Quelle politique industrielle pour le secteur des assurances au Maroc( Télécharger le fichier original )par Zakaria BENJOUID Université Hassan 1er - Licence 2006 |
B- Raisons économiques :Le législateur, et par conséquent l'Etat, ne peut pas ignorer que les fonds des entreprises d'assurances constituent une part importante dans l'épargne nationale. Pour cette raison, l'Etat est intervenu dans le secteur non seulement pour contrôler les fonds, et leurs investissements, mais également pour en exploiter une partie dans la dette publique. En réalité, cet objectif a été fixé comme conséquence à la transformation intervenue dans l'Etat depuis le début du XXe siècle, d'où son intervention dans l'activité économique. La réglementation de la concurrence entre les entreprises d'assurances et la méthode d'exploitation de leurs réserves techniques ainsi que la prise de participation dans leur capital sont autant d'éléments placés dans la catégorie des objectifs économiques de l'intervention étatique dans le secteur d'assurances. C- Raisons sociales :Les entreprises d'assurances sont appelées à jouer le rôle de service public ou social. Bien que l'appellation "service public" soit aujourd'hui un peu ambiguë, il est parfois difficile de l'appliquer aux assurances même si, généralement, la fonction sociale est parfaitement établie et en accord avec la philosophie de l'assurance. D'ailleurs le secteur des assurances permet d'assister un nombre considérable de personnes victimes de divers accidents, notamment les accidents du travail. Ainsi, et à titre d'exemple, les ménages et unités de production (victimes, ayants droit, bénéficiaires de contrats et auxiliaires14(*)) ont perçu, au titre des indemnités de sinistres et des capitaux échus, un montant de 8028,89 millions de dirhams, en progression de 0,72% d'un exercice à l'autre. La part des indemnités de sinistres a représenté 71,84% des sommes distribuées, sans négliger le nombre important de personnes employées par le secteur. Après ce bref aperçu des principales raisons qui ont été derrière l'intervention étatique dans le secteur, la question est de savoir quelle serait la forme à adopter, s'il devrait s'agir d'une intervention efficace ? Section 2 : Les relations entre les assurances et l'Etat : de la législation au contrôleSi l'intervention étatique sur les activités des assurances trouve son essence dans plusieurs considérations dont la principale réside dans la protection des assurés, des souscripteurs et des bénéficiaires du contrat d'assurances, le but visé par les autorités publiques a connu de profonds changements depuis son instauration jusqu'à nos jours. Si au début il ne s'agissait que d'une intervention de l'Etat au cas où l'entreprise n'honorait pas ses engagements, aujourd'hui, grâce à des législations spéciales, il est devenu un objectif que l'Etat cherche à protéger avant qu'il n'y ait préjudice, devenant ainsi une intervention préventive depuis la création de l'entreprise jusqu'à sa liquidation. L'Etat est également intervenu pour bénéficier de ses fonds qui constituent un élément primordial dans l'épargne nationale. Ainsi l'intervention de l'Etat dans ce secteur est complétée par le contrôle de la situation financière de l'entreprise, en mettant en place des lois relatives aux investissements de l'entreprise par la création de règlements adéquats donnant à l'entreprise le droit d'investir ses fonds au profit des assurés et des bénéficiaires de contrats d'assurances. A- Les modalités et les instruments de l'intervention : Tout d'abord, l'Etat est intervenu, de manière indirecte, au niveau de la législation en délimitant le cadre juridique des entreprises d'assurances qui sont trouvées dans l'obligation d'appliquer les dispositions des lois régissant les sociétés commerciales. Ainsi, ces entreprises prenaient la forme de sociétés anonymes ou sociétés en commandite par action et autres formes de sociétés ce qui les a assujetties aux règlements régissant ce type de sociétés. Cette forme d'intervention a continué ainsi pour comprendre le contrat d'assurance. Les dispositions de ce contrat ont été inspiré par le droit privé régissant les obligations civiles et particulièrement le code civil complété ensuite, ce qui est tout à fait logique en raison de la nature de l'engagement dans ce domaine par des dispositions particulières s'adaptant à la nature de l'activité d'assurances. Après cette période, et après la découverte de cette relation déséquilibrée qui lient les parties contractantes dans le cadre du contrat d'assurances, l'Etat est intervenu directement pour garantir les principes de ces contrats par les entreprises d'assurances afin de préserver les intérêts des assurés, des bénéficiaires de contrats d'assurances et des souscripteurs. Cette intervention tardive dans la majeure partie des cas entraînait une sanction contre l'entreprise défaillante sans garantir à la partie lésée de recevoir ses indemnités, particulièrement dans le cas de faillite de l'entreprise. Cette réalité a constitué l'une des raisons directes ayant poussé l'Etat à intervenir à un stade précoce, soit avant le préjudice, à travers des services administratifs spécialisés dans le contrôle des institutions d'assurances, puisque les entreprises ont été soumises au système des agréments administratifs, avec toutes les conditions nécessaires à son obtention, soit au niveau du contrôle à posteriori ayant pour objet l'activité d'assurance. B- Les décisions publiques relatives à la réglementation du secteur : Dès que les activités d'assurances se sont développées, il est apparu indispensable de fixer les règles - concernant le cadre juridique, contractuel, technique et financier - régissant les rapports Assureur / Assuré, les obligations des parties, le contrôle des sociétés