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Les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2006
  

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Section 2 : L'acceptation du principe sur la base de la constitutionnalisation interne du procéssus d'intégration.

Pour certains observateurs, le Conseil constitutionnel a pu apparaître comme un des plus illustres représentants de la résistance des juridictions internes à la primauté du droit communautaire en ce qu'il excluait de son "bloc de constitutionnalité" les normes de droit international et de droit communautaire16(*). Il considérait à cet égard que l'exercice d'un contrôle de conventionnalité ne relève pas du même contrôle que celui portant sur la constitutionnalité des normes inférieures. Cette différence de nature ne lui permettait pas de mettre en oeuvre et d'assurer le respect de l'art. 55. Ainsi, la position du Conseil constitutionnel sur la question de savoir s'il reconnaissait le primat conféré au droit communautaire, tel que l'envisage la CJCE, demeurait en suspens.

Si cette attitude traduit une certaine résistance du Conseil constitutionnel au sens où elle constitue, selon l'expression de Laurence Burgorgue-Larsen, un "désengagement" manifeste à l'égard de cette problématique, on observe qu'in fine il s'est résolu à s'aligner sur la reconnaissance du principe de la primauté du droit communautaire tout en développant un raisonnement encore marqué d'une certaine "rebéllion".

En effet, par la décision importante rendue, au titre de l'art. 54 de la constitution française, en novembre 2004 sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, le juge constitutionnel français était tenu de se prononcer sur la conformité du principe de primauté, tel qu'établi par l'article I-6 dudit traité selon lequel "La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union [...] priment le droit des Etats membres"17(*), au regard des dispositions de la constitution nationale.

En ce sens, le juge constitutionnel a élaboré une construction jurisprudentielle audacieuse par laquelle il opère une résistance à la solution communautaire aboutissant néanmoins à admettre un tel principe. Il estime que ce principe de primauté énoncé par l'art. I-6 n'est en aucun cas incompatible avec la constitution française puisqu'il ne doit pas être entendu autrement que l'article 88-1 de la constitution française l'a approuvé. Il considère ainsi que c'est le "consentement constitutionnel" induit par les dispositions de la constitution nationale, et notamment l'art. 88-1, qui constitue le fondement de la soumission à un tel principe.

On peut analyser son raisonnement comme l'affirmation de sa tendance à garantir la souveraineté nationale et ses composantes essentielles, tout en admettant sa compatibilité avec le principe de primauté du droit communautaire. Si ce principe de primauté procède de la constitution, notamment l'art. 88-1, alors il ne peut être exclu comme étant contraire à la Constitution française18(*). Ce principe de primauté résulte, pour ainsi dire, d'exigences constitutionnelles internes, ce qui signifie que le Conseil constitutionnel a entendu convertir cette primauté en une obligation à laquelle s'est librement engagé le pouvoir constituant interne. C'est ici la nuance de son raisonnement par rapport à la solution adoptée par la Cour de Luxembourg en ce que si le principe de primauté n'est en rien exclu, l'origine de celui-ci est assimilée à l'assentiment du pouvoir constituant.

Dès lors, il s'agit bien de l'idée selon laquelle l'acceptation du principe de primauté résulte non de la spécificité de l'ordre juridique communautaire, mais de l'intention du constituant. Ainsi, n'est pas compromise la primauté dès lors qu'elle est fondée sur la constitution. Et on peut également observer que la primauté du droit communautaire est tout à fait admise dès lors que sa portée se trouve encadrée.

* 16 On fait référence ici à la décision dite IVG Cons. Const., 15 janvier 1975, n° 74-54.

* 17 Cet article I-6 correspond en quelque sorte à la consécration institutionnelle du principe de primauté tel que "découvert" par la jurisprudence de la CJCE.

* 18 Florence Chaltiel a anticipé avec pertinence ce mouvement systémique auquel participe cette solution du Cons. Const. Car, elle tire la conclusion de ce que la souveraineté nationale s'acommode progressivement de l'intégration, op. cit.

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