Problématique de l'égalité des droits des enfants légitime et naturel dans le nouveau régime des successions du Bénin( Télécharger le fichier original )par Julien HOUNKPE Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Maitrise en Droit 2006 |
CHAPITRE II :LES DIFFICULTES D'APPLICATION DE L'EGALITE DES DROITS SUCCESSORAUX DES ENFANTS LEGITIME ET NATURELComme toute réforme, la réforme du droit successoral béninois si vivement souhaitée, ne manquera pas de soulever des difficultés d'application. Mais, ces difficultés, si elles sont bien appréhendées permettront d'obtenir de bons résultats de la réforme. C'est pourquoi nous avons entrepris dans le développement suivant, d'évaluer ceux-ci afin de leur proposer des solutions. Les difficultés d'applications de la réforme sur la filiation et le droit des successions sont ici regroupées en deux sections : les problèmes juridiques, et les pesanteurs psychosociologiques. SECTION I : LES PROBLEMES JURIDIQUESSur le plan juridique, nous aurons les insuffisances du principe d'égalité (paragraphe 1) et les difficultés d'application du code dans le temps et l'espace (paragraphe 2). Paragraphe 1 - Les insuffisances du principe d'égalitéLe manque de clarté des articles 325 et 328 du CPF ne permet pas une bonne application du principe d'égalité. En plus, le principe d'égalité consacré par le CPF subit quelques exceptions en ce qui concerne les enfants sans filiation légale.
A- Les imprécisions des articles 325 et 328 du CPF La forme de l'article 328 du CPF diffère de l'article 334 du code civil auquel il correspond. Contrairement au législateur français, les rédacteurs du CPF n'ont pas consacré l'égalité des deux ordres de filiation au début de la rubrique concernant l'enfant né hors mariage. Mais cet écart ne gène en rien l'application du principe et reste sans doute dénué d'intérêt. Toutefois, l'article 328 du CPF n'annonce pas l'entrée de l'enfant né hors mariage dans la famille de son auteur. Il se contente d'affirmer que « ... Les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits que les enfants légitimes... » Ce manque de précision est-il prémédité ? Le CPF devrait rompre avec cette incertitude et établir clairement le rapport juridique entre l'enfant naturel et ses grands parents. Car, dans l'ancien droit en vigueur au Bénin, le cercle de la famille naturelle ne dépasse pas le premier degré (l'enfant, le père ou la mère) : la filiation naturelle ne créait qu'un rapport inter-individuel, sans intégration au groupe familial. Par ailleurs, l'article 325 du CPF couvre un domaine plus vaste que sa portée réelle. Il dispose que « La volonté de reconnaissance par un homme marié ou une femme mariée d'un enfant né hors mariage doit être notifiée à son conjoint soit par écrit, soit par exploit d'huissier ». En vertu de cet article, l'enfant adultérin ne pourrait venir à la succession de son auteur, qu'autant que sa reconnaissance a été notifiée au conjoint victime de l'adultère. L'obligation de notification est une mesure protectrice de la famille légitime contre l'intrusion des enfants naturels quels qu'ils soient ou d'où qu'ils viennent. Elle permettra aussi d'éviter l'imposture de l'autre conjoint qui voudra dissimuler l'existence de l'enfant naturel. Cette règle rationnelle s'applique à tout enfant reconnu pendant la période de validité du mariage. Il ne s'observe pas lorsque la reconnaissance de l'enfant naturel intervient avant la célébration du mariage ou après sa dissolution. Mais à qui incombe l'obligation de notification ? Le code ne le précise pas18(*). On peut également s'interroger sur l'opportunité ou l'utilité d'un tel formalisme19(*), alors même que l'adultère déjà difficile à avouer - la plupart des veuves ayant la surprise de ne découvrir les autres enfants du mari qu'à l'enterrement - n'est pas facile à pardonner. Il faut reconnaître le mérite des auteurs du code des personnes et de la famille, car l'article 325 n'a pas la même portée que l'article 337 du code civil auquel il ressemble si bien20(*). B- La situation des enfants n'ayant pas de capacité successorale Les enfants naturels qui n'ont pas été reconnus et qui n'ont pas obtenu la déclaration judiciaire de leur filiation sont purement et simplement exclus de la succession21(*). Mais la loi leur accorde une créance alimentaire contre la succession de leur père et mère dès qu'ils établissent une filiation de droit ou de fait. L'enfant naturel simple a toujours un véritable droit de succession à l'égard de ses père et mère du seul fait qu'il peut établir sa filiation. Mais lorsqu'il n'a pas une telle preuve, l'enfant naturel ne dispose d'aucun droit à faire valoir contre la succession de ses père et mère. Peut-il réclamer des aliments à la succession ? La jurisprudence admet que l'enfant naturel simple dont la filiation n'est pas légalement établie peut, s'il justifie par un moyen quelconque une filiation de fait, réclamer des aliments à la succession. En revanche, la jurisprudence permet à l'enfant adultérin de réclamer des aliments à ses père et mère de leur vivant lorsqu'il établit par un moyen quelconque une filiation de fait22(*). L'assimilation de l'enfant naturel à l'enfant légitime n'est réalisée que lorsque la filiation de l'enfant naturel est légalement établie. Or, si la filiation légitime est prouvée de la façon la plus simple dans la majorité des cas, il n'en est pas de même pour la fil iation naturelle. En effet, la filiation naturelle se prouve normalement par reconnaissance volontaire du père ou de la mère. Mais lorsqu'il n'a pas été reconnu volontairement, l'enfant naturel doit faire établir sa filiation par une décision de justice. Tous ne le peuvent pas. Pour ces derniers, l'assimilation est vaine. Ils peuvent tout au plus réclamer des aliments s'ils établissent une filiation de fait. Le CPF n'a pas défini explicitement la situation de l'enfant naturel dont la filiation n'est pas légalement établie mais s'est contenté de subordonner la vocation successorale de l'enfant naturel à l'établissement de sa filiation23(*). * 18 Toute personne qui y a intérêt, suivant une opinion de GBAGUIDI Ahomagnon Noël, « Egalité des époux, égalité des enfants et le projet de code de la famille et des personnes du Bénin » op.cit., p 21 * 19 Selon WEIL et TERRE «Cette disposition protégera l'auteur de la reconnaissance contre des manoeuvres dolosives en même temps qu'elle assure la conservation de l'acte et lui confère date certaine» Alex WEIL et François TERRE Droit Civil (Les personnes, la famille, les incapacités) 5ème édition Dalloz. 1983 P. 602. * 20 Contrairement à l'article 337 du code civil édition 1958, l'article 325 ne fait état que de notification. La doctrine française est dans l'ensemble hostile à l'article 337. Cette hostilité aboutira à son abrogation en 1970. MARTY Gabriel, RAYNAUD Pierre, Introduction Générale : Etude du droit et des instituions judiciaires, les personnes, Page 945. * 21 Article 762 alinéa 1 du Code civil * 22 MAZEAUD (Henri et Léon), Leçons de droit civil, op. cit. P. 86 * 23 Article 328 du CPF. Le projet de code avait prévu pour ces enfants des subsides (article 337 al 1 du Projet de Code de Personnes et de la Famille) « ... à réclamer des aliments à toutes personnes ayant eu des relations sexuelles avec sa mère pendant la période légale de la conception ... » |
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