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Problématique de l'égalité des droits des enfants légitime et naturel dans le nouveau régime des successions du Bénin

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par Julien HOUNKPE
Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Maitrise en Droit 2006
  

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SECTION II : LES EFFETS SUCCESSORAUX DES FILIATIONS LEGITIME

ET NATURELLE

Comparativement au sort réservé jusque-là aux enfants nés hors mariage, le code des personnes et de la famille a considérablement amélioré leur situation en édictant des règles qui assimilent la filiation naturelle à la filiation légitime.

Etant donné que pour emporter vocation successorale véritable, le lien de filiation doit être légalement constaté (c'est le lien de filiation qui constitue le support juridique des droits revenant à l'enfant, c'est-à-dire de sa succession et de son statut social en général), les rédacteurs du code béninois des personnes et de la famille ont en effet veillé à réparer le tort longtemps fait aux enfants naturels en normalisant l'établissement de leur filiation.

La conséquence directe de cette situation se ressent au niveau des effets de cette filiation corrigée. On pourrait parler ici, en termes plus exacts, des effets de la filiation naturelle légalement établie.

Contrairement donc au traitement qui découlait des dispositions du code civil de 1958, en l'occurrence sur la filiation de ces enfants, le code des personnes et de la famille a réalisé des innovations incontestables : celles-ci se résument en une consécration du principe d'égalité des droits entre tous les enfants (Paragraphe 1).

Ce principe n'a cependant pas été étendu à l'enfant incestueux qui reste toujours privé d'une partie de ses droits (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Consécration du principe d'égalité des droits

Le principe d'égalité des droits s'étend non seulement aux droits patrimoniaux des enfants à l'égard de leurs parents, mais aussi à ceux des parents à l'égard de leurs enfants, compte tenu du principe de la réciprocité du droit de succession.

Désormais donc, naturel simple, adultérin ou incestueux, les enfants naturels peuvent, à l'instar des enfants légitimes, aller à la succession de leurs parents, et réciproquement.

A- L'égalité des droits à l'égard des parents et autres ascendants

A l'instar de la loi du 3 janvier 1972 en France qui a posé le principe de l'égalité des filiations légitime et naturelle, le code béninois des personnes et de la famille élimine autant que possible la discrimination dans toutes les formes où elle s'est manifestée jusque-là, à travers le code civil de 1958.

L'enfant naturel jouit désormais des mêmes rapports de droit que l'enfant légitime vis-à-vis de ses parents et vis-à-vis de ses ascendants autres que les père et mère.

1) A l'égard des parents

Pour délivrer les enfants naturels de l'infériorité dans laquelle ils se sont trouvés jusque-là, les rédacteurs du CPF ont veillé à créer entre enfants et parents naturels des droits et devoirs réciproques identiques à ceux qui existent entre enfants et parents légitimes, les plus importants de ces droits et devoirs étant le droit aux aliments et le droit successoral.

a- Le droit aux aliments

Le droit aux aliments découle de l'article 158 du code qui dispose que : « Le mariage crée la famille légitime. Les époux contractent ensemble, par leur mariage, l'obligation de nourrir, entretenir, élever et éduquer leurs enfants ».

Dans la même optique, l'article 337 du même code énonce que : « Dans le mariage, l'obligation alimentaire (...) des époux envers les enfants fait partie des charges du mariage ( ...) ».

Assimiler l'enfant naturel à l'enfant légitime sur le plan du droit aux aliments signifie par conséquent qu'il existe désormais, entre lui et ses parents, une obligation réciproque identique à celle qui existe entre l'enfant légitime et ses parents.

A cet effet, nous pouvons recourir à l'article 392 du CPF : « Les enfants naturels dont la filiation est régulièrement établie ont vis-à-vis de leurs auteurs, les mêmes droits et obligations alimentaires que les enfants légitimes ».

Il semble donc évident que le législateur béninois recherche une réelle assimilation de l'enfant naturel à celui légitime.

b- Le droit successoral

La volonté des rédacteurs du code de corriger l'inégalité de traitement qui existait entre les enfants naturels et légitimes s'exprime clairement dans les termes d'un certain nombre de ses articles.