d'assurances, les éléments devant obligatoirement figurer dans le contrat, etc. Au Maroc, le premier texte régissant le contrat15(*) d'assurance est l'Arrêté Viziriel du 28 Novembre 1934, et du 6 septembre 1941 relatif au contrôle de l'Etat sur les entreprises d'assurances, de réassurance et de capitalisation. La réglementation en la matière relevait auparavant du droit commun. C'est après l'Indépendance que l'assurance au Maroc connaîtra une grande évolution, tant au niveau de la réglementation et du contrôle qu'au niveau de l'organisation du secteur. En effet, La réglementation régissant le secteur des assurances était à la fois éparse car elle a connu une multitude de rajouts et de modifications sur plusieurs décennies, ce qui rendaient sa manipulation difficile et son application imprécise. La volonté d'harmoniser ces textes épars, d'en combler les insuffisances et de tenir compte des évolutions récentes dans l'industrie de l'assurance a donc rendu nécessaire l'élaboration d'un code constituant un cadre institutionnel et technique propre au secteur des assurances, à même de protéger les assurés et de sauvegarder les acquis du secteur au bénéfice de l'économie nationale dont il est l'un des éléments moteurs. La loi n° 17-99 portant le code des assurances16(*) (dahir n° 1-02-238 du rejeb 1423 / 3 octobre 2002) ainsi que son décret d'application (n° 2-04-355 du 19 ramadan 1425 / 2 novembre 2004) apportent des réponses aux insuffisances que connaissait la réglementation des assurances, en introduisant un certain nombre d'innovations. C- Le contrôle de l'Etat sur le secteur des assurances : sa forme et son objectif : Le contrôle de l'Etat sur le secteur des assurances au Maroc, tant que dans la majorité des pays, prend des formes assez semblables17(*) et uniformisées, axé dans leur ensemble sur trois axes principaux qui déterminent leurs champs d'application :
Si l'Etat cherche à protéger et préserver les intérêts des assurés et des bénéficiaires de contrats d'assurance, il a ainsi été amené, en exerçant son contrôle sur le secteur des assurances, à innover et trouver de nouvelles techniques qui visent essentiellement à créer un nouveau système de contrôle renforçant d'abord les garanties financières de l'entreprise et deuxièmement à innover en créant un système de contrôle préventif. Dans cette optique, nous remarquons que les pays ayant une longue expérience en la matière, tel que la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont trouvé de nouvelles garanties dont principalement la réserve de garantie en tant que garantie financière préventive qui a ses particularités, puis le contrôle de la solvabilité de l'entreprise en créant une nouvelle réserve appelée la marge de solvabilité ou ce qui baptisé dans l'orient arabe la marge de remplissage. Pour le cas du Maroc, le législateur a instauré ce type de réserves afin de faire face à toute insuffisance qui viendrait à toucher par surprise les réserves techniques. Pour sa constitution, elle est obligatoire pour toutes les entreprises. D'ailleurs le législateur marocain l'a considéré comme étant un des engagements financiers indéniables de l'entreprise. Cette confirmation reflète bien évidemment la nature protectionniste et l'importance de cette réserve pour sauver l'entreprise et préserver les intérêts des assurés. Il apparaît donc que le législateur marocain a instauré ce type de garantie préventive pour éviter toute insuffisance qui pourrait affecter les réserves techniques légales et non pas pour renforcer le capital social ou constitutif comme aiment à penser certains. C'est pourquoi le législateur marocain a obligé les entreprises d'assurances à constituer cette réserve à partir de prélèvements sur les primes et non plus à partir de prélèvements sur les bénéfices comme stipulé par d'autres législations. Et, vu le rôle que peut jouer la marge de solvabilité, comme instrument permettant à l'autorité de contrôler et d'apprécier la situation financière de toute entreprise d'assurances, le législateur marocain l'a introduit dans la réglementation des assurances sous forme d'instruction (Instruction n° 18 du 29 mars 1996). L'objet visé par la constitution de cette marge, et par son imposition et son contrôle aux entreprises d'assurances, est d'éviter à ces dernières des mesures répressives lors des crises financières, telle le retrait de l'agrément18(*) et la liquidation. C'est pourquoi André Besson l'a qualifié de garde-fou pour les entreprises d'assurances19(*). Nous remarquons d'ailleurs qu'il s'agit de deux éléments qui font partie des garanties financières qui renforcent la situation financière de l'entreprise, alors que pour l'autorité chargée du contrôle20(*) ils constituent deux instruments légaux lui permettant de jouer pleinement son rôle à l'égard de ce secteur. * 14 Avocats, médecins, expert... * 15Voir Annexe : "LES 100 MOTS CLES DE L'ASSURANCE" * 16 Voir Annexe : "LA REGLEMENTATION DES ASSURANCES" Code des assurances * 17 Il faut signaler qu'en dépit de cette ressemblance, la forme du contrôle n'en demeure pas moins différente, ce qui peut être constaté au sein de certains groupes de pays qui ont essayé d'harmoniser les lois sur le contrôle du secteur des assurances. * 18 Lorsqu'un organisme désire exercer l'activité d'assurances, il est du ressort de l'autorité de se prononcer à ce sujet. Sa réponse est soit négative et dans ce cas l'agrément est refusé, soit positive délivrée sous forme d'un agrément administratif délivré par l'autorité à l'institution en tant que reconnaissance légale et en tant qu'autorisation. * 19 Voir : André Besson "La Marge de Solvabilité en Assurances non Vie" R.G.A.T n° 1 éd 1977. * 20 Voir Annexe : La note de présentation de la DAPS. |
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