Ce projet, réalisé dans un contexte bien
précis (1), avec une EIE effectuée suivant les règles
nationales qu'internationales en matière environnementale (2) ne
présentait pas le même intérêt que celui du pipeline
Tchad Cameroun (3).
162 Ces pratiques n'entrent pas dans le vécu quotidien de
ces populations.
163 Sa mise en fonctionnement date de 2002, date qui marque
également le respect des trois étapes clés de l'EIE au
Cameroun conformément à la Loi-cadre de 1996 relative à la
gestion de l'Environnement.
1. Contexte et objectif du Projet1 64
L'ouvrage à construire aura une hauteur d'une
cinquantaine de mètres, créant une retenue de 610
km², et une capacité de sept milliards et demi de
mètres cubes. Il se situera dans la Province de l'Est,
département du LOM ET DJEREM, à 13 km en amont de la confluence
des rivières LOM et DJEREM où elles s'unissent pour former le
fleuve Sanaga. Le projet a pour objectif principal la constitution d'une
retenue de régulation de la Sanaga. Le barrage sera équipé
d'une usine de production électrique d'une puissance d'environ 51 MW.
En ce qui concerne les populations et les villages
touchés par le projet, ce sont certains individus dans les villages
plutôt que ces villages mêmes qui seront potentiellement
directement concernés par l'effet de la retenue dans la partie nord de
la retenue. Dans la partie Sud, ces effets directs concernent seulement les
villages limitrophes à l'eau. La réalisation du projet dans la
zone aura un impact non négligeable sur l'activité humaine
menée dans la région. En effet, la création d'une zone de
protection renforcée dans la forêt de Deng Deng restreindra toute
activité humaine, y compris la chasse. Cette création aura un
impact fort sur l'alimentation de la population riveraine, et sur les chasses
qu'elles pratiquent traditionnellement.
Un deuxième impact est lié au fait que
l'effectif de pêcheurs migrants que le barrage attirera risque fort de
s'étoffer de chasseurs, qui profiteront de l'infrastructure offerte aux
pêcheurs, ainsi que de leur clientèle, afin d'écouler leur
gibier.
Conséquence des deux premiers, le dernier impact est
la diminution de la population faunique, susceptible de nourrir les villages.
L'absence de produits carnés peut certes être comblée par
une consommation accrue de produits de pêche, mais cet aliment n'est pas
nécessairement valorisé ou perçu par les villageois comme
équivalent au gibier.
2. L'étude environnementale de Lom
Pangar
Différentes études ont été
menées sur ce projet depuis 1991. L'avant-projet de retenue de LOM
PANGAR a fait l'objet d'une première étude d'impact sur
l'environnement entre 1996 et 1998. Coordonnée par un spécialiste
du bureau d'Ingénieurs Conseils165, cette étude s'est
appuyée sur des études spécifiques réalisées
par plusieurs spécialistes dans les domaines suivants : socio
économie, santé, faune et flore, qualité de l'eau. Et bien
qu'ayant lieu au Cameroun et régis par la législation
Camerounaise, les projets de grande envergure tel que celui ci se doivent de
répondre aux directives des instances internationales pour s'assurer que
les populations riveraines soient indemnisées d'une manière
internationalement acceptable et ainsi préparer dans les meilleures
conditions, le dossier d'obtention de crédits internationaux et
d'éviter les critiques au niveau national et
international166. Les termes de référence de l'Etude
d'Impact du barrage de Lom Pangar ont d'ailleurs été
rédigés en demandant de respecter, entre autres en matière
d'indemnisation, les directives de la Banque Mondiale et les recommandations de
la Commission
164 Voir le rapport de l'EIE après consultation de juin
2005 publié par l'Agence de Régulation du Secteur de
l'Electricité (ARSEL) et le Ministère de l'énergie et de
l'eau en son thème 21 intitulé: Héritage culturel.
165 C'est le groupe INGEROP France qui a réalisé
cette étude.
166 Notamment des défenseurs de l'environnement tels que
les ONG, la société civile, etc.
Mondiale des Barrages. Ces exigences additionnelles de la
Banque Mondiale, visent à s'assurer que la politique de compensation
répond aux intentions de ses directives opérationnelles
applicables.167 En janvier 2000, une mission de l' AFD a fait une
évaluation des études existantes, et a formulé des
recommandations168 pour la poursuite du projet, en s'inspirant des
pratiques couramment suivies par les bailleurs de fonds internationaux.