Il s'agit, pour commencer, de l'article 328 cité plus haut : « Lorsque la filiation est également établie, les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits que les enfants légitimes (...) ».

Au titre des successions, les dispositions vont dans le même sens. En effet, « les enfants, quelque soit l'origine de leur filiation, jouissent des mêmes droits successoraux, sous réserve des dispositions de l'article 621 ».

Qu'ils soient donc légitimes ou naturels, tous les enfants sont appelés à la succession de leurs parents, père et mère, et ont droit à la même part : plus aucune distinction n'est faite par la loi.

C'est également ce qui se dégage de l'article 590 aux termes duquel : « les héritiers légitimes ou naturels (...) sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt (...) », ce qui n'était pas du tout le cas, vu les dispositions des articles 758, 759, 760, 762, 763, et 764 du code civil de 1958.

Lesdites dispositions fixaient une part précise à l'enfant naturel, différente de celle de l'enfant légitime et selon le type de successible avec lequel il vient à la succession de son père ou de sa mère.

Les articles 762, 763, et 764, quant à eux, spécifient le cas des enfants adultérins et incestueux, beaucoup plus lamentable que celui des enfants naturels simples. Aux termes de ces articles en effet, la loi ne leur accorde que des aliments. Ces aliments sont réglés, eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et à la qualité des héritiers légitimes.

De plus, si le père ou la mère de l'enfant adultérin ou incestueux lui a fait apprendre un métier ou si l'un d'eux lui a assuré des aliments de son vivant, l'enfant ne pourra lever aucune réclamation contre leur succession. Il s'agit là des dispositions de l'article 764 du code civil de 1958.

La loi visait, de cette façon, à protéger certains membres de la famille légitime, notamment les enfants légitimes issus du mariage et le conjoint victime de l'adultère, en présence d'enfants adultérins.

En comparaison de ce traitement fait aux enfants naturels en général et aux enfants adultérins et incestueux en particulier par le législateur de 1958, le code des personnes et de la famille a réalisé un véritable exploit, une véritable innovation en introduisant le principe d'égalité des droits entre tous les enfants.

Le code béninois des personnes et de la famille supprime en outre les distinctions précédemment faites entre les enfants compte tenu du sexe ou de l'âge. C'est ce qui ressort des dispositions de l'article 619 du code béninois : « les enfants ou leurs descendants succèdent à leur père et mère (...) sans distinction de sexe ni d'âge (...) ».

C'est là un point qui, au Bénin, vient en correction aux privilèges de masculinité et de primogéniture consacrés p ar le coutumier du Dahomey.

Dorénavant, ces privilèges n'influencent plus le partage des droits successoraux entre les enfants : il n'est plus tenu compte, ni de l'âge, ni du sexe, ainsi qu'à leurs autres ascendants ; ce qui est vraiment positif à beaucoup de points de vue. Non seulement le législateur offre les mêmes droits, et donc les mêmes chances aux filles et aux garçons, mais aussi, qu'il s'agisse de l'aîné, du cadet ou du benjamin d'une famille, le même traitement, la même part dans la succession de leurs parents.

Cette option du code des personnes et de la famille s'harmonise bien, non seulement avec les idéaux des Droits de l'Homme, mais aussi avec les dispositions de son propre article 1 dont les termes prônent une égalité absolue de traitement de la personne humaine, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, sa religion, sa langue, son opinion politique, son origine nationale ou sociale, sa fortune ou quelque autre situation, et ce, de sa naissance à son décès.

2) Extension des droits à l'égard des autres ascendants

Cette extension se rapporte à la fois aux droits alimentaires et aux droits successoraux.

Avec le CPF, l'enfant naturel lég alement reconnu a droit à l'intégration dans la famille de ses auteurs au même titre que l'enfant légitime. L'obligation alimentaire est désormais admise dans les rapports de l'enfant naturel et de ses autres ascendants.

C'est ce que nous retenons à travers les termes de l'article 391 dudit code selon lesquels : « L'obligation alimentaire résultant de la parenté est réciproque. Entre parents, elle existe en ligne directe, sans limitation de degré. En ligne collatérale, elle est simplement morale ».

