinations supplémentaires le
long de la côte, que s'effectue leur remontée dans le ventre du
Stromboli99, alors qu'en réalité ils sont revenus sous
les Monts Grampians, en Ecosse. Or, à la page 297, Axel et le professeur
Lidenbrock déclarent avoir parcouru environ 900 lieues depuis Reykjawik
et être sous la Méditerranée, ne sachant pas que la
tempête les a en fait ramenés à leur point de
départ. Pourtant, 900 lieues, c'est ce qui sépare à peu
près (réellement) Reykjawik du Stromboli. Cela est donc
très étonnant. Réellement (si nous pouvons employer ce
terme) ils sont sous l'Ecosse, imaginairement ils sont sous le Stromboli. Pour
autant, la remontée les ramène effectivement sur les flancs du
Stromboli100. Cela est-il dû alors au
dérèglement de la boussole (consécutif au contact avec la
boule de feu, page 288) ? Au contraire, peut-être n'a-t-elle pas
été du tout touchée par la boule de feu. Ainsi, ils ne
seraient pas revenus à leur point de départ, mais ils seraient
réellement arrivés sous la Méditerranée, et plus
particulièrement sous le Stromboli, rendant leur voyage alors
possible... Tout cela est quand même étrange, puisque la boussole
continue à indiquer le nord à la place du sud, même une
fois les voyageurs revenus sur la terre ferme.
95 Ibid. page 256.
96 Ibid. pages 263 et suivantes.
97 Ibid. pages 274 et suivantes.
98 Ibid. page 297.
99 Ibid. page 332 et suivantes, le jeudi 27/08/1 863
et les jours suivants.
|