Les changements significatifs intervenus dans le secteur de
l'énergie électrique au Cameroun169et les nouvelles
contraintes170 régissant désormais les aspects
environnementaux et sociaux de développement des grandes infrastructures
ont commandé l'actualisation du rapport sur l'état initial de
l'environnement du projet de retenue de LOM PANGAR. Ces études
complémentaires ont permis de placer la conception du projet
d'aménagement hydroélectrique en cohérence avec les
recommandations formulées par la Commission Mondiale des Barrages et
avec les lignes directrices établies par la Banque mondiale pour la
construction de ce type d'ouvrage. Bien qu'il ne s'agisse pas dans ce cas d'une
relocalisation171 importante de populations, pour le projet Lom
Pangar, mais de compensations pour des mises en valeur faites par toutes les
populations riveraines, ces directives sont applicables. Parmi les
éléments importants de la directive sur le déplacement
involontaire on peut citer :
· L'intérêt porté aux
minorités et aux populations transhumantes172;
· La notion de compenser les dommages non seulement en
espèces mais également en nature ;
· La compensation par « coût de remplacement
» ce qui implique qu'une maison ancienne qui ne peut être
remplacée par une autre maison dans le même état doit
être remplacée par une maison nouvelle sans
dépréciation pour vétusté ;
· Les revenus doivent être au moins
équivalents aux revenus perçus avant le projet
· Le manque d'un titre foncier ou d'autorisation d'habiter
ne peut être invoqué comme motif pour refuser d'octroyer la
compensation.
Il n'est pas superflu de souligner qu'au vu de cette
assistance prônée par les directives de la Banque Mondiale, le
projet a généré le risque de voir les populations
s'installer dans les zones inondables pour en bénéficier.
167 Il s'agit des directives opérationnelles 4.30
(Involuntary Resettlement), 4.20 (Indigenous People) ; et
OP/BP 4.11 (Cultural Property.
168 Les conclusions de cette mission portaient sur la
nécessité d'approfondir un certain nombre d'études de
détail d'environnement et d'étudier la faisabilité des
mesures d'accompagnement et des mesures compensatoires proposées.
169 La SONEL a été privatisée en juillet
2001 et un partenariat a été établi entre le Gouvernement
camerounais et la Société américaine AES Corporation
(AES-SONEL) dans le cadre d'une concession de service public.
170 Le rapport de la Commission Mondiale des Barrages (CMB) de
novembre 2000 a dressé " un nouveau cadre pour la prise de
décisions ", en établissant les meilleures indications pratiques
pour le développement des infrastructures hydrauliques.
171 La relocalisation des habitations ne concerne qu'une
quarantaine de ménages dont la moitié dit posséder une
maison au village, tandis que la relocalisation des biens concerne
également les ménages qui habitent hors de la zone inondable.
172 Il s'agit ici des Mbororo qui effectuent des
déplacements périodiques de bétail en changeant de
pacage.
Enfin, Puisque les bénéfices que tireront les
populations des PFNL de la zone occupée par le barrage sont
récurrents et globaux, la compensation pour les pertes gagne en
intérêt pour les populations si elle est également
récurrente. Une rente annuelle, basée sur une taxe sur la
production d'eau ou d'électricité par le barrage, pourra
être utilisée pour financer des projets de développement
d'activités génératrices de revenus173et de
bien-être général174. Pour le barrage de
Bujagali175 par exemple, il a été proposé une
compensation "régionale" directe sous forme de projet de
développement communautaire de 1,80 millions USD lors de la phase de
construction et une participation annuelle de 250.000 USD pendant les 30
années où le barrage sera géré par le
commanditaire. Plusieurs formes de taxes sont envisageables. Un système,
adopté au Brésil, taxe 7 % de la valeur de
l'électricité qui sera distribuée aux différents
niveaux, selon la distribution suivante : 10 % au niveau national, 45 % au
niveau régional, 45 % au niveau local. En clair, dans le droit
camerounais, un exproprié a le droit de contester la décision
d'indemnisation, mais pas la décision d'expropriation. L'administration
doit répondre dans un délai non défini et sa
décision peut être revue par un tribunal, si celui-ci est saisi
rapidement176. Le tribunal décidera alors de la compensation
: plus, moins ou le même montant. Les modalités de traitement des
réclamations existent donc légalement, mais la mise en
application peut être difficile et longue177.
3- Une comparaison avec le projet du
pipeline
Il y a des différences notoires entre le projet du
pipeline et le projet Lom Pangar. En effet, le projet du barrage est un projet
de développement national, qui permettra à la grande partie du
pays de bénéficier d'une fourniture améliorée en
électricité ; la durée d'occupation des sols est
indéterminée pour le projet Lom Pangar ; les
bénéfices du projet s'étalent sur une longue
période ; le projet pipeline a opté pour une compensation directe
pour des inconvénients dont certains sont futurs ; les
inconvénients du lac de barrage sont plus importants que ceux du
pipeline ; les bénéfices générés par km2 de
sol occupé sont beaucoup plus élevés pour le pipeline que
pour le barrage178.