En effet, si nous nous référons à l'article 378, alinéa 1 du même code selon lequel : « la parenté résulte de la filiation et d'elle seule », il est facile de comprendre, par les dispositions de l'article 391 précité que l'obligation alimentaire ne se limite plus aux père et mère, exclusivement, mais à tous autres ascendants et parents, pourvu qu'existe le lien de parenté.

En tout état de cause, étant donné la volonté d'assimilation des enfants naturels aux enfants légitimes et, sur la ba se des dispositions de l`article 392, les enfants naturels jouissent des mêmes droits que ceux légitimes si leur filiation est légalement établie. Il est donc tout à fait normal qu'ils puissent bénéficier d'aliments de la part de leurs autres ascendants, tout comme l'enfant légitime.

Cette extension de l'obligation alimentaire aux ascendants de l'enfant naturel autres que ses père et mère est conforme à la conception africaine selon laquelle l'étendue et la solidarité de la famille, qu'elle soit légitime ou naturelle, n'ont d'autres limites que celles qu'imposent l'ignorance et l'existence du lien de parenté ou le manque de biens à partager avec le prochain.

C'est dire qu'exclure les collatéraux et notamment les frères et soeurs du champ d'application de l'obligation alimentaire n'est pas africain, mais européen, et que c'est plutôt condamner l'assistance familiale traditionnelle à disparaître à brève échéance à une époque où l'assistance publique à l'européenne est encore à peu près inexistante.

Une autre innovation du code des personnes et de la famille se dégage des dispositions de l'article 619 : les droits successoraux des enfants naturels vis-à-vis de leurs autres ascendants.

En effet, « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants (...) ». La compréhension qui se dégage de ce texte de loi est que tous les enfants, de même que leurs descendants peuvent aller à la succession, et de leurs père et mère, et de leurs autres ascendants, grands parents, oncles et tantes, par exemple ; ce qui était impossible d'après l'article 757 du code civil de 1958 selon lequel « la loi n'accorde aucun droit aux enfants naturels sur les biens des parents de leur père ou de leur mère ».

Evidemment, le législateur vise ici les grands-parents d'enfants naturels. A ce niveau, il s'est posé jusque-là la question des rapports entre l'enfant naturel et ses grands-parents qui nécessitait une réglementation sans équivoque.

Les rédacteurs du code béninois des personnes et de la famille semblent donc avoir pris en compte la question pour élaborer une nouvelle disposition, l'article 619, qui étend la vocation successorale des enfants naturels à l'égard de leurs ascendants autres que leurs père et mère. Ainsi, tout comme les enfants légitimes, les enfants naturels peuvent aussi leur succéder.

Compte tenu du caractère réciproque du droit de succession, les parents peuvent, eux aussi, aller à la succession de leurs enfants naturels.

B- Les droits des parents à l'égard des enfants naturels et légitimes

L'enfant naturel (dont la filiation est légalement établie) ayant, dans la fa mille de chacun de ses auteurs, les droits d'un enfant légitime, il est normal que, à titre réciproque, ses père et mère, ainsi que les membres de cette famille aient le droit de bénéficier de certains droits et de venir à sa succession comme s'il s'agissait d'un enfant légitime.

En outre, les frères et soeurs de l'enfant naturel, qu'ils soient légitimes ou naturels, peuvent prétendre à des droits dans sa succession.

1) Droits des père et mère naturels et autres ascendants

Ces droits sont dus par l'enfant naturel à ses parents, père, mère et autres ascendants, en vertu du principe de réciprocité posé par la loi. Il s'agit notamment des droits alimentaires et ceux successoraux.

L'obligation alimentaire résultant de la parenté (que celle-ci soit légitime, naturelle ou adoptive) est, en vertu de l'article 391 du CPF, réciproque.

De la même façon donc que les parents de l'enfant naturel (père, mère et autres ascendants) sont tenus par la loi de lui fournir des aliments, ce dernier est, lui aussi, automatiquement tenu de la même obligation : il devra, au moment opportun, assurer des aliments à ses père et mère, de même qu'aux ascendants autres que ces derniers qui sont dans le besoin.

C'est là une disposition qui concorde parfaitement avec « la bonne nature de l'homme », le sens de l'humanisme, de la spontanéité de l'humain envers son prochain. En un mot, cette disposition n'a fait qu'édicter une attitude tout à fait normale, une attitude qui s'est d'ailleurs toujours bien conçue en Afrique où les valeurs traditionnelles ont toujours prôné l'égard envers le prochain.

En tout état de cause, il va parfaitement de soi que parents et enfant s'occupent réciproquement les uns des autres, que ce soit en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde. Il est des choses qui devraient être innées en l'homme, quelle que soit son appartenance raciale.

Avec le code des personnes et de la famille, l'enfant naturel a été pratiquement assimilé à celui légitime. C'est ce qui justifie que les dispositions sur les droits successoraux des parents d'enfants naturels soient les mêmes qui se rapportent aux droits successoraux des parents d'enfant légitimes. Plus aucune distinction n'est vraiment faite dorénavant.

En cela, nous avons d'ailleurs remarqué que les dispositions du code des personnes et de la famille sur les nouveaux droits successoraux des ascendants n'est qu'une copie exacte de celles du code civil de 1958 sur les successions déférées aux ascendants. Il n'y a donc pas eu vraiment d'innovations à ce niveau non plus.

Aux termes de l'article 622 dudit code, dorénavant : « Si le défunt n'a laissé ni postérité, ni frère, ni soeur, ni descendants d'eux, la succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne paternelle et ceux de la ligne maternelle.

L'ascendant qui se trouve au degré le plus proche recueille la moitié affectée à sa ligne, à l'exclusion de tous autres. Les ascendants au même degré se succèdent par tête »

Pour ce qui est du cas particulier de l'enfant incestueux, compte tenu de l'interdiction de double filiation qui lui est faite à l'alinéa 3 de l'article 319 du code des personnes et de la famille, les implications que cela suppose en matière successorale et du caractère réciproque du droit de succession, nous comprenons tout simplement que, seul celui de ses auteurs qui l'aura reconnu et dont il aurait le droit d'aller à la succession pourra, à son tour, prétendre à une part dans la succession de cet enfant incestueux.

2) Droits successoraux des frères et soeurs de l'enfant naturel

Le code civil de 1958 les organisait séparément (précisément au chapitre 4 du titre premier dénommé SUCCESSIONS IRREGULIERES) compte tenu de la distinction systématique que faisait le législateur entre enfants naturels et légitimes.

Le code consacre les droits des frères et soeurs sur les biens des enfants naturels.

Les droits successoraux qu'attribuait le législateur de 1958 aux frères et soeurs légitimes de l'enfant naturel sont contenus dans l'article 766 du code aux termes duquel : « En cas de prédécès des père et mère de l'enfant naturel décédé sans postérité, les biens qu'il en avait reçus passent aux frères et soeurs légitimes, s'ils se retrouvent en nature dans la succession ; les actions en reprise, s'il en existe, ou le prix des biens aliénés, s'il en est encore dû, retournent également aux frères et soeurs légitimes (...) »

Il s'agit du droit de retour légal que le législateur reconnaissait aux frères et soeurs légitimes de l'enfant naturel.

Qu'en était-il de la part des frères et soeurs naturel ?

Aux termes de l'article 766 du code civil de 1958 précité « (...) Tous les autres biens passent aux frères et soeurs naturels ou à leurs descendants ». La distinction était donc clairement établie entre les parts auxquelles pouvaient prétendre les frères et soeurs naturels ou à leurs descendants »

Aujourd'hui, le code des personnes et de la famille a introduit des changements notables à ce niveau. Il ne dispose pas distinctement sur la base du type de filiation des frères et soeurs. Désormais, qu'il s'agisse de frères et soeurs, légitime ou naturels, d'un enfant légitime ou d'un enfant naturel, la loi dispose de façon générale, sans aucune distinction.

C'est ainsi que les articles 623, alinéa 2 à 627 du code béninois des personnes et de la famille ne sont, eux aussi, que de simples reprises des articles 748, alinéa 2 à 752 du code civil de 1958 qui organisaient les droits de frères et soeurs dans la succession d'un enfant légitime.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand